I. RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE

Respect des obligations et engagements de la Moldova

Créée en 1997, la commission dite de suivi est chargée de veiller au respect des obligations et engagements contractés par les nouveaux États membres du Conseil de l'Europe à l'occasion de leur adhésion.

La Moldova (Moldavie) est devenue membre du Conseil de l'Europe en 1995. 63 conventions du Conseil de l'Europe ont depuis lors été ratifiées par les autorités moldaves. La résolution 1465 (2005) adoptée par l'Assemblée parlementaire, le 4 octobre 2005, avait conclu à la nécessité pour les autorités moldaves de poursuivre leurs efforts en faveur d'une réelle démocratisation du pays et du renforcement de l'État de droit. Le texte appelait également au règlement du conflit transnistrien en accord avec les principes de plein respect de l'intégrité territoriale et de souveraineté.

Deux ans après, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC), co-rapporteure du texte pour la commission de suivi, a pu exprimer sa satisfaction à l'égard des progrès enregistrés en matière politique et économique sans mésestimer pour autant l'échec des négociations actuelles sur l'avenir de la Transnistrie :

« Je salue le Président du parlement moldave et je voudrais rappeler, même si chacun ici le sait, que la Moldova a adhéré en 1995 et que le dernier rapport est de 2005 : dix ans de monitoring, c'est beaucoup ; bientôt, ce sera trop.

Pour ce pays fort sympathique, auquel nous sommes tous attachés, en tout cas, les rapporteurs que nous sommes, la stabilité politique est aujourd'hui une réalité. Elle est probablement fragile et sûrement relative mais, depuis 2005, une vie politique relativement stabilisée nous permet de mieux apprécier la situation.

La situation, ce sont des progrès réels, importants marqués par des réformes législatives engagées, et abouties. Nous saluons ce travail et nous considérons qu'une certaine démarche est engagée vers des normes démocratiques et un système démocratique affirmés. Il faut maintenant apprécier dans la pratique ce que sera le suivi de cette action législative.

La situation économique est difficile. Le premier client, et le premier fournisseur, est la Russie : gaz, pétrole, fruits. Tout cela représente de nombreuses difficultés, mais le PIB a augmenté de 46 % et la croissance se situe entre 4 et 8 %, ce qui signifie que les progrès dans le domaine économique sont évidents et significatifs malgré tout ce que l'on sait sur les embargos, les trafics, notamment.

Un problème dure et dure depuis trop longtemps : celui du conflit gelé de la Transnistrie. Il pèse incontestablement depuis quinze ans et il pose le problème de l'intégrité et de la souveraineté de la Moldova. La mission de l'Union européenne de vérification est une réussite. Malgré tout, subsistent de cette situation la sécession d'une partie de la Moldova et la présence de l'armée russe. D'une manière générale, c'est un problème qui pèse lourdement sur l'histoire et l'évolution de ce pays.

L'intégration européenne est un voeu ; c'est un souhait très fort que nous accompagnons. Dans l'immédiat, elle n'est qu'une perspective pour le moyen et le long terme. Nous souhaitons réellement qu'elle soit une perspective affirmée. La politique européenne de voisinage ne vous suffit pas, vous avez raison. Une autre forme d'association est revendiquée, vous avez raison. Bonne chance à la Moldova ! Nous vous faisons confiance . »

Les échanges qui ont suivi ont permis un débat sur les missions de la commission de suivi, les progrès enregistrés ne pouvant masquer la longueur de la procédure. Par delà, la question de la Transnistrie a évidemment occupé les esprits, M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC-UDF) intervenant pour rappeler les fondements de ce conflit :

« Le débat d'aujourd'hui sur la Moldova est l'occasion pour moi de revenir sur la particularité du séparatisme transnistrien. Les tentations qui se font jour au sein de cette Assemblée pour légitimer une régionalisation du continent européen ne sauraient, je l'espère, trouver un quelconque prolongement dans l'examen de la situation de la Moldova.

Rappelons au préalable qu'à la différence des conflits gelés du Caucase, la Transnistrie n'a pas fondé ses revendications sur une quelconque spécificité ethnique mais bien sur l'idée d'une société multi-culturelle, tolérante, voire « internationaliste » pour reprendre les mots du président de la « République Moldave de Transnistrie », M. Igor Smirnov. Qualification qui, vous en conviendrez, n'est pas sans rappeler un passé proche où une telle inclinaison a priori généreuse se conjuguait in fine assez mal avec les libertés fondamentales.

La Transnistrie est conçue par les promoteurs de son indépendance comme l'héritière d'un enchevêtrement de cultures diverses, russe, moldave, ukrainienne, bulgare... M. Smirnov va même jusqu'à invoquer la notion de melting pot américain pour décrire l'identité nationale.

Pourtant, à regarder de plus près les arguments avancés par les sécessionnistes, certains ne relèvent pas du multiculturalisme affiché. A titre d'exemple, nous pouvons nous pencher, mes chers collègues, sur le « moldovénisme », qui constitue l'un des principaux arguments avancés par les indépendantistes transnistriens pour revendiquer leur différence par rapport au reste de la Moldavie et asseoir leur légitimité. Cette idéologie soviétique, qui s'appuie sur l'idée d'une langue moldave écrite en cyrillique et distincte du roumain, avait été invoquée après l'annexion de la Moldavie par la Roumanie en 1918, pour justifier l'appartenance de la Bessarabie à la Russie. Les dirigeants transnistriens la reprennent aujourd'hui à leur compte, au mépris des réalités ethnoculturelles. Car, derrière ce verni culturel, ne doit-on pas finalement y lire un message pro-russe, roumanophobe, dont la raison d'être repose sans doute davantage sur des considérations géopolitiques ? La question posée lors du référendum d'autodétermination, le 17 septembre 2006, reflète cette inclinaison en proposant le rattachement « libre » à la Fédération de Russie.

N'en doutons pas, le corpus idéologique indépendantiste ne pourra jamais légitimer les motivations réelles d'un certain nombre de dirigeants de la « République Moldave de Transnistrie», prompts à confisquer les pouvoirs, confondant leurs intérêts avec ceux de l'État autoproclamé. Le pluralisme et l'alternance politique censées légitimer l'irrédentisme transnistrien n'est, à cet égard, qu'un leurre. Aucune différence notable n'apparaît entre les deux principaux partis, les intérêts de la famille d'Igor Smirnov allant même jusqu'à se faire représenter par le principal parti d'opposition. L'absence d'observateurs internationaux lors des derniers scrutins relativise également le caractère démocratique dont se prévaut le régime.

Au moment d'aborder la situation de la Moldova, ne nous laissons donc pas égarer par cette stratégie de légitimation dont les objectifs nous apparaissent si éloignés des principes fondamentaux de la démocratie. Réaffirmons dans la lignée de l'excellent rapport de notre collègue, Madame Josette Durrieu, le nécessaire respect plein et entier de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Moldova. »

Répondant aux intervenants, Mme Josette Durrieu a rappelé les objectifs du projet de résolution :

« Il reste beaucoup à faire, nous en sommes d'accord. Il faut demander encore plus à la Moldova.

Pour qui parlait de l'optimisme, je dirai qu'il n'y a de bonheur que par comparaison - vous avez raison, cher collègue néerlandais, l'optimisme est comme le bonheur. Notre optimisme est réalité, il est réaliste, il est fait de la comparaison des situations depuis dix ans. Aujourd'hui, vous l'avez tous noté, s'il n'y avait qu'une idée à conserver de cette séance, ce serait celle-ci : la Moldova progresse.

Il reste, certes, beaucoup à accomplir. Vous me demandiez ce qu'il restait à faire ?

A partir du paragraphe 16 de la résolution et jusqu'à la fin, sur deux pages, vous verrez que nous demandons une somme de réformes dans le domaine de la justice. Nous réclamons aussi que soit engagé le processus de décentralisation, de régionalisation, d'autonomie. Nous n'allons pas ouvrir un débat sur la régionalisation ici mais il faut rappeler combien c'est un processus difficile pour ces pays comme pour les nôtres. Nous demandons également que la loi sur l'éducation et le débat sur l'éducation soient enfin engagés. Cela tarde trop. Nous voulons encore bien d'autres mesures par rapport à la corruption. Une année n'est pas suffisante.

Merci à ceux qui ont posé le problème de la Transnistrie. Merci surtout à ceux qui ont répondu. Je vois que M. Hancock n'est plus dans la salle. Il est facile de jeter le pavé dans la mare. Comme il connaît bien la Transnistrie et la Moldova, il aurait mieux fait d'être solidaire - comme l'a été l'Estonie - des démarches de la Moldova.

C'est l'affaire de la communauté internationale que de s'emparer de ce problème qui est celui d'un conflit gelé. Incontestablement, il ne se dégèlera que lorsque les Russes le voudront, quand ils considèreront que le moment est venu - puisque, semble-t-il, les pressions ne sont pas suffisantes pour que les choses changent - de retirer complètement leurs troupes et leurs hommes, et de rendre à la Moldova l'intégralité et la souveraineté de son territoire.

L'année 2009 sera celle de notre dernier rapport de vérité. A mon avis, il s'inscrira dans un processus accepté, à savoir le moment des prochaines élections législatives et l'élection du prochain président de la République, qui aura lieu après ces législatives. Le processus démocratique est engagé. Les élections ne sont jamais suffisamment satisfaisantes. Au niveau local, la dernière fois, nous avons effectivement noté des mouvements, mais on sent que dans ce pays la situation évolue, que la démocratie pénètre à l'intérieur de cette population, mais pas suffisamment. En tout cas, la gestion de la suite vous appartient. Nous continuons toujours à vous faire confiance . »

La résolution telle qu'adoptée réitère le souhait de l'Assemblée d'un règlement rapide du conflit transnistrien et demande que soit reconnue et assurée la participation du Conseil de l'Europe aux négociations en cours (1 ( * )) . Elle appelle également à une poursuite des réformes en cours en matière judiciaire et insiste une nouvelle fois sur les garanties à apporter à la liberté d'expression en Moldova, au travers notamment du service public de radiodiffusion. Elle réaffirme sa volonté de voir aboutir une véritable modernisation de la vie politique tant en termes de démocratie locale que de statuts des partis et de lutte anti-corruption.

* (1) Les négociations se déroulent actuellement dans le cadre du format dit « 5+2 » (Transnistrie, Moldova, OSCE, Russie, Ukraine + 2 observateurs : Union Européenne et États-Unis).

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