H. ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Prostitution - quelle attitude adopter ?

Après avoir réitéré la condamnation de la prostitution forcée, en particulier celle des mineurs, les projets de recommandation et de résolution de la commission de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes entendent dépasser toute conception moraliste du problème pour promouvoir une approche réglementariste à rebours des optiques abolitionniste ou prohibitionniste développées par de nombreux États membres, dont la France. Cette option prend acte de l'existence d'une prostitution dite « volontaire » et permet, selon ses défenseurs, de garantir un certain nombre de droits aux prostitué(e)s, sociaux notamment.

La délégation française a exprimé un avis critique sur les conclusions de la commission. Mme Claude Greff (Indre-et-Loire - UMP) a ainsi exprimé ses doutes sur les conséquences d'une telle légalisation à l'avenir :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, après les interventions de mes collègues, la solution semble difficile à trouver. Le rapport de M. Platvoet s'interroge sur l'attitude à adopter vis-à-vis de la prostitution.

Il condamne sans réserve la prostitution forcée qui s'apparente à la traite d'êtres humains, et la prostitution infantile. Le rapport se fixe pour cadre la prostitution qualifiée de volontaire, entre adultes consentants.

On pourrait s'interroger sur le caractère réellement volontaire de cette activité, lorsqu'on a affaire à des toxicomanes, des jeunes femmes seules avec enfants à charge, ou des personnes dont l'histoire personnelle témoigne d'une destruction totale de l'estime de soi et du sentiment de dignité personnelle. Ceci est une vraie question.

Cependant, si l'on accepte de définir la prostitution volontaire comme la prostitution exercée par des personnes de plus de 18 ans qui ont choisi de gagner leur vie par ce moyen, ainsi que le fait le rapporteur, alors quelle attitude adopter quant à ce phénomène ?

Il est exact que tous les États n'ont pas la même manière d'appréhender la situation.

L'Allemagne, depuis 2001, ouvre aux prostituées le droit de bénéficier d'une protection sociale, et pose le principe selon lequel lorsque des rapports sexuels font l'objet d'une rémunération fixée par voie contractuelle, un tel accord produit des effets juridiques. Ces dispositions visent à mieux protéger les prostituées contre leurs clients et les proxénètes. La loi limite l'application des poursuites pénales aux seuls cas d'exploitation des prostituées.

La Suède, seule, a décidé de poursuivre et sanctionner les clients.

Les Pays-Bas ont par contre fixé un cadre légal à la prostitution. Ce pays a levé en 2000 l'interdiction des maisons closes et de la prostitution qui datait de 1912. Le législateur a préféré reconnaître cette activité et réprimer plus sévèrement les abus.

La diversité des législations en vigueur illustre bien la complexité du problème.

Reconnaître l'existence des maisons closes c'est d'une certaine manière, pour un État, capituler devant une situation qu'on souhaite malgré tout réprimer, et peut-être accepter symboliquement une forme d'exploitation toujours possible. N'oublions pas que la fermeture des maisons closes, notamment en Italie, a été concomitante aux luttes du mouvement féministe contre l'exploitation de la femme.

Réprimer sans nuance en poursuivant pénalement les prostituées, c'est prendre le risque de développer une prostitution cachée, avec des réseaux souterrains où l'on ne contrôle plus rien, y compris les problèmes de santé publique liés au développement des maladies sexuellement transmissibles.

Plus généralement, donner un statut aux prostituées revient à légaliser le phénomène, mais l'ignorer c'est prendre le risque de fragiliser des personnes au parcours souvent difficile et dont on espère une réinsertion.

Vous voyez bien, mes chers collègues, la voie est étroite, et il est bon que les États puissent échanger leurs expériences et le cas échéant, amender leur législation. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est le cadre idéal pour cela, et si je me félicite de l'inscription à l'ordre du jour de ce sujet, pour autant j'estime que le rapport de notre collègue hollandais et ses conclusions méritent d'être optimisés ».

M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) a condamné pour sa part l'économie même des textes, critiquant notamment le concept de prostitution volontaire tel qu'il y est développé :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je vois revenir un rapport sur la question de la prostitution qui nous est régulièrement soumis et toujours selon une approche apparemment « réglementariste » et qui, en fait, semble traiter de cette activité à l'instar de n'importe quelle autre profession.

Je m'exprimerai donc en qualité de membre de la commission de l'égalité et, en particulier, de parlementaire de référence dans la campagne contre la violence domestique.

Je voudrais tout d'abord soulever la question de la définition d'un certain nombre de notions qu'on trouve dans le rapport de notre collègue. Le rapport semble considérer qu'il y aurait une prostitution volontaire échappant au proxénétisme et à la traite des êtres humains. Notre rapporteur semble même tenir la répression d'une prétendue « prostitution volontaire » pour un facteur concourant à la mainmise des proxénètes sur les prostitué(e)s.

Si je suis conscient que des facteurs économiques et sociaux complexes peuvent conduire certaines femmes et certains hommes à se prostituer, je ne crois pas qu'on puisse parler d'activité pleinement volontaire.

Un autre concept me semble traité trop légèrement : la prostitution enfantine. Le Rapport évoque une « approche fondée sur la tolérance zéro et axée sur la prévention » . Je crois qu'il est nécessaire de rappeler qu'il s'agit dans tous les cas d'un abus sexuel sur les mineurs ne pouvant se prévaloir d'aucune façon sur un prétendu consentement.

Il s'agit, en droit français comme dans la plupart de nos systèmes juridiques, d'un crime passible des assises. Dois-je rappeler qu'il est désormais possible d'incriminer le « tourisme sexuel » lorsque ce crime est commis dans des États hors d'Europe, en Asie ou en Afrique ?

Quant au discrédit jeté sur les approches prohibitionnistes, il sert de repoussoir à l'éloge d'une politique « réglementariste ». Dois-je rappeler les débats de notre Assemblée à propos de la Coupe du monde de football et des visas donnés à des « travailleuses du sexe » importées notamment de l'Est de l'Europe pour renforcer les effectifs des « Eros centers », notamment à Berlin ?

Si on peut taxer d'hypocrite l'approche abolitionniste, je me refuse à considérer comme transparente l'attitude « réglementariste » qui a inspiré la politique des autorités des villes où se déroulaient les principaux matchs.

Je reste attaché pour ma part à la répression du proxénétisme, et en particulier à la saisie des gains qui peuvent être tirés de la prostitution. De même, les autorités municipales doivent pouvoir réprimer les troubles à l'ordre public créés par les activités de prostitution, même si je sais que la prohibition est sans doute un vain combat dans une société libérale. Enfin, les trafics de prostitué(e)s provenant de pays non européens s'accompagnent le plus souvent de fraude aux règlements régissant l'immigration.

Les États d'Europe sont donc fondés à réprimer ces fraudes et à s'attaquer en premier lieu aux filières qui alimentent les pires formes de prostitution par exploitation de la misère du tiers monde.

Pour ma part, en qualité de parlementaire de référence sur la violence domestique, je considère que la prostitution est l'une des formes de cette violence. L'enchaînement qui y conduit peut commencer par la fourniture de drogue ou le chantage aux moyens d'existence de femmes élevant seules des enfants.

Aussi n'apporterai-je pas mon suffrage à un rapport qui euphémise par trop un phénomène dont la réalité n'a rien à voir avec un choix de vie parmi d'autres. »

La résolution telle qu'adoptée appelle à une dépénalisation des actes de prostitution, accompagnant cette mesure d'une formation spécifique à l'endroit des forces de l'ordre pour éviter tout abus de pouvoir. Elle invite les États membres à garantir aux prostitué(e)s dits « volontaires » une participation aux débats nationaux et locaux les concernant. Elle souhaite enfin le développement de programmes sanitaires et sociaux d'envergure à destination des prostitué(e)s.

Violences domestiques à l'encontre des femmes

La commission de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes a présenté un rapport à mi-parcours de la participation des parlements nationaux à la campagne paneuropéenne de combat contre la violence domestique. Cette campagne, lancée le 27 novembre 2006, rattache les violences faites aux femmes à une violation des droits de la personne humaine. Elle préconise l'adoption de mesures législatives et de plans d'action nationaux. Les États membres sont encouragés à dégager des ressources suffisantes pour obtenir des résultats concrets. Les activités prévues dans le cadre de la campagne seront mises en oeuvre par différents organes du Conseil et par ses États membres.

Les modalités de participation des parlements nationaux à cette campagne ont été définies par la résolution 1512 (2006) , adoptée le 28 juin 2006. Celle-ci prévoit notamment la désignation d'un parlementaire de référence pour chaque État membre, chargé de la promotion de la campagne au niveau national. M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) exerce cette responsabilité au sein de la délégation française.

L'évaluation de la participation des parlements à mi-parcours reste, selon le rapporteur, délicate à mettre en oeuvre tant l'élaboration et l'application de dispositions législatives ou l'allocation de budgets s'inscrivent à long terme. Le rapporteur a néanmoins tenu à saluer les efforts de 18 pays, dont la France, en vue de sensibiliser le grand public. Cette mobilisation doit se poursuivre au travers de l'adoption de sept mesures prioritaires :

- pénaliser les violences domestiques faites aux femmes, y compris le viol marital ;

- considérer la violence perpétrée entre partenaires ou ex-compagnons comme une circonstance aggravante ;

- créer des centres d'hébergements sûrs, sur la base d'une place pour 7 500 habitants ;

- mettre en place des mesures d'éloignement ;

- garantir un accès effectif à la justice pour les victimes ;

- affecter des ressources budgétaires appropriées à la mise en oeuvre de ces mesures, une base d'un euro par habitant ayant été retenue ;

- renforcer le contrôle de l'application de ces mesures.

Ces dispositions constituent, selon le rapporteur, un niveau plancher en dessous duquel il sera constaté un déficit dans le combat contre la violence domestique.

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés à l'unanimité.

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