TRAVAUX DE LA COMMISSION :

AUDITION DE M. CHRISTIAN BABUSIAUX, PRÉSIDENT DE LA 1ÈRE CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES, M. ALAIN CASANOVA, CHEF DU SERVICE DES PENSIONS, M. HUGUES BIED-CHARRETON, CHEF DE SERVICE À LA DIRECTION DU BUDGET, MME NATHALIE MORIN, CHEF DE SERVICE À LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE, ET M. FRÉDÉRIC ALADJIDI, DIRECTEUR-ADJOINT DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 26 septembre 2007

Ordre du jour

Audition de M. Christian BABUSIAUX, président de la 1 ère Chambre de la Cour des comptes, et de responsables du service des pensions, de la direction du budget, de la direction générale de la comptabilité publique, et de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes relative au service des pensions.

________________________

La séance est ouverte à 9 heures 35.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous ouvrons cette journée d'auditions par le suivi de deux enquêtes réalisées par la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la LOLF. La première enquête que nous aborderons concerne le service des pensions de l'Etat. Elle donne lieu, ce matin, à une audition pour suite à donner. De par sa nature, cette enquête intéresse également la Commission des affaires sociales, représentée ici par son rapporteur M. Dominique Leclerc.

Cette enquête a été conduite à la demande initiale de nos collègues Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la mission « Pensions » rejoint depuis par Bertrand Auban, co-rapporteur. L'attention de notre collègue avait été attirée par un rapport particulier de la Cour des comptes datant d'avril 2003. La Cour des comptes y décrivait la lourdeur organisationnelle du système de gestion des pensions de l'Etat, ainsi que la déficience de ses systèmes d'information. Quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi de 2003 portant sur la réforme des retraites, il s'agissait par cette enquête de dresser le bilan des améliorations attendues dans la gestion administrative des pensions ainsi que dans le pilotage du nouveau compte d'affectation spécial pensions, créé par la LOLF et mis en place en 2006.

Saisie le 3 octobre 2006, la Cour des comptes a remis son rapport le 25 juin 2007. Elle a pris le parti d'élargir son objet d'étude à l'ensemble de la chaîne de traitement des pensions. L'enquête a ainsi été menée auprès du service des pensions, situé à Nantes, mais également auprès de plusieurs ministères employeurs de la Direction du budget et de la Direction générale de la comptabilité publique.

Quelques chiffres témoignent de l'importance de l'enjeu de cette réforme. Près de 3.000 fonctionnaires, dont 441 pour le service des pensions, interviennent dans le traitement des quelque 86.000 pensions concédées annuellement, auxquelles s'ajoutent 25.000 pensions de réversion. Chaque agent traite ainsi directement quelques dizaines de dossiers. Les 2,5 millions d'euros de pensions inscrits au grand livre de la dette publique ont représenté une dépense atteignant 40,2 milliards d'euros en 2006.

La Cour des comptes relève un cloisonnement administratif tenace entre les ministères employeurs, le Service des pensions et le réseau du Trésor public. La Cour estime que cet éclatement de la chaîne des pensions contribue à la dispersion des responsabilités, ainsi qu'au retard pris dans la rationalisation des systèmes d'information. Au regard de l'importance de l'enjeu, et dans la perspective de l'année 2008, qui constituera une échéance importante du dossier des retraites, la Cour des comptes rappelle l'urgence, pour l'administration, d'engager une réforme profonde des missions et des statuts du Service des pensions, afin de doter le régime de retraite des fonctionnaires d'une autorité fonctionnelle unique, véritablement responsable du pilotage de la chaîne des pensions.

La présente audition a pour objectif principal, à l'instar des précédentes, de faire en sorte que les enquêtes réalisées et les rapports publiés connaissent une suite effective. Nous recevons ainsi, pour la Cour des comptes, M. Christian Babusiaux, président de la 1 ère chambre ; M. Jean-Marie Bertrand, conseiller-maître et président de section ; M. Christophe Bigand, rapporteur et administrateur civil ayant participé à l'enquête. Le service des pensions est représenté par M. Alain Casanova, chef de service. M. Hugues Bied-Charreton, chef de service, représente la direction du budget. Nous entendrons, pour la direction générale de la comptabilité publique, Mme Nathalie Morin, chef de service, et M. François Tanguy, sous-directeur. Enfin, la direction générale de l'administration et de la fonction publique est représentée par M. Frédéric Aladjidi, directeur adjoint.

Afin de pouvoir dialoguer et débattre, je demande que les interventions liminaires de la Cour des comptes et des administrations concernées se limitent aux observations principales. Ensuite, je donnerai prioritairement la parole à notre rapporteur spécial. Enfin, chaque commissaire qui le souhaitera pourra librement poser ses questions.

Pour que tout ceci soit possible dans des délais raisonnables, j'engage les participants à limiter leurs interventions à quelques observations, sachant que l'enquête de la Cour des comptes a d'ores et déjà été communiquée aux membres de la commission. Je rappelle aux membres de la commission des finances qu'il conviendra ultérieurement de prendre une décision quant à la publication de l'enquête de la Cour des comptes dans le cadre d'un rapport d'information.

Je donne sans plus tarder la parole à M. le président Christian Babusiaux, qui présentera les points principaux de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur le service des pensions.

M. Christian BABUSIAUX, président de la Première chambre de la Cour des comptes - Vous avez, Monsieur le Président, rappelé différents chiffres, tout à fait essentiels : ils légitiment à eux seuls l'intérêt du sujet dont nous traitons aujourd'hui. Il convient toutefois de préciser que le chiffre de 3.000 agents reste une approximation. En effet, l'éclatement des personnels intervenant sur le traitement des pensions est tel qu'il interdit un calcul précis. Il est donc impossible de définir, à la centaine près, le nombre d'agents prenant part à cette chaîne.

Les grandes masses sont néanmoins identifiables. Le service des pensions accueille 441 agents. Le plus grand nombre est constitué par 1.800 agents présents au sein des ministères employeurs. Enfin, 450 agents sont répartis dans 27 centres de paiements, rattachés à des trésoreries générales.

Ces considérations amènent un constat essentiel, et nécessaire à la bonne compréhension de notre sujet : en réalité, une grande pluralité d'acteurs intervient tout au long de la chaîne du traitement des pensions. Celle-ci compte trois temps. Tout d'abord, le ministère employeur saisit les données nécessaires au calcul des pensions. Il les contrôle une première fois, puis les transmet au service des pensions. Ensuite, ce service effectue un second contrôle exhaustif. Enfin, interviennent les 27 centres régionaux de la DGCP, qui assurent le paiement effectif des pensions.

Ce système essuie, depuis trente ans, des critiques récurrentes. En cela, le rapport de la Cour de 2003 ne constituait pas totalement une nouveauté. En effet, cette organisation juxtapose des entités indépendantes les unes des autres, et représentant des effectifs non négligeables. Du point de vue des systèmes d'information, une multitude d'applications servent successivement à la chaîne de traitement. Enfin, un contrôle exhaustif des données est effectué à différents stades de la chaîne.

Les multiples analyses réalisées, récemment et dans le passé, convergent vers une même recommandation. Il convient de tenter d'articuler, voire d'unifier, l'ensemble des maillons de cette chaîne. Afin de bien appréhender ce système dans toute sa complexité, et du fait même de la pluralité des acteurs en jeu, la Cour des comptes a estimé indispensable ne pas limiter son étude au seul service des pensions qui était l'objet direct de votre saisine. Elle a ainsi élargi son enquête à l'ensemble des acteurs de ce système, ainsi qu'à leur articulation.

Il serait caricatural de dresser un portrait excessivement noir du système actuel, qui offre différents motifs de satisfaction. Les pensions, en premier lieu, sont payées de manière ponctuelle et régulière. Sauf exception, aucun fonctionnaire ne subit de période d'absence de rémunération entre l'interruption de son traitement et le versement de la pension. En second lieu, le système actuel a connu des améliorations réelles, dans un contexte pourtant difficile. La loi de 2003 sur les pensions demandait une révision profonde du système : celle-ci a bien été conduite, au prix d'efforts importants qu'il convient de souligner.

De nombreux progrès ont été accomplis. De nouvelles interfaces entre les systèmes informatiques ont ainsi été développées. 10 % des dossiers papier font désormais l'objet d'un contrôle allégé. Enfin, la transmission des dossiers papier a également été réduite. Le Service des pensions a commencé à se transformer. Il est devenu, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le gestionnaire du compte d'affectation spéciale « Pensions », dont il doit assurer l'équilibre en recettes et en dépenses. Ce faisant, le service a commencé à acquérir la fonction d'une tête de réseau. Pour lui permettre d'assumer au mieux cette nouvelle responsabilité, une opération de recrutement a été initiée. Elle prévoit l'accueil de 57 nouveaux agents, dont 30 % de catégorie A. Ce recrutement a vocation à stimuler la capacité de réflexion et d'analyse du service des pensions. A de nombreux égards, ce dernier n'est donc plus un simple opérateur technique. Il a largement pris l'initiative de sa propre réforme.

Pour autant, quatre constats demeurent.

Tout d'abord, la chaîne reste cloisonnée, et son pilotage d'ensemble fait toujours défaut. Par exemple, il n'existe aucun réseau des gestionnaires de pension, malgré des initiatives ponctuelles, pas plus qu'un site Internet dédié. Pareils dispositifs favoriseraient pourtant, au-delà du partage d'expériences, la mise en oeuvre des nouvelles réglementations. Si une procédure de contrôle allégé est peu à peu mise en place, aucune conception d'ensemble n'en a pourtant été définie alors que la cohérence de la chaîne de contrôle -sans double emploi ni rupture- est essentielle à sa bonne organisation et à sa fidélité. De même, en ce qui concerne le volet performance, l'indicateur de coût de gestion des pensions ne recouvre que celui du service des pensions, et non pas l'ensemble des dépenses engagées au cours de leur gestion. Or, par définition, cet ensemble est financièrement bien plus important. Si le service des pensions a développé récemment un effort d'information des fonctionnaires et des retraités et si certains ministères ont mis en place leurs propres cellules d'information, aucune initiative d'ensemble pour l'information des usagers n'a été mise en place, à la différence de la majorité des autres régimes de retraite.

Ensuite, la refondation du système sur la base du compte individuel retraite n'a fait l'objet d'aucune véritable décision, et aucun plan d'ensemble ne vient en définir les modalités de mise en oeuvre. La réforme de 2003 proposait la création, pour chacun, d'un compte retraite alimenté au fur et à mesure que les intéressés constituent des droits. Aujourd'hui, les pensions demeurent calculées in fine, au moment de la retraite. Elles ne sont donc pas alimentées progressivement, au fur et à mesure des bulletins de paie. Un système proposant des pensions constituées en temps réel, et consultable par chaque fonctionnaire à tout moment, représenterait un instrument de connaissance et de réflexion tout à fait important, que ce soit pour les fonctionnaires eux-mêmes ou pour les travaux du Conseil d'orientation sur les retraites. Ainsi, l'utilisation du compte individuel retraite, pour être la pierre angulaire du système des pensions, n'a toujours pas été entérinée.

En outre, au sein même du ministère du budget, différents projets de rapprochement du service des pensions et des centres régionaux de paiement existent. Initiées par les ministres précédents, ces réformes demeurent en cours d'examen. De la même manière, le chiffre des 27 centres régionaux de pensions apparaît considérable, tout particulièrement au moment où le régime général des retraites a opéré de longue date la concentration de ses propres centres, pour ne plus en retenir que deux.

Enfin, une réforme présenterait des avantages majeurs, sous différents points de vue. En termes de productivité, d'importantes économies pourraient être réalisées. Une réforme présenterait également un gain en termes de pilotage, faisant du système des pensions un véritable régime à part entière. De plus, les fonctionnaires eux-mêmes disposeraient d'un outil particulièrement puissant quant à la connaissance de leur pension, outil dont les autorités publiques pourraient utilement se servir pour leurs réflexions.

Ayant ainsi résumé nos quatre constats essentiels, je tiens à attirer l'attention de la commission sur deux points majeurs. Tout d'abord, le moment paraît idéalement propice à la décision. La situation a évolué, une direction précise, fondée sur le système du compte individuel de retraite, peut exister. Une évolution générale des systèmes d'informations financière de l'Etat est amorcée : il convient d'assurer qu'elle inclut un nouveau système pour les pensions, faute de quoi l'occasion aura été manquée ou de très nombreuses années. Du point de vue de la gestion des ressources humaines, les services chargés des pensions seront très bientôt confrontés à une importante vague de départs en retraite. La prise d'une décision pertinente contribuerait à gérer dans la douceur ces différents bouleversements annoncés.

Or, et c'est là le second point, la décision, pour être efficace, devra être intégrée au sein d'une démarche de changement. Une structure forte et pérenne, interministérielle, sera sans doute nécessaire à son bon pilotage. L'existence d'un portage politique, fort et clairement affirmé, constituera une seconde condition indispensable. Enfin, il convient de rester attentif aux évolutions sociales : les effectifs en question sont en effet, pour une part non négligeable, concentrés dans des régions sensibles, qui appellent, dans le traitement de ces questions, une certaine mesure. Pour autant, le moment semble idéal pour mettre en oeuvre, dès aujourd'hui, ce changement.

M. Jean ARTHUIS, président - Je remercie le Président Babusiaux de ses nombreuses observations. S'il a, dans son exposé, constaté des progrès, ceux-ci laissent toutefois d'importantes marges de progression. Je suggère que M. Alain Casanova prenne maintenant la parole. Il pourra reprendre les observations apportées plus haut, et indiquer quels travaux en cours répondent aux interrogations de la Cour des comptes.

M. Alain CASANOVA, chef du service des pensions - Avant tout, je dois m'avouer heureux et honoré de présenter devant cette commission les nombreux travaux engagés par le service des pensions depuis 2003. Je remercie le Président Babusiaux de son exposé, et me félicite de la bonne collaboration développée par mon service avec la Cour des comptes à l'occasion de cette enquête.

Il m'apparaît important d'apporter deux précisions. Concernant le champ de l'enquête, la Cour a pris le parti délibéré d'examiner l'ensemble des maillons de la chaîne. Ce choix est tout à fait juste et légitime. Le service des pensions assume un rôle croissant dans l'animation de ce réseau, sans qu'il puisse pour autant être tenu responsable des agissements de chacun. Du point de vue de son calendrier, la gestion du régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat connaît une période de transition. De nombreuses initiatives ont été conduites, d'autres sont encore en cours.

Les réformes touchant à la gestion des pensions de l'Etat demandent la mise à niveau de systèmes d'information, et s'inscrivent, en tant que telles, dans un temps nécessairement long. En outre, ces réformes s'inscrivent dans deux grandes tendances actuelles, avec, d'une part, la révision générale des politiques publiques, et, d'autre part, l'échéance de l'année 2008 pour la réforme des retraites. Ces deux tendances possèdent leur calendrier propre. Gardant ces quelques éléments à l'esprit, j'apporterai des réponses point par point aux interrogations du président Babusiaux, pour indiquer quelles avancées récentes ont été réalisées, puis pour décrire l'état des travaux actuels.

Quatre sujets illustrent bien les différentes avancées réalisées par l'ensemble des acteurs de la « chaîne pension ».

En premier lieu, le service des pensions a été confronté à un accroissement considérable du nombre de départ en retraite, qu'il a dû gérer alors même que son propre effectif enregistrait une légère diminution, en dehors des opérations de recrutement sur des missions nouvelles évoquées plus haut. Le nombre de dossiers a ainsi augmenté de plus de 20 % depuis 2003, et de plus de 50 % depuis 10 ans. Une réforme importante, encore en cours à l'heure actuelle, a permis l'allègement des contrôles et des pièces justificatives, et ainsi la bonne gestion de cette suractivité. Trois points ont fait l'objet d'une attention particulière : le développement de la polyvalence des agents de contrôle ; l'instauration d'une politique de contrôle modulée sur la base d'une analyse des risques ; l'allègement de la procédure de mise en paiement des pensions. Le Conseil d'Etat examine actuellement un projet de réforme portant sur le recouvrement des cotisations pour les agents détachés sur les emplois ne conduisant pas à pension. Ce projet apparaît comme une source de productivité et simplification tout à fait importante.

En deuxième lieu, le service a assuré la mise en oeuvre de la réforme de 2003. Dans ce cadre, le Service s'est notamment chargé d'animer les différents bureaux des pensions des ministères. Ce réseau, sans doute embryonnaire et informel, n'est en pas moins réel et actif. Il a abouti à la construction d'un site Internet ainsi qu'à la mise en place d'un centre d'accueil téléphonique.

En troisième lieu, le service des pensions a porté le développement du droit à l'information retraite. C'est là un sujet tout à fait fondamental. En effet, ce droit a directement permis la mise en oeuvre du compte individuel retraite. A cet égard, nous convenons avec le Président Babusiaux que ce compte constitue le coeur de la réforme du dispositif actuel.

M. Jean ARTHUIS, président - N'existe-t-il, à l'heure actuelle, aucun historique des rémunérations des fonctionnaires ?

M. Alain CASANOVA, chef du service des pensions - L'élaboration de cet historique est en cours. Des comptes ont été constitués pour les 2,5 millions de fonctionnaires concernés. Nous suivons, sur ce point, le calendrier de la mise en oeuvre du droit à l'information retraite. Nous construisons donc les comptes individuels retraite au fur et à mesure, en prenant en compte l'ensemble des carrières. C'est là une démarche relativement longue et complexe.

Sur ce dossier, le service est parti de zéro. Le compte individuel retraite n'existait pas. Un comité de pilotage interministériel a été mis en place, à l'issue de nombreuses réunions préparatoires. Dans cette première phase, le service des pensions s'était d'ores et déjà placé au centre de l'animation de ce réseau. Alors que, jusqu'en 2004, il n'existait aucun instrument de gestion, nous sommes désormais tout à fait préparés pour la campagne 2007.

Enfin, en quatrième lieu, le compte d'affectation spécial pension atteste également de la réforme engagée par le service de pensions. Il s'agit là d'un point fondamental, qui vient apporter une illustration financière de l'unité du régime, et qui apparaît, à plus d'un titre, comme une grande réussite. Tout d'abord, la prévision de dépenses, mission nouvelle du service, s'est avéré exacte à 0,5 % près. Ensuite, du point de vue de l'exécution, les recettes ont été correctement recouvrées. Un suivi régulier a été mis en place. Lorsque des difficultés surviennent, les actions qui s'imposent sont mises en oeuvre de manière systématique.

Cette action du service des pensions a été reconnue par une mission de l'inspection générale des finances. Cette dernière avait identifié de nouveaux chantiers qui devaient contribuer à améliorer la gestion du système : ils sont actuellement en cours de réalisation.

Au-delà de ces avancées du service des pensions, une réorganisation est également en cours, qui s'articule autour de deux volets.

Le premier volet, ou volet amont, recouvre la mise en oeuvre du compte individuel retraite comme un outil de gestion intégré au sein du service des pensions. Un audit de modernisation a rendu ses travaux publics en février 2007. Ses conclusions distinguent deux phases. Une première phase, portant sur la période 2007-2009, doit voir la fiabilisation du compte individuel retraite dans le cadre de la montée en puissance du droit à l'information retraite. Les comptes concernés ont été identifiés, les informations nécessaires ont été collectées. Une démarche de déclarations annuelles a été inaugurée, attestant du passage d'une logique de stock à une logique de flux.

La deuxième phase s'étend jusqu'à 2011, et repose sur un schéma cible, dans lequel le compte individuel retraite est alimenté par des déclarations annuelles unifiées. A ce stade, l'ensemble des dispositions nécessaires à la réforme radicale de la gestion des régimes de retraites des fonctionnaires de l'Etat, et son passage vers une logique de caisse, seront acquises.

Cette organisation cible permettra de dégager des gains de productivité très importants. Elle s'inscrit dans le champ de la révision générale des politiques publiques. Le calendrier des travaux sera arrêté dès le premier trimestre 2008. De son côté, le service des pensions a préparé les projets de modifications réglementaires, tout en préparant la transition ainsi que ses modalités de mise en oeuvre.

Le second volet, ou volet aval, concerne l'intégration des fonctions de gestion des actifs et des pensionnés au sein d'une même entité. Une mission d'étude a été lancée par le précédent ministre. Cette mission rend compte régulièrement, et de manière publique, de l'avancée de ses travaux. Les organisations syndicales sont ainsi régulièrement tenues informées. Trois considérations guident son analyse : le renforcement de l'identité du régime, enjeu d'efficacité et de transparence ; la recherche d'une productivité accrue, à la fois au sein du service des pensions et des actuels comptes individuels retraite ; et enfin, un objectif d'amélioration de qualité du service, notamment par un accueil centralisé suivant des modes de gestion moderne, distinguant notamment front office et back office.

Différentes organisations théoriques ont été examinées. Une seule a été retenue : elle propose un service à compétence nationale rattaché à la direction générale de la comptabilité publique, intégrant l'actuel service des pensions et les différents services ministériels

Si le projet actuel n'a pas fait l'objet, à l'heure actuelle, d'une décision ministérielle, il s'agit toutefois d'un projet élaboré de façon publique, et privilégiant un rapprochement organique plutôt qu'une coopération renforcée. La mission d'études rendra ses conclusions dans le courant du mois d'octobre. Celles-ci sont d'ores et déjà inscrites au sein du calendrier de la révision générale des politiques publiques, au titre de l'audit des réseaux financiers.

En conclusion, du point de vue de la gestion courante du régime, le service des pensions a conduit de nombreuses réformes, tout en maintenant la sécurité des opérations quotidiennes. Le droit à l'information retraite est un dossier lourd et délicat. Si ce projet demandait donc un investissement lourd et un effort de long terme, j'ai désormais la conviction qu'il aboutira avec succès. Du point de vue de la gestion des retraites de l'Etat, le service des pensions apparaît comme un levier efficace pour l'évolution du système. Ce service l'a déjà prouvé par le passé, avec discrétion, sans doute, mais en affichant des résultats tangibles.

M. Jean ARTHUIS, président - Selon mes calculs, l'année 2006 a vu « l'irruption » de 100.000 dossiers nouveaux, soit 37 par collaborateur. Cela reflète-t-il la réalité ?

M. Alain CASANOVA, chef du service des pensions - Les services des pensions ne traitent pas des seules liquidations et concessions de pensions, la moitié de leur charge de travail est consacrée à la validation de service ainsi qu'à des affiliations rétroactives. Le seul critère des concessions de pensions ne permet donc pas de refléter de manière pertinente l'activité des services. Ils assument une charge de travail bien plus importante.

M. Jean ARTHUIS, président - La parole est à Mme Morin, représentant la Direction générale de la comptabilité publique.

Mme Nathalie MORIN, chef de service de la direction générale de la comptabilité publique - Je m'estime plus compétente pour évoquer la phase aval du processus, soit la mise en paiement des pensions. Je centrerai donc davantage mon propos sur cet aspect de la chaîne.

Il convient de rappeler brièvement que la DGCP ne saurait être soupçonnée de conservatisme. Cette direction a engagé, depuis une dizaine d'années, de nombreuses réformes, et ce dans l'ensemble de ses domaines d'activité. Le domaine des pensions a connu, lors des quatre dernières années, une actualité chargée, avec la mise en oeuvre de la loi de 2003 et de la LOLF. Autant de bouleversements auxquels l'administration s'est adaptée avec succès, grâce aux efforts considérables de ses équipes.

Parallèlement à ces adaptations nécessaires, la DGCP continuait à tenter d'améliorer les services rendus par les centres régionaux des pensions. Une structure de pilotage dédiée a été mise en place. Elle assure une fonction de maîtrise d'ouvrage en matière de système d'information. Trois ans après sa création, l'apport de cette structure est indéniable, et ses effets bénéfiques sensibles. Différents efforts ont été conduits du point de vue de la productivité. Désormais, une application favorise la dématérialisation des dossiers de pensionnés. Ce dispositif a contribué, à sa hauteur, à la progression depuis 7 ans de 13 % de la productivité des centres régionaux de pension. A ce propos, je tiens à rappeler que ces centres gèrent 4 millions de dossiers de pensions, et non 2,5 millions. Il convient en effet d'inclure les autres prestations dont ils ont la charge, et qui, malgré un montant dérisoire, induisent d'importants coûts de gestion, pesant lourdement sur la productivité des centres. C'est notamment le cas de la pension versée au titre de la légion d'honneur, dont le montant moyen ne s'élève qu'à 6 euros.

Afin de simplifier le service rendu au pensionné, un effort particulier a été porté sur l'amélioration des relations avec les administrations qui participent au processus. Dans le cadre des travaux sur la certification, la sécurisation du processus a également été revue, par la mise à disposition d'outils, l'élaboration d'un référentiel de contrôle interne, ou la conduite d'un audit interne dont les conclusions seront bientôt rendues. Une refonte des systèmes d'information a été engagée. Le système informatique actuel, s'il permet le paiement en bonne date des pensions, présente un cloisonnement en treize bases interrégionales, posant un frein non négligeable aux regroupements. Ces différents travaux engagés, très ambitieux dans leurs objectifs, attestent bien de la volonté de la direction de progresser dans ces domaines.

Il est vrai qu'au regard des enjeux actuels, ces diverses initiatives peuvent apparaître insuffisantes. En effet, il convient de poursuivre les efforts déjà engagés : ceux-ci reposent sur une méthode sage, dont les bienfaits seront bientôt sensibles. Si les critiques à l'égard de l'organisation sont récurrentes, les tentatives de réforme le sont également. Or, jusqu'à présent, aucune n'a réussi.

M. Jean ARTHUIS, président - Comment expliquez-vous les échecs successifs des tentatives de réformes ?

Mme Nathalie MORIN, chef de service - M. Alain Casanova pourra, s'il le souhaite, compléter mon propos. Sans doute la pédagogie employée n'a-t-elle pas été efficace. Les agents n'ont en effet pas intégré la nécessité de rationaliser l'organisation actuelle. Il faut également déplorer une vision excessivement cloisonnée chez chacun des acteurs, entraînant une certaine résistance sociale. La LOLF nous a appris à raisonner en termes de processus et non plus en termes de structure. Le développement de la concertation a permis de nombreux progrès.

M. Jean ARTHUIS, président - Vous évoquiez des résistances syndicales. Qu'est-ce qui, aux yeux des syndicats, posait problème ?

Mme Nathalie MORIN, chef de service - Nous nous sommes heurtés à des réactions classiques, selon lesquelles les agents sont plus attachés aux structures qui les hébergent qu'aux missions qu'ils assument.

M. Jean ARTHUIS, président - Ces difficultés sont-elles désormais surmontées ?

Mme Nathalie MORIN, chef de service - Le travail de pédagogie porte peu à peu ses fruits. Il devrait bientôt permettre la mutation culturelle nécessaire.

M. Jean ARTHUIS, président - Afin de compléter cette audition, nous écouterons pour la direction générale de l'administration et de la fonction publique, M. Frédéric Aladjidi, directeur adjoint.

M. Frédéric ALADJIDI, directeur adjoint de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) - La DGAFP s'est engagée de manière forte sur le projet qui nous occupe ce matin, aux côtés du service des pensions, de la direction du budget et de la DGCP. J'en veux pour preuve la réponse conjointe adressée à la Cour des comptes, suite à la lecture du rapport, ainsi que l'animation conjointe, exercée par la DGAFP, du comité du pilotage du compte individuel retraite.

La réforme de la chaîne des pensions présente un enjeu triple. En premier lieu, cette réforme touche à l'efficacité des systèmes d'information mis en oeuvre dans le compte individuel retraite : une simplification de la chaîne de pré-liquidation et liquidation doit être conduite. En second lieu, cette réforme recouvre un enjeu politique, avec la création d'une quasi caisse de retraite des agents de l'Etat. Enfin, en troisième lieu, la réforme garde un caractère stratégique, dans le sens où elle appelle les personnels des ministères à se concentrer sur des fonctions ayant davantage trait à la gestion des ressources humaines, et non plus à la gestion de simples procédures administratives.

La réforme de la chaîne des pensions présente une problématique proche des autres sujets majeurs de la réforme de l'Etat en matière de fonction de support, à l'instar des projets Chorus et opérateur national de paie. Dans ces trois cas, les facteurs clés de la réussite apparaissent être de trois ordres.

Le premier facteur est d'ordre temporel. Les projets évoqués demandent une mise en oeuvre progressive et étalée dans les temps. Ainsi le déploiement du projet Chorus, voté en 2001, n'est-il prévu que pour l'année 2008. L'interministérialité constitue un deuxième facteur de succès. Comme la Cour l'a relevé, l'absence de mise en réseau représente un handicap majeur du système actuel. Enfin, la liaison entre les aspects politiques et les aspects techniques apparaît comme le troisième facteur de réussite. Ces sujets mettent en cause les systèmes d'information. Ceux-ci restent trop souvent l'apanage de techniciens. L'insuffisance des échanges entre techniciens, directeur des ressources humaines et secrétaires généraux interdit une bonne appréhension des enjeux de ces réformes.

Pour autant, le processus décisionnel engagé aujourd'hui, s'il attend encore une validation politique, paraît viable. Les éléments nécessaires semblent en place, et laissent espérer une prochaine prise de décision aux abords du printemps 2008. Le groupe de travail « simplification », présidé par M. Bruno Lasserre, constitue un élément complémentaire de réflexion. Ce groupe mène une réflexion sur la fonction d'agence à la française. A bien des égards, donc, le contexte paraît porteur.

Un premier test important surviendra dans les mois à venir, avec l'envoi des 110.000 relevés individuels, conformément à la loi de 2003. Cette opération constituera une première occasion d'évaluer la fiabilité des données.

Ce projet sera un succès aussitôt qu'il sera placé dans une logique d'investissement. La rationalisation de nos processus demande des moyens considérables. L'entrée dans cette logique d'investissement passe par la mise en place d'une équipe projet dédiée, capable de s'abstraire des impératifs de la gestion quotidienne.

M. Jean ARTHUIS, président - Cet investissement demande-t-il le recrutement de nouveaux collaborateurs ?

M. Frédéric ALADJIDI, directeur adjoint - En ce qui concerne l'opérateur national de paie, que j'ai particulièrement suivi, il a été procédé au recrutement de cinquante nouveaux collaborateurs.

M. Jean ARTHUIS, président - N'est-il pas envisageable d'identifier, au sein de l'effectif actuel de 3.000 agents, l'équipe projet que vous évoquez ?

M. Frédéric ALADJIDI, directeur adjoint - 2.100 agents intervenaient dans le système antérieur de l'opérateur national de paie. Or l'équipe dédiée demande des métiers nouveaux, différents de ceux de nos collaborateurs actuels. Il s'agit en outre de profils difficilement identifiables, autant dans le secteur public que dans le privé.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous donnons sans plus tarder la parole à M. Hugues Bied-Charreton, chef de service à la direction du budget.

M. Hugues BIED-CHARRETON, chef de service - direction du budget - Mon intervention sera brève, puisque je conviens de la plupart des constats dressés ici par les diverses administrations. Le système actuel présente peu d'anomalies, et affiche un taux d'erreur tout à fait marginal. De ce point de vue, il a assuré une qualité de service constante, et ne présente aucun dysfonctionnement majeur. Ce succès s'acquiert sans doute au prix d'une organisation éclatée, et coûteuse, notamment du fait de la multiplicité des contrôles. L'administration française semble avoir développé, au fil des années, une culture du contrôle qui, si elle est un gage de qualité, présente à l'évidence un coût non négligeable.

Il s'agit donc aujourd'hui de maintenir la qualité et la fiabilité du processus actuel, tout en le rationalisant et en réalisant d'importants gains de productivité. C'est là l'enjeu majeur du chantier qui s'ouvre devant nous.

Différents intervenants ont insisté sur l'urgence de la réforme. C'est là un sentiment que je partage également. De nombreuses échéances proches, telles que le chantier du compte individuel retraite, ou encore la reconfiguration actuelle des ministères, rappellent clairement l'importance de conduire cette réforme sans plus tarder. Il convient d'assurer que la réforme des politiques publiques se fonde sur une base saine, permettant l'instauration d'un système viable sur le long terme. En outre, les progrès de cette réforme bénéficieront également au chantier de l'opérateur national de paie.

M. Jean ARTHUIS, président - Ces deux opérations ne sont-elles pas menées de front ?

M. Hugues BIED-CHARRETON, chef de service - Elles sont menées de manière concomitante. Leur articulation prochaine est tout à fait indispensable. Une divergence de calendrier n'a pas permis leur rapprochement jusqu'à présent.

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - La mission d'études du service des pensions a rencontré les responsables de l'opérateur national de paie. La collaboration entre les équipes est d'ores et déjà initiée.

M. Hugues BIED-CHARRETON, chef de service - Selon nous, les travaux qui s'engagent doivent poursuivre trois objectifs. Le premier objectif reste la réalisation de gains de productivité.

M. Jean ARTHUIS, président - Dispose-t-on d'une estimation des gains de productivité attendus, notamment du point de vue de la réduction des effectifs ?

M. Hugues BIED-CHARRETON, chef de service - Aucun objectif chiffré n'a été retenu. Pareille démarche semblerait prématurée. En effet, toute réduction des effectifs dépendra avant tout de l'articulation de la chaîne. Or, celle-ci reste à préciser, et doit faire l'objet d'une décision politique.

Le deuxième objectif recouvre le maintien de la qualité du service du système de pension, tant à l'égard des agents que des ministères. Enfin, le troisième objectif touche au développement de la lisibilité pluriannuelle. Elle devra permettre une meilleure gestion du système des pensions.

Il conviendra également d'équilibrer le pilotage unique et intégré du service des pensions avec la responsabilisation des ministères sur la qualité des informations qu'ils transmettront. La qualité du service dépend bien évidemment de la fiabilité des données de gestion de carrière.

M. Jean ARTHUIS, président - Les responsables des différents services impliqués se sont exprimés. De quel ministère dépend le service des pensions ?

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - Nous dépendons du ministère du budget.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Voilà un élément de simplification dans ce panorama par ailleurs fort compliqué.

M. Jean ARTHUIS, président - M. le rapporteur général est libre de formuler ses interrogations.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Ma première remarque porte sur les axes de la réforme : mis en évidence par les travaux de la Cour des comptes, ils paraissent tout à fait clairs. Les objectifs en termes de droit à l'information sont établis. Ils demandent la concentration des moyens administratifs au sein d'un opérateur unique. Cette démarche semble ne pas être contestée.

Le temps de la réforme s'étale sur trois échelles distinctes. L'échelle technique recouvre le cheminement du projet, et s'étale sur la période 2007-2009. L'échelle de la revue générale des politiques publiques, qui s'appuie sur l'audit public de modernisation, doit marquer une accélération de l'exercice. Il conviendrait d'assurer la correspondance entre ces deux premières échelles. La troisième échelle est d'ordre budgétaire : elle présente un intérêt particulier, d'autant plus qu'elle demande le recouvrement de 1.800 emplois. Les discours tenus par les uns et les autres me font craindre un risque de report décisionnel.

La recherche de la productivité est au coeur de la réforme. A ce sujet, un point a particulièrement attiré mon attention. Mme Nathalie Morin évoquait les petites pensions. Il paraît nécessaire de mettre un terme, dans le cadre de la modernisation de l'administration, à ce type d'usages. Ces pensions, devenues à peine une aumône, engendrent des dispositifs administratifs coûteux et lourds en termes de gestion. Il s'agit là de simples survivances historiques qui ne paraissent plus fondées aujourd'hui. Malgré son aspect anecdotique, ce type de démarche sera une forte garantie de la bonne conduite de la réforme.

M. Jean ARTHUIS, président - La parole est désormais à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Je précise que le caractère particulièrement chargé du calendrier nous prive de la présence du ministre et de son cabinet, qui auraient été présents si les circonstances l'avaient autorisé.

M. Thierry FOUCAUD, rapporteur spécial - Je me dois d'abord d'excuser notre collègue Bertrand Auban, co-rapporteur. Cette enquête livre ses conclusions à un moment charnière de la gestion des retraites des agents de l'Etat. Quatre ans après la réforme de 2003, la Cour des comptes estime toujours que le système des pensions doit être réformé. Il convient aujourd'hui de rappeler au gouvernement la nécessité de relancer le traitement de ce dossier.

La Cour énonce trois recommandations principales, avec la création d'une autorité fonctionnelle unique et interministérielle, chargée du pilotage de la chaîne des pensions ainsi que du compte d'affectation spéciale ; la reconfiguration du calcul et de la concession des pensions autour du compte individuel retraite ; et enfin la définition d'une stratégie d'ensemble.

La situation actuelle demande une amélioration de l'efficience de la gestion des pensions. A cet égard, la création du compte d'affectation spécial pension constituait une innovation majeure. Sur ce point, la Commission a regretté que le rapport de cette mission ne présente qu'un simple compte rendu comptable de l'exercice 2006, sans mise en perspective aucune. Tout en saluant le caractère opérationnel de ce dispositif, j'avais encouragé le service des pensions à maintenir ses efforts pour la recherche d'une programmation optimale des prévisions de recettes et de dépenses.

La Cour des comptes recommande une réforme profonde des statuts et des missions du service des pensions, ainsi que la rationalisation de la chaîne de traitement des dossiers. Je souscris sans réserve à cette exigence de modernisation, tout en rappelant que la préservation de la qualité du service devra rester au coeur de la réforme.

Ces différentes considérations m'inspirent différentes questions. Pouvez-vous décrire les synergies attendues de la mise en place d'un service à compétence nationale ? Cette dernière est-elle envisagée par le gouvernement, et à quelle échéance ?

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - Le service à compétence nationale est l'hypothèse retenue publiquement par la mission d'études, lors de son dernier rapport d'étape. Cette orientation avait été approuvée par le précédent ministre.

J'ajoute que le service à compétence nationale permet d'associer un certain nombre d'acteurs dans le pilotage du régime, et conforte donc l'unité du système.

M. Jean ARTHUIS, président - Pouvez-vous décrire plus précisément les synergies et économies attendues ?

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - La mission d'études a identifié des gains significatifs, liés à la mise en oeuvre d'un programme informatique et administratif. Divers éléments devront entrer en ligne de compte.

M. Jean ARTHUIS, président - Disposez-vous d'une évaluation chiffrée ?

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - La réforme devrait toucher, à terme, 300 agents, pour un effectif total de 950.

M. Hugues BIED-CHARRETON, chef de service - L'obtention de gains de productivité réside également dans l'efficacité du traitement de la chaîne amont, soit les ministères.

M. Jean ARTHUIS, président - Combien de personnes cela représente-t-il ?

M. Hugues BIED-CHARRETON, chef de service - La réalisation de gains de productivité au sein des ministères demande une simplification de la réglementation. En effet, 40 % des effectifs des ministères traitent des dossiers de validation de service, activité extrêmement chronophage. La pré-liquidation mobilise également des effectifs importants. Ainsi, la simplification des validations de service et le transfert des dossiers de liquidation autoriseraient une réduction de l'effectif atteignant 50 %.

M. Jean ARTHUIS, président - Le ratio actuel de 3.000 personnes pour 110.000 dossiers paraît susceptible d'être amélioré, même s'il ne tient pas compte des petites pensions, telles celles versées au titre de la Légion d'honneur.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Chaque année qui passe est un gaspillage dont nous sommes complices par notre silence.

M. Jean ARTHUIS, président - Sur la base de ces déclarations, l'économie de personnel pourrait donc représenter 1.200 postes.

M. Christian BABUSIAUX, président de la 1 ère chambre de la Cour des comptes - Les réponses des intervenants m'apparaissent tout à fait significatives. Malgré une juxtaposition de bonnes volontés incontestables, l'absence d'un pilotage général apparaît clairement. Des études sont sans doute en cours, mais aucune décision ne vient les confirmer.

Je voudrais ainsi attirer l'attention de la Commission de finances sur l'inscription, évoquée par beaucoup, de la modernisation du système des pensions au sein de la révision générale des politiques publiques. Selon la Cour, ce chantier relève d'abord de la bonne gestion quotidienne.

Plus largement, cette réforme pose la question du pilotage des fonctions support de l'Etat, notamment pour ce qui concerne les rémunérations. Ainsi, les trois projets, Chorus, qui ne sera sans doute pas déployé en 2008, l'opérateur national de paie et le compte individuel retraite demandent la définition d'un calendrier d'ensemble, comme les deux premiers avancent, il fut que le chantier pensions avance rapidement.

Enfin, M. Alain Casanova soulignait l'importance de mettre en place une logique de flux. Pour autant, le système aujourd'hui envisagé reste fondé sur une déclaration annuelle, et fonctionne donc selon deux flux, le premier alimentant les pensions, et l'autre les paies. Nous ne nous situons donc pas encore dans un système d'alimentation instantanée.

M. Jean ARTHUIS, président - La révision générale des politiques publiques ne saurait être un prétexte à l'ajournement de la réforme. La question de l'identité du pilote semble effectivement centrale. Monsieur Casanova, avez-vous l'impression d'être le pilote de ce dispositif ?

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - J'ai le sentiment de piloter le dispositif de la réorganisation. Les démarches actuelles associent l'ensemble de nos collaborateurs. C'est là un phénomène nouveau qui, à mon sens, nous assure les meilleures chances de succès. De la même manière, les conclusions de l'audit public de modernisation sont librement accessibles. De ce point de vue, la révision générale des politiques publiques me semble être un cadre général dans lequel notre réforme doit s'inscrire.

M. Jean ARTHUIS, président - Je suggère que cette audition soit complétée par l'audition des ministres du budget et de la fonction publique. Tout nous incite à ce que cette décision soit prise dans les meilleurs délais.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Quel est l'avis de M. Alain Casanova sur les petites pensions ? Combien ce dispositif coûte-t-il, et quelles économies sa suppression permettrait-elle ?

M. Jean ARTHUIS, président - Quel est le coût de la liquidation de 6 euros de pension par an ?

Mme Nathalie MORIN, chef de service - Je n'ai pas connaissance de ce chiffre. Pour autant, le coût de la gestion de chaque petite pension est généralement supérieur à leur montant. En effet, les pensionnés changeant de coordonnées postales ou bancaires ne pensent pas toujours à en informer le service des pensions : le maintien à jour des fichiers demande donc des travaux extrêmement lourds. La charge induite par ces petites pensions est donc proportionnellement plus importante que celle d'un pensionné classique.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre tout élément de comptabilité analytique disponible sur ce point. Nous les transmettrons aux ministres concernés. Notre collègue Gérard Longuet s'interrogeait sur la conduite d'un benchmarking public/privé portant sur le coût de la gestion d'un dossier ? Combien d'agents sont nécessaires pour gérer 1.000 dossiers ?

M. Alain CASANOVA, chef de service des pensions - Ces coûts sont assez largement proportionnels aux effectifs. Le coût de la primo-liquidation du service des pensions atteint 639 euros. Pour un autre organisme, plus réduit, il n'est que de 300 euros, alors qu'il atteint 1.400 euros pour les pensions des marins. Le régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat présente une productivité tout à fait satisfaisante, notamment au regard de ses nombreuses spécificités.

M. Christian BABUSIAUX, président de la 1 ère chambre de la Cour des comptes - Il convient de rappeler, à propos du régime général de la sécurité sociale, les observations formulées par la Cour des comptes, dans la période récente : des rationalisations demeurent possibles, notamment des gains de personnels. L'ensemble des systèmes de retraite semble présenter un problème de dimensionnement. L'évolution des systèmes d'information et la réalisation des comptes individuels retraite sont à l'origine de gains de productivité tout à fait significatifs. Il semble là se poser un problème global d'adaptation. Sur ce point donc, une comparaison des effectifs aujourd'hui employés par différents régimes ne serait pas très éloquente.

M. Thierry FOUCAUD, rapporteur spécial - Il convient de ne pas se focaliser sur la question des effectifs. Le maintien de la qualité du service doit rester l'objectif principal de la réforme.

M. Jean ARTHUIS, président - Cette audition sera complétée par l'audition, sous quinzaine, des ministres. Nous prendrons, à l'issue de cette prochaine rencontre, la décision de publier ces travaux sous la forme d'un rapport d'information.

Page mise à jour le

Partager cette page