EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 1 er avril 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, et de Mme Nicole Bricq, sur les conditions d'évolution de l'actionnariat d'EADS.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé la réactivité dont avait fait preuve la commission pour jouer pleinement son rôle d'information et de contrôle dans « l'affaire EADS » afin de présenter les constatations et les enseignements à tirer sur la gouvernance publique et le fonctionnement de l'État actionnaire.

Soulignant la démarche pluraliste qui avait présidé à la réalisation du rapport d'information, il a rappelé que, dès la publication dans la presse, le 3 octobre 2007, de la transmission au parquet de Paris d'un rapport préliminaire d'enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF) tendant à établir un éventuel délit d'initié de la part de dirigeants et actionnaires d'EADS, la commission avait organisé, le vendredi 5 octobre 2007, un cycle d'auditions afin d'éclairer la représentation nationale et les citoyens sur les étapes et modalités techniques de l'opération de cession de la moitié de la participation du groupe Lagardère dans EADS et du rôle joué par les différents services concernés de l'État. Il a précisé qu'il ne s'agissait donc pas de s'intéresser aux éventuels « délits d'initiés », ni au fonctionnement même d'EADS.

Exposant les trois parties du rapport, outre le rappel de la chronologie et des modalités de la cession des actions d'EADS, il a mis en exergue le caractère « perfectible » de la circulation de l'information au sein des différentes instances gouvernementales et a jugé que les enseignements à tirer de ces travaux devaient conduire à une réforme de la gouvernance publique et notamment du mode de fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Alors même que le collège de l'AMF statuait, le 31 mars 2008, sur le rapport d'enquête, puis notifiait les griefs et s'apprêtait à transmettre au parquet une liste « d'initiés » présumés au sein du groupe EADS, M. Jean Arthuis, président, a fait le constat d'une forme de « connexité » temporelle des travaux de la commission et de l'AMF, soulignant ainsi l'actualité du travail de contrôle de la commission.

Revenant sur les modalités de cession des actions d'EADS, il a observé que la volonté du groupe Lagardère de se désengager partiellement d'EADS était avérée dès l'été 1999 et que les contacts entre le groupe Lagardère, l'État et DaimlerChrysler étaient rendus indispensables par les pactes d'actionnaires qui les liaient. La CDC avait été approchée entre octobre 2005 et mars 2006, en vue de la réalisation de la cession d'actions en avril 2006 selon des modalités « atypiques » de cessions à terme. Il a indiqué que ce montage s'inscrivait dans le cadre d'un placement privé à exécution échelonnée et à des conditions de marché, sous forme d'obligations remboursables en actions à parité ajustable (ORAPA). Décrivant ce montage comme « complexe » et présentant notamment des caractéristiques d'intéressement à la hausse du cours de l'action pour le groupe Lagardère moyennant une rémunération élevée pour Ixis CIB, il a jugé que l'avantage fiscal substantiel résultant de cette opération constituait en quelque sorte une « cerise sur le gâteau », mais pas un objectif prioritaire.

Par ailleurs, il a regretté le défaut de coordination entre les différents services de l'État, notamment entre Matignon, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'Agence des participations de l'État (APE) et la CDC. Dans ce contexte, il a mis en lumière le caractère perfectible de la gestion de l'information par l'État sur l'évolution de l'actionnariat d'EADS. L'interposition de deux holdings entre l'État et EADS, l'absence de représentation et d'exercice de son droit de veto au sein du conseil d'administration d'EADS et le rôle limité joué par l'APE ont ainsi, selon lui, cantonné l'État à un rôle de « figurant ». Il a considéré les lacunes de l'État comme la résultante d'une vigilance administrative morcelée et insuffisamment exercée, d'un intérêt limité porté par les responsables politiques au sort des actions cédées par le groupe Lagardère, et d'un défaut d'information sur la situation industrielle d'Airbus.

Il a souligné que si le rapport d'information ne pouvait conduire à la mise en cause de la responsabilité de l'État, il convenait, notamment dans la perspective du prochain examen du projet de loi de modernisation de l'économie, de tirer plusieurs enseignements pour améliorer la gouvernance publique. S'agissant, en premier lieu, de la réforme de la CDC, envisagée par le prochain projet de loi de modernisation de l'économie, il a rappelé que la question de l'exercice effectif de son contrôle restait posée et qu'il était nécessaire de remédier aux lacunes du mode de prise de décision. En second lieu, il a admis que le rôle joué par l'APE dans le suivi de l'actionnariat d'EADS n'appelait pas de critique majeure mais que cette agence gagnerait en transparence en établissant, de manière plus systématique, des comptes rendus des réunions organisées avec les dirigeants des sociétés et des banquiers-conseils. A cet égard, il a jugé opportun de doter l'APE d'un « comité stratégique » dans lequel siègeraient des personnalités indépendantes et reconnues pour leur expérience économique et financière.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que ces travaux étaient le reflet d'une réflexion commune et rappelé qu'ils n'avaient pas pour vocation à interférer dans les procédures juridictionnelle et d'enquête, dans la mesure où il ne relevait pas de la compétence de la commission d'examiner la question d'éventuels « délits d'initiés » dont l'AMF et le parquet étaient saisis. Il a toutefois jugé que la commission avait bien rempli son rôle et clairement établi les dysfonctionnements de la circulation de l'information au sein des services de l'État. A cet égard, il a estimé que si l'État ne pouvait être considéré comme coupable, pour autant, cette affaire n'était « pas glorieuse » et mettait en lumière les ambiguïtés et imperfections d'un système, dont il a appelé la réforme de ses voeux dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie.

Mme Nicole Bricq a indiqué que malgré la fin de non-recevoir opposée, fin 2006, au groupe socialiste de constituer une commission d'enquête, elle se félicitait d'avoir participé à la série d'auditions publiques organisées promptement par la commission et ouvertes à l'ensemble des sénateurs. Elle a salué une « vraie valeur ajoutée » dans cette démarche, indiquant qu'elle s'inscrivait pleinement dans l'activité sénatoriale de contrôle. A cet égard, elle a souhaité que soit mise à l'étude la création d'une procédure de contrôle simplifiée et pluraliste.

S'agissant des enseignements retirés des auditions, elle s'est interrogée sur l'état réel de l'information de l'ensemble des acteurs et a fait le constat d'une « endogamie » des décideurs publics et privés du secteur, qui lui semblait être un facteur de doute. En outre, elle s'est étonnée du peu d'intérêt manifesté par l'administration dans la cession d'actions d'une entreprise que M. Dominique de Villepin, lors de son audition devant la commission, avait lui-même qualifiée de « hautement stratégique ». Aussi, elle a appelé de ses voeux l'ouverture d'un débat sur le rôle de l'APE afin que le caractère stratégique des participations de l'État ne soit pas négligé au bénéfice du seul intérêt patrimonial.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé le souci de réactivité qui avait animé la commission dans la conduite de ses travaux alors que la constitution d'une commission d'enquête aurait imposé une procédure nécessairement plus lourde et plus longue.

En réponse à M. Yann Gaillard qui s'interrogeait sur un lien éventuel entre le départ évoqué par voie de presse de M. Dominique Marcel, directeur financier de la CDC, et le déroulement de « l'affaire EADS », il a indiqué que ce dernier se trouvait pour l'heure toujours en poste.

M. Paul Girod a regretté que les missions de l'APE ne s'appuient pas davantage sur des considérations d'ordre stratégique, privant ainsi les indicateurs de performance d'un réel contrôle politique.

La commission a alors décidé , à l'unanimité, d'autoriser la publication de ses travaux relatifs aux conditions d'évolution de l'actionnariat d'EADS sous la forme d'un rapport d'information, cosigné par MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général et Mme Nicole Bricq .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page