DEUXIÈME PARTIE - FEMMES ET HOMMES DANS LES MÉDIAS
AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a choisi cette année de s'intéresser plus particulièrement à un thème qu'elle a souhaité intituler : « Femmes et hommes dans les médias ».

Le choix de ce thème d'étude, motivé notamment par les atteintes à la dignité de la femme encore trop souvent constatées dans la publicité, lui a permis :

- d'une part, de traiter la question de l'image de la femme et de son utilisation dans les médias, et plus particulièrement dans la publicité ;

- d'autre part, d'évaluer la place et les responsabilités occupées par les femmes dans les professions du secteur des médias, et d'abord celle du journalisme.

La délégation a mené à bien de nombreuses auditions sur ce thème. Au cours de sept réunions, elle a ainsi entendu le président du Bureau de vérification de la publicité (BVP), des professionnels de la publicité, des représentantes d'associations et des journalistes 6 ( * ) . Elle a notamment organisé, le 20 février 2007, sous la forme d'auditions publiques, une table ronde réunissant des femmes ayant exercé d'importantes responsabilités dans le secteur des médias : Mmes Dominique Alduy, Christine Clerc, Mémona Hintermann et Christine Ockrent, ainsi que Mme Isabelle Germain, présidente de l'Association des femmes journalistes. La présidente de la délégation a en outre effectué quelques auditions complémentaires 7 ( * ) .

A l'issue de ces travaux, les constats et les réflexions de la délégation s'articulent autour de deux axes :

- en dépit de l'existence d'un encadrement juridique précis et d'un système d'autorégulation, des dérives subsistent dans l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité, avec des atteintes persistantes à la dignité de la personne humaine et des représentations souvent stéréotypées ;

- les femmes sont peu nombreuses aux postes de responsabilité dans les professions des médias, tandis qu'elles n'occupent qu'une part limitée dans le contenu de l'information.

I. L'IMAGE DE LA FEMME DANS LES MÉDIAS ET PLUS PARTICULIÈREMENT DANS LA PUBLICITÉ : DES ATTEINTES PERSISTANTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE ET DES REPRÉSENTATIONS SOUVENT STÉRÉOTYPÉES

En dépit de la mise en place d'un encadrement juridique et d'un système d'autorégulation de la publicité visant à assurer le respect des principes de la dignité de la personne humaine et de l'interdiction des discriminations, des représentations de la femme attentatoires à sa dignité subsistent fréquemment dans les médias, et plus particulièrement dans la publicité.

Celle-ci véhicule également le plus souvent des images stéréotypées des rôles respectifs des femmes et des hommes et privilégie une certaine apparence physique de la femme, marquée par un culte de la minceur qui ne va pas sans risques en termes de santé publique.

A. UN ENCADREMENT JURIDIQUE PRÉCIS ET UN SYSTÈME D'AUTORÉGULATION DE LA PUBLICITÉ ONT ÉTÉ MIS EN PLACE EN VUE D'ASSURER LE RESPECT DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE ET L'ABSENCE DE DISCRIMINATIONS

1. Un encadrement juridique précis

a) Le principe constitutionnel de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine

L'activité publicitaire s'exerce dans le cadre de la liberté d'expression, principe constitutionnel garanti par l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 8 ( * ) , mais celui-ci est limité dans sa portée par d'autres principes de valeur constitutionnelle comme le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Depuis la décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 concernant les lois relatives à la bioéthique 9 ( * ) , le Conseil constitutionnel a en effet reconnu comme principe à valeur constitutionnelle « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation ».

Ce principe du respect de la dignité de la personne humaine, qui a comme corollaires essentiels la lutte contre l'incitation aux violences et la répression des pratiques discriminatoires, fait l'objet de dispositions générales dans le code civil et le code pénal, ainsi que d'un encadrement spécifique selon les différents médias concernés.

b) La mise en jeu de la responsabilité civile pour atteinte à la dignité de la personne

Aux termes de l'article 16 du code civil, « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».

Une atteinte à la dignité de la personne peut donc engager la responsabilité civile de son auteur en application des dispositions générales de l'article 1382 du code civil et donner lieu à l'exercice d'actions en justice par toute personne physique et morale ayant intérêt à agir.

C'est sur ce fondement que la société Benetton a été condamnée sur un recours présenté par l'association « AIDES Fédération nationale » et plusieurs personnes physiques, pour une campagne publicitaire d'affichage représentant une « image fractionnée et tatouée du corps humain », dont les parties exposées étaient marquées du mot « HIV ». Selon Benetton, ces affiches litigieuses n'auraient été conçues que pour sensibiliser le public aux risques d'exclusion des malades et pour choquer les indifférents.

Dans un arrêt du 28 mai 1996 10 ( * ) , la Cour d'appel de Paris a cependant considéré que Benetton avait abusé de sa liberté d'expression en utilisant « une symbolique de stigmatisation dégradante pour la dignité des personnes atteintes [par le VIH] de manière implacable en leur chair et en leur être, de nature à provoquer à leur détriment un phénomène de rejet ou à l'accentuer ». La Cour a ainsi reconnu le préjudice moral individuel causé aux personnes physiques demanderesses en leur imposant une représentation dégradante de leur état de personnes séropositives, ainsi que l'atteinte portée aux intérêts collectifs de l'association AIDES ayant pour mission de venir en aide aux personnes touchées par le VIH. La campagne publicitaire contestée a été interdite et des dommages et intérêts symboliques alloués aux plaideurs.

c) Les dispositions du code pénal

D'une manière générale, le code pénal sanctionne comme discrimination toute distinction entre les personnes à raison de leur sexe (article 225-1 du code pénal).

Plus spécifiquement, s'agissant des médias, en application de l'article 227-24 du code pénal, est passible de sanctions pénales (trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende) la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, quel qu'en soit le support, lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ; ces sanctions peuvent donc s'appliquer à la diffusion d'un message publicitaire accessible aux mineurs.

Par ailleurs, la diffusion sur la voie publique ou dans des lieux publics de messages contraires à la décence constitue une contravention passible d'une amende de 750 euros (article R. 624-2 du code pénal).

d) Les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprimant les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication

Depuis sa modification par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) , la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime les propos sexistes tenus par voie de presse, de publicité, de communication au public par voie électronique, ou par tout autre moyen de publication, de la même façon qu'elle réprimait déjà, par exemple, les propos racistes.

Sont ainsi punies :

- d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende, la provocation par l'un de ces moyens à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe (article 24) ;

- d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende, la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe (article 32) ;

- de six mois d'emprisonnement et de 22.500 euros d'amende, l' injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe (article 33).

Pour l'ensemble de ces délits, est désormais prévue la possibilité pour les associations ayant pour objet « de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations », d'exercer les droits reconnus à la partie civile , sous réserve de l'accord des victimes (article 48-5).

La loi prévoit en outre la possibilité pour le ministère public de poursuivre d'office, notamment en cas de diffamation ou d'injure sexiste (article 48).

2. Le régime particulier de la communication audiovisuelle et le rôle de veille du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

La communication audiovisuelle est plus spécifiquement régie par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication , au sein de laquelle a notamment été transposée la directive européenne du 3 octobre 1989, dite « Télévision sans frontières » .

Cette loi fait référence, dans son article 1 er , au principe du « respect de la dignité de la personne humaine » comme limite à l'exercice de la liberté de communication.

La publicité télévisée est réglementée par un décret n° 92-280 du 27 mars 1992 qui dispose notamment que la publicité doit être « conforme aux exigences de vérité, de décence et de respect de la dignité de la personne humaine » (article 3), exempte de toute discrimination en raison du sexe (article 4) et ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs (article 5), conformément aux exigences des articles 12 et 16 de la directive européenne précitée.

Un décret n° 87-239 du 6 avril 1987 fixe des règles analogues en matière de publicité radiodiffusée.

Il est à noter que le projet de nouvelle directive européenne appelée à remplacer la directive « Télévision sans frontières » tend à renforcer la lutte contre les discriminations et à étendre le champ d'application des dispositions permettant d'assurer le respect de la dignité de la personne humaine. En particulier, l'article 3 sexies de ce projet de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CE du Conseil prévoit que « Les États membres veillent, par des mesures appropriées, à ce que les services de médias audiovisuels et les communications commerciales audiovisuelles fournis par les fournisseurs relevant de leur compétence ne contiennent aucune incitation à la haine fondée sur le sexe » (...).

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs de sanction, y compris pécuniaire, est chargé de veiller à ce que les programmes de radio et de télévision ne contiennent « aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons [...] de sexe », aux termes de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, modifié en 2004, et conformément à l'article 22 bis de la directive européenne précitée. D'une manière plus générale, toujours selon l'article 15 précité, il veille « au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à la disposition du public ».

En application de l'article 14 de la même loi, il est chargé d'exercer un contrôle « par tous moyens appropriés, sur l'objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées ».

La présidente de la délégation a procédé à l'audition de trois représentantes du CSA : Mmes Maryse Brugière, directrice des programmes, Sylvie Clément-Cuzin, directrice juridique et Anissa Zeghlache, responsable du pôle « protection du jeune public et déontologie des programmes », qui ont présenté les actions menées par le CSA pour faire respecter la dignité de l'image de la femme et l'interdiction des discriminations sexistes dans les programmes de radio et de télévision.

Dans ce domaine d'action, comme dans les autres, le CSA intervient soit à la suite de plaintes de téléspectateurs , soit dans le cadre d'une autosaisine .

En application des règles posées par la loi du 30 septembre 1986 précitée, font l'objet d'une interdiction totale de diffusion les programmes qui porteraient atteinte à la dignité de la femme ou qui provoqueraient à la discrimination en raison du sexe .

Les interventions du CSA dans ce domaine prennent la forme soit d'un simple courrier, soit d'une mise en demeure qui peut être suivie d'une sanction en cas de renouvellement du manquement. Toutefois, le Conseil n'a jusqu'à présent jamais prononcé de sanction en cette matière.

Sur le fondement de l'interdiction des propos et comportements discriminatoires, le CSA est intervenu pour remettre en cause le principe même de certaines émissions de télé-réalité, qu'il a jugées non conformes aux obligations déontologiques d'une chaîne de télévision, en raison de l'image qu'elles donnaient de la femme. Tel était par exemple le cas d'un jeu mettant en scène des femmes complexées, voire en situation de détresse morale, prises en charge par une équipe faisant appel à des pratiques médicales et chirurgicales pour transformer leur apparence physique afin que l'une d'entre elles soit élue « miss » et remporte une forte somme d'argent.

Le CSA est également intervenu pour mettre fin aux propos et comportements violents envers les femmes dans d'autres émissions de télé-réalité, ainsi qu'à des propos sexistes ou discriminations sexistes dans diverses émissions.

Sur le fondement de l'interdiction des propos et comportements portant atteinte à la dignité humaine , le Conseil est intervenu à propos de séquences prétendument humoristiques mettant en scène une violence exercée à l'égard des femmes, comme par exemple une séquence mettant en scène un viol collectif d'une mère sous les yeux de son enfant, ou une séquence dans laquelle une femme était rabaissée au rang de cheval. Il est également intervenu à l'encontre de propos très violents tenus à l'égard des femmes ; en 2001, il a notamment adressé des mises en demeure à deux stations de radio, à la suite de commentaires obscènes formulés par certains de leurs animateurs au sujet des participantes à l'émission de télévision « Loft story ».

Par ailleurs, dans un souci de protection de l'enfance et de l'adolescence , le CSA impose aux chaînes de télévision un système de classification des programmes prenant en compte la sensibilité du jeune public , qui se fonde notamment sur le critère du respect de la dignité de l'image de la femme. L'objectif recherché est de ne pas banaliser une image dégradante de la femme ou une image la réduisant à ses attraits sexuels, en imposant que des programmes comportant de telles images ne soient pas diffusés en journée.

Le CSA intervient donc à l'égard de tels programmes en demandant une signalétique adaptée au programme concerné et un horaire de diffusion approprié. Tous les programmes sont concernés (émissions, documentaires, films, clips...), en fonction de leur contenu, qui peut justifier l'apposition d'une signalétique adaptée. En cas de diffusion d'images de la femme provocantes, par exemple, le programme est déconseillé aux enfants de moins de 10 ans, ou de moins de 12 ans, alors que les programmes érotiques sont déconseillés aux moins de 16 ans et les programmes pornographiques aux moins de 18 ans. Les programmes déconseillés aux moins de 12 ans ne peuvent être diffusés avant 22 h 00, ceux qui sont déconseillés aux moins de 16 ans avant 22 h 30, tandis que les programmes déconseillés aux moins de 18 ans ne peuvent être diffusés qu'entre 0 h 00 et 5 h 00 sur certaines chaînes dotées d'un dispositif de contrôle d'accès.

Sur le fondement de la protection de l'enfance, en ce qui concerne l'image de la femme, les interventions les plus nombreuses du CSA ont porté sur des vidéo-musiques, notamment des « clips de rap », mais certaines séquences d'émissions de télé-réalité ou de documentaires portant atteinte à l'image de la femme ont également motivé des décisions de classement dans l'une des catégories précitées.

Au total, le CSA est amené à intervenir plusieurs fois par an pour faire respecter les principes du respect de la dignité de l'image de la femme et de l'interdiction des discriminations sexistes.

En outre, conformément à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, le CSA doit contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle.

Il doit également veiller à ce que la programmation des services de télévision et de radio reflète la diversité de la société française. Dans le cadre de cette mission, il a créé en son sein, en janvier 2007, un groupe de travail « diversité » présidé par M. Rachid Arhab, qui a notamment procédé, au printemps 2007, à l'audition de Mme Fadela Amara, alors présidente de l'association « Ni putes, ni soumises ».

*

A la lumière de l'examen du cadre juridique en vigueur, on constate qu'il existe donc tout un arsenal juridique de textes législatifs et réglementaires visant à assurer le respect du principe de la dignité de la personne humaine et de l'interdiction des discriminations en raison du sexe , sur lesquels il est possible de s'appuyer pour engager des actions en justice contre des publicités sexistes.

Cependant, ainsi que l'a souligné devant la délégation Mme Christine Reichenbach, directrice juridique de l'Union des annonceurs (UDA), on ne compte qu'un nombre très réduit de décisions de justice portant sur des atteintes à la pudeur ou à la bienséance dans la publicité, en raison d'une grande tolérance des tribunaux à l'égard de la création artistique et de la difficulté pour le juge à se prononcer sur ce type de dossiers.

De l'avis de l'ensemble des professionnels entendus par la délégation, l'autorégulation mise en place sous l'égide du BVP s'avère plus souple et mieux adaptée au contexte spécifique de la communication et aux évolutions des exigences de la société, en permettant le plus souvent une sanction plus rapide et plus efficace qu'une saisine du juge.

M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, a d'ailleurs noté au cours de son audition que le projet de directive européenne appelée à remplacer la directive « Télévision sans frontières » consacrait, dans son article 3, les concepts d'autorégulation et de corégulation.

3. Le système d'autorégulation mis en place par le Bureau de vérification de la publicité (BVP)

Un organe d'autorégulation, dont la dénomination actuelle est le Bureau de vérification de la publicité (BVP), a été créé voilà maintenant plus de 70 ans par les trois grandes catégories de professionnels de la publicité : les annonceurs, c'est-à-dire les grandes marques commerciales qui commandent et paient des campagnes de publicité, les agences de publicité, qui conçoivent et réalisent ces campagnes, et les médias, qui diffusent les publicités.

Le BVP, qui a le statut d'une association régie par la loi de 1901, adopte, sous la forme de recommandations , des codes de bonne conduite permettant de compléter et de préciser la loi dans certains domaines où les professionnels ont souhaité se fixer des limites, comme par exemple l'utilisation de l'image de la femme. Ces codes de bonne conduite sont élaborés après consultation des associations de consommateurs dans le cadre d'une commission de concertation , instance consultative composée paritairement de représentants des associations de consommateurs et de représentants des professionnels de la publicité.

Bien qu'émanant des professionnels de la publicité et financé par eux, le BVP est chargé de faire respecter les règles déontologiques ainsi édictées en exerçant différentes formes de contrôle. Le BVP se présente ainsi comme « l'Association des professionnels pour une publicité responsable ».

Par ailleurs, l'Association des agences-conseils en communication (AACC) s'est dotée, au cours des dernières années, d'une charte éthique inspirée des pratiques européennes.

Afin de mieux assurer le respect de la dignité de la personne humaine en ce qui concerne l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité, Mme Nicole Péry, alors secrétaire d'Etat aux droits des femmes, avait mis en place un groupe de travail sur ce sujet en mars 2001.

A la suite des conclusions du rapport de ce groupe de travail, publié en avril 2002, le ministère de la parité a engagé une concertation avec le BVP qui s'est concrétisée par la signature, le 27 novembre 2003, par Mme Nicole Ameline, alors ministre déléguée à la parité, et M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, d'une déclaration commune sur le respect de la personne dans la production publicitaire , prévoyant notamment le renforcement de l'autodiscipline.

a) Les règles déontologiques élaborées par les professionnels : la recommandation du BVP relative à l'image de la personne humaine

Au niveau international, un code international de pratiques loyales en matière de publicité , destiné à être repris dans les instruments d'autorégulation existant au niveau national, a été élaboré par la Chambre de commerce internationale. Ce code pose des principes de décence, de respect des convenances selon les normes couramment admises et d'absence de discrimination, notamment fondée sur le sexe, ou d'atteinte à la dignité humaine.

Au niveau national, le BVP a élaboré, dès 1975, une recommandation relative à l'« image de la femme » que les acteurs de la publicité adhérents du BVP se sont engagés à respecter et selon laquelle la femme ne doit pas servir d'objet publicitaire, ni figurer dans une publicité si l'objet et l'argumentation de celle-ci ne le justifient pas.

Cette recommandation a été actualisée en octobre 2001 et son champ d'application a été étendu à l'« image de la personne humaine » en général, des atteintes à la dignité des hommes étant également constatées.

Ainsi que l'avait recommandé le groupe de travail mis en place par Mme Nicole Péry, alors secrétaire d'État aux droits des femmes, sa rédaction a été précisée afin d'y intégrer des dispositions plus explicites en matière de non-discrimination (dépendance, soumission, stéréotypes), d'égalité de traitement entre les femmes et les hommes et de représentation de la violence ou de situations dégradantes ou humiliantes.

La recommandation peut ainsi se résumer par les principes suivants :

- respecter la dignité de la personne ;

- ne pas porter atteinte à la décence ;

- ne pas réduire la personne humaine à la fonction d'objet ;

- ne pas présenter ou induire de stéréotypes dénigrant l'image de la femme ;

- ne pas représenter de violence morale ou physique.

Cette recommandation, qui se réfère aux principes posés par le code international des pratiques légales et que le BVP est chargé de faire respecter, constitue une véritable charte déontologique en matière d'image de la personne humaine dans la publicité , dont le texte est reproduit ci-après.

b) Les différents contrôles exercés par le BVP

Pour assurer le respect de ces règles déontologiques, ainsi que des dispositions législatives et réglementaires, le BVP exerce des contrôles qui peuvent intervenir soit préalablement au lancement d'une campagne publicitaire, soit après sa diffusion.

(1) Le contrôle a priori systématique des publicités télévisées

Au début des années 1990, le CSA a confié au BVP le contrôle a priori des publicités télévisées, pour lesquelles il n'exerce plus qu'un contrôle a posteriori .

Le BVP exerce donc un contrôle systématique sur les quelques 17.000 spots publicitaires annuels avant leur diffusion.

Selon M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, la France serait l'un des seuls pays à disposer d'un tel contrôle systématique a priori des publicités télévisées.

En cas de problème, le BVP peut demander à ce que la publicité litigieuse soit modifiée, ou ne soit pas diffusée du tout. 9 % seulement des spots télévisés, soit 1.528 spots, ont fait l'objet d'une demande de modification en 2006, et seuls 15 films ont été refusés dans leur intégralité.

(2) Le contrôle a priori facultatif sur les autres publicités

Pour les autres publicités, il n'existe aucune obligation de consultation du BVP. En 2006, des demandes de conseil préalable ont été formulées pour un peu plus de 13.500 projets de publicité au total, parmi lesquels 50 % ont fait l'objet d'une demande de modification et 9 % ont été totalement déconseillés. 233 ont porté sur des questions relatives à l'image de la femme, contre 270 en 2005.

Si ce contrôle reste facultatif, il est à noter que, dans le cadre de la déclaration commune avec le ministère de la parité signée le 27 novembre 2003, le BVP, au nom de l'interprofession, avait recommandé aux annonceurs, agences et supports de solliciter son conseil préalablement à toute campagne susceptible de poser des problèmes particuliers d'ordre déontologique.

(3) Les contrôles a posteriori

Les contrôles a posteriori interviennent soit à la suite de plaintes formulées par les consommateurs , soit dans le cadre d'une autosaisine du BVP.

Le BVP peut en effet être saisi par les consommateurs, dont les plaintes sont traitées gratuitement. Ainsi que l'a souligné son président, M. Jean-Pierre Teyssier, au cours de son audition, les annonceurs, qui ont besoin de bénéficier de la confiance des consommateurs, se conforment presque toujours aux demandes de modification ou de retrait formulées par le BVP à la suite de ces plaintes.

Le BVP peut aussi s'autosaisir d'une publicité posant problème et demander sa modification ou son retrait.

Par ailleurs, à la suite de la déclaration commune signée avec le ministère de la parité en novembre 2003, il a été décidé qu'une « pige » a posteriori serait réalisée chaque année pour assurer le suivi de l'application de la recommandation relative à l'image de la personne humaine . Cette « pige » prend la forme d'une étude portant sur la production publicitaire diffusée chaque année en affichage et en presse et consiste en l'analyse des manquements aux codes de bonne conduite constatés en matière d'image de la personne humaine, dont les résultats sont communiqués au ministre chargé de la parité et rendus publics.

* 6 Cf. comptes rendus en annexe.

* 7 Mme Christine Bruneau, présidente de l'association « Femmes de demain », M. Jean-Pierre Poulain, socio-anthropologue, professeur à l'université de Toulouse Le Mirail, et trois représentantes du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) : Mmes Maryse Brugière, directrice des programmes, Sylvie Clément-Cuzin, directrice juridique et Anissa Zeghlache, responsable du pôle « protection du jeune public et déontologie des programmes ».

* 8 Aux termes duquel : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

* 9 Loi relative au respect du corps humain et loi relative aux dons et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

* 10 Cour d'appel de Paris - 28 mai 1996 - Aides Fédération nationale c/ Benetton.

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