B. DES DÉRIVES SUBSISTENT NÉANMOINS DANS L'UTILISATION DE L'IMAGE DE LA FEMME DANS LA PUBLICITÉ : DES ATTEINTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE ET DES REPRÉSENTATIONS STÉRÉOTYPÉES

Le bilan des contrôles effectués par le BVP fait apparaître une diminution du nombre de manquements aux règles déontologiques constatés, mais l'efficacité de son contrôle est variable selon le mode de diffusion des publicités.

Les associations de lutte contre la publicité sexiste dénoncent des atteintes persistantes et pernicieuses à la dignité humaine concernant l'image de la femme, mais aussi parfois celle de l'homme. Par ailleurs, les représentations des femmes dans la publicité restent souvent stéréotypées, sans que ces dérives soient réellement sanctionnées.

1. Une diminution du nombre de manquements constatés par le BVP, mais un contrôle non exhaustif et d'efficacité variable selon le mode de diffusion

A la suite de la coopération mise en place avec le ministère de la parité, le BVP réalise chaque année une étude sur l'image de la personne humaine en publicité à partir de sa « pige » et des plaintes des consommateurs reçues.

Les résultats quantitatifs de cette étude pour les dernières années sont récapitulés dans le tableau suivant :

2003

2004

2005

Nombre total de « visuels » évalués

42 489

59 925

81 772

Dont presse

55 860

77 853

Dont affichage

4 065

3 919

Nombre total de manquements constatés

63

19

16

Dont presse

11

13

Dont affichage

8

3

Ratio général des manquements constatés

0,15 %

0,03 %

0,02 %

Ce bilan quantitatif montre une diminution régulière du nombre des manquements aux règles déontologiques depuis une première étude réalisée en 2001, où 69 manquements avaient été constatés.

Le nombre de plaintes déposées par les consommateurs au titre du non-respect de l'image de la personne humaine est également en baisse sensible (89 en 2006 contre 472 en 2003). Les questions liées à l'image de la personne humaine ne constituent plus le premier motif de plainte comme en 2003.

Le ratio général de manquements constatés par le BVP s'est stabilisé à un niveau relativement faible , de 0,02 % à 0,03 %.

De l'avis des professionnels entendus par la délégation, le système d'autorégulation mis en place par la profession s'avère efficace et, selon M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, le respect de l'image de la femme est plutôt mieux assuré que par le passé.

Cependant, le contrôle du BVP est loin d'être exhaustif, seules les publicités télévisées donnant lieu à un contrôle systématique . Ainsi que l'a souligné son président, le BVP n'aurait d'ailleurs pas les moyens de procéder à une vérification a priori de toutes les publicités.

M. Jean-Pierre Teyssier a d'ailleurs reconnu au cours de son audition que certaines affiches de cinéma étaient une source d'inquiétude pour le BVP et que l'affichage de la couverture de certains magazines dans les kiosques à journaux pouvait aussi poser problème.

S'agissant des affiches de cinéma, le BVP relève dans le bilan de son étude sur l'image de la personne humaine en publicité pour 2005 « la permanence du problème de la transformation en matériel publicitaire de visuels extraits de films ne respectant pas les règles de la profession ».

En 2006, le BVP a procédé à une étude spécifique des publicités diffusées au plan national par voie d'affichage . Sur un total de 4.288 « visuels » diffusés en 2006, 8 visuels, correspondant à 6 campagnes différentes, ont été considérés comme constitutifs de manquements à la déontologie en matière d'image de la personne humaine, soit 0,19 % de manquements constatés sur ce support. En outre, certaines affiches de films, assimilées à juste titre à de la publicité par le grand public, ont présenté, selon le rapport d'activité du BVP, « des problèmes persistants » (3 cas sur les 8 relevés).

Pour la presse, la « pige » 2006 du BVP a été centrée sur les services de « chat », de rencontres ou de téléchargement de logos-sonneries, secteurs présentant un nombre de visuels problématiques supérieur à la moyenne. Après analyse de plus de 800 pages de publicités parues dans des publications de la presse « grand public », 50 pages ont été retenues en raison de contenus non satisfaisants au regard de l'image de la personne humaine, soit 6,25 % du total des pages analysées. Aux termes du rapport d'activité du BVP, « le critère de dignité était au coeur des problèmes relevés : postures dégradantes, références à des stéréotypes sexistes (les blondes), femmes et/ou hommes en tant qu'objet sexuel, etc ».

L'efficacité du contrôle du BVP apparaît donc variable selon le type de média concerné.

Le système d'autorégulation organisé par le BVP fait d'ailleurs l'objet de critiques de la part de certaines associations de consommateurs comme l'UFC-Que choisir ou le CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie), qui considèrent que les règles déontologiques ne sont pas toujours respectées et réclament une réforme du BVP 11 ( * ) .

Le rapport du groupe de travail sur l'image des femmes dans la publicité mis en place en 2001 a notamment mis l'accent sur les difficultés du contrôle de l'affichage et recommandé que les afficheurs incitent les agences à solliciter un conseil préalable du BVP pour toute publicité qui leur paraîtrait contestable au regard de leur code déontologique. Le rapport soulignait ainsi que « les délais tardifs de fourniture des affiches aux afficheurs, qui doivent couvrir près de 6.000 panneaux publicitaires sur l'ensemble du territoire national, vingt-quatre heures à peine après réception des affiches, ne permettent pas de façon réaliste de saisir le BVP pour avis à ce stade ».

Le rapport de synthèse de « l'espace public de débat », mis en place par le ministère de la parité à la suite de la déclaration commune avec le BVP de 2003, souligne également que ce sont les affiches publicitaires qui posent le plus de problèmes au public, alors que le nombre de demandes de conseils préalables adressées au BVP en matière d'affichage est particulièrement faible. En conséquence, ce rapport propose que la consultation préalable du BVP devienne systématique pour les campagnes publicitaires nationales en matière d'affichage.

Approuvant cette proposition, la délégation recommande, pour renforcer l'efficacité du contrôle du BVP, que soit envisagé d'étendre l'obligation de consultation préalable du BVP, déjà prévue pour les publicités télévisées, aux campagnes publicitaires nationales d'affichage.

D'une manière générale, elle recommande également que les agences de publicité demandent un conseil préalable du BVP avant toute campagne publicitaire susceptible de poser des problèmes déontologiques, ainsi que le préconisait d'ailleurs la déclaration commune du BVP et du ministère de la parité en 2003.

Par ailleurs, certaines campagnes publicitaires , notamment dans le domaine du prêt-à-porter ou des parfums, sont réalisées par les services de communication des grandes marques elles-mêmes, sans faire appel à une agence de publicité adhérente du BVP, et échappent donc au système d'autorégulation mis en place par la profession.

Mme Marie-Pierre Bordet, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), a ainsi souligné au cours de son audition devant la délégation que les campagnes publicitaires de la célèbre marque italienne Benetton qui avaient choqué - ce qui avait d'ailleurs débouché sur une condamnation en justice 12 ( * ) - avaient été décidées par la famille de ses propriétaires et réalisées par un photographe choisi par celle-ci.

Elle a considéré que la liberté de création pouvait avoir pour conséquence que certaines publicités passent entre les « mailles du filet » de l'autorégulation, tout en faisant observer qu'il s'agissait de cas demeurant isolés.

Pour que le système d'autorégulation soit réellement efficace, il apparaît nécessaire qu'il puisse s'appliquer à toutes les campagnes publicitaires sans exception.

De manière à prévenir les défaillances de l'autorégulation, la délégation recommande d'imposer à l'ensemble des marques, y compris celles qui réalisent leurs propres campagnes sans passer par les agences de publicité, d'adhérer aux règles déontologiques et au système d'autorégulation mis en place par le BVP.

2. Des atteintes persistantes à la dignité humaine

Même si les professionnels entendus par la délégation ont tous constaté que les dérives en matière d'image de la femme étaient moins nombreuses qu'il y a quelques années, les associations de lutte contre la publicité sexiste, comme « La Meute », dont la présidente a également été entendue par la délégation, dénoncent l'insuffisante efficacité de l'action du BVP en la matière, en soulignant que le contrôle a posteriori -et non systématique-, effectué par le BVP sur les publicités non télévisées, laisse subsister beaucoup de publicités choquantes et dévalorisantes pour la femme, même si ces atteintes à la dignité humaine sont peut-être plus insidieuses que par le passé.

Ces dérives s'inscrivent tout particulièrement dans le cadre du phénomène dit du « porno-chic », qui touche les publicités de certaines grandes marques de luxe. De l'avis même du BVP, il existe aujourd'hui « une amorce de retour de cette tendance mêlant pornographie-violence-soumission, apparue au début des années 2000 ».

Selon Mme Mercedes Erra, présidente exécutive de Euro RSCG Monde, ce phénomène s'expliquerait par la logique très particulière et complexe de l'univers du luxe, reliée au désir ainsi qu'à une dimension sexuelle. Au cours de son audition devant la délégation, elle a assimilé le monde du luxe à un « monde de construction du désir », analysant le caractère tout à fait irrationnel de l'achat d'un objet extrêmement coûteux, tout en considérant néanmoins que de telles méthodes publicitaires pouvaient être cantonnées au « territoire du luxe ».

a) Les inquiétudes du Conseil de l'éthique publicitaire

Créé à la fin 2005, le Conseil de l'éthique publicitaire, présidé par M. Dominique Wolton et composé à parité d'experts indépendants (sociologues, philosophes, médecins...) et de professionnels, est chargé d'évaluer de manière impartiale l'activité du BVP.

Or, au-delà de la diminution quantitative des manquements à la déontologie constatés par le BVP, son rapport pour 2006 fait état de réelles préoccupations qualitatives, ainsi qu'en témoigne l'extrait reproduit ci-après.

CONSEIL DE L'ÉTHIQUE PUBLICITAIRE

AVIS SUR L'IMAGE DE LA PERSONNE HUMAINE DANS LA PUBLICITÉ EN 2005

(EXTRAIT DU RAPPORT ANNUEL 2006)

Le Conseil a examiné les résultats de l'étude, menée par le BVP, sur la représentation de l'image de la personne humaine par la publicité diffusée en 2005, en affichage et en presse.

Au vu de cette étude, le Conseil a jugé que 16 visuels lui apparaissaient critiquables au regard, non seulement de la Recommandation du BVP sur l'image de la personne humaine, mais également de ce que la société, de son point de vue, pouvait accepter. Il demande à ce que les annonceurs cessent, ou ne renouvellent pas, ces campagnes.

En outre, il a constaté un retour inquiétant à la mode du « porno-chic » de la part de grandes marques, notamment dans des magazines de mode, qui peut, si elle se développe (notamment en affichage), entraîner des dérives inquiétantes pour le respect de la personne humaine.

Le Conseil s'est également inquiété de certaines affiches de cinéma qui contreviennent aux règles que les professionnels respectent généralement en affichage, en favorisant de manière excessive des situations de violence, directe ou suggérée, qui peuvent heurter le public.

Le recours à la représentation de « femme objet », comme désormais aussi « d'homme objet » reste quelquefois une facilité que l'on continue à observer, par exemple dans les annonces en faveur de motos, heureusement surtout limitées à la presse auto-moto .

En ce qui concerne la nudité , et l'utilisation du corps de la femme (comme d'ailleurs, et de plus en plus, de celui de l'homme), le Conseil estime que la production publicitaire s'est plutôt assagie par rapport aux années précédentes. Toutefois, il se préoccupe de l'effet que peut produire sur le public un nombre élevé, surtout à certaines périodes de l'année (Saint-Valentin, Noël, Fête des mères), de publicités « déshabillées » en provenance notamment du secteur de la lingerie. Il estime que, si une publicité donnée peut être acceptable (si elle n'est ni dégradante, ni dangereuse pour la personne humaine), en afficher un grand nombre sur des réseaux puissants peut poser des problèmes dans certaines zones de nos villes et de nos banlieues . Il souhaite donc que les annonceurs et les afficheurs manifestent une grande vigilance sur ce point.

En effet, ainsi que l'a souligné au cours de son audition M. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP , l'on est passé au cours des vingt dernières années d'une exigence sociale de décence à une exigence de sécurité pour les femmes , sans doute concomitante à une amélioration statistique de la connaissance des violences envers celles-ci. Il s'agit, a-t-il précisé, d'éviter qu'une publicité ne puisse être à l'origine d'un passage à l'acte violent, soulignant que c'était là une question de sécurité, et non de morale. Or, la suggestion de relations sexuelles, utilisée de façon insidieuse par certaines publicités comme argument de vente, peut à cet égard poser problème.

b) Les plaintes enregistrées dans le cadre de « l'espace public de débat » du ministère de la parité

Des publicités jugées dégradantes et vécues comme une atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ont également été dénoncées dans le cadre de l' « espace public de débat » mis en place par le ministère de la parité à la suite de la déclaration commune avec le BVP de 2003 13 ( * ) .

Plus d'un millier de messages ont été enregistrés entre début février et fin 2004 dans le cadre de cet « espace public de débat » qui n'a pas été utilisé majoritairement par des associations et pas exclusivement par des femmes (un quart des participants étaient des hommes).

Ces plaintes concernaient pour la moitié des publicités diffusées par affichage, pour 11 % des publicités télévisées et pour 4 % seulement des publicités parues dans la presse. La question des couvertures de magazine affichées sur les devantures des kiosques a été soulevée, de même que celle des publicités véhiculées par Internet.

Un quart du total des plaintes a concerné les seules publicités pour des marques de lingerie.

38 % des publicités critiquées le sont pour des motifs de décence, mais moins de la moitié des publicités pour lingerie a été critiquée pour ces motifs (atteinte à la pudeur, hyper sexualisation de la nudité féminine...).

40 % des publicités critiquées l'ont été pour des motifs de discrimination. Un quart de ces publicités jugées discriminantes concernait des marques de lingerie ; dans ces publicités, c'est moins la vision du corps nu qui choquait que la présentation différenciée des corps de femmes et d'hommes et les références au rapport de domination/soumission.

Enfin, 18 % des publicités critiquées l'ont été pour des problèmes de violence. Il s'agit en général de violence symbolique. Certains messages ont dénoncé la pression psychologique sur les femmes qui se sentent obligées de se conformer à un modèle dominant d'esthétisme.

Surtout, de nombreuses contributions ont souligné que la fréquente représentation par voie d'affichage de femmes dénudées ou hyper sexualisées pouvait être interprétée comme une incitation à un moindre respect des femmes, voire à la violence, notamment sexuelle, à leur égard.

Or les consommateurs qui sont choqués par des publicités attentatoires à l'image de la femme ne sont pas toujours en mesure de réagir, faute de savoir à qui s'adresser et de connaître la possibilité de se plaindre auprès du BVP.

Pour faciliter les réactions des consommateurs confrontés à des publicités portant atteinte à l'image de la femme, le rapport de synthèse de « l'espace public de débat » avait recommandé que soit prévue l'obligation de faire figurer explicitement sur chaque affiche ou publicité dans la presse (au moins pour les campagnes nationales) la mention du nom et de l'adresse de l'annonceur, ainsi que, en accord avec celui-ci, les coordonnées du BVP, celui-ci étant habilité à recueillir des protestations de consommateurs.

c) Les publicités dénoncées par les associations de lutte contre la publicité sexiste

Au cours de son audition devant la délégation, Mme Florence Montreynaud, responsable du réseau « La Meute contre la publicité sexiste », a rappelé qu'elle avait lancé ce mouvement en 2000 afin de combattre la publicité sexiste dont la caractéristique consiste principalement à utiliser la « chair » des jeunes femmes pour faire vendre des produits. Elle a illustré son propos par l'exemple d'une publicité représentant un sac à main placé entre les jambes d'une femme nue.

Après avoir présenté le contenu du manifeste publié par « La Meute », intitulé « Non à la publicité sexiste », Mme Florence Montreynaud a indiqué que son association recevait, tout au long de l'année, des signalements de publicités sexistes et qu'elle en sélectionnait quelques unes particulièrement choquantes, en les classant dans plusieurs catégories, selon une échelle de gravité croissante.

Le résultat de ce classement pour 2006, rendu public le 8 mars 2007 et mis en ligne sur le site Internet de La Meute, comprend trois catégories de publicité qui se sont vu décerner le « prix Macho » de la publicité :

QUELQUES EXEMPLES DE PUBLICITÉS SEXISTES SÉLECTIONNÉES
PAR L'ASSOCIATION « LA MEUTE »

La première catégorie est celle des « clichés sexistes » :

Deux publicités ont été sélectionnées par « La Meute » dans cette catégorie :

- l'une pour un jeu de société, utilisant la représentation de la haine et de la violence entre femmes ;

- l'autre pour la promotion de l'emploi et de la formation professionnelle, utilisant l'image d'un travesti pour inciter à changer de métier.

Une deuxième catégorie de publicités sexistes est caractérisée par l'utilisation de la nudité et de la sexualité sans aucun rapport avec le produit concerné.

Les deux publicités sélectionnées par « La Meute » dans cette catégorie sont :

- une publicité pour un magasin de livres et de disques utilisant l'image d'une femme extrêmement mince, voire squelettique, nue dans la neige ;

- une publicité pour une automobile mettant en scène, dans le coffre de la voiture, des jouets des enfants de la famille, dans des positions équivoques.

Enfin, la troisième catégorie de publicités sexistes utilise les thèmes de la violence, de la prostitution et de la pornographie .

Quatre publicités ont été sélectionnées dans cette catégorie :

- L'une, pour des sous-vêtements féminins, est présentée sous la forme d'une fiche de cuisine représentant une brochette sur laquelle on peut voir des jeunes filles, seulement vêtues de culottes et de soutiens-gorge, qui sont embrochées à travers la taille par une poutre de bois.

- Une série de publicités d'une célèbre marque de produits cosmétiques vendus en pharmacie a été sélectionnée comme portant atteinte à l'image, non seulement des femmes, mais aussi des hommes. L'une représente les fesses d'une femme comme des fauteuils capitonnés. Une autre met en scène une femme avec des pinces à linge placées sur les cuisses. Une autre encore représente un homme portant sur la joue la mention « cuir véritable ».

- Sur le thème de la prostitution, a été sélectionnée une publicité pour une société de crédit à la consommation représentant un homme allongé dans un lit, encadré par deux jambes de femmes, avec le slogan : « Là, j'y vais direct ».

- Enfin, sur le thème de la pornographie, a été sélectionnée une publicité pour un grand magasin parisien, dont le magazine de lingerie féminine porte en couverture la photographie d'une femme habillée comme une prostituée et adoptant une attitude de racolage.

Par ailleurs, ont été déclarées « hors concours » par « La Meute » les publicités d'une marque de vêtements italienne diffusant « un festival d'images aux mises en scène recherchées pour leur effet pornographique : hommes habillés et femmes nues, ou l'inverse ; femmes offertes, étendues sur le sol, les jambes largement ouvertes ; femmes l'une sur l'autre, à deux, à trois [...] ».

Les campagnes de cette marque ont d'ailleurs suscité des mouvements de protestation dans plusieurs pays européens, notamment en Espagne et en Italie, et certaines publicités ont finalement été retirées.

Plus récemment, « La Meute » a dénoncé des publicités pour des soutiens-gorge, diffusées au cours du printemps pendant la campagne électorale présidentielle, utilisant des slogans, tels que « Enfin une candidature bien soutenue ! » ou « Avec moi, pas d'abstention ! ». Selon Mme Florence Montreynaud, « utiliser (...) le vocabulaire de la politique pour vendre des sous-vêtements ... c'est chercher à dévaloriser des femmes qui se présentent à nos suffrages, en les associant à des corps offerts et à des slogans à double sens qui caricaturent le processus électoral ».

Ces exemples constituent indiscutablement des représentations dégradantes de l'image de la femme, même si les professionnels de la publicité entendus par la délégation, comme par exemple Mme Mercedes Erra, présidente exécutive de Euro RSCG Monde, ont souligné la difficulté de définir avec précision ce qui est dévalorisant ou non, cette appréciation relevant parfois d'une grande subjectivité. Une même publicité peut susciter des réactions différentes et apparaître ou non choquante selon qu'elle est affichée dans un espace public, ou seulement diffusée dans des magazines.

Pour accroître les moyens d'action des associations de défense des droits des femmes en matière de lutte contre la publicité sexiste, la délégation recommande, ainsi que l'avait d'ailleurs proposé le rapport du groupe de travail sur l'image de la femme dans la publicité publié en 2002, d'élargir à ces associations la composition de la commission de concertation qui réunit des représentants des consommateurs et des professionnels de la publicité auprès du BVP.

Par ailleurs, la rédaction de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pourrait être modifiée pour étendre le droit de saisine du CSA, déjà reconnu aux associations familiales, aux associations ayant pour objet la lutte contre les violences faites aux femmes et les discriminations fondées sur le sexe . Cette modification , également suggérée par le groupe de travail précité, permettrait aux associations concernées de demander au CSA d'engager la procédure de mise en demeure , prévue à cet article, à l'encontre des éditeurs et distributeurs de services de radio ou de télévision ne respectant pas leurs obligations.

3. Des représentations encore trop souvent stéréotypées

Une autre dérive dans l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité, également préoccupante, quoique moins fréquemment dénoncée, concerne les stéréotypes véhiculés par les messages publicitaires quant aux rôles respectifs des femmes et des hommes.

Ce problème a été évoqué à plusieurs reprises au cours des auditions de la délégation, notamment à propos des publicités télévisées ou autres représentant la femme au foyer comme un être dépourvu d'intelligence, une « Bécassine » débordée face à des tâches ménagères simples.

Les représentations stéréotypées des femmes ont été dénoncées dans le cadre de « l'espace public de débat » mis en place par le ministère de la parité, en 2004. Selon le rapport de synthèse, « les sous-entendus véhiculés par les messages publicitaires [...] témoignent de la persistance de stéréotypes quant aux rôles respectifs des femmes et des hommes : la femme est tantôt une séductrice impénitente, tantôt une ignorante des questions mécaniques et techniques, uniquement préoccupée de l'esthétique ou du confort du véhicule... ».

22 % des publicités critiquées dans ce cadre l'ont été pour des motifs de non-conformité à la modernité. Ces motifs ont suscité plus de la moitié des critiques contre les publicités pour des grands magasins, des marques automobiles et agroalimentaires, dénoncées pour une « présentation particulièrement rétrograde des femmes ou des rapports entre les femmes et les hommes ».

Beaucoup de publicités pour produits alimentaires ou marques automobiles ont été critiquées pour motifs de discrimination dans la mesure où elles utilisent souvent une vision traditionnelle de la femme. Ainsi, les publicités pour produits alimentaires présentent largement les femmes en train de cuisiner ou de faire les courses : deux tiers de ces publicités signalées l'ont été pour des motifs de discrimination.

Au cours de son audition devant la délégation, Mme Mercedes Erra, présidente exécutive de Euro RSCG Monde, a estimé que les images de la femme dans la publicité reflétaient les représentations qu'en avait l'opinion publique aujourd'hui, ces images rendant compte d'un imaginaire donné à une époque donnée.

Elle a reconnu que les avancées - réelles - de la cause des femmes se heurtaient néanmoins à des blocages dans les représentations et à la prégnance des stéréotypes.

Selon Mme Mercedes Erra, la représentation traditionnelle de la femme en « ménagère » est désormais rejetée par la plupart des femmes qui ne souhaitent pas être réduites à cette image, même si celle-ci recouvre incontestablement une réalité, la femme continuant d'assurer l'essentiel des tâches domestiques, à hauteur de deux à trois heures par jour.

D'après elle, la publicité actuelle fait une large place à deux représentations de la femme : la mère et la séductrice.

Or, alors que les représentations de la femme dans la publicité demeurent trop souvent stéréotypées, il semble que le BVP n'intervienne pas à l'encontre de publicités, télévisées ou autres, véhiculant des stéréotypes sexués portant préjudice aux femmes, ainsi que l'a regretté au cours de son audition devant la délégation Mme Florence Montreynaud, responsable du réseau « La Meute ».

Interrogé sur ce point, M. Jean-Pierre Teyssier, président du Bureau de vérification de la publicité, a déclaré que le BVP n'avait reçu aucune plainte de consommateur à ce sujet et a rappelé que toute publicité comportant une dimension choquante pouvait lui être signalée. En effet, la charte déontologique du BVP relative à l'image de la personne humaine inclut la lutte contre les stéréotypes.

En revanche, celle-ci n'entre pas explicitement dans les missions actuelles du CSA, définies à l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, qui font seulement référence à la « lutte contre les discriminations » en général.

4. L'apparition de nouvelles dérives préoccupantes sur Internet

Le problème de la diffusion sur Internet d'images dégradantes pour les femmes et pour la personne humaine en général a été abordé à plusieurs reprises au cours des auditions de la délégation.

Mme Florence Montreynaud, responsable du réseau « La Meute », a estimé que la situation sur Internet était « extrêmement grave », citant l'exemple d'une publicité d'un fournisseur d'accès Internet qui, au moment des fêtes de Noël, proposait : « Offrez-vous un homme ».

Or, ce phénomène apparaît particulièrement difficile à contrôler, d'autant qu'il n'est pas toujours évident, s'agissant d'images diffusées sur Internet, d'établir une distinction entre les publicités proprement dites et les images émises par les sites, ainsi que l'a fait remarquer Mme Marie-Pierre Bordet, déléguée générale de l'Association des agences-conseils en communication (AACC).

On observe en effet l'apparition sur Internet d'un certain nombre d'images publicitaires modifiées et détournées de leur objet initial.

Selon Mme Pascale Weil, associée de Publicis Consultants, la publicité proprement dite serait une « oasis de décence » par rapport à d'autres formes d'expression non publicitaires, notamment sur le Internet.

S'agissant de la publicité proprement dite, Mme Christine Reichenbach, directrice juridique de l'Union des annonceurs, a cependant précisé que les agences de publicité vendant sur Internet étaient soumises à la même déontologie que les autres, quel que soit le support de diffusion des images, et que le champ de contrôle du BVP s'étendait à la publicité diffusée sur Internet. Elle a en outre fait remarquer que l'actualisation en cours de la directive dite « Télévision sans frontières » permettrait de prendre également en compte la publicité sur Internet.

* 11 Cf. « Le Monde » du 23 mars 2007 - « Les règles de la publicité mises en cause », par Laurence Girard.

* 12 Cf. arrêt précité de la Cour d'appel de Paris - 28 mai 1996 - Aides Fédération nationale c/ Benetton.

* 13 Cf. la « synthèse de l'espace public de débat sur l'image des femmes dans la publicité », publiée par le ministère de la parité en mars 2005.

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