c) Les problèmes juridiques soulevés par la rédaction de certaines dispositions de la loi du 11 février 2005 sur le handicap

Le rapport de la mission confiée à Hélène Gisserot - c'est l'un de ses points forts - attire l'attention des pouvoirs publics sur les difficultés soulevées par la mise en oeuvre de deux articles de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La rédaction de ces dispositions pose en effet des problèmes majeurs et constitue une source d'insécurité juridique préjudiciable.


• La portée incertaine de l'article 13

L' article 13 prévoit la suppression échelonnée des barrières d'âge en matière de prise en charge des personnes handicapées. Sa dernière phrase précise que « dans un délai maximum de cinq ans [c'est-à-dire au plus tard le 12 février 2010], les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d'âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d'hébergement en établissements sociaux et médicosociaux seront supprimées » 143 ( * ) .

Mais, comme le note le rapport d'Hélène Gisserot, cette rédaction est en réalité dépourvue de portée normative pour trois raisons :

- les termes employés prêtent à discussion, l'emploi du futur (« seront supprimés ») semblant renvoyer à une action ultérieure du législateur ;

- cette phrase correspond à une injonction de faire du Parlement, mais, de façon paradoxale, cette injonction est destinée à lui-même et est donc dénuée de portée juridique ;

- la rédaction même du texte n'est pas conforme à l'idée qu'en ont eu ses rédacteurs, dans la mesure où l'article 13 vise une abrogation des dispositions de la loi du 11 février 2005 (« les dispositions de la présente loi ») et non pas celle des autres dispositions législatives qui lui seraient contraires . Dès lors, la convergence entre la compensation du risque dépendance et celle du handicap ne pourrait se faire en application de ce texte que par ajustement de la compensation du handicap sur les règles, globalement moins favorables, applicables à la dépendance, ce qui est manifestement contraire à l'intention du législateur.


• La portée potentiellement coûteuse des dispositions du paragraphe V, deuxième alinéa, de l'article 18

Le paragraphe V de l'article 18 pose des problèmes plus complexes à résoudre. Ces dispositions ont tout d'abord pour objet de permettre aux personnes handicapées qui atteignent l'âge de soixante ans et qui ont été précédemment accueillies en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de continuer à bénéficier du régime plus favorable d'aide sociale auquel elles étaient soumises en établissement pour adultes handicapés. Mais le champ de ce dispositif est étendu, dans le second alinéa, à toute personne « accueillie » dans ces établissements « et dont l'incapacité est au moins égale à un pourcentage fixé par décret » . Or, cette rédaction, comme le note le rapport d'Hélène Gisserot, apparaît susceptible de créer des effets d'aubaine 144 ( * ) .

« Une autre difficulté juridique tient à la rédaction [du second alinéa du paragraphe V] de l'article 18 de la loi du 11 février 2005, qui, tel qu'il est formulé, permet d'appliquer les règles de financement des établissements pour personnes handicapées à toutes les personnes, quel que soit leur âge, qui présentent un taux d'incapacité, dont le montant doit être fixé par décret (par exemple 80 %), ce qui voudrait dire que cette disposition s'applique aux assurés qui n'ont pas été reconnus comme handicapés avant l'âge de soixante ans, mais sont en mesure de voir leur incapacité reconnue. Cette extension à des personnes qui relèvent jusqu'alors du droit de la dépendance, qui ne semble pas avoir été dans l'intention du législateur, est une nouvelle source d'insécurité juridique. » (...)

« Ce texte s'il est appliqué conduirait ainsi à multiplier, dans des conditions peu transparentes, les droits ouverts aux personnes âgées. Il exigerait des familles, déjà fortement sollicitées avec les prestations existantes, des exercices de comparaison des barèmes d'une complexité sans pareil. Ce n'était pas l'objet de ce texte, c'est pourquoi les services du ministère de la santé et des solidarités ont jusqu'à présent marqué une position d'attente dans la publication de ses décrets d'application. ». De fait, ce décret n'a pas été publié, ce qui n'est guère surprenant.

Par principe, le Parlement ne saurait naturellement se satisfaire de voir des dispositions législatives privées d'effet du fait de l'absence de publication des mesures réglementaires d'application prévues. Mais en l'espèce, force est de constater qu'un tel effet d'aubaine serait assurément incompatible avec l'état actuel des finances publiques. Il ne serait pas non plus justifié et fondé sur des considérations objectives. Il conviendrait donc de sortir de cette impasse juridique.

La poursuite du statu quo actuel apparaît d'autant moins envisageable que saisi par l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), le Conseil d'Etat a récemment enjoint à l'Etat de publier le décret dans un délai de quatre mois 145 ( * ) .

En définitive, face à l'ensemble de ces difficultés, Hélène Gisserot jugeait « qu'il serait sans doute souhaitable que ce texte [l'article 13] , et avec lui les dispositions [du second alinéa du paragraphe V] de l'article 18 de la loi du 11 février 2005, soit abrogé ».

* 143 « Perspectives financières de la dépendance des personnes âgées à l'horizon 2025 : Prévisions et marges de choix » - Hélène Gisserot - op. cité - page 78.

* 144 « Perspectives financières de la dépendance des personnes âgées à l'horizon 2025 : Prévisions et marges de choix » - Hélène Gisserot - op. cité - pages 77 et 78.

* 145 Ordonnance du Conseil d'Etat - référé du 20 juin 2008 - n° 316262.

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