D. LA POLITIQUE DE QUALITÉ

- Le régime actuel

La qualité est régie par le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant OCM vitivinicole et par le règlement n° 1607/2000 de la Commission du 24 juillet 2000 fixant certaines modalités d'application du précédent. Ces deux textes organisent un système particulièrement complexe, dans lequel le consommateur peine à se retrouver.

La réglementation communautaire reconnaît deux grandes catégories de vins :

- les vins de qualité produits dans des régions déterminées (VQPRD). Le législateur européen a laissé compétence aux Etats membres pour reconnaître et contrôler ces vins, tout en fixant un cadre commun précis et en assurant leur protection. Il leur a ainsi été demandé de prendre des dispositions particulières sur les aspects déterminant la qualité de ces vins : délimitation des régions de production, détermination de l'encépagement, énumération des pratiques culturales, établissement des méthodes de vinification, fixation d'un rendement maximal...

Face à cette marge de manoeuvre leur étant laissée, les Etats membres ont adopté deux attitudes différentes rendant la notion même de VQPRD, qui n'a jamais donné lieu à l'édiction d'un cadre communautaire de reconnaissance, très lâche. Certains pays du Nord (Allemagne et Luxembourg d'abord, Royaume-Uni et Autriche ensuite, quasi-totalité des nouveaux Etats membres aujourd'hui), davantage attachés à la qualité qu'au terroir, ont considéré toutes leurs zones viticoles comme aptes à produire des VQPRD, à des rendements relativement élevés. Les autres Etats producteurs, plus attachés à la notion d'indication géographique, ont limité la production aux zones considérées comme aptes à produire des vins de qualité en vue d'obtenir un prix plus élevé et de renforcer l'attache au terroir.

Parallèlement à cette catégorie des VQPRD, a été créée une catégorie de vins intermédiaire entre VQPRD et vins de table stricto sensu : les vins de table avec IG, eux aussi soumis à des critères de qualité 8 ( * ) . De cette souplesse dans l'approche de la notion même de VQPRD, il résulte qu'il existe actuellement plus de 10.000 VQPRD et vins de table avec IG. Chaque Etat membre possède ainsi son propre système de reconnaissance et de classification des VQPRD. En France, sont distingués, au sein de cette dernière catégorie, les vins d'appellation d'origine contrôlée (AOC) et les vins de qualité supérieure (VDQS) ;

- les vins de table . La législation communautaire y assimile tous les vins autres que VQPRD, provenant exclusivement de vignes autorisées ou recommandées pour le terroir, dont les raisins de cuve ont été produits dans la Communauté, ayant un titre alcoométrique et une acidité précis. Sont interdits la vinification des raisins de cuve importés et le coupage avec des vins importés.

S'ils étaient autrefois inférieurs en prix et en qualité aux vins de qualité, les vins de table sont aujourd'hui à même, pour certains d'entre eux, de les concurrencer. La frontière s'est donc peu à peu brouillée entre ces deux catégories, d'autant plus que les vins de qualité, malgré leur classement dans une catégorie supérieure, n'obtiennent parfois que des prix de marché relativement bas et se trouvent confrontés à des difficultés d'écoulement. Cette confusion a été entretenue par la création, outre de la catégorie intermédiaire des vins de table avec IG déjà évoquée, de nouvelles sous-catégories de vins de table utilisant des concepts déjà utilisés dans le segment des VQPRD et particulièrement utilisés par les concurrents des pays tiers : les vins de cépage et les vins de marque.

A cette complexe et peu rigoureuse distinction entre VQPRD et vins de table, s'en superpose une autre entre les appellations d'origine protégée (AOP) et indications géographiques protégées (IGP). Couvrant l'ensemble des produits agricoles, en vertu du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil du 20 mars 2006 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, elle distingue respectivement, d'une part, les produits dont la production, la transformation et l'élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté, et, d'autre part, les produits dont le lien avec le terroir est établi à l'un des trois stades précités.

Outre ces difficultés résultant d'une classification communautaire très complexe, pose problème l'insertion de ce système dans celui retenu au niveau international. Les accords sur les aspects du droit de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC), négociés dans le cadre de l'Organisation internationale du commerce (OMC), ne reconnaissent pas en effet la notion de qualité. Aussi la pertinence des catégories actuelles, et notamment des VQPRD, peut-elle être discutée. Et ceci d'autant plus que dans le cadre des accords bilatéraux, sont reconnus et protégés comme IG, au sens de ces accords, des noms de vins qui ne sont pas forcément reconnus comme IG au niveau communautaire.

La réglementation de l' étiquetage n'est pas plus claire que celle concernant la qualité. Régie par le règlement du Conseil de 1999 portant OCM et par le règlement (CE) n° 753/2002 de la Commission du 29 avril 2002 fixant certaines modalités d'application du précédent règlement, en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles, elle diffère en effet selon les catégories de vins considérées : vins tranquilles et vins mousseux avec, au sein de la première catégorie, la subdivision déjà évoquée entre VQPRD, vins de table avec IG et vins de table. Sont applicables à chaque type de vin des mentions obligatoires, des mentions facultatives et des mentions libres.

Ce régime est bien évidemment d'une grande complexité : le degré de contrainte est plus ou moins important selon le règlement ; par ailleurs, la même indication peut être réglementée différemment selon le type de vin, alors même que la classification des vins reste très obscure pour les consommateurs. Au contraire, les pays tiers ont privilégié les étiquettes simples et lisibles pour le consommateur moyen, pouvant mentionner le cépage et le millésime. La restriction aux seuls vins avec IG de l'autorisation de recourir à ces deux derniers types d'information au niveau communautaire a logiquement eu pour effet d'entraîner la création de plusieurs milliers d'indications géographiques, brouillant encore un peu plus le paysage.

L'existence de pratiques oenologiques ayant force réglementaire constitue l'une des particularités du secteur vitivinicole. L'Organisation internationale du vin (OIV) constitue la référence en ce domaine : ainsi, l'article 42 et les annexes V et VI du règlement 1493/1999 portant OCM vitivinicole, qui regroupe la totalité des prescriptions règlementaires concernant les pratiques et traitements oenologiques autorisés, reprend en grande partie ses orientations.

Les pratiques oenologiques ont pour buts d'améliorer la qualité du vin produit et éventuellement de remédier à des déficiences d'origine ou de fabrication, d'assurer un bon contrôle des opérations de transformation, de protéger la santé des consommateurs et de les préserver de toute tromperie ou escroquerie et, enfin, d'éviter les distorsions de concurrence entre producteurs. Regroupées sur une liste positive de techniques admises, assorties de limites règlementaires et de normes de qualité strictes, elles concernent l'enrichissement, l'acidification, la désacidification et l'édulcoration des moûts et vins. Sont considérées comme frauduleuses toutes les pratiques ne ressortant pas de cette liste positive ni de la réglementation.

La réglementation communautaire interdit notamment, pour l'instant, de vinifier des moûts de raisin importés et de couper des vins communautaires avec des vins non communautaires. Ceci autant pour des raisons sanitaires (conserver une traçabilité maximale sur les produits élaborés au sein de l'Union) que qualitatives (préserver la typicité et l'originalité des productions communautaires).

Si toutes les pratiques ainsi décrites positivement sont utilisables par n'importe quel producteur de l'Union et s'imposent de façon identique aux vins destinés à l'exportation et à ceux provenant de pays tiers, à quelques dérogations près, les Etats membres peuvent imposer des conditions plus rigoureuses pour la production des VQPRD et des vins de table désignés par une indication géographique 9 ( * ) .

L'enrichissement est une pratique ayant pour but d'accroître le degré d'alcoolémie naturel du vin. Il vise en cela à pallier une déficience pouvant être liée à de mauvaises conditions météorologiques, mais aussi à un niveau de rendements incompatible avec l'obtention d'un titre alcoolémique suffisant.

L'augmentation du degré éthylique est obtenue par l'adjonction de produits naturels contenant du sucre. Il peut s'agir d'un apport en sucre de raisin contenu dans des moûts de raisin concentrés ou dans des moûts concentrés rectifiés. Il peut également être recouru à du sucre de betterave ou de canne (saccharose), auquel cas le procédé est dénommé « chaptalisation ».

L'utilisation de l'une ou l'autre technique dépend de la région communautaire considérée. L'enrichissement par saccharose est une technique appliquée traditionnellement dans les régions viticoles du centre-nord et de l'est de l'Union européenne. La viticulture méditerranéenne, dotée de conditions naturelles favorables à la production de vins directement consommables, ne nécessite pas en principe d'augmentation du titre alcoolémique, mais éventuellement des corrections ponctuelles et limitées. Le règlement portant OCM vitivinicole tient compte de ces différences : il autorise l'utilisation traditionnelle du saccharose pour les zones viticoles du centre et du nord de l'Union, mais la proscrit dans celles du sud (Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Chypre et sud de la France).

L'enrichissement direct par du sucre est moins onéreux que celui par moût de raisin. Ainsi, le degré d'alcool provenant du saccharose coûte environ un tiers de moins que celui provenant du raisin. Cette différence devrait d'ailleurs tendre à s'accentuer avec la mise en oeuvre de la réforme de l'OCM sucre, qui devrait avoir pour effet de diminuer le prix du sucre. C'est pour assurer une égalité des conditions de concurrence entre les deux pratiques qu'a été introduite, en 1982, une aide à l'utilisation des moûts concentrés simples et rectifiés.

L'enrichissement n'a pas que des effets qualitatifs : il a également des conséquences importantes sur les volumes, en permettant l'augmentation des rendements par hectare. Les volumes totaux de vin enrichi ont largement augmenté ces dernières décennies, passant d'une quinzaine de millions d'hectolitres en 1970 à environ 55 millions en 2004 (dans une Union européenne à 15). Sur ces 55 millions d'hectolitres enrichis, 30 l'ont été avec le saccharose et 25 avec des moûts.

Les conditions d'encadrement de l'enrichissement, c'est-à-dire les limites maximales d'augmentation du degré alcoolique, ont été fixées avec précision en fonction de la zone climatique. Des augmentations plus importantes sont logiquement permises au nord et au centre de l'Europe, dont la production est naturellement moins titrée en alcoolémie.

- Les propositions de la Commission européenne

Reconnaissant la grande complexité de la législation régissant la production et l'étiquetage des vins, la Commission a présenté des propositions de trois ordres visant à clarifier les informations fournies au consommateur, améliorer la qualité et faciliter la production.

Pour ce qui est du volet « qualité », elle souhaite remanier profondément le cadre réglementaire afin de le rapprocher des règles internationales, en particulier des dispositions de l'ADPIC. Elle propose à ce titre d'instaurer deux catégories de vins : celle des vins sans IG et celle des vins avec IG. Cette seconde catégorie serait elle-même subdivisée en deux sous-catégories alignées sur le règlement « horizontal » : celle des vins avec indication géographique protégée (IGP) et celle des vins avec appellation d'origine protégée (AOP).

La Commission propose également d'améliorer les contrôles de qualité au moyen d'un renforcement du rôle des organisations du secteur en matière de procédures de classification et de déclassification des vins et en matière de règles de production viticole.

S'agissant de l'aspect « étiquetage », la Commission envisage de simplifier les règles existantes en instaurant un cadre juridique unique applicable à l'ensemble des différentes catégories de vins et aux mentions y afférant.

En particulier, il serait possible, même pour les vins de table sans IG, d'indiquer sur l'étiquette le nom du cépage et le millésime de production. Ce cadre serait défini en fonction des besoins exprimés par les consommateurs et concorderait davantage avec la politique de qualité des vins.

Elle propose également, sans davantage de précision, d'harmoniser les termes et définitions traditionnels, de modifier le régime des marques déposées et le régime linguistique du secteur vitivinicole.

Enfin, elle propose de se faire transférer la compétence en matière d'étiquetage, qui aujourd'hui appartient au Conseil.

En ce qui concerne le volet « pratiques oenologiques », la Commission de Bruxelles propose d'autoriser l'ensemble de celles admises au niveau international par l'OIV, après les avoir elle-même filtrées, pour les producteurs communautaires. Elle espère ainsi garantir une mise à jour plus rapide des pratiques et une mise en oeuvre immédiate des évolutions techniques dans ce domaine.

Afin de permettre aux producteurs européens de concurrencer ceux des pays tiers sur leur propre terrain, elle souhaite mettre en oeuvre, à titre expérimental, de nouvelles pratiques non autorisées pour une période limitée à trois ans.

En vue d'accélérer la procédure d'intégration de ces pratiques, la Commission propose que le Conseil lui transfère le pouvoir d'approuver de nouvelles pratiques oenologiques ou de modifier celles existantes, de reconnaître les pratiques admises par l'OIV, de filtrer ces pratiques et de les incorporer dans la législation communautaire et de rompre avec plusieurs limitations n'ayant, selon elle, pas leur place dans la viticulture moderne.

Un point essentiel des propositions de la Commission concerne le projet de lever l'interdiction de vinification des moûts en provenance de pays tiers et de coupage de vins communautaires avec des vins de pays tiers. Dans sa communication de juin 2006, la Commission a en effet indiqué qu'elle examinerait la compatibilité de cette interdiction avec les règles de l'OMC, ce qui a très vivement alarmé les différents acteurs de la filière, et ce dans la quasi-totalité des Etats membres de l'Union.

Selon les dernières informations fournies à votre rapporteur sur les positions les plus récentes de la Commission, celle-ci aurait abandonné son projet de revenir sur cette double interdiction. L'ambiguïté conservée sur ce point serait alors à mettre sur le compte d'une stratégie consistant à réserver des éléments pouvant faire l'objet de concessions lors des négociations.

Enfin, pour ce qui est de l' enrichissement , la Commission européenne dresse un constat que votre commission des affaires économiques partage, mais y apporte des réponses qu'il désapprouve.

La Commission européenne constate avec raison que le degré d'alcoolémie d'un vin ne fait pas sa qualité et qu'une teneur élevée en alcool n'est pas particulièrement appréciée par les consommateurs. Des études ont ainsi démontré que ces derniers recherchaient des vins fruités à teneur faible ou modérée en alcool. Des expériences ont été menées dans de nombreux Etats membres sur la réduction du taux d'alcool dans les vins. Les publics les plus jeunes -bien que consommant régulièrement, et parfois à fortes doses, des alcools forts- et les nouveaux consommateurs n'estiment d'ailleurs pas qu'un haut degré d'alcoolémie garantisse une plus grande qualité du vin. Comme le fait remarquer avec justesse la Commission, cette tendance est en accord avec le principe selon lequel une consommation modérée de vin est de nature à satisfaire aux exigences de plaisir et liberté individuelle d'une part, et de préservation de la santé publique de l'autre.

S'agissant des objectifs qu'elle se fixe, la Commission entend restreindre et mettre en conformité la réglementation relative à l'enrichissement avec les prescriptions établies au niveau international, selon lesquelles la chaptalisation ne serait pas une pratique oenologique souhaitable. Elle souhaite, dès lors, réviser ces règles en profondeur afin, au surplus, de régler le problème des excédents vinicoles, de renforcer la compétitivité des vins communautaires face à ceux des pays tiers, de restaurer l'image du vin communautaire et de simplifier les règles pour les producteurs et les consommateurs.

Les mesures qu'elle préconise dans ce cadre sont de trois ordres :

- mettre un terme aux subventions en faveur du moût de raisin et règlementer plus étroitement l'utilisation de ce produit ;

- interdire l'utilisation du saccharose ;

- plafonner le taux d'enrichissement à 2 %, sauf dans la zone C (Espagne, Portugal, Slovaquie, Italie, Hongrie, Slovénie, Grèce, Chypre et Malte, ainsi que certaines parties de la France), où il serait limité à 1 %.

- La position de votre commission des affaires économiques

Votre commission prend acte de la volonté indéniable de la Commission européenne d'adapter et de moderniser l'ensemble des mesures règlementaires.

S'agissant du volet « qualité », elle appréhende avec intérêt son projet d'aligner les différentes catégories de vin sur le règlement transversal AOP-IGP, en y adjoignant la catégorie des vins sans indication géographique. Toutefois, il convient de souligner que l'extrême généralité des catégories AOP et IGP, censées s'appliquer à des productions de natures très diverses, rend leur transposition au secteur des vins délicate. Le vin est en effet un produit en tout point spécifique, à l'origine même de la notion d'appellation. Les règles des IG élaborées à son profit devront donc être conservées lors de la réforme communautaire et continuer d'être défendues au niveau international .

Ainsi, la définition de l'AOP dans la nouvelle OCM devra être adaptée à la spécificité du secteur et, comme le prévoit la réglementation horizontale relative aux AOP et IGP et l'actuelle définition des VQPRD, poser le principe suivant lequel la production, la transformation et l'élaboration de l'AOP ont lieu dans l'aire délimitée.

La diversité des modes d'organisation dans les différents Etats membres devra également être prise en considération et respectée. A ce titre, les organisations en charge de la gestion des vins avec indication géographique dans les différents Etats membres devront bénéficier du principe de subsidiarité dans la définition du cahier des charges et la réalisation des contrôles.

Il importe par ailleurs que les vins d'appellation d'origine existants soient automatiquement reconnus, enregistrés et protégés comme indication géographique. Le système des AOC constitue une pièce maîtresse du système viticole français basée sur une longue pratique ayant permis, au cours des siècles, d'identifier les meilleures zones aptes à la culture de la vigne et les cépages les mieux adaptés. Elle est enviée par les pays de viticulture plus récente, qui n'ont pas pris le temps d'effectuer un travail en profondeur aussi complet et ont préféré assurer l'identification de leur vin uniquement par le cépage.

Le renforcement du rôle des structures interprofessionnelles pour la gestion qualitative de l'offre ne peut être qu'accueilli favorablement. Afin qu'il soit effectif, il conviendra cependant de veiller à ce que soit couvert l'ensemble des éléments présidant à la maîtrise de l'offre et de la mise en marché des produits vitivinicoles. Il sera par ailleurs indispensable de prévoir la possibilité d'une extension des accords conclus au sein de ces structures.

S'agissant du volet « étiquetage », votre commission des affaires économiques insiste sur la nécessité de regrouper les règles y étant relatives au sein de l'OCM et d'éviter de les intégrer dans des règlementations horizontales où la spécificité du produit serait moins bien prise en compte. Il conviendra également de conserver le souci, tout en assouplissant lesdites règles, d' assurer au consommateur une information simple, claire et complète sur les produits qu'il acquiert ; de continuer de faire état des caractéristiques de chaque vin dans les démarches de promotion ; et de protéger la production européenne contre les contrefaçons et usurpations.

Votre commission des affaires économiques s'inquiète du projet de la Commission de Bruxelles de se voir transférer les compétences relatives à l'étiquetage, comme celles concernant les pratiques oenologiques . Il insiste sur le fait que de telles compétences, qui dépassent largement le simple cadre technique de par leurs enjeux, relèvent pleinement des attributions du Conseil et doivent le demeurer.

Pour ce qui est de la proposition d' ouvrir aux vins sans indication géographique la possibilité de faire référence au cépage et au millésime , votre commission l'accueille favorablement . Un tel assouplissement permettrait en effet aux vins européens de concurrencer sur leur propre terrain les vins du « nouveau monde » , qui mettent très nettement en avant, outre les marques sous lesquelles ils sont produits, les cépages dont ils proviennent. Il s'agit d'une information dont sont très demandeurs les consommateurs , et plus particulièrement les moins connaisseurs d'entre eux, pour lesquels la mention du cépage constitue souvent un repère privilégié. Il conviendra, dans tous les cas, de conserver les règles de traçabilité et d'agrément pour ces vins sans indication au moins équivalentes à celles régissant aujourd'hui ceux bénéficiant d'une telle indication.

En ce qui concerne les pratiques oenologiques , votre commission des affaires économiques est favorable à un alignement sur les prescriptions de l'OIV .

Organisme intergouvernemental à caractère scientifique et technique de compétence reconnue dans le domaine vitivinicole créé, dans sa structure juridique actuelle, en 2001 et regroupant 43 Etats membres (dont bon nombre des Etats membres de l'Union européenne, au premier rang desquels la France), l'OIV a pour mission d'adopter, de façon consensuelle, des résolutions tendant à l'amélioration des conditions d'élaboration et de commercialisation des produits vitivinicoles et à la prise en compte des intérêts des consommateurs.

Si cette position de principe est acceptable, encore conviendra-t-il de distinguer selon la date à laquelle les pratiques oenologiques auront été reconnues par l'OIV :

- celles déjà reconnues par l'OIV et l'Union européenne le resteront et ne poseront donc pas de problème particulier ;

- celles reconnues par l'OIV mais non reconnues par l'Union devront faire l'objet d'une procédure d'intégration en droit communautaire. A ce titre, il sera nécessaire de procéder à leur expertise, puis de solliciter l'avis du Conseil sur leur transposition dans la réglementation communautaire ;

- pour celles qui seront ultérieurement reconnues par l'OIV, le Conseil pourra habiliter la Commission à les lui soumettre automatiquement, afin de pouvoir statuer dessus et d'éventuellement les intégrer.

En ce qui concerne le transfert des compétences du Conseil vers la Commission européenne, votre commission des affaires économiques s'y oppose formellement, tout comme il s'oppose à celui envisagé par cette dernière en matière d'étiquetage.

Elle est également hostile à la proposition de la Commission d'autoriser dans l'Union les pratiques approuvées dans le cadre d'accords bilatéraux pour les exportations vers les pays tiers .

En effet, cela aboutirait à introduire sur le territoire communautaire des pratiques qui ne sont admises, en provenance de ces pays, que pour des motifs commerciaux, la réglementation communautaire perdant alors tant en autorité qu'en cohérence. Par ailleurs, cela impliquerait que les opérateurs soient en mesure de distinguer, dans leurs lots de vin, ceux destinés au marché intérieur et ceux devant être exportés vers les pays tiers, ce qui apparaît largement inenvisageable en pratique.

Si la proposition de la Commission européenne de lever l'interdiction de vinifier des moûts importés et de mélanger des vins communautaires avec des vins de pays tiers semble n'avoir constitué qu'un leurre, votre commission des affaires économiques tient cependant à affirmer très clairement sa profonde hostilité à son égard.

Outre qu'elle accroîtrait les problèmes liés à la surproduction en induisant une entrée massive de produits extérieurs à l'Union, une telle mesure aurait en effet pour conséquence de permettre l'élaboration de vins avec indication géographique à partir de raisins provenant de pays tiers.

De plus, en l'absence d'organisme international de réglementation, d'harmonisation des pratiques et d'accord avec l'ensemble des producteurs, il deviendrait impossible de garantir la protection du consommateur européen si l'entrée de ces produits sur le territoire communautaire était permise pour la vinification ou l'assemblage. Une distorsion de concurrence à rebours, c'est-à-dire à l'encontre des producteurs européens respectant la réglementation et les contrôles communautaires, serait même probable.

Enfin, la question de la compatibilité de la législation européenne avec les règles de l'OMC sur ce point n'a jamais été soulevée par un pays tiers. Il semble donc qu'il s'agisse d'un débat artificiellement créé par la Commission européenne pour des motifs sans doute très largement extra juridiques.

L'enrichissement est une question éminemment sensible, sur laquelle votre rapporteur a pu constater qu'aucune proposition de réforme -à commencer par celle émanant de la Commission- n'était à même de contenter l'ensemble des opérateurs, ni au niveau national, ni - a fortiori - à l'échelle européenne.

La suppression de l'enrichissement par saccharose semble à la fois irréaliste et inopportune . La chaptalisation constitue en effet une pratique traditionnelle et quasi immémoriale dans de nombreuses régions de l'Union, dont il n'est pas rapporté qu'elle ait posé problème. Le saccharose est un produit neutre qui ne modifie pas fondamentalement le goût du vin et permet de doser très finement l'augmentation du degré d'alcoolémie souhaité. Son abandon aboutirait à de substantiels surcoûts pour des producteurs déjà confrontés à d'importantes contraintes économiques.

Par ailleurs, l'arrêt de tout enrichissement par le sucre impliquerait pour les opérateurs d'y substituer un enrichissement par moûts concentrés. Or, une majeure partie de ces moûts proviendrait d'autres pays que la France. Il y a fort à parier que le consommateur serait pour le moins surpris d'apprendre que le grand cru de Bordeaux qu'il vient d'acheter a été enrichi avec des moûts provenant, par exemple, d'Espagne, ou même de pays tiers.

Dès lors, la France se situant au confluent des pratiques en matière d'enrichissement et se trouvant partagée entre des sensibilités très différentes , comme l'a d'ailleurs démontré la diversité des opinions recueillies sur le sujet par votre rapporteur au cours des auditions, il ne semble pas opportun de modifier la législation sur le sujet . La réglementation actuelle, qui entretient un consensus à la préservation fragile, tout en ne mécontentant personne, gagnerait donc à ne pas être modifiée.

C'est pourquoi, votre commission des affaires économiques demande le statu quo en ce domaine.

* 8 Seule cette catégorie de vins, ainsi que les vins importés, peuvent utiliser la notion d'indication géographique. Pour les VQPRD, il est fait référence à des régions ou sous-régions.

* 9 Ainsi que des vins mousseux et des vins de liqueur.

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