b) Des configurations de transposition dont la variété est un obstacle à la fluidité des offres

Dans un rapport publié le 21 février 2007, la Commission européenne a établi un bilan de la transposition de la directive dans les Etats membres, dans lequel elle rappelle que le texte final de la directive s'est révélé relativement éloigné de ses objectifs initiaux . Les choix de transposition réalisés dans les 17 Etats-membres qui, début 2007, avaient achevé le processus de modification de leur législation, et envisagés dans les 8 autres, sont présentés ci-après.

Choix de transposition effectués ou envisagés au sein de l'Union européenne en janvier 2007

Processus de transposition achevé

Application obligatoire de l'article 9

Application obligatoire de l'article 11

Exercice de la clause de réciprocité

Allemagne

Oui

Non

Non

Oui

Autriche

Oui

Oui

Non

Non (1)

Belgique

Non

Non

Non

Oui

Chypre

Non

Oui

Non

Oui

Danemark

Oui

Non

Non

Oui

Espagne

Non

Oui

Non

Oui

Estonie

Non

Oui

Oui

Non

Finlande

Oui

Oui

Non

Non

France

Oui

Oui

Non

Oui

Grèce

Oui

Oui

Non

Oui

Hongrie

Oui

Oui

Non

Oui

Irlande

Oui

Oui

Non

Non

Italie

Non

Non

Non

Oui

Lettonie

Oui

Oui

Oui

Non

Lituanie

Oui

Oui

Oui

Non

Luxembourg

Oui

Non

Non

Oui

Malte

Oui

Oui

Non

Non

Pays-Bas

Non

Non

Non

Oui

Pologne

Non

Non

Non

Oui

Portugal

Oui

Oui

Non

Oui

Rép. tchèque

Non

Oui

Non

Non

Royaume-Uni

Oui

Oui

Non

Non

Slovaquie

Oui

Oui

Non

Non

Slovénie

Oui

Oui

Non

Oui

Suède

Oui

Oui

Non

Non (1)

1) : Application possible par les entreprises sur une base volontaire

Source : Commission européenne, rapport sur la transposition de la directive OPA, février 2007

Ces options de transposition ont donc été largement exercées, ce qui confirme a posteriori la difficulté de promouvoir une approche européenne commune sur ce sujet, et conduisent (sous réserve de l'achèvement des transpositions en cours) au constat suivant :

- les options exercées par la France sont également le fait de la majorité des Etats membres si on les considère individuellement, et leur combinaison est partagée par une minorité substantielle, soit six autres Etats membres (Chypre, Espagne, Grèce, Hongrie, Portugal, Slovénie). La situation française est donc originale par rapport à ses principaux partenaires, mais n'est absolument pas marginale à l'échelle de l'Union , contrairement à ce qui avait été avancé par certains observateurs lors de l'examen du projet de loi de transposition ;

- 18 Etats membres sur 25 ont choisi d'imposer la règle de neutralité du conseil d'administration (article 9 de la directive) , qui ne constituait pas un concept nouveau pour 13 d'entre eux. L'introduction de la réserve de réciprocité dans plusieurs pays contribue à limiter la portée de cette règle et, selon la Commission, contrevient à l'objectif d'un marché ouvert des rachats d'entreprises ;

- la grande majorité des Etats membres (22 sur 25) a laissé aux entreprises le choix d'appliquer ou non l'article 11 , ce qui représente 99 % de la capitalisation boursière de l'Union. La Commission européenne relève cependant que dans plusieurs pays (Autriche, Danemark, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède), l'application volontaire de cette règle est dans les faits rendue difficile par des conditions strictes d'approbation par les actionnaires, en particulier par ceux qui bénéficient de droits de vote spécifiques ou multiples et sont donc les premiers concernés par l'application de l'article 11 ;

- la majorité des Etats membres (14 sur 25) a transposé l'exception de réciprocité , « mal-aimée » de la Commission, soulignant ainsi une aspiration dominante à une égalité des conditions de jeu et la compatibilité de cette règle avec le droit communautaire. Les justifications avancées par les Etats-membres ont été diverses, la plus fréquente (notamment en France) reposant sur la crainte d'une compétition des réglementations et de l'octroi d'un avantage indû aux pays où le management dispose des plus larges pouvoirs en période d'OPA.

On peut également mettre en évidence quatre groupes de pays, selon leur plus ou moins grande « fidélité » à l'esprit de la directive :

- les trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) dont la transposition est la plus libérale, c'est-à-dire guidée par la volonté de limiter au maximum les obstacles au marché des OPA, par l'application obligatoire des articles 9 et 11 et l'absence de réserve de réciprocité ;

- huit pays (Finlande, Irlande, Malte, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède, et dans une moindre mesure l'Autriche) n'imposent que la règle de neutralité de l'article 9, mais n'ont pas retenu la réserve de réciprocité ;

- sept pays (Chypre, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Portugal, Slovénie) se situent dans une position médiane compte tenu de l'exception de réciprocité (cf. supra ) ;

- enfin un groupe de sept pays (Allemagne, Belgique, Danemark, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne) se révèle le plus « protectionniste » par le cumul de l'exception de réciprocité et du caractère simplement facultatif des règles posées par les articles 9 et 11.

La directive OPA a cependant permis une réelle harmonisation « par le haut » sur le terrain de la transparence et de l'efficacité des prises de contrôle , avec les principes de l'offre publique d'achat obligatoire et de l'offre publique de retrait en cas de franchissement de deux seuils distincts de capital et/ou de droits de vote.

De même, le droit des actionnaires minoritaires d'exiger un rachat de leurs actions à un prix équitable (« sell-out ») constitue une contrepartie légitime au droit de retrait (en « forçant », selon le cas, la majorité ou la minorité des actionnaires), déjà connue en droit français mais que nombre d'Etats membres 322 ( * ) ont importée à l'occasion de la transposition, et contribue à renforcer les droits des minoritaires dans l'ensemble de l'Union européenne .

Seuils d'OPA obligatoire et de retrait / rachat consécutifs à une OPA au sein de l'Union européenne

Seuil d'OPA obligatoire en % du capital et/ou des droits de vote (DV)

Seuil d'offres de retrait ou de rachat en % du capital et/ou des droits de vote (DV)

Allemagne

30 % DV

95 % capital portant DV

Autriche

30 % DV

90 % capital et DV

Belgique

30 % DV

95 % capital et DV

Chypre

30 % DV

90 % capital et DV

Danemark

5 conditions cumulatives, dont la majorité des DV

90 % capital et DV

Espagne

30 % DV

90 % capital et DV

Estonie

Majorité DV

90 % capital et DV

Finlande

30 % DV

90 % capital et DV

France

33,33 % capital ou DV

95 % capital ou DV

Grèce

33,33 % DV

90 % DV

Hongrie

25 % ou 33, 33 % DV

90 % DV

Irlande

30 % DV

90 % capital et DV

Italie

30 % capital portant DV

95 % capital et DV

Lettonie

50 % DV

95 % DV (retrait)

90 % DV (rachat)

Lituanie

40 % DV

95 % capital et DV (retrait)

95 % DV (rachat)

Luxembourg

33,33 % DV

95 % capital et DV (retrait) 90 % DV (rachat)

Malte

50 % DV + 1 DV

90 % capital et DV

Pays-Bas

30 % DV

95 % capital et DV

Pologne

66 % DV

90 % capital et DV

Portugal

33,33 % DV

90 % capital et DV et 90 % DV soumis à l'offre

Rép. tchèque

40 % DV

90 % capital et DV

Royaume-Uni

30 % DV

90 % capital et DV

Slovaquie

33,33 % DV

95 % capital et DV

Slovénie

25 % DV

90 % capital et DV

Suède

30 % DV

90 % capital

N.B : En grisé figurent les seuils analogues à la France. Seule la condition principale de seuil d'OPA obligatoire est mentionnée.

Source : Commission européenne, rapport sur la transposition de la directive OPA, février 2007

L'examen des différents seuils d'offre publique de retrait au sein de l'Union européenne rappelés dans le tableau ci-dessus révèle que la France, avec un seuil de 95 %, se situe dans une position nettement minoritaire, ce qui contribue à tempérer les critiques à l'encontre d'un abaissement à 90 % , que le président de la mission d'information en sa qualité de rapporteur général a appelé de ses voeux à plusieurs reprises.

Dans son rapport précité, la Commission européenne émet une conclusion à la tonalité négative sur les effets des transpositions opérées. Elle souligne le risque que la règle de neutralité de l'organe de direction, telle qu'elle a été inscrite dans le droit des Etats membres (donc le plus souvent assortie de la réserve de réciprocité), n'aboutisse en réalité, par l'émergence de nouveaux obstacles, à un recul dans l'établissement d'un marché européen de la prise de contrôle de sociétés. Elle relève ainsi que « le nombre d'Etats membres ayant transposé la directive dans un sens apparemment protectionniste est, contre toute attente, élevé ».

Compte tenu de ces effets potentiellement négatifs, la Commission entend faire preuve d'une vigilance accrue sur l'application de la directive, et se réserve la possibilité d'avancer si nécessaire sa révision, prévue pour 2011. La mission d'information considère qu'une telle révision constituerait une occasion opportune de préciser la portée de la clause de réciprocité , qui a été retenue par la majorité des Etats membres et ne peut donc être ignorée.

* 322 Dont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovaquie.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page