PARTIE III :  TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION DE MME MARIE-THÉRÈSE CORNETTE, PRÉSIDENTE DE LA 5ÈME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES, DE M. JEAN-MARIE MARX, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE L'ANPE, DE MME FRANÇOISE BOUYGARD, DÉLÉGUÉE ADJOINTE À LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE (DGEFP), ET DE M. ANTOINE MAGNIER, DIRECTEUR DE LA DIRECTION DE L'ANIMATION DE LA RECHERCHE, DES ÉTUDES ET DES STATISTIQUES (DARES)

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 21 février 2007

Ordre du jour

Audition de Mme Marie-Thérèse CORNETTE , présidente de la 5 ème chambre de la Cour des comptes, de M. Jean-Marie MARX , directeur général adjoint de l'ANPE, de Mme Françoise BOUYGARD , déléguée adjointe à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), et de M. Antoine MAGNIER , directeur de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES)

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M. Jean Arthuis, président - Nous attendons M. Susplugas. Est-il présent ?

Mme Françoise Bouygard, déléguée adjointe à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle - M. Susplugas m'a contactée hier soir, tard, pour m'indiquer qu'il n'était pas certain de pouvoir participer à cette audition, étant retenu à l'Assemblée nationale par le débat relatif à la loi sur le logement.

M. le président - Heureusement qu'il vous a prévenue ! Nous aurions pu l'attendre longtemps ! Est-ce à dire que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'est pas représenté ce matin ?

Mme Françoise Bouygard - Il est représenté par ses directeurs.

M. le président - Son cabinet n'est, en revanche, pas représenté.

Mme Françoise Bouygard - A cette heure, son cabinet n'est effectivement pas représenté.

M. le président - Il le sera peut-être. Nous mettrons cet incident sur le compte d'une fin de session et d'une fin de législature. Cette approche est perfectible.

Madame la présidente, Madame la déléguée, Messieurs les directeurs, Mesdames, Messieurs, mes chers collègues, nous sommes à nouveau réunis aujourd'hui pour une audition de suivi, celui d'une enquête réalisé par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la LOLF, deux semaines après une réunion particulièrement marquante relative à l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, et à sa transformation en OSEO-ANVAR.

Il s'agit aujourd'hui d'une enquête sur l'impact des aides à l'emploi sur la baisse du chômage. Depuis trop longtemps, la France souffre d'un chômage de masse et ce en dépit de la multiplicité des dispositifs destinés à améliorer l'insertion des demandeurs d'emploi. Aujourd'hui, les allègements généraux de charges sociales constituent le principal outil d'aide à l'emploi. Cette politique n'a d'ailleurs pas fait l'objet d'une évaluation définitive alors même qu'elle coûte 20 milliards d'euros par an à la Sécurité sociale. Pour autant, cette masse ne doit pas occulter l'importance des contrats aidés qui, avec plus de 5 milliards d'euros de crédits en 2005, représentent l'autre pan majeur de la politique de l'emploi.

A la différence des allègements généraux de charge, ces contrats sont fortement différenciés en fonction des publics et des objectifs à atteindre. Ils peuvent être répartis en deux catégories. On distingue, d'une part, les contrats en alternance, apprentissage et professionnalisation. Ils donnent lieu à des aides importantes dont le niveau général apparaît cependant justifié par l'utilité de l'alternance, peu contestable pour les jeunes dans la perspective d'un accès à un emploi durable. Il existe, d'autre part, et cette fois dans une acception stricte, les différents contrats aidés. Ces derniers sont destinés, pour certains d'entre eux, au secteur marchand et, pour d'autres, au secteur non marchand. Le contrat initiative emploi (CIE) est le principal contrat aidé du secteur marchand tandis que le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) est le principal contrat aidé du secteur non marchand en succédant notamment au CES, contrat emploi solidarité.

Tout oppose ces deux catégories de contrats. Le coût, d'abord : les contrats aidés du secteur marchand sont bien moins subventionnés que les contrats aidés du secteur non marchand. L'effet sur l'emploi : tel nombre de contrats aidés du secteur non marchand engendre davantage de créations nettes d'emplois que le même nombre de contrats aidés du secteur marchand, ces derniers entraînant de forts effets d'aubaine auprès des employeurs. Pour autant, leurs effets sont importants sur ce qu'il est convenu d'appeler l'ordre de la file d'attente. Enfin, les effets en termes d'insertion sont différents. Certes, les contrats aidés du secteur non marchand ne constituent pas un tremplin vers l'emploi durable, ce qui, à l'inverse, est plutôt le cas des contrats aidés du secteur marchand. En revanche, le secteur non marchand offre à des publics très éloignés de l'emploi une certaine forme d'insertion sociale dont l'intérêt ne saurait être balayé d'un revers de la main.

Nonobstant ce propos liminaire volontairement schématique, le paysage est complexe et le demeure en dépit du plan de cohésion sociale tandis que l'évaluation des différents dispositifs est encore largement lacunaire. Qu'observe-t-on cependant ? On note une forte instabilité réglementaire, une gestion des contrats aidés rendue laborieuse par l'éclatement des acteurs et un déficit de formation à l'appui de ces contrats, autant de caractéristiques du service public de l'emploi à rapprocher d'une performance globale dont notre chômage de masse ne laisse pas présumer de l'excellence.

Je ne veux pas m'avancer davantage ni empiéter sur les débats que ne manqueront pas de susciter les travaux que nous soumet, ce matin, la Cour des comptes. La présente audition, conduite selon une procédure désormais bien rodée, après réception de l'enquête de la Cour des comptes, vise à s'assurer des suites concrètes apportées à ces travaux de contrôle.

Je tiens à saluer la présence parmi nous de nos collègues de la commission des affaires sociales, de son président, Nicolas About, conformément à l'usage, une étroite association des autres commissions permanente sur l'ensemble de nos sujets d'intérêt commun ayant un impact budgétaire. Nous recevons, pour la Cour des comptes, Mme Marie-Thérèse Cornette, présidente de la cinquième chambre, Mme Christine Nigretto, rapporteur, ainsi que M. David Gruson, auditeur, qui ont participé à l'enquête. Pour le ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, est présente Mme Françoise Bouygard, déléguée adjointe à la délégation générale à l'emploi et à la formation et à la formation professionnelle (DGEFP). Nous recevons également M. Antoine Magnier, directeur de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Nous attendions M. Vincent Susplugas. Peut-être nous rejoindra-t-il. Enfin, pour l'ANPE, nous recevons M. Jean-Marie Marx, directeur général adjoint.

Pour encourager le plus large débat en cette enceinte, après les interventions liminaires de la Cour des comptes, puis, s'ils le souhaitent, des représentants du ministère et de l'ANPE, je donnerai prioritairement la parole à notre collègue rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », Serge Dassault, qui a souhaité cette enquête. Chaque commissaire, des finances comme des affaires sociales, pourra, ensuite, librement poser les questions qu'il souhaite.

Afin d'inscrire ce débat dans des délais raisonnables, il nous faut des interventions liminaires réduites à quelques observations, sachant que l'enquête de la Cour a déjà été diffusée aux commissaires des finances et des Lois. Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.

Pour commencer, je donne la parole à Mme Marie-Thérèse Cornette, présidente de la cinquième chambre de la Cour des comptes, pour qu'elle nous présente les principales conclusions de l'enquête.

Mme Marie-Thérèse Cornette, présidente de la 5 e chambre de la Cour des comptes - Merci, Monsieur le président...

Un intervenant - Ce rapport ne nous a pas été communiqué.

M. le président - Nous vous le remettrons donc. Il a été diffusé aux membres de la commission des finances. Dans la perspective d'autres auditions de suivi, nos collègues des commissions permanentes intéressés par les travaux sont invités à se mettre en relation avec la commission des finances au préalable.

Y a-t-il d'autres interventions liminaires ? Madame la présidente, vous avez la parole.

Mme Marie-Thérèse Cornette - Merci. Monsieur le président, Messieurs les sénateurs, Mesdames, Messieurs, je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter les principales conclusions de ce rapport qui est intervenu dans le cadre de la mission d'assistance de la Cour au Parlement prévue par l'article 58-2 de la LOLF. Il illustre la contribution active de la Cour dans le cadre de ces dispositions, collaboration qui a été rappelée par le premier président lorsqu'il a remis son rapport public annuel aux assemblées parlementaires. L'enquête qui vous est présentée aujourd'hui a été réalisée à la suite d'une demande du Sénat, portée par M. le sénateur Dassault. Elle a été réalisée par la Cour au premier semestre 2006 en lien avec les administrations concernées, que je tiens à remercier pour leur collaboration et qui ont été entendues au début du mois de septembre par la Cour sur les premières conclusions de cette enquête avant qu'elle n'arrête ses positions définitives.

Je rappellerai les principaux constats de cette enquête avant de souligner les enseignements que nous pourrions en tirer.

A titre préliminaire, je souhaiterais rappeler que les contrats aidés ne représentent qu'une part limitée des aides à l'emploi - 5,6 milliards d'euros en 2005 contre une vingtaine de milliards d'euros pour les exonérations de charges. Je tiens également à souligner l'impossibilité d'évaluer directement l'efficacité de ces aides en matière d'emploi sans tenir compte du contexte économique général. Il est, en effet, certain qu'en période de basse conjoncture, ces dispositifs se révèlent moins efficaces et sont plus difficiles à mettre en oeuvre.

En premier lieu, la Cour a tenu à dresser un panorama général des aides existantes. Il a fait apparaître un extraordinaire éclatement des dispositifs, la complexité des conditions de mise en oeuvre, l'instabilité de ces conditions qui varient très souvent, en dépit d'un effort de simplification apporté dans le cadre de la loi de cohésion sociale. Je ne citerai, par exemple, que la fusion des CES et des CEC dans une seule forme de contrat. Cette instabilité reste, cependant, très nuisible. En effet, les dispositifs s'empilent sans que l'on sache véritablement s'il s'agit de nouveautés ou de modifications de dispositifs anciens de sorte que les bénéficiaires, les prescripteurs et les employeurs ne sont plus au fait de leurs droits. Je souhaiterais également souligner le fait que cette situation rend toute évaluation impossible, les personnes suivies dans les cohortes n'étant pas toutes soumises aux mêmes règles et aux mêmes conditions d'entrée.

Dans ce panorama général, nous avons, par ailleurs, souvent remarqué un mouvement de balancier dans les politiques entre l'aide aux contrats du secteur marchand et l'aide aux contrats du secteur non marchand, avec des allers et retours se produisant souvent en fonction de la conjoncture. Ainsi, le contrat d'insertion du revenu minimum d'activité (CI-RMA), qui devait, à l'origine, s'appliquer aussi bien dans le secteur marchand que dans le secteur non marchand, s'est retrouvé, à peine un an après sa création, recentré sur le secteur marchand.

Ce panorama a également fait ressortir la diversité des profils des bénéficiaires - âge, sexe, niveau de qualification -, des entreprises et des régions. Nous avons établi un taux de nombre de contrats aidés pour 10.000 habitants. Nous avons constaté de très fortes disparités, la seule constante étant qu'il était plus élevé dans les régions où le chômage est le plus important.

Nous avons, ensuite, tenté d'analyser de façon spécifique le Contrat initiative emploi, contrat du secteur marchand. En effet, créé en 1995, il est le seul qui ait connu, en dépit de variations, une relative stabilité. Il paraissait donc plus facile d'étudier son évolution. Ce contrat a pour but d'aider les candidats à un poste du secteur marchand les moins bien placés pour des questions d'âge, de diplôme ou de situation de chômage de longue durée à entrer sur le marché du travail. Les entrées en CIE étaient très dynamiques, mais ce développement s'est récemment trouvé ralenti du fait de la priorité donnée au secteur non marchand. La Cour regrette que les études d'impacts du CIE, menées pour les premières générations, n'aient pas été poursuivies. En effet, ces travaux avaient montré un effet assez positif. Il avait été constaté que huit personnes sur dix sorties d'un CIE de deux ans fin 1999 occupaient encore un emploi fin 2003. Nous n'avons pu confirmer cette tendance par des analyses plus récentes.

La Cour s'est ensuite attachée à examiner la mise en oeuvre concrète de plusieurs contrats aidés issus de la loi de programmation pour la cohésion sociale : le CIE rénové, le contrat d'accompagnement pour l'emploi (CAE), le contrat d'insertion du revenu minimum d'activité (CI-RMA), le contrat d'avenir (CA). En effet, dans le cadre des mesures de décentralisation et de la LOLF, la gestion de ces contrats a été modifiée. Leur répartition devrait dorénavant se faire au niveau déconcentré par les préfets de région dans le cadre d'une enveloppe unique régionale, l'EUR. Depuis 2005, cette enveloppe concerne le CIE et le CAE, auxquels il faut ajouter le contrat d'avenir depuis 2006. La Cour a constaté que cette gestion déconcentrée et régionale était rendue difficile par des décisions prises au niveau national et qui fixaient des objectifs quantitatifs pour telle ou telle mesure, ne laissant plus guère de liberté aux préfets de région pour les adapter aux contextes régionaux. J'évoque en particulier les mesures décidées au profit des jeunes des banlieues à l'été 2005, les 50.000 contrats d'avenir pour l'Education nationale ou les 20.000 contrats d'avenir pour le secteur sanitaire et social.

Sur le terrain, l'ANPE est chargée de la mise en oeuvre opérationnelle de ces contrats. Deux agences locales, dans l'Oise et l'Essonne, ont été visitées pour les besoins de cette enquête. La Cour a constaté que l'ANPE, en tant que prescripteur, souffrait énormément de l'évolution de ces dispositifs. A peine ses agents sont-ils formés à un dispositif qu'il faut en appliquer un autre, changer les formulaires et les conditions. Elle a également noté que l'Agence n'était pas toujours à même d'identifier les publics concernés par les différentes mesures, notamment celles s'adressant aux titulaires de minima sociaux. Elle considère, toutefois, que l'Agence pourrait avoir un rôle plus actif dans la prescription et la mise en oeuvre de ces contrats. Or, aujourd'hui, elle ne fait trop souvent qu'acter des mises en relation qui ont été établies en amont, au niveau de l'employeur et de son futur salarié. Enfin, la Cour a observé une concurrence entre les mesures, que ce soit entre les mesures du secteur non marchand et du secteur marchand ou entre les mesures d'un même secteur. Cette situation est accentuée par la politique de réserve adoptée par certains conseils régionaux, qui sont pour partie financeurs des dispositifs pour ce qui concerne le CI-RMA et le contrat d'avenir, et qui ne s'engagent pas dans ces dispositifs sans un certain nombre de réserves ou sans exiger quelques garanties.

Quels enseignements tirer de ces travaux ? La Cour propose, tout d'abord, une grille de lecture de ces contrats en termes d'efficacité, en les distinguant non pas selon l'âge des bénéficiaires ou les volumes d'aides accordées mais en fonction de leur utilité sociale. Elle considère ainsi que quatre catégories peuvent être définies :


• les contrats qui visent, dans le secteur marchand, l'aide à l'emploi dans les entreprises et facilitent l'embauche de catégories de personnes ciblées (chômeurs de longue durée, seniors, jeunes peu diplômés, etc.) ;


• les contrats qui visent l'insertion sociale comme le CAE ou le contrat d'avenir pour ce qui concerne le secteur non marchand ou le CI-RMA en ce qui concerne le secteur marchand ;


• les contrats qui visent l'accompagnement renforcé dans l'emploi des publics qui ne pourraient effectuer seuls cette démarche comme le dispositif TRACE (trajet d'accès à l'emploi), qui a été suivi du CIVIS (contrat d'insertion dans la vie sociale) ;


• les contrats qui visent la poursuite d'une formation en alternance avec des temps de travail en entreprise et des temps de formation, c'est-à-dire les contrats en alternance.

La Cour dégage un certain nombre de conditions générales d'efficacité à partir de ces constats. Elle propose notamment de simplifier les dispositifs et d'assurer leur stabilité dans le temps de manière à les rendre lisibles et à pouvoir évaluer leurs effets sur les publics bénéficiaires ; d'évaluer en amont les éventuels effets de distorsion comme l'effet d'aubaine ; de veiller à une bonne information des acteurs ; de veiller à l'opérationnalité de la coordination locale sur le terrain entre les différents acteurs de la politique de l'emploi ; d'assurer, enfin, un pilotage et un contrôle effectif des dispositifs. A cet effet, nous souhaiterions citer l'exemple du soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (SEJE), créé en 2002, pour lequel aucune condition d'accès n'a été déterminée. En contrepartie de cette liberté, il avait été prévu que si les conditions n'étaient pas réunies, il fallait rembourser le contrat. Faute d'avoir défini des conditions, il s'est avéré impossible de procéder à des contrôles et nous avons observé un grand nombre de ruptures de contrats et un faible nombre de remboursements, les services gestionnaires n'étant pas en capacité d'effectuer les vérifications nécessaires. Troisième piste, s'agissant de l'impact des contrats aidés en termes d'accès à l'emploi, la Cour souligne la nécessité d'aller au-delà de l'effet sur les chiffres du chômage, qui est un effet immédiat. Elle sait qu'il est très difficile de mesurer l'impact réel de ces créations d'emplois compte tenu, notamment, des effets d'aubaine. La Cour doit, toutefois, souligner l'intérêt des travaux menés par la DARES dans ce domaine. Ces derniers ont, en effet, révélé que les contrats en alternance (professionnalisation, apprentissage) et le CIE favorisaient l'accès de leurs bénéficiaires à des emplois durables. Pour ces deux catégories de contrats, nous pouvons estimer que huit bénéficiaires sur dix rentrent dans la vie active à leur issue. En revanche, les bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand sont dans une situation moins favorable. On a pu parfois dire qu'ils étaient stigmatisés d'être passés par ces contrats, comme cela a été le cas pour les CES. Il faut, toutefois, bien noter qu'il s'agit là des personnes les plus éloignées de l'emploi et qu'il n'a pas toujours été consenti, pendant la durée de leur contrat, un effort suffisant de formation et d'acquisition des compétences professionnelles.

Enfin, la Cour s'est essayée à une analyse sur le coût moyen des contrats aidés par bénéficiaire. Ces analyses ne doivent, néanmoins, pas être lues de manière trop stricte. En effet, apprécier ces conséquences nécessiterait une prise en compte de tous les effets induits. Or nous ne les connaissons pas.

La dernière recommandation de la Cour serait de renforcer, dans l'ensemble des contrats aidés, la part de formation de leurs bénéficiaires et la validation des compétences acquises au cours du contrat. Or nous nous apercevons que le développement de la validation des acquis de l'expérience (VAE) reste très insuffisant en 2006. En effet, une très faible minorité d'employeurs de salariés en contrats aidés interrogés dans le cadre d'une enquête de la DARES déclarait programmer une VAE pour les bénéficiaires de ces contrats : 0,5 % pour le CIE, 1,5 % pour le CAE, 4,3 % pour le contrat d'avenir. Un développement de la formation et de la VAE pourrait sans doute accroître les chances à la sortie du contrat des personnes concernées.

A titre subsidiaire, s'inspirant de travaux qu'elle avait menés récemment, la Cour a examiné les conditions d'efficacité des aides à l'accès à l'emploi en direction des jeunes et des chômeurs de longue durée. Elle souligne simplement la nécessité pour ces catégories particulièrement fragiles d'un dispositif d'accompagnement renforcé vers l'emploi. Elle cite, à cet égard, l'exemple mis en oeuvre au Royaume-Uni qui peut constituer une expérience intéressante.

Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs.

M. le président - Nous vous remercions, Madame la présidente, pour le compte rendu de vos observations, de vos enseignements et de vos propositions. Nous sollicitons, maintenant, les observations des représentants du ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement.

Mme Françoise Bouygard - Je vous remercie, Monsieur le président, Madame Cornette. Nous avions eu l'occasion d'avoir un dialogue sur ce rapport avec la Cour, comme l'a rappelé Mme Cornette.

Je souhaiterais, non pas en réaction à la présentation de Mme Cornette, mais en complément, rappeler les objectifs de la réforme des contrats aidés qui a pris place dans le cadre du plan de cohésion sociale. Le premier, qui constituait une innovation importante et qui explique peut-être les difficultés d'appropriation rencontrées par le service public de l'emploi au tout début de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, était de mieux adapter l'offre de contrats aidés aux caractéristiques des marchés du travail locaux. Auparavant, les règles étaient définies nationalement ; elles étaient identiques pour l'ensemble du territoire. Sur la base des travaux d'évaluation précédents et de notre connaissance du marché du travail, il nous a semblé qu'il fallait permettre une adaptation de ces règles aux marchés du travail locaux. C'est l'objet de l'enveloppe unique régionale. Elle offre la possibilité au préfet de région de choisir les publics éligibles aux contrats aidés en fonction de la situation du marché du travail. Elle permet également de fixer les niveaux de subvention à l'embauche en fonction des caractéristiques des marchés du travail, qu'il s'agisse des personnes en difficulté ou des employeurs potentiels. Enfin, elle laisse le préfet de région libre de donner la priorité aux aides du secteur marchand ou du secteur non marchand. Il est vrai que la position du curseur, étant liée à la conjoncture économique, varie dans le temps et que nous souhaitons proposer davantage d'emplois aidés dans le secteur non marchand quand elle est très dégradée et qu'il y a peu de possibilité de retour à l'emploi pour les chômeurs de longue durée ou les allocataires de minima sociaux dans le secteur marchand dans ces périodes.

M. le président - Pouvons-nous considérer qu'il y a une véritable déconcentration ?

Mme Françoise Bouygard - La volonté d'une véritable déconcentration est réelle. Nos services s'en approprient les modalités de pilotage. J'y reviendrai. Pour la première fois dans l'histoire du ministère, nous avons monté une formation conjointe avec l'ANPE et les services déconcentrés du ministère du Travail au mois de septembre 2005 pour tenter de comprendre comment s'était déroulée l'appropriation de ces nouvelles règles. Comme l'a pointé le rapport de la Cour des comptes, nous avons constaté, à cette occasion, que cette déconcentration avait été, dans le courant de l'année 2005 et au début 2006, perturbée par des injonctions nationales destinées à attirer l'attention des préfets de région sur certains publics, notamment les jeunes et les habitants des zones urbaines sensibles. Les préfets de région ont donc dû prendre en compte des injonctions concernant des priorités d'accès aux contrats et des taux de subventions spécifiques à ces publics qui allaient à l'encontre de l'esprit de la déconcentration.

M. le président - Il ne devait effectivement pas être très simple de gérer ces contradictions.

Mme Françoise Bouygard - Il n'était pas simple de gérer ces contradictions. De mon point de vue et pour avoir participé à la conception de l'enveloppe unique régionale en 2005, elles sont inhérentes à la politique de l'emploi. De façon pragmatique, il faut accepter que les gouvernements souhaitent, dans le courant de l'année, intervenir de manière forte lorsque la situation du marché de l'emploi l'impose, ce qui suppose une grande souplesse d'adaptation pour les préfets de région et le service public de l'emploi.

Le deuxième objectif de la réforme était de mieux suivre les bénéficiaires des contrats aidés, notamment dans le secteur non marchand. En effet, comme l'a indiqué Mme Cornette, il y a une grande différence entre les contrats aidés du secteur marchand et ceux du secteur non marchand. Ainsi, dans le secteur marchand, le CIE, assez stable donc bien connu, a pour objectif premier de modifier l'ordre dans la file du chômage et de faire embaucher des personnes qui ne le seraient pas spontanément par les entreprises, sans pour autant avoir d'illusion sur le fait que ce dispositif crée des emplois en quantité supérieure. Nous sommes, en effet, conscients qu'il existe un effet d'aubaine. Comme le montrent les enquêtes de la DARES, les bénéficiaires de CIE restent en emploi. Nous ne rencontrons pas, pour ces derniers, d'importantes difficultés. En revanche, s'agissant du secteur non marchand, les travaux sur les CES ont révélé d'importantes difficultés de passage du contrat aidé à l'emploi dans le secteur marchand ou à l'emploi ordinaire, quel que soit le lieu de cet emploi. Nous avons donc souhaité mettre en place les conditions d'un meilleur suivi, notamment avec l'ANPE, en lui demandant d'assurer systématiquement, avant la fin de ces contrats dans le secteur non marchand, qui sont toujours à durée déterminée, un entretien avec le salarié pour examiner ses perspectives à l'issue du contrat, d'une part, et de mobiliser l'ensemble de ses prestations (bilan de compétences, aide à la réalisation de CV, etc.) pour aider à la sortie de l'emploi dans le secteur non marchand, d'autre part.

Madame Cornette, vous avez également dénoncé, dans un certain nombre de cas, la faible mobilisation des actions de formation et de VAE. Nos statistiques montrent que la situation n'est pas si critique. Je souhaiterais, néanmoins, indiquer à votre commission que nous rencontrons toujours de réelles difficultés à mobiliser les OPCA, organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle, en faveur de la formation des salariés en contrat aidé dans le secteur non marchand, y compris sur des territoires dans lesquels nous avons repéré des difficultés de recrutement, et ce malgré les démarches que nous avons engagées. Ce point renvoie au sujet plus général de la formation professionnelle continue en France.

Le troisième point de la réforme sur lequel je souhaitais attirer votre attention concerne le pilotage de l'ensemble. La Cour, dans son rapport, a noté une difficulté d'appropriation des dispositifs par le service public de l'emploi (SPE) ainsi qu'une difficulté pour les employeurs et les demandeurs d'emploi à se repérer au sein du SPE. Nous avons souhaité, par cette réforme, désigner un prescripteur unique, l'agence locale pour l'emploi là où précédemment il y en avait deux. En effet, par le passé, les contrats aidés du secteur marchand étaient prescrits par l'ANPE tandis que ceux du secteur non marchand étaient de la responsabilité des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTE). Nous avons souhaité confier à l'ANPE l'ensemble de la prescription, estimant que l'Agence était davantage en contact à la fois avec les demandeurs d'emploi et le monde des employeurs. Là aussi, un temps d'appropriation a été nécessaire, les employeurs du secteur non marchand - collectivités territoriales, secteur associatif - étant moins connus de l'Agence. Ce transfert de compétences des DDTE vers les agences locales pour l'emploi a été l'objet du travail que nous avons mené conjointement au cours de l'année 2005.

S'agissant de l'instabilité des règles et sans nier celle des deux dernières années, je ne juge pas anormal que le législateur modifie des règles sur la base de travaux d'évaluation et parce que certains dispositifs sont rendus obsolètes. Ainsi, à un certain moment, les travaux d'utilité collective (TUC), malgré les tentatives d'amélioration du dispositif, n'ont plus été efficaces, leur image étant nettement dégradée. Les contrats emploi solidarité ont donc été créés.

M. le président - Leur nom a donc été simplement changé.

Mme Françoise Bouygard - Dans le même temps, je constate que le législateur a modifié à trois reprises au cours de ces deux dernières années les contrats aidés du plan de cohésion sociale. Je dois tout de même préciser qu'ont principalement été modifiées les dispositions relatives au contrat d'avenir et au CI-RMA, c'est-à-dire aux deux dispositifs cogérés avec les collectivités territoriales, notamment les conseils généraux, modifications opérées soit à la demande des employeurs potentiels -les chantiers d'insertion-, soit à la demande des conseils généraux, qui trouvaient que le dispositif initial était trop cadré. Je partage, toutefois, le sentiment que ces modifications, qui ont leur légitimité et leur utilité, ont créé, sur le terrain, des difficultés de mise en oeuvre, le réseau de vente qu'est l'ANPE devant s'adapter et s'approprier ces nouvelles règles.

M. le président - Ne serait-il pas plus simple d'avoir un seul type de contrat, l'un pour le secteur marchand et l'autre pour le secteur non marchand, laissant aux acteurs locaux le soin de déterminer les dispositions opérationnelles plutôt que de passer votre temps à demander au Parlement de légiférer, de réglementer, de donner des délégations, de déconcentrer et de publier des instructions ministérielles contrecarrant les marges de manoeuvre ? Peut-être y a-t-il un peu trop de fébrilité dans ces démarches.

Mme Françoise Bouygard - L'une des propositions de l'administration au ministre était celle d'un contrat aidé unique, destiné aux secteurs marchand et non marchand, sachant que seul le niveau de subvention distingue le marchand du non marchand. Elle laissait, par ailleurs, ouverte la possibilité aux employeurs de proposer des CDI et ne tranchait pas la question de la durée du travail. Cet outil unique donnait, en outre, tout son sens à l'enveloppe unique régionale (EUR). Le service public de l'emploi régional associe les collectivités territoriales. L'esprit de l'EUR est le même : déconcentrer pour s'adapter aux politiques que les conseils régionaux et les conseils généraux mettent en place. Nous aurions pu proposer un contrat unique à la main des services...

M. le président - Quels freins avez-vous rencontrés ?

Mme Françoise Bouygard - Le choix du ministre a été différent. De façon très forte, M. Borloo a souhaité dédier des contrats aidés aux allocataires des minima sociaux. Il a tenu à distinguer au sein des contrats aidés, deux contrats, le CI-RMA dans le secteur marchand et le contrat d'avenir dans le secteur non marchand, réservés aux allocataires des minima sociaux. Depuis la mise en oeuvre du RMI, en 1988, le ministère de l'Emploi considérait que ces derniers étaient des personnes en difficulté sur le marché de l'emploi comme les autres et qu'il n'y avait pas lieu de leur dédier un dispositif particulier. Le ministre a fait le constat que tant que nous ne dédions pas des contrats aidés aux allocataires des minima sociaux, nous ne portons pas l'effort en direction de ces personnes au niveau adéquat. Il faut donc identifier une politique à leur égard. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas mis en place de contrat unique.

M. le président - Merci Madame. Vous en avez donc terminé pour ces premières répliques aux propos de la Cour. J'invite le directeur de la DARES, M. Antoine Magnier, à intervenir.

M. Antoine Magnier, directeur de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) - Merci, Monsieur le président. Je reviendrai, dans un premier temps, sur les principaux enseignements que nous pouvons tirer des travaux d'évaluation menés par la DARES au cours des quinze dernières années. J'apporterai, ensuite, quelques éléments de réponse aux propos développés par Mme Cornette.

En ce qui concerne ces dispositifs spécifiques d'aide à l'emploi, leur logique est simple. Il s'agit de mesures ciblées sur des publics qui connaissent des difficultés particulières ; elles comportent des baisses particulières de coûts, une mise en situation et, pour certains d'entre elles, des mesures d'accompagnement et de formation renforcées. Un grand nombre de ces dispositifs s'inscrit dans des parcours d'insertion et ont vocation, de fait, à renforcer le capital humain des bénéficiaires. Comme cela a été indiqué, ces dispositifs sont très variés, mais ils s'adressent également à une grande variété de publics.

S'agissant des études d'évaluation, la première difficulté est que ces dispositifs ont différentes finalités et ce à différents horizons :


• réduction du chômage à court ou moyen terme ;


• renforcement de l'insertion professionnelle des bénéficiaires dans une perspective de court ou moyen terme, dans un contexte où certains d'entre eux sont, à l'origine, très éloignés de l'emploi ;


• logique de formation ;


• logique d'insertion sociale pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Ces différentes finalités compliquent, de fait, les travaux d'évaluation puisqu'on ne sait pas toujours très bien définir les objectifs prioritaires assignés à ces contrats.

Que retenir des travaux menés à la DARES depuis une dizaine d'années ? Premier enseignement, si l'on s'intéresse aux effets à très court terme de ces dispositifs sur l'emploi et le chômage, les études menées à partir d'enquêtes ou de simulation suggèrent que les dispositifs d'aide à l'emploi dans le secteur non marchand sont accompagnés de moindres d'effets d'aubaine et de substitution que ceux du secteur marchand. Ils permettent donc à très court terme d'augmenter l'emploi et de réduire le chômage. En effet, pour 100 emplois aidés dans le secteur non marchand créés, l'effet net favorable sur l'emploi après prise en compte des effets d'aubaine et de substitution est d'environ 70 à 80 alors que pour les dispositifs d'aide à l'emploi marchand, les effets d'aubaine et de substitution sont plus élevés. Ainsi, pour 100 CIE, l'effet net sur l'emploi serait de l'ordre de 15. Pour les dispositifs comme l'apprentissage, il serait de 30.

Si l'on s'intéresse à l'insertion professionnelle dans une perspective de moyen terme, la hiérarchie entre contrats du secteur non marchand et du secteur marchand se trouve inversée. Les travaux menés à partir de notre panel de bénéficiaires, dispositif qui a consisté au cours des années 90 et 2000 à interroger les bénéficiaires de ces contrats quelque temps après leur sortie de ceux-ci, ont, en effet, montré que les dispositifs d'aide à l'emploi permettent d'autant plus de rapprocher les bénéficiaires de l'emploi classique qu'ils en sont proches et que les bénéficiaires sont, eux-mêmes, moins éloignés de l'emploi. Comme l'a indiqué Mme Cornette, de ce point de vue, les dispositifs du secteur marchand apparaissent plus favorables avec une insertion rapide et durable des bénéficiaires de CIE, de contrats d'alternance ou d'apprentissage. En revanche, les dispositifs du secteur non marchand, notamment le CES, font apparaître des taux d'insertion moins élevés à une perspective de quelques années et une plus grande adhérence des anciens bénéficiaires aux emplois aidés.

Les travaux menés à la DARES montrent, par ailleurs, que la capacité à insérer les publics dans l'emploi dépend également assez fortement de la conjoncture. Ainsi, nous avons notamment observé qu'avec le retournement de la situation économique au début des années 2000, la capacité à réinsérer dans l'emploi a diminué.

Nos travaux ont, en outre, souligné l'effet positif de l'accompagnement de ces dispositifs d'aide à l'emploi.

Je souscris à l'idée que pour tendre à l'efficacité de ces contrats, il vaut mieux estimer en amont les effets de distorsion (effets d'aubaine). La stabilité des dispositifs ainsi qu'une bonne connaissance des publics et des acteurs concernés sont, elles aussi, des conditions d'efficacité.

Mme Cornette a, par ailleurs, regretté l'absence d'études récentes sur l'insertion en emploi d'un dispositif comme le CIE. Cette situation s'explique par le fait que ces études sont lourdes à mener. Il est, en outre, compliqué de mener ce type d'enquêtes lorsque les dispositifs changent, ce qui a été le cas ces dernières années pour ce contrat.

M. le président - Merci. Nous allons, maintenant, entendre celui qui manie cette instabilité avec maestria. Il pourra très facilement expliquer la diversité de ces contrats. Monsieur Marx, vous avez la parole.

M. Jean-Marie Marx, directeur général adjoint de l'ANPE - Merci, Monsieur le président. Nous partageons globalement les conclusions de la Cour. Je formulerai d'abord trois remarques d'ordre général avant de revenir au rôle de l'Agence. La première est que tous les contrats aidés s'inscrivent bien dans des parcours de retour à l'emploi ordinaire des demandeurs d'emploi. Ces démarches sont plus faciles lorsqu'il s'agit de contrats aidés dans le secteur marchand. Dans le secteur non marchand, les contrats aidés constituent davantage une étape dans le cadre du parcours de retour de l'emploi.

Deuxième remarque, les contrats aidés dans le secteur marchand ont un intérêt contra-cyclique. En effet, il s'agit bien de changer la liste du retour à l'emploi, pour faciliter le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi, de façon à permettre notamment aux personnes les plus fragilisées d'avoir des chances de retourner à l'emploi, y compris au cours de périodes défavorables.

Ma troisième remarque générale est la suivante : l'ensemble de ces mesures présentent un intérêt en termes d'application territoriale et locale puisque l'essentiel se joue au niveau des bassins d'emploi, d'où l'importance de la territorialisation de ces moyens. De ce point de vue, le service public de l'emploi a fortement progressé au cours des dix dernières années. Nous travaillons en concertation interne, avec les collectivités locales et les partenaires locaux sur les diagnostics et un ajustement de la mise en oeuvre de ces politiques.

S'agissant du rôle de l'Agence en tant qu'opérateur, il est vrai que nous sommes confrontés à un éclatement des responsabilités en termes de mise en oeuvre ou de définition des mesures pour l'emploi : l'Etat, puisqu'il s'agit de politiques non décentralisées ; les collectivités locales, qui prennent des responsabilités croissantes, notamment au travers de l'activation du RMI ou des contrats d'avenir ; les partenaires sociaux, au travers des contrats en alternance ou de certaines aides de l'assurance chômage. Le rôle de l'opérateur ANPE a été renforcé dans le cadre de la mise en oeuvre de ces mesures au cours des dernières années, notamment depuis 2005 puisque l'Agence est l'opérateur unique pour l'Etat et partage ces interventions pour le compte des conseils généraux. 70 conseils généraux nous ont, en effet, confié la mise en oeuvre du contrat d'avenir. Nous sommes également l'opérateur des partenaires sociaux et de l'Unédic. Dans un contexte d'éclatement des responsabilités, il est d'autant plus important que l'opérateur ANPE soit renforcé dans le cadre de la mise en oeuvre de ces mesures.

Autre point important, la responsabilité de l'Agence en matière de prescription de ces mesures paraît aller de soi. Elle est importante. Mme Bouygard l'a indiqué : précédemment, les directions du travail étaient en responsabilité des mesures CES, contrats aidés du secteur non marchand, mais elles n'avaient pas de contact direct avec les demandeurs d'emploi. Dans ce contexte, la responsabilité de l'Agence en tant que prescripteur est importante. Ce rôle est renforcé dans le cadre du suivi personnalisé des demandeurs d'emploi depuis le 1 er janvier 2006 puisque l'Agence reçoit dorénavant mensuellement tous les demandeurs d'emploi à compter du quatrième mois d'inscription et que chaque demandeur d'emploi a un conseiller référent. Cette meilleure connaissance des publics permet une meilleure prescription de ces mesures et un suivi optimisé des demandeurs d'emploi vers l'emploi.

L'Agence connaissait bien les employeurs du secteur marchand. Elle a dû consentir des efforts pour une meilleure couverture de ceux du secteur non marchand depuis un an. Nous nous sommes d'ailleurs réorganisés en profondeur pour prendre en compte ces nouvelles responsabilités en mettant en place des équipes spécialisées, notamment pour les contrats aidés du secteur non marchand, et en partageant des responsabilités avec le CNASEA, lui transférant l'ensemble de la responsabilité financière de la gestion des mesures, ce qui nous a permis de dégager des moyens pour la mise en oeuvre de ces nouveaux contrats.

Dernier élément, nous avons été responsabilisés dans le cadre du suivi des personnes bénéficiaires de ces contrats aidés en cours d'emploi. Cet objectif est tout à fait nouveau. Ce n'était pas le cas précédemment avec les CES ou les CEC. Nous pouvions alors être associés à la prescription de ces mesures, mais nous retrouvions les bénéficiaires lors de leur réinscription en tant que demandeurs d'emploi à l'issue de leur contrat. Nous intervenons donc dorénavant en cours d'emploi. Cela se traduit par des entretiens réguliers avec les demandeurs d'emploi, notamment dans le cadre du renouvellement des contrats. En effet, un ou deux mois avant le terme du contrat, est organisé un entretien systématique entre le demandeur d'emploi et son conseiller référent qui suivra son parcours de retour à l'emploi, ce qui accroît encore l'efficacité de cette action. Nous sommes également en situation de pouvoir mobiliser des prestations de l'Agence : mise en relation avec des employeurs, bilan de compétences, accompagnement vers l'emploi, y compris dans l'emploi ordinaire, prestations d'évaluation. L'objectif est que le contrat aidé soit un sas vers l'emploi ordinaire.

Ces éléments ne se retrouvent pas dans les chiffres évoqués, ces dispositions étant tout à fait nouvelles. Comme il l'a été précisé, 40 % des bénéficiaires de CES sont en emploi trois ans après la fin de leur contrat. Il importe de poursuivre ces travaux d'évaluation. Je suis persuadé que la mobilisation du service public de l'emploi permettra d'accroître l'efficacité de ces mesures en termes de retour à l'emploi ordinaire.

Enfin, s'agissant de l'impact de ces mesures, il faut noter que l'année 2006 s'est achevée avec une forte diminution du chômage de longue durée ou tout du moins par une diminution plus importante que celle du chômage en général. En effet, le taux de chômage de longue durée a enregistré un recul de 13 % ; le nombre des chômeurs de longue durée entre un et deux ans a, quant à lui, régressé de 17 %. Ce phénomène est, en grande partie, lié à la mobilisation de ces contrats aidés, notamment du contrat d'avenir pour les allocataires des minima sociaux.

M. le président - Merci pour ces précisions, Monsieur Marx. Nous constatons que l'Agence est complètement mobilisée. Je note que pour les règlements, vous passez par le CNASEA. Pourquoi ne pas passer par le réseau de la comptabilité publique ?

Mme Françoise Bouygard - Ce choix date de la création du CES, sur la base d'un constat, juste à l'époque. En 1990, le réseau de la comptabilité publique a été jugé incapable de payer suffisamment rapidement les employeurs du secteur non marchand, notamment les petites associations.

M. le président - Nous sommes là au coeur d'un objectif de performance de l'Etat. Puisque ce dernier est incapable d'assurer les paiements en temps réel, il a été choisi de confier cette tâche à un tiers extérieur plutôt que d'engager des réformes. La modernisation est en marche !

Mme Françoise Bouygard - Il est exact que nous avons confié au CNASEA, pour la raison que j'ai évoquée, la gestion des CES. Il est également vrai que le CNASEA, en tant qu'établissement public, a été en capacité non seulement d'effectuer les versements en temps utile mais aussi de mettre en place un système d'information performant nous permettant de piloter l'enveloppe unique régionale et de disposer de bases de données statistiques.

M. le président - Il est pour le moins profondément choquant que l'Etat ayant dans ses missions d'intérêt général à assumer des fonctions et constatant que ses propres services sont dans l'incapacité de remplir leurs missions, les confie à un tiers plutôt que d'engager des réformes.

Mme Marie-Thérèse Cornette - L'efficacité du CNASEA est liée au fait que cet établissement ne procédait à aucun contrôle a priori - ce que les services de l'Etat ne peuvent bien entendu pas se permettre - pour effectuer ses versements. La Cour contrôlant régulièrement cet établissement lui a recommandé d'instituer des modalités de contrôle, notamment par sondage, pour éviter...

M. le président - Qui est le président du CNASEA ? Cet établissement est probablement dirigé par un haut magistrat de la Cour des comptes.

Mme Marie-Thérèse Cornette - Nous avons beaucoup insisté pour que le CNASEA se dote de règlements comptables fiables.

M. le président - Certains d'entre nous doivent se souvenir d'une audition de la Cour qui avait diligenté une enquête à la demande de la commission des finances sur le CNASEA. De véritables irrégularités avaient alors été constatées, ce qui mettait en difficulté le président du CNASEA, haut magistrat de la Cour des comptes. Je ferme cette parenthèse et invite Monsieur Nicolas About, président de la commission des affaires sociales à s'exprimer s'il le veut bien.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales - Merci, Monsieur le président. Je souhaiterais formuler quelques remarques. J'ai noté avec grand intérêt que dans cette politique d'aide à l'emploi, la présidente, Mme Cornette, avait posé comme premières conditions la simplification et la stabilité, ce qui peut paraître ne pas aller de soi. En effet, nous n'arrêtons pas de simplifier, ce qui entraîne une certaine instabilité. Il conviendrait donc peut-être de définir ce que nous souhaitons véritablement faire et tenter de s'y tenir quels que soient les Gouvernements en place. Ma première question serait donc la suivante. Compte tenu de la difficulté de la montée en puissance des contrats d'avenir et du CI-RMA, n'y aurait-il pas lieu de simplifier davantage ces contrats ou serait-ce porter atteinte à la stabilité ?

Ma deuxième remarque porte sur les emplois aidés. Dans le secteur marchand, 15 % des emplois seraient véritablement nouveaux ; dans le secteur non marchand, ce taux serait compris entre 70 et 80 %. Ces éléments donnent l'impression qu'il faudrait donc se tourner vers le second. Or nous nous rendons compte que les aides apportées au secteur non marchand sont de nature différente. Il me semble qu'elles y sont deux fois plus importantes. Du temps du CES, elles étaient, en effet, de 8.000 euros par an et par contrat. Aujourd'hui, pour les emplois du secteur marchand, elles avoisinent les 4.000 euros. Les collectivités locales ont plus de facilité à aller vers ces emplois aidés puisqu'ils sont quasiment pris en charge. Ces contrats créent donc des emplois supplémentaires. Reste à savoir s'ils étaient véritablement nécessaires. Ces actions relèvent davantage de l'insertion. Vous l'avez d'ailleurs vous-mêmes indiqué puisque vous avez déclaré que la plupart de ces emplois s'installaient dans un assistanat. Est-ce souhaitable ? Je n'en sais rien. Le président de la commission ne peut, bien entendu, être opposé à l'insertion sociale. Dans la vision d'un emploi durable et d'une réinsertion dans l'emploi, je doute, toutefois, de l'efficacité de ces contrats.

J'en viens à une seconde question : pouvons-nous escompter des bénéfices d'un nouveau contrat unique qui placerait l'ensemble des employeurs du secteur marchand et du secteur non marchand à égalité et qui nous permettrait de juger de son efficacité et des effets d'aubaine ?

Enfin, ma dernière réflexion porte sur les exonérations. Je la laisserai à mon collègue Alain Vasselle, qui a la mission de veiller à la bonne utilisation des fonds sociaux.

M. le président - Je souhaiterais que nous n'avancions pas sur ce terrain, qui ne relève pas de l'enquête. Deux questions ont été posées par Nicolas About. Qui souhaite y répondre ?

Mme Françoise Bouygard - Aujourd'hui, dans la situation de l'emploi que nous connaissons, ma conviction est que nous ne pouvons nous passer d'aides à l'accès à l'emploi des publics en difficulté aussi bien dans le secteur marchand que dans le secteur non marchand. La question n'est pas de déterminer la meilleure des formules. Nous savons, en effet, que les personnes recrutées avec une aide dans le secteur marchand ne sont pas les mêmes que celles embauchées dans le secteur non marchand. Notre préoccupation, qui est double, est d'une autre nature. Il s'agit d'abord de bien positionner le curseur entre secteurs marchand et non-marchand. Ce n'est pas facile. Notre conviction est qu'en déconcentrant cette décision, elle sera prise dans de meilleures conditions. Le lien de causalité entre notre réforme, les modalités de mise en oeuvre des contrats aidés et les effets favorables que nous constatons n'est pas totalement établi. A ce jour, nous ne disposons, en effet, pas d'éléments d'évaluation nous permettant d'aller plus loin dans la mise en évidence de ce lien vertueux auquel nous croyons.

Nous faut-il simplifier ces dispositifs en proposant un contrat unique ? Selon moi, il s'agit d'un acte politique. Aujourd'hui, que signifierait un contrat unique ? Une telle mesure reviendrait à supprimer les contrats dédiés aux allocataires des minima sociaux. Or, je vous ai rappelé que la société avait envoyé un signal fort en direction de ces publics mais également des détracteurs de ces minima sociaux. Un contrat unique abrogerait également les contrats dédiés aux jeunes. Pour les raisons évoqués précédemment par M. le président, le contrat unique, permettant une adaptation au plus près des besoins du terrain, représente, à mes yeux, une solution satisfaisante. Dans une certaine mesure, il nous garantirait contre une instabilité des règles trop importante, sachant toutefois que rien n'empêcherait le gouvernement ou le Parlement de décider que le contrat unique serait plutôt destiné à tel ou tel public. Je le répète : il relève d'un acte politique ; il signifierait qu'il n'y a plus de signal politique même si, sur le terrain, des politiques pourraient être conduites en direction des jeunes en difficulté ou des allocataires des minima sociaux ; cette priorité ne serait plus marquée si l'on propose un contrat unique. Ce sujet est vraiment très politique.

J'ai indiqué que nous rencontrions des difficultés à établir une causalité entre les nouvelles modalités que nous avons adoptées dans la mise en oeuvre des contrats aidés et les résultats favorables que nous constatons à la fin 2006. Nous avons également du mal à sensibiliser à la nécessité de l'évaluation. Si nous en sommes convaincus autour de cette table, cet intérêt n'est, en effet, pas évident. Je tiens à en donner un exemple. Nous lançons, avec la DARES, une enquête auprès de chaque bénéficiaire d'un contrat aidé six mois après la fin de ce contrat pour connaître leur situation sur le marché du travail. Cette enquête est systématique. Elle n'est pas menée sur un échantillon statistique et doit nous servir non seulement à calculer des statistiques mais également à aider les acteurs de terrain à piloter. Elle nous permettra, par exemple, de nous rendre compte que le financement de contrats aidés dans une certaine association donne des résultats très médiocres, soulevant ainsi la question de l'opportunité de poursuivre le travail conduit avec elle. Cette enquête, dont les premiers résultats sont attendus pour le mois d'avril ou dE mai, a un coût annuel moyen de 650.000 euros, ce qui semble peu au regard des pratiques d'autres pays européens. En effet, certains affectent à l'évaluation de leur politique publique une part du coût de ces politiques. Nous n'avons pas les mêmes pratiques, finançant, avec l'accord tacite du ministère des Finances, ces travaux sur l'enveloppe des contrats aidés elle-même. Ce n'est pas choquant, mais nous faisons toujours figure, en matière d'évaluation, de passagers clandestins.

M. le président - Le ministère des Finances manifeste ainsi sa confiance à votre égard.

Mme Françoise Bouygard - J'en prends acte. Je n'en avais pas une telle lecture.

M. le président - Nous vivons sous le poids des traditions !

Mme Françoise Bouygard - Je tiens à préciser que notre démarche vise également à responsabiliser nos réseaux non pas sur des objectifs de consommation mais sur des objectifs de résultats - fixés conjointement, pour 2007, par la DGEFP et la DGANPE. Le fait que le courrier signifiant les résultats à atteindre soit signé par les deux directeurs généraux peut sembler symbolique. Il est, à mes yeux, très important pour les réseaux de voir qu'un seul objectif a été fixé et qu'il est partagé. Nous souhaitons aller plus loin et travailler sur les objectifs annuels avec l'Unédic. Tous les mois, une réunion du service public de l'emploi national, à laquelle participent les directeurs généraux de l'ANPE, de la DARES, de la DGEFP et de l'Unédic, est organisée.

M. le président - L'Unédic suit-elle ce mouvement ?

Mme Françoise Bouygard - Oui, puisque ces réunions sont organisées. Elles s'appuient sur un groupe de travail constitué de représentants des directions générales spécialiste de ces questions, appelé service public de l'emploi technique. Son objectif est de créer un tableau de bord partagé des politiques mises en place sur les territoires.

M. le président - C'est la révolution !

Mme Françoise Bouygard - Cette révolution est silencieuse, mais elle est probablement celle qui avance le plus rapidement. Objectif encore plus ambitieux, nous souhaiterions également parvenir à travailler avec les collectivités territoriales sur ces objectifs partagés. Je suis optimiste, constatant sur le terrain que la réalité des relations est plus positive que l'image que nous en avons depuis l'administration centrale.

M. le président - Je donnerai, maintenant, la parole à celui qui est à l'origine de cette réunion, Serge Dassault. En sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », il a, en effet, souhaité que la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la LOLF, diligente une enquête. Sa performance, quand il s'est saisi de cette mission, est tout à fait remarquable. Le budget était alors de l'ordre de 30 milliards d'euros ; il est passé sous la barre des 10 milliards d'euros, ce qui est tout à fait extraordinaire, les 20 milliards d'euros d'exonération de Sécurité sociale ont bénéficié d'un traitement imaginatif.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » - Si nous avions réalisé une véritable économie, j'aurais été satisfait. Faire passer l'opération du budget des finances au budget de la Sécurité sociale est un tour de passe-passe qui n'arrange rien.

Je reste totalement sur ma faim. En effet, la somme des exonérations de charges, des contrats aidés et de différentes activités s'élève à 30 milliards d'euros. Le commissaire des finances a pour mission de gérer correctement les finances de l'Etat. Or dépenser 30 milliards d'euros en emprunts de fonctionnement, c'est-à-dire en emprunts récurrents, soulève la question du résultat de ces pratiques, que l'on peut qualifier d'horribles sur le plan de la gestion financière. Je vous rappelle que l'objectif recherché par le Gouvernement est de réduire le chômage et, par conséquent, d'apporter à l'entreprise davantage d'emplois. Or nous savons qu'il existe des emplois dans les entreprises ; le problème réside dans le fait que les demandeurs d'emploi n'y sont pas formés. A quoi servent donc ces politiques ? Nous y allouons un budget considérable, qui représente la quasi-totalité du déficit budgétaire, d'un montant de 35 milliards d'euros cette année. A quoi servent ces 30 milliards d'euros par rapport à l'ensemble des dépenses de l'Etat nécessaires au fonctionnement de l'administration et des services ? Cette question est tout de même légitime et je n'y ai pas obtenu de réponse claire.

J'aurais souhaité que ces aides à la Sécurité sociale soient tout de même chiffrées. Elles pourraient être supprimées. Le Gouvernement a décidé que toute augmentation du Smic ou toute autre opération pour faciliter l'emploi et faire fonctionner l'entreprise, ce qui est louable, s'accompagnerait d'une prise en charge des charges. Ces pratiques perdurent malheureusement. Les candidats ont, en effet, indiqué que pour faciliter l'emploi, ils prévoyaient des exonérations de charges. Il est, à mon sens, stupide que l'Etat prenne en charge ces exonérations, même si ces dernières satisfont les entreprises. Si ces charges n'étaient pas payées par l'Etat, ce qui correspond à ma première proposition, les entreprises devraient prendre en charge la différence. Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles l'Etat, qui a une charge considérable de fonctionnement de tous les services, devrait payer une partie des salaires des entreprises privées. L'Etat n'a pas à payer une partie des salaires ! En revanche, l'Etat pourrait, de manière plus astucieuse, supprimer ou diminuer ces charges salariales, qui sont effectivement rédhibitoires, les remplaçant par d'autres que la commission des finances étudie actuellement. J'aurais donc souhaité savoir ce à quoi servaient ces 20 milliards d'euros.

Ensuite, les aides à l'emploi représentent 5 milliards d'euros. Je l'affirme : je suis opposé aux aides à l'emploi dans le secteur non marchand. Ces dernières sont, en effet, des aides sociales ; en tant que telles, elles ne permettront pas de créer de la croissance et d'augmenter l'activité des entreprises. En revanche, les aides à la formation et à l'apprentissage, qui permettent à leurs bénéficiaires d'acquérir un métier et de participer à l'activité de l'entreprise, me semblent extrêmement utiles. Le CIE est, lui aussi, important et donne des résultats. Ma mission locale me l'a confirmé ; elle mène ce travail et parvient à mettre au travail des jeunes sortis du collège sans formation et sans emploi, inactifs et qui créent des problèmes. 500 à 600 emplois sont ainsi créés pour des jeunes qui n'y étaient pas formés. Le CIE joue un rôle important. Je serais donc très favorable à une augmentation des aides à la formation professionnelle et à l'apprentissage. Il ne sert, en effet, à rien que les demandeurs d'emploi travaillent à balayer la cour pour rien ; ces pratiques relèvent du collectivisme. En revanche, participer à l'activité de l'entreprise crée de la croissance et des activités nouvelles.

La formation professionnelle est donc nécessaire. Tout ce qui concerne la formation professionnelle et le CIE est donc souhaitable. A contrario, les aides au secteur non marchand sont inutiles ou, tout du moins, ne devraient pas être proposées par l'Etat pour réduire le chômage.

J'aurais donc souhaité que ce budget soit réduit ou qu'il soit transformé dans des activités nouvelles. Sur ce budget de 30 milliards d'euros, 20 milliards d'euros sont destinés aux exonérations de charges, 5 milliards d'euros aux aides à l'emploi, les 5 derniers milliards étant affectés à d'autres opérations, dont le financement de l'ANPE. L'ANPE coûte d'ailleurs relativement cher et je ne suis pas convaincu de son efficacité. Je serais donc favorable au développement du CIE et, surtout, de la formation professionnelle.

Enfin, si l'Etat a les moyens de faciliter l'entreprise et l'emploi, il ne faut pas passer par le bas mais par le haut. Il ne sert à rien de chercher à aider les personnes qui ne veulent pas travailler ; il faut aider les entreprises à créer des emplois par une activité nouvelle et transformer les emprunts de fonctionnement, qu'un certain nombre de candidats souhaitent voir disparaître - position que je partage - en aides à l'investissement pour les entreprises. Aujourd'hui, sans ces aides, elles ne peuvent créer d'activités nouvelles, donc de croissance et d'emplois. J'ai donc demandé cette audition et j'avoue que je ne suis pas très renseigné. Tous les emplois marchands ont une certaine rentabilité ; les aides au secteur non marchand relèvent, quant à elles, de l'aide sociale et n'ont rien à voir avec l'emploi. Je serais donc enclin à les réduire fortement pour reporter ces crédits sur d'autres activités, permettant par exemple aux PME de développer leurs activités, de moderniser leur outillage ou d'exporter. Ces aides seraient utiles à long terme alors que celles au secteur non marchand, récurrentes, créent des déficits budgétaires inadmissibles.

M. le président - Merci, Monsieur le rapporteur spécial. Vos propos ont suscité des réactions et des demandes d'intervention. Je laisserai, d'abord, la parole à Mme la présidente Cornette.

Mme Marie-Thérèse Cornette - Merci, Monsieur le président. Je crois que nous pouvons tout à fait souscrire aux propos de M. le sénateur Dassault s'agissant de la formation. Nous l'avons bien montré. Je souhaiterais rappeler qu'une partie importante du budget de 5,6 milliards d'euros concerne les exonérations liées aux contrats d'apprentissage et en alternance. Ces contrats permettent bien à leurs bénéficiaires d'acquérir un métier. Nous avons vu que les personnes étant passées par une filière d'apprentissage avaient beaucoup plus de chances que les autres d'accéder à un emploi ordinaire. Une bonne partie de ces crédits servent donc bien à la formation professionnelle.

Je soulignerai, ensuite, la deuxième recommandation de la Cour qui consiste à accroître le volet formation professionnelle de l'ensemble des contrats aidés. Il s'agirait de faire en sorte qu'aucun bénéficiaire de ces contrats n'en sorte moins équipé pour faire face au monde du travail et occuper un emploi normal qu'il ne l'était en entrant, ce qui n'est pas certain aujourd'hui. La recommandation de la Cour est donc de veiller à la présence systématique de ce volet formation et le sanctionner le plus souvent possible par un diplôme.

M. le président - Devons-nous comprendre que ces dispositifs de formation doivent être mieux structurés ? Aujourd'hui, nous pourrions, en effet, avoir l'impression d'une sorte de fatalisme, les formations dispensées n'étant pas encore construites correctement. Il faudrait que l'ensemble des acteurs de la formation se ressaisissent et considèrent que la formation constitue un acte majeur et qu'elle ne peut être un bricolage, comme nous pouvons le voir ici ou là.

Mme Marie-Thérèse Cornette - A cet égard, je souhaiterais insister sur la nécessité de mutualiser, s'agissant de l'alternance, les crédits collectés dans le cadre du prélèvement obligatoire pour la formation professionnelle. L'alternance représente, en effet, une occasion unique de mutualiser ces fonds et d'allouer ces budgets à des secteurs en tension, dans un objectif d'intérêt commun. Tel est d'ailleurs le but de la création du fonds unique de péréquation.

M. le président - Le Sénat a d'ailleurs pris la décision de constituer une mission unique associant plusieurs commissions permanentes pour évaluer les politiques de formation.

Madame Bouygard, souhaitez-vous, à votre tour, intervenir ?

Mme Françoise Bouygard - S'agissant de la formation, M. le sénateur Dassault et Mme Cornette ont tous deux insisté sur l'importance de l'adaptation des compétences des actifs aux emplois disponibles. Nous sommes, aujourd'hui, auditionnés sur les contrats aidés. Nous n'avons donc pas présenté l'ensemble des activités du ministère de l'Emploi. Nous serons prochainement auditionnés sur la formation professionnelle dans le cadre des travaux que vous avez évoqués, Monsieur le président. Je partage votre sentiment sur la nécessité de mettre l'accent sur la formation professionnelle, notamment des jeunes. Nous devons, en effet, éviter de trouver, dans plusieurs années, sur le marché du travail des personnes qui auraient été mal formées, c'est-à-dire des situations de quasi exclusion nécessitant, aujourd'hui, des contrats aidés dans le secteur non marchand. Si nous supprimions ces derniers, leurs bénéficiaires resteraient au chômage plus longtemps encore. Or nous savons que la durée du chômage constitue en elle-même un facteur de difficulté pour le retour à l'emploi. Certaines personnes s'éloignent de plus en plus de l'activité et se désocialisent. Les emplois du secteur non marchand sont donc, selon moi, utiles, même s'ils sont perfectibles. Je partage le sentiment de la Cour sur ce point. Nous y travaillons. Je ne prétends pas que nous ayons atteint un optimum.

En ce qui concerne la formation professionnelle, je souhaiterais rappeler que la France y alloue chaque année un budget de 24 milliards d'euros. La préoccupation est donc bien celle qu'a énoncée Mme Cornette : le bon usage de ces sommes. Nous aurons peut-être l'occasion de nous exprimer sur ce point. Le bon usage de ces budgets nécessite peut-être des réformes structurelles très importantes.

Quant à la formation des bénéficiaires de contrats aidés, je ne partage, en revanche, pas votre point de vue. J'estime, en effet, que le systématisme n'est pas souhaitable. Il faut avoir, pour chaque personne, une idée de ses besoins. C'est tout le sens du travail mené par l'ANPE dans la prescription des contrats aidés. Ces besoins peuvent relever de la formation, mais également de l'accompagnement, de la VAE ou du bilan de compétences. Nous avons longtemps cru que la formation professionnelle était un remède magique. Or, ce n'est pas toujours le cas. Nous devons adapter nos réponses. Cela ne signifie pas que nous jugions l'organisation de la formation professionnelle sur le territoire performante, y compris pour les contrats aidés. Je citais précédemment les difficultés que nous rencontrions à impliquer les OPCA dans ces politiques.

La Cour a particulièrement insisté sur la formation des CIE. Ce sujet ne me semble pas pertinent puisque 80 à 85 % de leurs bénéficiaires restent dans l'emploi. Je rappellerai, par ailleurs, qu'ils sont en entreprise et, à ce titre, éligibles au plan de formation. Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles l'Etat devrait ajouter au 24 milliards d'euros destinés, chaque année, à la formation professionnelle continue des crédits pour des actions relevant d'une responsabilité de l'employeur. Les bénéficiaires de CIE sont des salariés de l'entreprise. A ce titre, s'ils nécessitent une adaptation de leurs compétences, leur formation peut et doit être financée par l'entreprise.

M. Antoine Magnier - Je souhaiterais apporter un complément au sujet des emplois aidés du secteur non marchand et, si vous m'y autorisez, Monsieur le président, présenter quelques éléments de réponse à la question des allègements de charges évoquée par M. Dassault.

S'agissant des emplois aidés non marchands, les travaux que nous menons à partir de notre panel des bénéficiaires montrent qu'à l'horizon de deux à trois ans, 60 % des anciens bénéficiaires de CES sont encore en emploi. Cette proportion est sensiblement plus élevée que celle observée chez une population témoin. Ce résultat signifie concrètement que le nombre de ces personnes au chômage ou en inactivité est moindre. Il est vrai que ceci résulte d'un plus grand nombre de personnes en contrat aidé. Reste, in fine, que le taux d'emploi des personnes, après trois ans, est supérieur à celui de la population non aidée. Nous pouvons donc penser que leur capital humain s'est moins dégradé.

La philosophie des allègements de charges est simple : cette mesure générale vise à réduire le coût du travail et à améliorer ainsi l'employabilité des travailleurs peu qualifiés que le niveau de Smic, trop élevé au regard de leur productivité, a évincé de l'emploi. Il s'agit de les ramener vers l'emploi. Que dire de leur efficacité ? En pratique, nous disposons d'un grand nombre d'études sur les allègements de charges mis en oeuvre avant la réduction du temps de travail, c'est-à-dire avant 1998. Une grande partie d'entre elles sont ex ante ; seules une ou deux s'appuient sur des données véritablement observées ex post. Elles présentent des chiffres variables, mais suggèrent que cette première vague d'allègements de charges - environ 6 milliards d'euros en 1997 - aurait contribué à rehausser l'emploi ou éviter des destructions d'emplois, préservant de 100.000 à 500.000 emplois. L'examen attentif de l'ensemble de ces études réalisées conjointement avec la Direction général du trésor et de la politique économique du ministère des Finances nous laisse à penser qu'elle a permis de créer ou de sauvegarder près de 300.000 emplois, pour un coût de 6 milliards d'euros, coût qui serait porté, aujourd'hui, à 8 milliards d'euros sans la réduction du temps de travail ni la convergence vers le haut des Smic. Le coût brut par emploi créé serait alors de 25.000 euros. Après prise en compte des retours financiers favorables liés à la création de ces emplois, le coût net par emploi créé serait de 10.000 euros, montant qui paraît raisonnablement faible. Il est vrai qu'aucune étude n'a, par la suite, été conduite sur l'efficacité des vagues suivantes d'allègements de charges. Ces dernières ont essentiellement servi à compenser l'effet défavorable sur le coût du travail de la réduction du temps de travail, du partage du travail, puis de la convergence vers le haut des Smic multiples. Au total, une suppression de ces allègements de charges ciblés sur les bas salaires, toutes choses égales par ailleurs, pourrait nous faire craindre la destruction de près de 800.000 emplois.

Ces allègements sont efficaces parce que ciblés au niveau du Smic, niveau auquel se pose un problème de coût du travail. Ils sont également efficaces parce que l'effet d'assiette est favorable : pour un euro d'allègement, la réduction du coût du travail est plus importante pour les bas salaires. Enfin, ces allègements ont un effet favorable sur la demande de travail. En effet, les études montrent que la demande de travail des entreprises varie d'autant plus sensiblement en fonction du coût du travail pour le travail peu qualifié, c'est-à-dire essentiellement les bas salaires.

M. François Trucy, sénateur du Var - Merci, Monsieur Magnier. Nous laissons la parole à Monsieur Souvet, rapporteur de la mission « Travail et emploi ». Peut-être ajoutera-t-il à ses propos des réflexions de M. Vasselle qui a dû s'absenter.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la mission « Travail et emploi » - Je crois qu'elles avaient trait aux allègements de charges. Or il me semble que nous avions décidé de ne pas aborder ce sujet. J'aurais, pour ma part, deux questions à poser. Je devrai, ensuite, rapidement me retirer, étant convié à une autre manifestation, et je vous prie de m'en excuser.

Madame Cornette, vous avez, dans votre étude, assimilé le contrat d'apprentissage aux autres contrats aidés. Pourquoi ? La question mérite, en effet, d'être posée, ce contrat étant un outil de formation initiale dont la logique n'est pas comparable à celle des autres dispositifs étudiés.

Madame Bouygard, le CIVIS a été réformé par la loi de cohésion sociale parce qu'il n'avait pas pris son essor à cette période. J'aurais souhaité savoir si les nouvelles mesures adoptées lui ont permis de trouver sa place.

Mme Marie-Thérèse Cornette - Nous avons bien distingué deux blocs de contrats, les contrats aidés, d'une part, et les contrats en alternance, qui comportent une part de formation, parmi lesquels l'apprentissage, d'autre part. Les crédits divers que l'Etat accorde dans le cadre de l'apprentissage figurent dans la même enveloppe budgétaire. Par conséquent, une partie des 5 ou 6 milliards d'euros en jeu aujourd'hui est consacrée aux contrats d'apprentissage. Ces crédits bénéficient donc également à ces contrats. Il ne s'agit, toutefois, pas du tout de la même formule. Nous avons, par ailleurs, constaté que les contrats en alternance semblaient être plus efficaces dans l'accès de leurs bénéficiaires à l'emploi durable. Nous n'avons pas fait d'amalgame. Les aides budgétaires s'inscrivent simplement dans le même cadre.

Mme Françoise Bouygard - Le CIVIS est très différent des contrats dont nous avons débattu tout au long de la matinée. En effet, contrairement à ces derniers, il n'est pas un contrat de travail, mais un contrat d'accompagnement des jeunes vers l'emploi durable. La réforme du plan de cohésion sociale a permis de simplifier ce dispositif qui était triple. Il était à la fois un contrat d'accompagnement des jeunes, une aide à la création d'entreprises par les jeunes et, enfin, un contrat aidé dans le secteur non marchand réservé aux jeunes. Sous le même nom, étaient donc réunis trois dispositifs qui n'avaient pas véritablement de points communs. Il a été décidé de conserver le premier, sachant que d'autres aides visent la création d'entreprises par les jeunes, notamment le dispositif EDEN, qui subsiste, et qu'il existe d'autres contrats aidés dans le secteur non marchand, notamment le CAE. Nous les avons évoqués. Ces deux volets du CIVIS ont été supprimés dans un objectif de simplification, conservant le contrat d'accompagnement vers l'emploi.

S'agissant du développement de ce dispositif d'accompagnement, il faut savoir qu'à la fin 2006, 311.000 jeunes y étaient entrés depuis sa création. Du point de vue de sa mise en oeuvre, il s'agit donc d'un succès. Il nous reste à réussir la finalité de cet accompagnement, c'est-à-dire l'accès à l'emploi durable de ces jeunes dans un délai d'un an. Dans ce domaine, nous rencontrons davantage de problèmes. Le réseau des missions locales et des PAIO ne parvient, en effet, que difficilement à faire accéder en nombre ces jeunes à l'emploi durable. Ces difficultés sont liées à la situation du marché du travail, comme l'a souligné précédemment Antoine Magnier. Les premières cohortes arrivent, aujourd'hui, sur le marché du travail. Or il faut du temps pour faire accéder à l'emploi des jeunes qui rencontrent de véritables difficultés. Il faut avoir conscience du fait que ceux qui bénéficient de ces dispositifs sont majoritairement des jeunes sans diplôme, que nous appelons les niveaux 6 ou 5 bis. Il nous a donc semblé nécessaire de mettre en place une action volontariste avec les missions locales pour renforcer leurs outils d'accompagnement des jeunes CIVIS vers l'emploi. Au dernier trimestre 2006 et en ce début 2007, nous avons conduit avec l'Union nationale des élus présidents des missions locales et le Conseil national des missions locales des réunions dans chaque région pour mettre en place des plans d'actions régionaux dans cet objectif. Il s'agit notamment de les aider à mieux mobiliser deux outils du secteur marchand, le contrat de professionnalisation, d'une part, et le contrat jeune en entreprise, d'autre part. Ces actions de soutien au réseau des missions locales pour réussir le CIVIS dans sa finalité sont menées en très étroite relation avec l'ANPE.

M. Antoine Magnier - En complément de l'intervention de Madame Bouygard, je souhaiterais vous faire part de quelques éléments chiffrés. A fin 2006, 241.000 personnes bénéficiaient d'un CIVIS.

S'agissant des premières cohortes, constituées de jeunes entrés en CIVIS entre les mois d'avril et juin 2005, nous avons observé, qu'après un an, 40 % des bénéficiaires étaient sortis du dispositif et que 16 % des bénéficiaires en étaient sortis vers l'emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois).

M. Louis SOUVET - M. Vasselle a posé la question suivante : les contrats aidés présentent la particularité d'ouvrir droit à des exonérations de cotisations sociales qui n'ont jamais donné lieu à compensation. A-t-on estimé le manque à gagner que cela représente pour la Sécurité sociale ? Vous paraît-il normal que la Sécurité sociale finance la politique de l'emploi ?

M. François TRUCY - Qui souhaite répondre à cette question ? Il s'agit d'une réflexion. Nous en prenons acte.

M. Yves Fréville, sénateur d'Ille-et-Vilaine - Ma question est d'ordre général. Elle porte sur les problèmes méthodologiques et statistiques. Les propos de M. Magnier montrent que de très intéressantes études ex ante ont été menées. En revanche, nous ne disposons que d'un petit nombre d'éléments sur des données ex post. Je lis, dans le rapport de la Cour, un passage sur les sources de la collecte statistique (page 39). Mme Bouygard a, par ailleurs, souligné la nécessité de développer l'évaluation qui ne se trouve peut-être pas, aujourd'hui, à un niveau souhaitable. Je souhaiterais savoir si vous disposez de sources statistiques individuelles - je n'ai pas dit « nominatives » - vous permettant de suivre dans le temps, dès l'entrée dans la vie active, à travers la complexité des contrats, des données et de mesurer l'efficacité des différents dispositifs. J'ai le souvenir que cela est impossible dans les universités, puisque nous ne disposons pas des moyens de suivre l'étudiant à sa sortie de l'université. Dans le cas des statistiques de l'emploi, disposez-vous, en dehors des études par panel ou par cohorte sur des échantillons limités, des données vous permettant de véritablement suivre, dans toute son ampleur, le problème des contrats aidés, non pas de façon verticale mais dans leur globalité ? Il semble, en effet, intéressant d'avoir un point de vue sur l'ensemble de ces dispositifs. Ou devons-nous remédier à cette carence qui peut être due à des contraintes extérieures ?

Mme Nicole Bricq - Je souhaiterais revenir aux dispositifs d'accompagnement. Peut-être y a-t-il un décalage chronologique entre la réponse apportée par Madame, notamment sur les jeunes, et le rapport de la Cour. J'avais, en effet, noté que la position de la Cour sur les dispositifs d'accompagnement renforcé était assez critique. Elle avait notamment souligné l'absence d'un dispositif général d'accompagnement. Des chiffres ont été présentés. La critique était très vive. La situation s'est peut-être améliorée depuis la réalisation de l'étude. Je suis, tout de même, étonnée que des résultats aussi importants aient pu être obtenus en un temps si court.

Ma deuxième interrogation porte sur l'emploi des seniors et la corrélation entre une politique publique affichée et le retour vers l'emploi de ces publics qui peuvent chevaucher des publics en chômage de longue durée. La Cour a noté que la part des seniors dans les CIE était faible alors que ces contrats présentaient les meilleurs résultats en termes de retour vers l'emploi marchand et que leur part dans les CES était forte alors même que ces contrats ne permettaient qu'un faible taux de retour vers l'emploi. Je souhaiterais donc que vous nous communiquiez des éléments plus précis sur ce qui m'apparaît devoir être une politique publique volontariste compte tenu du vieillissement de la population et de la nécessité de financer la protection sociale.

Enfin, je souhaiterais savoir si vous considérez l'ACCRE comme un dispositif aidé ou s'il est, par définition, un dispositif direct vers l'emploi marchand.

Mme Françoise Bouygard - L'une des questions de M. Fréville portait sur la capacité à suivre les contrats aidés. Nous disposons, par le biais du CNASEA, de l'intégralité des données individuelles relatives aux salariés en contrat aidé. Nous mettons donc en place l'enquête que j'ai évoquée précédemment et qui nous permettra de connaître la situation de chaque personne sortie de contrat aidé six mois après le terme de ce contrat. Nous avons les matériaux permettant à la DARES de réaliser tous les travaux de suivi qu'elle souhaite. Sur la base de ces fichiers, la DARES construit d'ailleurs les panels auxquels il a été fait référence et qui lui permettent de comparer de façon longitudinale les trajectoires des personnes ayant bénéficié de contrats aidés avec celles de groupes témoins.

S'agissant de la remarque de la Cour sur les dispositifs d'accompagnement, il me semble qu'elle portait sur l'accompagnement des adultes et soulignait l'absence d'un dispositif symétrique au CIVIS destiné aux adultes. Le suivi mensuel personnalisé mis en place par l'ANPE depuis le 1 er janvier constitue, aujourd'hui, cet accompagnement. Dorénavant, tous les adultes demandeurs d'emploi bénéficient d'un entretien mensuel avec un référent identifié à l'ANPE.

Mme Nicole Bricq - Nous n'avons donc pas suffisamment de recul sur ce dispositif.

Mme Françoise Bouygard - Il est effectivement un peu tôt pour tirer les conséquences de ces entretiens sur la vitesse de retour à l'emploi. Des travaux d'évaluation ont été lancés par l'ANPE.

En ce qui concerne l'emploi des seniors et les contrats aidés, le plan pour l'emploi des seniors piloté par Gérard Larcher dépasse la question des contrats aidés. Nous faisons, néanmoins, le lien. Nous avons ainsi souhaité un ciblage des CIE sur les seniors. L'instruction donnée le 15 décembre 2006 aux deux réseaux ANPE et services déconcentrés indique, en effet, que l'enveloppe CIE 2007 doit concerner les chômeurs de très longue durée (inscrits depuis plus de deux ans à l'ANPE), les handicapés et les seniors. Nous avons souhaité que ces contrats profitent, avant tout, à ces publics.

Vous avez également soulevé la question de l'ACCRE. Il s'agit bien d'une aide au retour à l'emploi puisque l'ACCRE est un dispositif destiné aux chômeurs désirant créer leur entreprise.

M. Antoine Magnier - S'agissant de l'évaluation, il existe différentes méthodes : méthodes fondées sur des simulations de type économétrique à partir de modélisation ; comparaison à l'insertion professionnelle de populations témoins ; expérimentations contrôlées, approche qui n'est pas développée en France. De fait, ces études d'évaluation sont lourdes. Elles comportent plusieurs étapes. Il faut d'abord mettre en place le système d'information. Il convient, ensuite, de suivre la montée en charge du dispositif, de vérifier que le public ciblé est bien atteint, d'examiner le déroulement des contrats.

Dans un deuxième temps, nous devons observer le devenir, à moyen terme, des bénéficiaires. Ces études sont donc difficiles à conduire dans un contexte où nous ne disposons pas de fichiers administratifs longitudinaux. En pratique, nous recourrons à des enquêtes spécifiques, notamment à travers le panel des bénéficiaires. A l'avenir, il conviendrait de développer et d'exploiter davantage les fichiers administratifs de manière à réduire les enquêtes complémentaires nécessaires pour apprécier l'insertion professionnelle des bénéficiaires de ces contrats.

En ce qui concerne les progrès récents, Mme Bouygard a évoqué l'apport des fichiers du CNASEA. La DARES a exploité cette information. Nous avons également utilisé l'enquête menée par le CNASEA six mois après la sortie des bénéficiaires. Elle nous apportera de nombreuses informations sur les perspectives d'insertion à court terme. En 2008, nous mettrons également en place un nouveau panel de bénéficiaires qui nous permettra d'observer les trajectoires d'insertion professionnelle des bénéficiaires du plan de cohésion sociale plusieurs années après leur sortie de ces dispositifs.

M. Jean-Marie Marx - Je souhaiterais, pour ma part, insister sur les éléments disponibles dans le fichier historique des demandeurs d'emploi qui nous présente des données sur leur situation pendant dix ans. Ce fichier ne comporte pas forcément tous les éléments dont nous pourrions souhaiter avoir connaissance même s'il présente des informations intéressantes quant à la récurrence du chômage ou les ruptures de parcours. Depuis le mois de juin 2005, nous avons spécifié les sorties du chômage en fonction des types de contrats aidés en créant des catégories 5 demandeurs d'emploi (CAE, CIE, contrat d'avenir), ce qui nous permet de suivre plus précisément le parcours de ces personnes.

S'agissant des seniors, il faut savoir que le nombre de bénéficiaires de CIE de cinquante ans et plus est passé de 16 % en 2005 à 29 % en 2006. Nous avons donc quasiment doublé leur part dans ce dispositif. Au second semestre, les seniors représentaient plus de 28 % des CIE. Sur les autres contrats, leur progression est moins nette, sachant que ces mesures étaient déjà ciblées sur ces populations.

En ce qui concerne l'accompagnement des bénéficiaires de contrat aidé et des demandeurs d'emploi, je souhaiterais à nouveau insister sur le fait que la mise en place du suivi mensuel personnalisé a permis un accompagnement quasi généralisé. Je tiens également à souligner les progrès réalisés, notamment en lien avec les Assédic et l'Unédic, sur un diagnostic plus approfondi dans le cadre du processus d'inscription à l'Assédic et de premier entretien à l'Agence qui permet de mieux diagnostiquer la distance à l'emploi et de proposer un parcours d'accompagnement adapté et personnalisé en fonction de la situation du demandeur d'emploi. Nous proposons quatre types de parcours.

Le premier concerne ceux qui n'ont pas de problème de retour à l'emploi parce qu'étant qualifiés et recherchant un emploi, notamment dans des métiers en tension. Le deuxième est un dispositif d'accompagnement léger qui prévoit des entretiens mensuels ainsi qu'un certain nombre de services. Le troisième est beaucoup plus approfondi ; le suivi est alors plus régulier et les prestations plus lourdes. Enfin, le dernier parcours est destiné aux créateurs d'entreprises. Ce dispositif d'accompagnement général intéresse aussi les jeunes puisque nous avons des coopérations et des conventions avec les missions locales. Ainsi, dans le dispositif de co-traitance, nous orientons près de 100.000 demandeurs d'emploi jeunes vers les missions locales sur un total de 1,5 million de jeunes qui s'inscrivent chaque année à l'Agence.

Enfin, une dernière question portait sur l'impact de ce dispositif d'accompagnement sur les sorties. Nous n'avons pas d'évaluation précise sur ce sujet. Nous avons, en revanche, lancé une évaluation sur les dispositifs d'accompagnement lourd avec la DARES et l'Unédic. Je peux simplement faire état de l'évolution des taux de sortie du chômage puisque nous avons fixé un certain nombre d'indicateurs dans le cadre de la convention tripartite avec l'Etat et l'Unédic. Ces indicateurs portent à la fois sur les absences des demandeurs d'emploi six et douze mois après leur inscription, les taux de sortie au cours des six et des douze mois et les taux de sortie durable (périodes d'absence du chômage de six mois consécutifs au cours des dix-huit mois qui suivent l'inscription). L'ensemble de ces indicateurs est en progression sur les dernières cohortes observées. Ainsi, le taux de sortie s'établit à près de 84 % au début 2006 contre 80 % un an auparavant ; les sorties durables progressent, elles aussi, de deux ou trois points. Je pourrai vous communiquer l'ensemble de ces éléments.

Mme Marie-Thérèse Cornette - Je vous signale que la Cour a examiné la façon dont avait été mise en place la mesure pour l'emploi des jeunes décidée par le Premier ministre au mois d'août 2005. Nous avons constaté qu'alors que l'ANPE s'était engagée à proposer un dispositif aidé à 25 % des jeunes, seuls 15 % de ce public avaient été concernés, soit une proportion sensiblement inférieure à ce qui avait été prévu.

M. Serge Dassault - Ces différentes interventions me conduisent à la réflexion suivante sur la création d'entreprise. Instituer, dans notre budget de l'aide à l'emploi, l'aide à la création d'entreprise serait véritablement utile. En effet, toute création d'entreprise suppose, par la suite, des créations d'emplois. Des financements initiaux, de l'ordre de 30 à 50.000 euros, sont nécessaires pour engager l'opération. Inclure l'aide à la création d'entreprise dans l'aide à l'emploi serait donc bien utile.

En outre, certains jeunes de ma commune m'ont indiqué souhaiter poursuivre leurs études, faire des stages aux Etats-Unis ou obtenir des diplômes. Nous n'avons aucun dispositif à leur proposer. Des bourses destinées aux jeunes désirant se former seraient donc également souhaitables. Ces solutions seraient positives et utiles.

M. François Trucy - Si les commissaires n'ont plus de questions ou de remarques, nous allons conclure ces débats. Au nom de M. Arthuis, je souhaiterais adresser des remerciements aux intervenants, aux représentants de la DGEFP, de la DARES et de l'ANPE, qui nous ont beaucoup apporté, à la Cour, à Mme Cornette, à Mme Nigretto et à M. Gruson. Une fois de plus, la commission des finances se réjouit de vous avoir interpellés pour un travail ô combien délicat dont il devrait rester quelque chose. Le zèle des législateurs à travailler ces questions a été évoqué. Il ne devrait pas se ralentir. Les législateurs de demain auraient d'ailleurs intérêt à lire attentivement le rapport de la Cour et à s'inspirer de ses prescriptions : simplifications des dispositifs, stabilisation dans le temps, amélioration de l'information des acteurs, coordination locale, prolongement dans l'efficacité, autant de lignes directrices qu'il me semble falloir suivre. Je formulerai, toutefois, un bémol quant à la stabilité de cet ensemble. Nous ne pouvons, en effet, pas considérer que cette machine doive rester immobile ; elle doit évoluer. Il faudra donc trouver un équilibre entre la réforme quotidienne et nécessaire et le minimum de stabilité qui s'impose. Vous vous êtes, en tout cas, tous accordés pour que la formation soit davantage présente dans ces dispositifs. Merci encore de ce travail. Je solliciterai, enfin, l'avis des commissaires des finances sur la publication de ce rapport. Mesdames, Messieurs, merci beaucoup.

La séance est levée à 11 h 45

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