Mme Hélène Poivey-Leclercq, avocat, représentant le Conseil national des barreaux, l'Ordre des avocats au barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.-

La parole est à Me Hélène Poivey-Leclercq, avocat.

Mme Hélène Poivey-Leclercq, avocat, représentant le Conseil national des barreaux, l'Ordre des avocats au barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers.-

Parler de ce sujet m'embarrasse parce qu'il me paraît être la traduction, dans les questions relatives à la fixation de la résidence des enfants, de l'idée, de l'idéal ou de l'illusion de l'égalité de l'homme et de la femme.

La question de la résidence alternée ne peut donc pas recevoir plus de réponse définitive que celle de l'égalité de l'homme et de la femme. C'est la raison pour laquelle j'ai été soulagée de savoir que vous attendiez de ma part des témoignages, des tranches de vie, des observations, peut-être des propositions de réforme car je ne sais pas imaginer un système, une organisation.

Puisqu'il m'a été demandé de vous informer de la façon dont moi-même et mes confrères vivons cette question dans notre pratique, j'évoquerai devant vous la manière dont évolue un dossier dans mon cabinet, la manière dont se déroulent les discussions dans le cadre d'une affaire de cet ordre.

Parlons du premier contact.

Le premier contact permet de constater que les gens ont une idée précise de l'existence de cette possibilité offerte par la loi. Les hommes, souvent, croient même que cette possibilité a été érigée en principe, revendication de l'égalité. Les femmes s'en défient souvent et vivent cette nouveauté légale comme une menace, une atteinte à l'égalité, c'est-à-dire la revendication de traiter également des choses par essence inégales.

Il me revient le souvenir d'un père qui, après avoir « couvé » les grossesses de sa femme, se levait discrètement la nuit avant le réveil du bébé pour être le premier au pied du berceau et donner le biberon de nuit. Après avoir fait tout cela, il trouvait normal d'être traité « à égalité » et donc d'obtenir la fixation d'une résidence alternée. Qui ne le comprendrait pas ?

Mais le trait doit être beaucoup plus accusé car, à côté de ce père spontané, la plupart des pères d'aujourd'hui sont intimés de vivre cette égalité. Comment comprendre dans ces conditions que le père qui a été sommé d'être l'égal soit tout à coup nié dans cette égalité ?

Le dialogue s'engage mal.

Si, comme le pensent les femmes, elles n'ont pas partagé leur maternité, elles ont seulement délégué des tâches matérielles et si, en outre, les médecins et les psychologues ont raison d'insister sur le caractère irremplaçable de la mère pour un jeune enfant, il paraît difficile de trancher, au moins en donnant à chacun le sentiment que la décision est juste.

Malentendu irréductible entre les hommes et les femmes...

Quelle utilisation contentieuse fait-on de la résidence alternée ?

La sincérité de la revendication n'est pas en cause. Chacun revendique de bonne foi la résidence, à raison du principe d'égalité. Il n'est donc pas question de contester la sincérité - au moins initiale - de la demande.

Pourtant, les choses deviennent moins propres et moins désintéressées, moins inspirées par l'amour de l'enfant. Car deux facteurs viennent polluer le débat, comme dans tout divorce (ce n'est pas propre aux enfants), je veux parler du regard des autres et de l'argent.

Je commence par le regard des autres parce que c'est moins pessimiste sur la nature humaine. Mais il n'est pas sûr que l'argent n'ait pas à passer avant... Compte tenu de l'histoire du divorce, la résidence alternée est un échec pour la mère et une victoire pour le père. Cela recèle implicitement un jugement sur les rapports du couple. Aucune règle de droit ne pourra jamais changer cette perspective sociologique. Seul le temps pourra l'effacer.

J'ai le souvenir d'une cliente, mère de deux enfants, dont l'un, adolescent, était particulièrement violent à son encontre, non seulement verbalement, mais aussi physiquement. Lors de la requête en divorce, elle prit la décision de ne pas demander la fixation de la résidence de cet enfant chez elle. Cependant, la veille de l'audience, elle changea d'avis et demanda que la résidence des deux enfants soit fixée chez elle. Pourquoi ? Parce que cette cliente a craint que, dans le cas où elle obtiendrait effectivement ce qu'elle demandait, c'est-à-dire la fixation de la résidence d'un seul de ses enfants chez elle, on se demande pourquoi, en tant que mère, elle n'avait pas obtenu la résidence de ses deux enfants.

Pour une femme, ne pas avoir à temps plein la résidence habituelle des deux enfants, c'est encore aujourd'hui un choix socialement inacceptable.

Passons au deuxième aspect, l'argent.

Sur ce thème, une idée fausse est très ancrée : si la résidence est alternée, la charge économique est alternée et donc il n'y a pas de questions d'argent à trancher.

C'est évidemment une ânerie. Mais le problème n'est pas là. Il y a beaucoup plus grave.

Tout le monde sait maintenant les rapports entre l'amour et l'argent, expression de l'amour, substitut de l'amour. Je ne vous fais pas de dessin : il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.

Le résultat est souvent que la mère craint, avec la résidence alternée, une diminution des sommes qu'elle va recevoir, tandis que le père espère la réduction de celles qu'il devra payer.

Mais il ne faudrait pas réduire le débat à cet enjeu car, pour les pères, plus souvent débiteurs des pensions alimentaires que les mères, il ne s'agit pas nécessairement de réaliser une économie, mais bien de rechercher une autre façon de payer : « Je préfère dépenser plus, mais avec mon enfant, et non donner de l'argent à l'autre, qui va tirer de l'amour de l'argent que je donne. Je veux garder la possibilité d'offrir des vêtements, des vacances, des loisirs, des petits cadeaux, ce que je ne pourrai plus faire si je dois donner le montant des pensions réclamées. Et, de l'autre côté, sont les mères qui ne veulent pas permettre que les pères se transforment en Père-Noël une semaine sur deux, grâce à un pouvoir d'achat supérieur au leur.

Sur ces bases, le contentieux se crée de façon extrêmement nocive, car il n'a toujours pas été question de l'intérêt de l'enfant !

Le passage devant le juge permet de remettre cet élément essentiel au centre du débat, et c'est bien. De sorte que les avocats anticiperont un peu.

Mais que peut connaître le juge de l'intérêt de l'enfant ? Il n'y a pas deux enfants entretenant des relations égales, identiques, avec leurs parents, y compris au sein d'une même fratrie. Il n'est même pas certain que les parents fassent la différence.

Alors, que faut-il décider ?

Face à un accord entre des parents, le juge se fait discret, respectueux de ces accords, même si parfois les modalités mises en place par eux lui paraissent trop complexes ou vouées à une révision probable. Tout au plus, leur soulignera-t-il ce qui lui paraît susceptible d'être source de difficultés.

Confrontés à l'opposition d'un parent à la revendication de l'autre de voir fixer une résidence alternée, les juges adoptent des attitudes diverses. Je ne me hasarderai pas à dire quelle est la meilleure.

Certains sont systématiquement pour, c'est-à-dire favorables à la résidence alternée. Ce n'est pas la loi. Mais cela peut trancher le débat en faisant croire au justiciable que ça l'est. Quand il sait que ce n'est pas le cas, il se révolte.

D'autres juges sont systématiquement contre. Et c'est le même schéma.

Plus généralement, on est conduit à faire du sur-mesure. Il est rendu possible par deux moyens, à savoir les mesures d'investigation - les enquêtes sociales et les examens médicopsychologiques - et l'audition de l'enfant. A Paris, l'enfant rencontre éventuellement les psychologues attachés au Palais de justice, mais c'est une particularité parisienne.

Pour trancher la question, le recours à des investigations est-il approprié ? S'il faut proposer des réformes, c'est dans ce domaine qu'elles me paraissent les plus urgentes.

L'enquête sociale et l'expertise médicopsychologique d'abord : de plus en plus fréquemment, les juges hésitent à ordonner des examens médicopsychologiques en raison de leur caractère onéreux. Aussi recourent-ils aux enquêtes sociales, qui sont confiées à des personnes, certes de bonne volonté, mais qui souvent, à leur tour, projettent souvent sur les situations dont elles ont à connaître leur propre ressenti : pour ou contre la résidence alternée, pro-papas ou pro-mamans.

Et surtout, reproche beaucoup plus grave, ces enquêtes se déroulent de manière non contradictoire, hors la présence des avocats. Or la présence de ces derniers devrait être obligatoire pour assurer le déroulement de l'enquête dans des conditions identiques chez les deux parents, ce qui est souvent loin d'être le cas.

Certains parents sont des interlocuteurs extrêmement habiles, capables de circonvenir l'enquêteur ou l'enquêtrice sociale.

En voici une illustration : dans un récent rapport d'expertise, la psychologue décrit que ses investigations auprès du père lui ont permis d'entendre l'enfant, de lui faire faire des jeux significatifs, tandis que celles qui ont été menées chez la mère n'ont rien donné, d'où elle conclut à la nécessité non pas de la résidence alternée, mais du transfert de la résidence chez le père.

Cependant, découvrant les conditions de l'enquête auprès de la consoeur en charge des intérêts de la mère, j'apprends que le père était absent de Paris à chaque enquête sociale, que l'enquêtrice devait se déplacer, passer une nuit soit à l'étranger soit dans le sud de la France pour le rencontrer, et que le père l'accueillait avec égards, créant ainsi un degré d'intimité auquel ne pouvait prétendre de son côté la malheureuse mère. De surcroît, menant ses investigations cette fois auprès de la mère, l'enquêtrice sociale s'était perdue en chemin, était arrivée sous la pluie, avec deux heures de retard et s'était trouvée naturellement propulsée avec un sentiment d'hostilité dans une maison d'où elle avait dû repartir rapidement pour honorer ses rendez-vous suivants. Les choses s'étaient donc très mal passées.

Il est impossible de laisser perdurer cette situation. Je le répète, la présence de l'avocat devrait être obligatoire. C'est un garde-fou permettant d'éviter nombre de problèmes.

Par ailleurs, un protocole - une sorte de feuille de route - devrait être mis en place pour organiser l'enquête et encadrer le rôle des enquêteurs. En effet, à l'heure actuelle, ces derniers tantôt entendent, tantôt n'entendent pas les instituteurs, tantôt rencontrent, tantôt ne rencontrent pas les grands-parents, et il en va de même des parrains, marraines, entre autres.

Ainsi, le rapport serait établi après une enquête menée dans des conditions identiques, permettant d'éviter les lacunes et les débordements.

L'audition de l'enfant devrait, elle aussi, faire l'objet de mesures appropriées, surtout après que la loi du 5 mars 2007 a réformé l'article 388-1 du code civil. Elle laisse les juges perplexes puisqu'ils devront avoir une formation en psychologie pour procéder à l'audition des jeunes enfants, mais aussi en sciences divinatoires pour remplir leurs nouvelles fonctions de pythonisse en devant vérifier que « le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat ». Je me demande comment ils pourront remplir les conditions de cet alinéa de l'article 388-1 du code civil !

Enfin, j'évoquerai un dernier aspect : le contentieux généré par la résidence alternée.

Ce contentieux a évolué. Cinq années se sont écoulées depuis que la loi a admis la résidence alternée qui permettent de faire quelques constatations.

D'abord, celle d'une acceptation sociale progressive de la loi, ce qui conduit à une augmentation du nombre d'accords mis en place quant à la résidence alternée.

Ensuite, celle d'une plus grande sensibilité des parents à l'intérêt des enfants, surtout lorsqu'il s'agit d'organiser la vie des plus jeunes. Les parents concernés sont moins aveuglés qu'hier par le ressentiment. Cela tient sans doute à la réforme du divorce, qui progressivement dédramatise la procédure, notamment en ce qu'elle interdit la motivation des requêtes initiales et marginalise l'imputation des torts en les privant d'influence sur les conséquences économiques. Peut-être remarque-t-on une crispation plus importante du contentieux dans la rupture de la famille naturelle.

Cette revendication d'égalité est jusqu'à maintenant exprimée en « revendication de l'enfant ». Cela peut être un étonnement pour les gens de soixante ans et plus qui étaient habitués à ce que les pères se résignent assez facilement à ne pas avoir la garde de l'enfant.

Les choses ont changé parce que, pour des raisons nombreuses, ils ne se résignent plus.

Pour l'instant, la revendication d'égalité s'exprime « pour avoir les enfants ». Les hommes les veulent, comme les femmes les voulaient.

Mais demain, l'égalité de l'homme et de la femme progressant, peut-être que le mouvement ira en sens contraire et que la femme se rapprochera de l'homme d'hier pour en vouloir de moins en moins, car confrontée notamment aux mêmes contraintes professionnelles.

Le problème du législateur sera peut-être alors de savoir à qui l'on confie les enfants non pas quand chacun des parents veut les avoir, mais quand aucun d'eux ne les veut !

Il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'école. En voici une première illustration qui m'a été rapportée par un confrère de Toulon.

Soit une famille de quatre enfants âgés de neuf à quinze ans ; le père, chirurgien-dentiste, décide de vivre avec son assistante ; la mère, médecin, accepte le divorce sans difficulté. Mais, lorsque le père lui propose une pension alimentaire pour chaque enfant, elle refuse, car elle ne veut pas des enfants ! Autrement dit, ni la mère ni le père n'en veulent ! Dans cette affaire, après trois audiences, le juge a menacé de placer les enfants à la DDASS... Un système de résidence alternée a été finalement mis sur pied, et ce avant la lettre, puisqu'elle ne figurait pas dans le code à l'époque où ces faits se sont produits.

Autre exemple : avant-hier, une jeune femme est venue me consulter, à l'occasion du divorce souhaité par son mari, pour voir comment imposer à celui-ci la résidence alternée des enfants chez chacun d'eux, ce que le mari refuse, peu désireux d'avoir à assumer la charge de deux enfants âgés, l'un, de vingt-deux mois, l'autre, de dix ans. La résidence sera alors alternée non plus dans le désir des enfants mais dans leur refus.

Le pire n'est pas obligatoire. Je m'arrête sur cette voie, mais non sans trouble !

Pour conclure, faut-il réformer la réforme ? Faut-il encore légiférer ?

Cela ne me paraît pas nécessaire. Les dispositions qui auraient pour effet d'interdire la mise en place d'une résidence alternée avant un âge précis ne me semblent pas souhaitables, car elles risqueraient de contrecarrer des accords entre parents et de créer inutilement du contentieux là où il n'existe pas.

La possibilité donnée par la loi au juge d'imposer la résidence alternée à titre expérimental pour une durée limitée est une sauvegarde nécessaire et utile, d'autant que les juges en usent avec mesure et circonspection, et non pas de manière systématique. Cette possibilité peut constituer un garde-fou contre des positions trop rigides des parents, qui sont ainsi « condamnés » à s'entendre.

Ceci n'est pas sans rappeler le contentieux qui existait autrefois à propos du partage de l'exercice de l'autorité parentale qui était délégué en totalité à celui des parents chez lequel était fixée la résidence de l'enfant. Il fallait batailler pour obtenir son partage. Je me revois au tribunal de Créteil disant au juge : « Condamnez-les à s'entendre ! »

Effectivement, la menace de la résidence alternée à titre expérimental est une condamnation à s'entendre !

Cette solution a été imposée par le juge à deux clientes qui étaient arrivées en larmes dans mon cabinet. Je leur ai déconseillé de faire appel, puisque, le jugement étant exécutoire par provision, le temps que le contentieux arrive devant la cour d'appel, la mesure expérimentale toucherait à sa fin. Je leur ai simplement suggéré, si cette expérience était catastrophique, de réunir les moyens propres à convaincre le juge, qui se rangerait à ce constat, puisque c'est quelqu'un de sage.

Eh bien, quelques mois plus tard, ces femmes ont été honnêtes et m'ont dit que cette solution si redoutée, donnait des résultats plutôt satisfaisants. Elles ont reconnu que les enfants s'accommodaient de cette situation et que les choses se passaient bien. Pour quelles raisons ? Parce que celui qui revendiquait le plus était apaisé par une mesure qu'il estimait équitable. Finalement, les parents ne se chamaillaient plus et, dans ce pseudo-consensus un peu ténu, les enfants y trouvaient leur compte, même si, comme ils le disent maintenant, « les parents divorcent et c'est nous qui déménageons ! »

Donc, cette mesure est nécessaire mais il faut, comme je vous l'ai dit, modifier les enquêtes et l'audition. Et, puisque l'on parle de réforme, je souhaiterais faire une suggestion : pourquoi n'instaurerait-on pas une sanction pénale à l'encontre du parent qui n'exerce pas son droit de visite et d'hébergement sur son enfant, cette sanction faisant le pendant de celle déjà prévue en cas d'entrave par l'autre parent à l'exercice de ce droit  ? Je livre cela à votre méditation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.-

Maître, nous vous remercions de ce témoignage. Les avocats - et les juges sans doute - envisagent les situations quotidiennes d'une façon concrète, sans théoriser. Personnellement, je ne suis pas favorable à la création de nouvelles sanctions pénales, même si votre comparaison était assez astucieuse !

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Il faudrait alors supprimer l'autre !

Mme Gisèle Printz.-

Je souhaiterais formuler une autre proposition, qui semblera peut-être saugrenue : les enfants vivraient toujours dans la même résidence et les parents s'y rendraient en alternance.

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

C'était la solution préconisée par Françoise Dolto.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.-

On peut aussi couper la maison en deux, si elle est grande. Ce serait plus facile !

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Certains de mes clients y ont pensé. L'appartement faisait l'objet d'une convention d'indivision et tout allait bien, du moins jusqu'à ce que d'autres partenaires arrivent dans la vie des parents...

Mais je profite de l'occasion pour évoquer une question que nous n'avons pas encore abordée et la livrer à votre réflexion.

Une jeune femme, dont les enfants vivent en résidence alternée, est venue me voir. Elle a rencontré un homme et a refait sa vie avec lui. Ils se sont arrangés avec le père des enfants pour que les alternances coïncident de telle sorte que tous les enfants soient réunis une semaine chez ma cliente et une semaine chez leur père. Seulement voilà : l'ancienne épouse du nouveau mari de ma cliente a convolé à son tour avec un homme dont les enfants vivaient en résidence alternée. Et là, l'alternance par quinzaine ne fonctionne pas et c'est la guerre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.-

Et si, en plus, les enfants ne sont pas scolarisés dans les mêmes académies...

Mme Hélène Poivey-Leclerq.-

Les parents ont l'impression d'avoir la garde permanente des enfants. Or ils ne le souhaitent pas, surtout quand ils doivent s'occuper de ceux de leur conjoint ! Ce nouveau contentieux peut nourrir la réflexion, mais je ne crois pas qu'il existe de solution.

Mme Raymonde Le Texier.-

Maître, je vous ai écoutée avec un réel intérêt et, parce que vous avez beaucoup de talent, j'ai regretté l'épisode de la personne que vous appelez par moment enquêtrice sociale et par moment psychologue. Elle ferait un rapport en faveur du père qui la reçoit « avec égards »,...

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

C'était un exemple !

Mme Raymonde Le Texier.-

...et dénigrerait ensuite la mère parce qu'elle est trempée et furieuse. Je trouve cette analyse un peu caricaturale et je souhaiterais que vous nous en disiez deux mots.

Je ne sais pas s'il existe encore dans la France profonde - j'ai connu cela voilà vingt ou trente ans, mais je croyais que c'était dépassé - des tribunaux qui s'adressent, pour les enquêtes relatives à la garde des enfants, à des gendarmes ou à des institutrices à la retraite. Si l'on s'adresse à un psychologue qui travaille correctement, il doit pouvoir faire la part des choses, même s'il arrive trempé et en colère.

Donc, il faut s'adresser à de vrais professionnels, qui peuvent effectuer un travail de qualité, et, mieux encore, à des services comprenant des équipes pluridisciplinaires. La personne concernée rencontrera les différents protagonistes, c'est-à-dire le père, la mère et les enfants, tantôt chez leur père, tantôt chez leur mère, et pourra obtenir un retour grâce à ses collègues.

Je crois que l'on peut faire un travail intéressant et correct sans tomber dans cette caricature. En revanche, la présence de l'avocat ne me semble pas souhaitable : il suffirait qu'une personne neutre soit à l'écoute des différents membres de la famille. Car l'avocat est quelquefois lui-même capable de projections personnelles - vous avez dû en rencontrer -...

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Tout à fait !

Mme Raymonde Le Texier.-

...et susceptible de régler ses propres comptes à travers l'ancien conjoint ou le conjoint actuel de son client.

Mme Hélène Poivey-Leclercq . -

Je vous remercie de vos observations.

J'ai forcé le trait à dessein : il faut toujours exagérer pour se faire comprendre.

La bonne foi et les qualités professionnelles de la quasi-totalité des enquêteurs sociaux ne sont pas à remettre en cause. Cela dit, vous êtes un peu optimiste en pensant qu'ils sont tous psychologues et que leur formation leur permet, sous couvert d'enquête sociale, de procéder à des examens psychologiques.

De deux choses l'une : soit il s'agit d'un examen médicopsychologique, soit il s'agit d'une enquête sociale. Et c'est une confusion des genres que de confier, sous couvert d'enquête sociale, un entretien médicopsychologique à une personne dont ce n'est ni le métier ni la vocation.

Mme Raymonde Le Texier.-

Je suis entièrement d'accord avec vous !

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Cela arrive tous les jours. Je peux vous montrer des rapports d'enquête sociale qui ont été rédigés avec un jargon para-analysant paralysant, il faut bien le dire.

Ce n'est pas une bonne chose.

Quant à la présence de l'avocat, pourquoi me semble-t-elle importante ? Parce qu'il est à mes yeux anormal que le père et la mère ne soient pas entendus dans les mêmes conditions et qu'ils le soient tantôt avec les enfants tantôt sans eux. Il existe une inégalité de traitement. Parfois, l'investigation est menée pendant une période de vacances scolaires, et les enfants sont très détendus. Mais si l'enquêteur arrive chez un des parents le jour où il a perdu son imperméable, où son enfant a eu zéro en dictée et a été puni, croyez-vous vraiment que l'échange sera fructueux ?

Mme Raymonde Le Texier.-

Un professionnel peut décoder ces situations.

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Pas nécessairement.

Mme Raymonde Le Texier.-

Il y aurait beaucoup à dire sur la qualité des personnes impliquées.

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Il est très important qu'une feuille de route précise s'impose à l'enquêteur social, notamment en ce qui concerne l'endroit où il doit entendre le père, la mère, les enfants - seuls ou avec leurs parents - et éventuellement les grands-parents, le nouveau conjoint, l'instituteur et la directrice de l'école, qui est un lieu neutre.

Sans que l'avocat intervienne forcément, sa présence est une garantie. Vous le savez, certaines personnes sont très impressionnées par la venue de l'enquêteur social.

Mme Raymonde Le Texier.-

Parce qu'il est mauvais !

Mme Hélène Poivey-Leclercq.-

Non ! Mais il exerce un rôle inquisiteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.-

Maître, nous vous remercions de cet exposé. La qualité des enquêtes sociales est un sujet qui pourrait être approfondi. Cet après-midi, nous entendrons la vice-présidente du tribunal de grande instance de Bobigny et le directeur des affaires civiles et du sceau. Nous pourrons donc leur poser de nouveau ces questions.

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