N° 359

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juillet 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur l'application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l' égalité des droits et des chances , la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mme Catherine Procaccia, M. Thierry Repentin, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a soulevé chez ces personnes et leur famille un immense espoir : celui d'une compensation enfin effective des conséquences de leur handicap et de leur intégration pleine et entière à la vie de cité.

Votre commission avait pris l'initiative, en 2002, d'engager la réflexion sur le droit à compensation et, plus globalement, sur la prise en charge du handicap, et ses travaux ont, pour une grande part, influencé le contenu de la loi. Elle s'est donc engagée à suivre régulièrement la mise en oeuvre de ce texte emblématique.

*

Aboutissement d'une réflexion de plus trois ans, la loi du 11 février 2005 s'était fixé quatre objectifs :

- d'abord, améliorer la prévention des handicaps et de leur aggravation, en structurant davantage la recherche sur ces sujets et en mettant en place des consultations de prévention spécifiques pour les personnes handicapées ;

- puis mettre en oeuvre le droit à compensation, tout particulièrement à travers une nouvelle prestation de compensation du handicap, visant à financer les surcoûts de toute nature liés aux conséquences du handicap, de façon à rétablir pour les personnes concernées une forme d'égalité des chances ;

- ensuite, garantir à toutes les personnes handicapées des ressources d'existence décentes lorsqu'elles sont dans l'incapacité totale de travailler, en l'occurrence au moins 80 % du Smic ;

- enfin, permettre l'« accès de tous à tout », c'est-à-dire d'abord à l'école, avec pour priorité la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, et à l'emploi, notamment dans la fonction publique, afin d'ouvrir plus largement le monde du travail aux personnes handicapées, mais aussi tout simplement à la cité, grâce à la mise en accessibilité des bâtiments, de la voirie et des transports.

La mise en oeuvre d'une loi aussi ambitieuse exigeait naturellement un nombre important de textes d'application : 138 décrets ou autres types de mesures réglementaires étaient attendus. Pour garantir le respect, par ces textes d'application, des intentions initiales du législateur, leur procédure de publication a été doublement encadrée : d'abord en prévoyant l'avis du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sur ces textes ; ensuite en imposant leur publication dans les six mois du vote de la loi.

Deux ans plus tard, 120 ont été prises, témoignant de l'ampleur du travail fourni par les services de l'Etat et de la réalité de la concertation engagée dans le cadre du conseil national consultatif des personnes handicapées. Bien sûr, le délai de six mois posé par la loi pour la parution des décrets n'a pas pu être respecté, mais personne ne s'offusquera que le Gouvernement ait voulu laisser toute sa place à la concertation. Il convient d'ailleurs de souligner que 90 % des textes publiés l'ont été avec l'avis favorable du CNCPH.

*

C'est désormais sur l'application concrète de la loi que votre commission souhaite se pencher : deux ans après son adoption, qu'a-t-elle changé concrètement pour les personnes handicapées et ceux qui les accompagnent ? La prestation de compensation du handicap répond-elle aux attentes de ses bénéficiaires ? A l'école, dans l'entreprise, dans la cité, le regard porté sur les personnes handicapées a-t-il évolué ?

Incontestablement, le bilan est contrasté : la loi a enclenché une dynamique inédite et des efforts considérables ont été déployés, notamment au niveau local, pour en rendre applicables les grands principes et installer les maisons du handicap. Mais les mentalités changent lentement et le législateur doit rester vigilant pour ne pas décevoir les attentes suscitées.

I. COMPENSATION DU HANDICAP : MENER LA RÉFORME À SON TERME POUR NE PAS DÉCEVOIR

Aboutissement de trois ans de réflexions partagées entre les gouvernements successifs, le Parlement et les associations, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a profondément modifié la politique en faveur des personnes handicapées.

Le principal acquis de cette loi est la reconnaissance d'un droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité nationale, qui se traduit très concrètement par la prise en charge des surcoûts de toute nature liés au handicap grâce à une nouvelle prestation : la prestation de compensation du handicap (PCH).

A droit nouveau, institutions nouvelles : la loi met en effet en place, pour la gestion de cette nouvelle prestation, une architecture inédite, reposant dans chaque département sur des maisons départementales des personnes handicapées, constituées sous la forme juridique de groupements d'intérêt public rassemblant l'ensemble des acteurs concernés par la politique du handicap.

La concomitance entre le renouvellement des droits et la rénovation des institutions de la politique du handicap fait sans doute toute la richesse de la loi du 11 février 2005. Mais elle est également source de complexité et de retard dans sa mise en oeuvre.

A. UNE ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE RENOUVELÉE MAIS ENCORE FRAGILE

1. Les maisons départementales des personnes handicapées peinent à trouver leur rythme de croisière

a) Un démarrage rendu difficile par la publication tardive des décrets

Pour faciliter l'accès des personnes handicapées à l'ensemble des solutions de compensation disponibles, la loi du 11 février 2005 a voulu mettre à la disposition de celles-ci et de leurs familles des « guichets uniques », les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui doivent constituer des lieux d'accueil, d'information, d'orientation et d'évaluation de leurs besoins.

La mission des MDPH s'étend également à la coordination territoriale des interventions en faveur des personnes handicapées, ce qui explique le choix opéré par le législateur d'un groupement d'intérêt public (GIP) pour porter ces maisons. Ainsi, le GIP rassemble obligatoirement les quatre principaux acteurs de la politique du handicap au niveau local - à savoir le conseil général, l'Etat, l'assurance maladie et les caisses d'allocations familiales - et peut s'étendre à l'ensemble des autres personnes morales intervenant auprès des personnes handicapées, comme les mutuelles ou encore les associations prestataires de services pour les personnes dépendantes. Les associations représentant les personnes handicapées y ont aussi une place éminente, puisqu'elles sont membres de droit de la commission exécutive du GIP.

Malgré les fortes réserves qu'ils avaient alors exprimées à l'égard du recours au GIP, les départements se sont mobilisés pour permettre leur constitution dans les délais prévus par la loi : ainsi, dès le 1 er janvier 2006, 99 départements avaient constitué juridiquement leur maison départementale des personnes handicapées.

Il convient de saluer cette réalisation, car les conditions dans lesquelles les départements ont dû négocier les conventions constitutives des groupements ont été particulièrement difficiles : en effet, les décrets relatifs aux compétences et aux modalités de fonctionnement des maisons départementales, de même que ceux relatifs à la nouvelle prestation de compensation n'ont été publiés que le 19 décembre 2005, ne laissant que quelques jours aux partenaires concernés pour en prendre connaissance et en intégrer les dispositions dans les conventions. Consciente de ce retard, la direction générale des affaires sociales avait toutefois eu la prudence de publier par circulaire, dès l'été 2005, un modèle de convention type à l'usage des conseils généraux.

Mais il faut également souligner que beaucoup de maisons n'ont été constituées au 1 er janvier 2006 qu' a minima : compte tenu des délais très brefs prévus pour la signature des conventions constitutives, un grand nombre de présidents de conseil général a eu recours à la possibilité, ouverte par l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles, de décider de l'entrée en vigueur de la convention entre une partie seulement des membres de droit. La plupart des conventions signées ne l'ont donc été qu'entre les départements et l'Etat, et donc en l'absence des deux autres membres de droit des GIP.

De plus, les conventions ont en général été signées dans une forme simplifiée, c'est-à-dire notamment sans les annexes spécifiant les contributions précises de chaque membre du GIP au fonctionnement des maisons.

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