AUDITION DE M. ANDRÉ SANTINI, SECRÉTAIRE D'ETAT AUPRÈS DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE, SUR LE SERVICE DES PENSIONS DE L'ETAT

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Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 10 octobre 2007

Ordre du jour

Audition de M. André SANTINI, secrétaire d'Etat auprès du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, chargé de la fonction publique, sur le service des pensions de l'Etat.

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La séance est ouverte à 16 heures 45.

M. Jean ARTHUIS, président - Je vous demande, Monsieur le Ministre, de nous pardonner. Nous vous avions convié à 17 h 30 et vous étiez là quelques minutes avant l'heure. Or, nous n'avons pu ouvrir cette audition avant 18 h 15, en raison d'une autre audition, imprévue, que nous avons menée pour éclairer la gouvernance publique au sujet du rachat des titres EADS, propriété du groupe Lagardère, par la Caisse des dépôts et consignations, au printemps 2006. Je vous remercie de votre patience et je vous prie de nous excuser. Je prie également monsieur le Président Babusiaux de nous excuser pour ce retard.

Le Président de la 1 ère chambre de la Cour des comptes était déjà venu nous présenter l'enquête réalisée par la Cour, en application de l'article 58-2 de la LOLF, sur les services des pensions de l'Etat, le 26 septembre 2007. Les responsables des administrations concernées avaient présenté leurs observations. Ils sont revenus ce soir. Je les en remercie et les prie de nous excuser pour notre retard. Le 26 septembre, nous avions entendu la direction générale de la comptabilité publique, qui assure le paiement des pensions, la direction générale de l'administration et de la fonction publique qui représente les ministères employeurs, ainsi que la direction du budget. Lors de cette audition, un consensus s'est établi, d'après les recommandations de la Cour, pour décloisonner la gestion administrative des dossiers de pensions, rationaliser les systèmes d'information autour du Compte individuel retraite et créer une entité à vocation interministérielle pleinement responsable du pilotage des pensions. En effet, au terme de cette enquête, il était apparu que nous avions du mal à identifier le pilote.

Je rappelle que les 2,5 millions de pensions, inscrites sur le grand livre de la dette publique, ont représenté une dépense de 40,2 milliards d'euros en 2006. Près de 3.000 fonctionnaires, dont 450 environs pour le service des pensions, interviennent dans le traitement des quelque 86.000 pensions concédées annuellement. S'y ajoutent 25.000 pensions de réversion. Ainsi, chaque agent traite, en moyenne, 37 dossiers par an. Les réponses des administrations ont, cependant, mis en lumière l'absence de pilote dans la chaîne des pensions. Il a été constaté que l'accumulation des études n'avait débouché sur aucune prise de décision. La Cour des comptes a appelé l'attention de la Commission sur le danger de reporter la réforme des pensions à la révision générale des politiques publiques, qui doit être conclue en 2008. Il est, en effet, nécessaire de coordonner, dès maintenant, les systèmes d'information « Compte Individuel Retraite» (CIR) et « Opérateur National de Paye » (ONP).

Par ailleurs, après avoir entendu les réponses formulées par les représentants des administrations concernées, notamment, M. Alain Casanova, chef du service des pensions, et M. Hugues Bied-Charenton, chef du service de la direction du Budget, notre Commission des Finances est arrivée à la conclusion que la modernisation de la gestion de pensions de l'Etat pouvait représenter un gisement d'économies de près de 1.200 emplois. 300 postes sur 1.000 disparaîtraient lors de la fusion entre le Service des Pensions et le réseau du Trésor Public. 900 postes, sur les 1.800 fonctionnaires chargés de la gestion des dossiers de pension et répartis sur l'ensemble des ministères employeurs, pourraient être supprimés ou redéployés.

La Commission s'est également interrogée sur le coût de gestion que consacre le Trésor public aux versements des traitements annuels aux membres de l'ordre de la Légion d'honneur et aux médaillés militaires, dont le montant unitaire s'élève parfois à 6 euros par an.

Enfin, devant l'absence de calendrier avancé par les administrations, la Commission a considéré que la première audition du 26 septembre serait utilement complétée par votre venue, ce soir, en tant que secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique et représentant du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, afin de nous communiquer des précisions complémentaires sur l'avenir du service des pensions. Ce service, de même que la DGCP, la DGAFP et la direction du budget sont désormais regroupés sous la tutelle unique du même ministère, ce qui devrait considérablement faciliter la réforme.

La présente audition, de même que les précédentes a été organisée après la remise de l'enquête réalisée par la Cour des comptes. La commission des finances a pour mission de s'assurer que les travaux réalisés et les rapports publiés aient une suite effective, ce que votre présence ce soir, Monsieur le ministre, nous garantit. Après votre audition, je donnerai la parole à notre collègue, Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Puis, chaque commissaire qui souhaite vous poser une question sera libre d'intervenir. Je rappelle aux membres de la Commission que nous devrons ensuite décider de la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein du rapport d'information.

Je donne la parole à M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique pour présenter ses observations sur l'enquête de la Cour des comptes et la réforme de la gestion des pensions. Nous souhaitons notamment que vous nous indiquiez sous quels délais vous pensez mettre bon ordre à cette situation.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - Monsieur le président de la commission des finances, Monsieur le président de la Première chambre de la Cour des comptes, Mesdames et Messieurs les sénateurs, l'audition de ce jour porte principalement sur la question de l'évolution de l'organisation de la chaîne des pensions. Je souhaite cependant rappeler que la gestion du régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat constitue un poste important en raison des masses financières en jeu, des effectifs mobilisés et du nombre de pensions en jeu. Il s'agit donc d'un enjeu majeur pour l'équilibre des finances publiques : 42 milliards d'euros de pension sont prévus en 2008. Il présente cependant un fort potentiel en termes de gains de productivité et d'amélioration de la qualité de service public que les fonctionnaires sont en droit d'attendre à travers un contact davantage personnalisé et individualisé. Vous connaissez la volonté de réformes structurelles qui nous anime, Eric Woerth et moi-même. Elles seules permettront d'assainir les finances publiques.

Je souhaite donc préciser plusieurs points, avant de répondre aux différentes questions qui vont m'être posées.

En premier lieu, le besoin de réforme de la chaîne pensions suppose une meilleure organisation, moins onéreuse et un meilleur service rendu à l'usager. Ce besoin ne résulte pas d'anomalies graves ou de dysfonctionnements majeurs. Nous ne sommes pas dans la situation du Japon, où plusieurs millions de dossiers de retraite retraçant la carrière de cotisants ont été perdus. En revanche, chacun convient que le système actuel n'est pas efficace.

M. Jean ARTHUIS, président - Cela me paraîtrait étonnant que les dossiers disparaissent en France. Lors de l'audition précédente nous avons compris que, si nous devions reconstituer la carrière d'un fonctionnaire et les salaires qu'il a perçus, nous serions incapables de le faire car il n'y a pas de dossier.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - C'est effectivement moins grave qu'au Japon où 56 millions de dossiers ont été perdus. Cela a choqué l'adepte du Japon que je suis.

En deuxième lieu, le service des pensions a su conduire, ces dernières années, des réformes importantes qui vont nous permettre, après des décennies de constats sans suite, de lui conférer une nouvelle dimension. Il a su, en effet, absorber, à effectif constant, un flux de retraités qui a progressé de 50 % en 10 ans et de 20 % depuis 3 ans, grâce à la mobilisation des charges et à la remise à plat des procédures de gestion. Il a su intégrer la réforme des retraites de 2003 et mettre en oeuvre, avec succès, le compte d'affectation spécial pensions en 2006. La prévision des dépenses ainsi que celle du recouvrement des recettes se sont révélées exactes, à 0,5 % près. Il a également réussi à concrétiser le droit à l'information retraite pour les fonctionnaires de l'Etat. Le service des pensions a effectué les premiers envois aux fonctionnaires, vendredi dernier. Ces exemples démontrent la faculté de l'organisation du régime à évoluer grâce à une impulsion politique forte.

Ces avancées essentielles doivent désormais être complétées par une réorganisation profonde de la gestion des pensions de l'Etat. Une première impulsion a été lancée par Jean-François Copé, dans le cadre de sa lettre de mission de mars 2006 au chef de service des pensions et au directeur général de la comptabilité publique. Trois objectifs ont été définis :

- l'unité de gestion du régime de retraite doit être assumée par une responsabilité unique.

- les services ministériels des pensions, les services de pensions et les centres régionaux des pensions de la DGCP qui sont les trois pôles intervenant dans le processus doivent se mobiliser pour assurer d'importants gains de productivité.

- la qualité de service rendu aux usagers, qu'ils soient personnels en activité ou pensionnés, doit être améliorée.

Quelle stratégie doit être arrêtée ? Elle dépend, d'une part, de considérations techniques, notamment informatiques, et, d'autre part, de l'organisation. Un régime de retraite doit être considéré comme un processus industriel à forte productivité. Aujourd'hui, l'organisation du système ne permet pas de donner sa pleine mesure à l'industrialisation engagée depuis plus d'une décennie, en raison d'une alimentation insuffisante en données utilisables et de ruptures dans leur transmission.

La réponse, claire et définie, consiste à mettre en place un système d'information centralisé de gestion des personnels s'appuyant sur le compte individuel de retraite. En termes de calendrier, il est nécessaire de distinguer deux étapes :

- la première porte sur le court terme. Au cours de la période 2007-2009, il s'agit d'assurer la montée en puissance du compte individuel/retraite.

- la seconde est à moyen terme. De 2007 à 2011, un schéma cible où le compte individuel de retraite devient l'instrument clef de liquidation des pensions est mis en place.

Les évolutions des systèmes d'information concernent plusieurs acteurs, dont les SIRH ministérielles et la mise en place de l'ONP. Leur mise en oeuvre implique des étapes graduelles. Nous reviendrons sur la question du calendrier et de son organisation au cours des questions. Cependant, en raison des contraintes techniques, les gains de productivité résultant de l'automatisation de la préparation des dossiers de pension ne seront pleinement mobilisés qu'à la fin de l'année 2011. En revanche, ces gains peuvent résulter d'une révision de la réglementation des pensions, notamment à l'occasion du rendez-vous 2008 sur les retraites et d'un retour aux fondamentaux. La question des validations des services d'auxiliaires et son pendant, l'affiliation rétroactive à la CNAV et à l'IRCANTEC, se pose naturellement au titre de la cohérence avec le principe d'organisation entre systèmes de retraite. Ce dernier interdit la portabilité des droits entre régimes de base. Chaque régime de retraite paie donc pour la période dont il est redevable. L'alignement des paramètres des différents régimes de retraite, notamment du régime général et des fonctionnaires fait perdre l'intérêt d'une validation d'optimisation de ces périodes du privé vers le public. L'exemple du régime des militaires est, à ce titre, intéressant. Chaque année, les armées recrutent 30.000 contractuels affiliés automatiquement dans le cadre du code des pensions militaires. Restant en moyenne de cinq à six années, ce qui représente une période inférieure au temps minimal nécessaire leur permettant de bénéficier du régime spécial, leurs droits à la retraite sont calculés pour être reversés au régime général et à l'IRCANTEC avec un rappel de cotisation salarial. Cette situation est incompréhensible pour la bonne utilisation des deniers publics. Chaque année, les droits d'environ 30.000 ex-militaires sont reversés au régime général. L'ex-militaire, lui, a payé ce qui lui a été demandé durant son service. À titre informatif, d'après les informations concernant ces services ministériels, près de la moitié des effectifs se consacrent à ces validations ou affiliations rétroactives. Je laisse à votre réflexion cette piste de mobilisation de gain de productivité, à court terme.

En conclusion, je souhaite réaffirmer l'intérêt que nous portons, Eric Woerth et moi-même, à ce dossier emblématique de la nécessaire réforme de l'Etat, puisqu'il comporte les mêmes enjeux de qualité de service, d'efficacité de la gestion. J'ai confiance dans sa bonne fin, car le processus est déjà lancé et ses acteurs ont démontré leur capacité à répondre à de grands défis.

M. Jean ARTHUIS, président - Je vous remercie Monsieur le Ministre. Nous allons maintenant vous soumettre à nos questions et attendons des réponses concrètes, car, - je parle sous le contrôle du Président Babusiaux -, les observations de la Cour sont récurrentes. Cette affaire dure depuis trop longtemps. Nous savons tous ici, aujourd'hui, que 1 200 postes peuvent être économisés. Nous souhaiterions que, ce soir, sans attendre la révision générale des politiques publiques, vous puissiez nous exposer ce qui est prévu et comment le pilotage que vous exercez permettra de mettre bon ordre dans la chaîne des pensions.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique - Votre première question porte sur le lancement de la fusion du service des pensions et du réseau de la DGCP. Le service des pensions est un service d'administration centrale du ministère du Budget, des Comptes publics et de la fonction publique. Les Centres régionaux des pensions, les CRP, font partie des services déconcentrés de la DGCP. Leur réunion, dans un service à compétence nationale, ne serait pas une fusion au sens du réseau du Trésor Public. Il s'agit de constituer un ensemble cohérent regroupant les entités, distinct d'un service déconcentré de la DGCP. La décision n'est pas prise. Le rapport du chef de service des pensions et du directeur général de la comptabilité publique, demandé dans sa lettre de mission du 10 avril par Jean-François Copé, alors ministre du bBudget, n'a pas encore été remis.

Compte tenu de ces enjeux stratégiques, de son impact en termes d'effectifs et d'organisation dans les différents ministères, ce projet trouve sa place dans le cadre de la révision générale des politiques publiques afin de traiter les champs amont et aval de la chaîne pension. Les premières conclusions de la RGPP seront arrêtées lors du comité de modernisation des politiques publiques que dirigera le président de la République, en novembre prochain. En tout état de cause, toutes les décisions seront prises au printemps 2008. En pratique, la constitution d'un service à compétence nationale (SCN) n'est pas conditionnée par des impératifs techniques à long terme. Elle est rapide puisque le décret constitutif nécessite une procédure de trois mois environ après avis du CTPM et du Conseil d'Etat.

M. Jean ARTHUIS, président - Je vous remercie de cette première réponse qui accrédite l'idée selon laquelle il existe des inerties dans le système.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique #172; Nous devrions être en mesure d'agir.

M. Jean ARTHUIS, président - Monsieur le rapporteur général a-t-il des questions ou des observations à formuler ?

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Dans la droite ligne de votre première question, je souhaite revenir sur le cloisonnement administratif entre les différents ministères, qu'ils soient employeurs des futurs pensionnés ou anciens employeurs des pensionnés d'aujourd'hui. Comment procéder pour décloisonner cette situation et réaliser des économies d'échelle, afin que cette fonction pension devienne interministérielle ?

L'appréciation portée par la Cour des comptes nous a conduit, après l'audition des responsables de l'administration, à considérer qu'il y avait un gisement de près de 1.200 postes à supprimer, lors de prochains départs à la retraite. Nous avons alors compris qu'une partie importante de tâches réalisées dans les ministères sectoriels pourraient évoluer grâce à une organisation interministérielle.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - Je comprends que l'amont de la chaîne pension n'aura plus de travail d'ici 2011, et c'est une bonne nouvelle. L'association des ministères est réalisée par le comité de pilotage du CIR. Ce dernier est destiné à devenir l'outil de liquidation des pensions. Cette évolution est donc capitale pour l'ensemble des acteurs de gestion des pensions. Elle permettra des gains de productivité et un recentrage pour assurer la qualité du service rendu. Les gains de productivité sont donc à attendre sur l'ensemble de la chaîne pension. En amont de la liquidation, au niveau des administrations employeurs, ce recentrage permettra de dégager des gains importants concernant les interventions humaines et les coûts de gestion. Sur les 1.800 emplois équivalents temps plein affectés aujourd'hui dans les administrations employeurs à la fonction pension, une majorité pourrait être supprimée. Une partie des effectifs pourrait être redéployée vers la gestion personnalisée des ressources humaines, en tant qu'interlocuteur retraite dans les services du personnel. Sur la liquidation et le paiement, au stade de la liquidation, des gains de productivité importants sont également escomptés. Concrètement, ils résulteraient de l'automatisation intégrale de la liquidation, de la concession d'un nombre important de pensions, de la suppression presque totale des interventions humaines sur des erreurs de forme ou de cohérence, de la suppression des fonctions support, papier et informatique, que l'insuffisance d'outils actuels de liquidation des pensions rendent aujourd'hui nécessaires et de l'allègement de la manutention des dossiers papier. Une partie des effectifs pourrait être redéployée vers d'autres missions, notamment la gestion de comptes individuels de retraite qui implique le contrôle de déclarations annuelles. Des tâches nouvelles comme les validations de service, les procédures de rétablissement au régime général, devront être réalisées. Un centre d'appel pour les affiliés devrait également être créé.

La convergence des systèmes d'information, la mutualisation des données relatives au paiement et à la gestion des pensions emploi concession doivent se concrétiser avec la mise en place d'un guichet unique et sécurisé permettant à chacun des acteurs de dialoguer avec le gestionnaire du régime.

Le resserrement du réseau des centres régionaux des pensions, la rationalisation de la liquidation des dossiers devrait permettre de dégager 300 emplois équivalents temps plein. Sur 1.800 emplois, plus de 900, pourraient être déjà supprimés. Nous nous soumettons à l'épure suggérée par la commission des finances.

D'après le calendrier, une première tranche de travaux sera lancée en 2008 permettant de valider la confection d'une proposition informatique. En 2009, nous commencerons à expérimenter cette solution sur un échantillon d'administration représentant 15 % des pensions. En 2010, l'expérimentation touchera à sa fin et la solution sera étendue à une deuxième tranche de ministères choisis parmi les plus gros employeurs. Une étude préparatoire à l'évolution du CIR comme outil de liquidation sera également mise en place. En 2011, la solution sera appliquée à l'ensemble des administrations civiles et militaires. En 2012, l'outil actuel de liquidation, Visa3, sera supprimé et remplacé par le CIR. Les procédures de liquidation seront automatisées de manière plus poussée. A plus long terme, les allocations temporaires d'invalidité, voire les pensions militaires d'invalidité, migreront vers le CIR.

Voici les premières réponses concrètes que nous pouvons vous délivrer.

M. Jean ARTHUIS, président - Je vous remercie, monsieur le ministre. Notre collègue Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la mission « Pensions », qui a lancé cette enquête, souhaiterait intervenir.

M. Thierry FOUCAUD, rapporteur spécial de la mission « Pensions » - Je n'ai rien à ajouter de plus que ce que j'avais déjà énoncé lors de la dernière réunion. Je suis toujours convaincu de la nécessité de décloisonner et rationaliser le système, ainsi que de la création d'une entité unique. Je reconnais également que notre débat doit porter essentiellement sur l'amélioration de la qualité du service. J'ai d'ailleurs dit, lors de notre dernière rencontre, qu'il serait dangereux de se focaliser sur la question des effectifs. La question essentielle est l'amélioration de la qualité du service.

J'ai, cependant, deux questions à poser. La première porte sur la réforme de la chaîne de traitement des pensions. La fonction du compte individuel de retraite comporte un important volet sur les systèmes d'information. La cohérence et la coordination avec le projet d'un opérateur national de paye y ont toute leur place. Quelles options ont été prises et quelles actions en découleront ?

Ma deuxième question porte sur la gestion des pensions. Il s'agit d'un processus interministériel, caractérisé par un cloisonnement administratif, souligné dans toutes les enquêtes menées ces dernières années. Les ministères employeurs doivent nécessairement être intégrés dans le champ de la réforme. Quelles stratégies comptez-vous développer pour responsabiliser l'ensemble de la chaîne des pensions, coordonner la modernisation du processus et assurer une autorité interministérielle à l'entité qui sera responsable du pilotage des pensions ?

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - Sur la première question portant sur l'option choisie en relation avec l'informatique, les besoins du CIR seront intégrés dans le cahier des charges du SIRH et de l'ONP.

En ce qui concerne la responsabilisation des ministères employeurs, celle-ci dépend de la nature institutionnelle retenue, donc du rendez-vous de 2008. La réflexion sur ce point se poursuit. En termes opérationnels, les ministères employeurs devront être associés à la conduite du projet de modernisation de la chaîne des pensions. Le compte individuel de retraite, le CIR représente le levier central de cette modernisation. Il paraît donc naturel de proroger le comité de pilotage du CIR, composé des ministères employeurs et placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère chargé du budget et du directeur général de l'Administration et de la fonction publique. C'est ainsi que nous envisageons la concentration de responsabilité.

M. Yves FRÉVILLE - Monsieur le ministre, vous nous avez fait remarquer le problème que pose la gestion des pensions militaires à votre administration. Il me semble que la Cour nous présentera un rapport sur cette question. Je voudrais savoir s'il existe un moyen d'éviter cette situation. En effet, un militaire en activité pendant moins de 15 ans retombe dans le régime général. Au-delà, il bénéficie du régime militaire. Or, au moment du recrutement, il est impossible de savoir s'il restera dans l'armée durant les 15 années requises. Comment serait-il possible de pallier cette inconnue dans la mesure où nous ignorons, dès l'origine, contrairement au fonctionnaire civil, la durée de son engagement au service de l'Etat.

M. Jean ARTHUIS, président - Il s'agit d'une question embarrassante sur la manière de faire basculer dans le régime général le service des pensions s'occupant de personnes qui, peut-être, resteront dans l'armée au-delà des 15 ans réglementaires ?

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique #172; Monsieur le Sénateur, il s'agit là d'une question extrêmement difficile. Sur les 30.000 recrutements annuels, 95 % des effectifs restent moins de 10 ans.

L'armée nous offre, cependant, un bon exemple de réforme de la fonction publique, puisqu'elle accueille un nombre croissant de contractuels. Très peu de gens rentrent aujourd'hui dans l'armée pour y rester 35 ans, et cela se passe très bien. A l'époque où le fameux pécule provoquait l'affolement, l'armée avait déjà recours à ce genre de dispositif pour alléger ses effectifs.

J'ai eu la chance de fréquenter le Val de Grâce récemment et j'en ai profité pour mener ma petite enquête sur place. J'ai rencontré des médecins lieutenants-colonels, un professeur agrégé, le personnel. Tous sont remarquables. J'ai interrogé les infirmières sur leur statut. L'une était malienne, les autres, marocaines. Une a vécu à Issy-les-Moulineaux où sa mère était gardienne d'immeuble. Tous sont très fiers d'être militaires. Les aides-soignantes me semblent moins engagées dans ce contrat. J'ai pu ainsi observer le fonctionnement de la fonction publique hospitalière. Certes, la réforme du service militaire en 2000 a profondément heurté, ou, du moins, bousculé la médecine militaire, qui a perdu tous les engagés aspirants médecins, dentistes, infirmiers, et autres kinésithérapeutes. L'armée a cependant réussi à surmonter ce gros handicap et la médecine militaire est aujourd'hui considérée comme remarquable, et les civils y ont accès. J'admire la flexibilité d'un système qui, au-delà de son image, est capable de faire face. C'est un exemple pour la fonction publique hospitalière.

Aussi, vaut-il mieux faire basculer 95 % de dossiers de l'Etat vers le régime général ou bien 5 % du régime général vers le régime des pensions militaires ? Telle est la question que je me permets de vous poser.

M. Jean ARTHUIS, président - Cela signifie-t-il que l'arbitrage reste à prendre ?

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - Ce sera chose faite très rapidement.

M. Jean ARTHUIS, président - Au-delà de la durée d'un engagement, nous basculerons dans le régime des fonctionnaires. Cela paraît simple, au moins sur le papier. C'est donc la voie que vous aller emprunter.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - Je ne décide rien encore.

M. Jean ARTHUIS, président - Je souhaiterais vous poser une autre question. Qu'allez-vous faire de ces pensions de 6 euros par an ?

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Les pensions des membres de la Légion d'honneur.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique #172; Certains, ici, se rappellent peut-être que le Général de Gaulle avait déjà voulu, en 1958, modifier cette situation. Il avait provoqué une levée de boucliers politique à ce sujet. Cependant, le coût de la gestion des médailles militaires et des légions d'honneur est, pour le moment, égale aux montants des pensions versées. Personnellement, je croyais que le coût en était beaucoup plus élevé. Nous versons, en effet, quelques euros aux titulaires de la médaille militaire et aux titulaires de la légion d'Honneur à titre militaire.

M. Jean ARTHUIS, président - Avec la comptabilité actuelle de l'Etat, cela signifie que les sommes sont déterminées un peu au hasard.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - Oui.

M. Jean ARTHUIS, président - Mme Nathalie Morin, directrice adjointe de la DGACP, nous a expliqué que le suivi était très compliqué. Lorsque les gens se déplacent géographiquement, il faut les rechercher et faire remonter les dossiers. Cela coûte très cher.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Il s'agissait, selon elle, d'une difficulté majeure dans la gestion des pensions. Nous l'avons donc prise au mot. Nous pensions être agréables à nos sympathiques anciens en leur donnant une médaille, au lieu de les obliger à l'acheter, et, éventuellement, en leur versant un peu d'argent pour solde de tout compte, afin d'éviter de tenir un dossier jusqu'à ce que mort s'ensuive.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique - La réflexion doit être engagée. Or, les pensions équivalent à la reconnaissance symbolique du pays. Nous avons noté l'idée d'offrir la médaille, mais n'oubliez pas, Monsieur le rapporteur général, que c'est souvent déjà le cas.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Elle est offerte sur les fonds publics ?

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique #172; La plupart du temps, c'est la mairie, ou l'association d'anciens combattants, subventionnée par la mairie, qui l'offre.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous en tiendrons compte dans la DGF.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique #172; Pour l'instant, nous sommes favorables à une large concertation.

M. Jean ARTHUIS, président - Nous reverrons cela lorsque les crédits seront en discussion devant le Sénat. Monsieur le ministre, il s'agissait d'une audition complémentaire. Elle avait vocation à être brève. Malheureusement, vous êtes là depuis plus d'une heure déjà.

M. André SANTINI, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique #172; J'ai pu vous voir travailler, monsieur le président.

M. Jean ARTHUIS, président - Vous pourrez donc en témoigner. monsieur le président de la 1 ère chambre a-t-il des observations à ajouter ?

M. Christian BABUSIAUX, président de la 1 ère chambre de la Cour des comptes - Je vous confirme qu'il existe un 58-2° sur les pensions militaires qui doit vous parvenir d'ici quelques jours.

M. Jean ARTHUIS, président - Il a en effet été demandé par nos collègues, François Trucy et Yves Fréville. Monsieur le ministre, Monsieur le président, je vous remercie. Je vais demander à mes collègues de rester car nous devons décider de la publication de cette communication.

Mes chers collègues, nous avons maintenant à statuer. Je pense que le rapporteur spécial souhaite publier cette enquête ainsi que les échanges du 26 septembre 2007 et d'aujourd'hui, sous forme de rapport d'information. La décision de publier est prise à l'unanimité. Je vous remercie.

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