III - DES DISPOSITIONS STATUTAIRES ÉPARSES

Il n'existe pas en France de véritable statut de l'élu local même si diverses dispositions régissent les conditions matérielles d'exercice des mandats locaux. Un vrai statut pourrait se définir comme l'ensemble des droits et garanties bénéficiant aux élus, sans oublier les obligations pesant sur eux.

Le mandat local s'inscrit dans une tradition de gratuité : héritée de la pratique romaine. Cette dernière a été reprise dans les lois municipales du 21 mars 1831 et du 5 mai 1855 et confirmée par la grande loi de 1884.

Si le principe a été affirmé au niveau communal, la question est restée longtemps pendante en ce qui concerne les départements et les régions, ce qui a donné lieu d'ailleurs à de vifs débats entre les partisans de la gratuité et ceux de la rémunération des élus.

La « gratuité » a dû être modulée : le système des mandats locaux non rémunérés avait pour effet de réserver l'accès aux fonctions électives à une minorité.

Le premier assouplissement a été le remboursement des frais liés à l'exécution des mandats spéciaux (loi du 5 avril 1884). Puis le gouvernement provisoire du Général de Gaulle a pris l'ordonnance du 26 juillet 1944, instaurant un régime complet d'indemnités de fonction, de remboursement de frais et de retraite ; ces allocations étant attribuées en fonction des besoins réels des bénéficiaires.

L'idée de bénévolat a longtemps freiné l'élaboration d'un « statut », cette dernière notion renvoyant dans l'esprit des législateurs successifs à la professionnalisation de la fonction d'élu local.

Avant 1982, plusieurs rapports s'étaient penchés sur la question des élus locaux, esquissant des solutions visant à accroître la disponibilité des élus, à en améliorer la formation et les garanties.

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a supprimé la tutelle de l'Etat et redéfini la place de l'élu, titulaire de nouvelles responsabilités.

Si l'article 2 de ladite loi dispose que « des lois détermineront (...) le statut des élus », il aura fallu attendre la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats pour élaborer un « statut ». Ce texte a consacré le droit à indemnité pour les élus locaux, tout en affirmant que « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites » (L.2123-17 CGCT).

La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale clarifie les conditions d'exercice des membres des conseils ou comités des EPCI et la loi du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d'exercice procède entre autres, à une nouvelle revalorisation des indemnités de fonctions accordées au maire. Enfin, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a renforcé le système d'indemnisation en tenant compte de la taille de chaque collectivité et de la catégorie d'élu.

Le statut doit, en fait, concilier deux impératifs :

- améliorer les conditions d'exercice d'un mandat toujours plus lourd, complexe et « risqué » ;

- « démocratiser » l'accès au mandat local dans un objectif de renouvellement des élites locales.

La loi du 27 février 2002 « démocratie de proximité » a renforcé et précisé les dispositifs mis en place. Le titre II de la loi (articles 65 à 101) renforce les règles posées par la loi n°92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux.

Ses dispositions portent sur :

- une meilleure articulation entre mandat électif et vie professionnelle (congé pour campagne électorale, compensation des pertes de revenus liées au mandat, allocation de fin de mandat, formation professionnelle à l'issue du mandat) ;

- les régimes d'indemnisation des élus (indemnités de fonction et remboursement de frais) prenant davantage en compte leurs charges ;

- une amélioration de leur protection sociale, pour les élus ayant cessé leur activité professionnelle et pour ceux l'ayant poursuivie ;

- la formation au cours du mandat.

Si le statut doit aménager les conditions matérielles de l'exercice du mandat c'est-à-dire donner le temps et les moyens nécessaires à la fonction d'élu (I), il doit également inciter toutes les catégories professionnelles à se porter candidates aux fonctions électives en facilitant la suspension temporaire d'une activité professionnelle et en protégeant les élus contre les mises en cause auxquelles ils sont exposés (II).

A. L'ACCÈS AUX FONCTIONS ÉLECTIVES

Le statut devrait permettre de concilier l'exercice d'une activité professionnelle et un mandat local, en donnant à l'élu salarié le temps nécessaire à l'accomplissement des taches liées à son mandat, sans porter préjudice à sa vie professionnelle (A). Par ailleurs, il doit garantir à l'élu la formation nécessaire à une bonne gestion locale (B).

1. L'articulation activité professionnelle - mandat électif

Parvenir à concilier une activité professionnelle avec un mandat électif est nécessaire pour permettre un réel accès de tous les citoyens à la fonction d'élu.

Le législateur s'est efforcé de faciliter cet exercice conjoint afin de permettre une représentation socioprofessionnelle équilibrée dans les assemblées délibérantes. Mais d'importantes distorsions subsistent. Il s'agit donc de donner à l'élu local le temps nécessaire pour se consacrer à l'exercice de son mandat sans pour autant porter préjudice à son activité professionnelle.

2. Les autorisations d'absence

Les élus salariés bénéficient d'autorisations d'absence pour participer aux réunions liées à leur mandat. L'employeur est tenu de laisser à tout salarié membre d'un conseil le temps nécessaire pour se rendre et participer aux séances plénières du conseil, aux réunions de commissions dont il est membre et aux réunions des assemblées délibérantes.

L'employeur n'étant pas obligé de rémunérer comme temps de travail le temps passé en séance et en réunion, la loi de 2002 prévoit que la commune peut compenser la perte de revenus correspondante des conseillers ne bénéficiant pas d'indemnités de fonctions (dans la limite de 24 h par élu et par an, pour un montant fixé à 1,5 fois le montant horaire du SMIC). Mais ce n'est qu'une faculté offerte à la commune, qui n'a jamais l'obligation d'inscrire cette dépense à son budget.

Ces dispositions sont applicables aux fonctionnaires et agents contractuels de l'Etat et des collectivités territoriales qui exercent des fonctions électives, dès lors qu'ils ne bénéficient pas de dispositions plus favorables.

3. Les crédits d'heures

Les maires, adjoints, conseillers municipaux des communes de 3500 habitants au moins, les présidents et membres des conseils généraux ou régionaux ont droit à un crédit d'heures pour leur permettre de disposer du temps nécessaire à l'administration de la collectivité.

La loi du 27 février 2002 fait bénéficier l'ensemble des conseillers municipaux, généraux et régionaux d'une durée trimestrielle de crédit d'heures revalorisée, en fonction de la durée hebdomadaire de temps de travail et selon des forfaits qui varient selon les seuils de population pour les communes. Les heures non utilisées pendant un trimestre ne sont pas reportables.

Le crédit d'heures est destiné à permettre à l'élu de disposer du temps nécessaire à l'administration de la collectivité ou de l'organisme auprès duquel il la représente, ainsi qu'à la préparation des réunions. En revanche, le temps passé pour se rendre et participer aux réunions du conseil et des commissions, que l'employeur est tenu de laisser au salarié élu, n'est pas imputé sur le crédit d'heures.

L'élu doit informer son employeur par écrit trois jours à l'avance de l'absence envisagée et de sa durée. L'employeur ne peut pas refuser l'autorisation d'utiliser le crédit d'heures. La compensation des autorisations d'absence est possible pour 72 h maximum par élu et par an. A nouveau, chaque heure ne peut être rémunérée à un montant supérieur à 1,5 fois le montant horaire du SMIC.

La même loi précise, pour les élus municipaux seulement, qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération de telles absences pour arrêter ses décisions concernant l'embauche, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi des avantages sociaux.

De même, aucun licenciement ni déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés en raison d'autorisations d'absence ou de l'utilisation de crédit d'heures, sous peine de nullité et de condamnation à la réparation, la réintégration ou le reclassement étant de droit.

Le temps d'absence maximal, relatif aux autorisations d'absence et aux crédits d'heures, ne peut pas dépasser la moitié de la durée légale du travail pour une année civile.

4. Le congé électif

Instauré par la loi du 27 février 2002, il permet au candidat à l'élection de préparer la campagne électorale.

Ce droit au congé électif est ouvert aux salariés candidats au conseil municipal dans les communes d'au moins 3500 habitants, au conseil général et régional et à l'assemblée de Corse, sur leur demande. Le congé a une durée maximale de 10 jours ouvrables, qui ne sont pas pris en compte dans le calcul du temps global d'absence. Le candidat peut demander à ce que ce congé soit imputé sur la durée du congé payé annuel. Lorsqu'elles ne sont pas imputées sur le congé payé, les absences ne sont pas rémunérées, mais peuvent donner lieu à récupération en accord avec l'employeur.

La durée de ces absences est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés ainsi que les droits liés à l'ancienneté.

Toutefois, la loi ne prévoit pas de modalité de compensation de la perte de revenus correspondante : les collectivités ont toute faculté en ce domaine.

Votre Rapporteur soulignera que les dispositions statutaires visant à favoriser l'accès aux fonctions électives (qu'il s'agisse des autorisations d'absence, du crédit d'heures ou du congé électif) n'intéresse, en définitive, que les salariés ou les personnels de la fonction publique. Aucun mécanisme de compensation n'est prévu en faveur des membres des professions indépendantes. Il y a donc une lacune dans le dispositif. Il conviendra de se pencher sérieusement sur ce problème.

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