2. Une urgence : clarifier et conforter le volet financier de la réforme, afin de dépasser ce point de crispation

a) Prendre acte de la nécessité de desserrer la contrainte calendaire

Au terme des nombreuses auditions réalisées par votre rapporteur, il apparaît prioritaire et urgent de lever les incertitudes pesant sur le contexte financier de mise en oeuvre de la loi de 2004, tant celles-ci suscitent l'inquiétude des responsables d'établissement et des autres acteurs concernés.

Compte tenu de la situation de blocage actuelle, le projet de loi de finances pour 2009 ne pourra sans doute pas prévoir le transfert de crédits.

Ceci signifie que les modalités antérieures de financement continueront à s'appliquer pendant une période transitoire. D'après les informations données à votre rapporteur par le ministère des finances, le montant des crédits programmés à ce titre pour 2009 est équivalent à celui des crédits engagés en 2008.

Néanmoins, votre rapporteur suggère que l'Etat en prenne acte, en prorogeant le système actuel d'au moins un an, voire davantage selon les solutions retenues.

Les représentants de la Direction générale des collectivités locales, (DGCL) ont d'ailleurs souligné qu'un tel desserrement de la contrainte calendaire avait été proposé devant la commission consultative d'évaluation des charges, en décembre 2007.

Votre commission insiste pour que le principe de la sécurisation de l'enveloppe financière des crédits à transférer soit très clairement affirmé dans un cadre interministériel. Ce principe intangible devra être respecté, qu'il soit inscrit dans la loi - à l'occasion d'une éventuelle adaptation de la loi de 2004 -, ou non, puisque telle est la volonté du législateur.

Il est, en effet, évident que les niveaux de financement actuels des établissements par l'Etat doivent constituer un minimum garanti ; à défaut, ces écoles seraient mises en difficulté et ne pourraient assumer convenablement leurs missions.

b) Aboutir à une évaluation partagée de l'impact financier de la réforme

La question du « différentiel financier » entre le coût prévisible de mise en oeuvre de la réforme et le montant des crédits susceptibles d'être transférés par l'Etat est, comme cela a été souligné, un sujet de crispation entre ce dernier et les collectivités territoriales, les régions notamment.

C'est en effet sur ce point d'achoppement que bloque la mise en place des cycles d'enseignement professionnel initial (CEPI), dont l'organisation et le financement incombent aux régions.

Pourtant, les évaluations sur lesquelles repose la mise en évidence de ces « surcoûts » sont pour le moins arbitraires, de l'aveu même de ceux qui ont été chargés de recueillir ces données. Certains sont allés jusqu'à les qualifier de parfois « fantaisistes ».

Elles reposent sur des calculs d'autant plus délicats que les conservatoires sont le plus souvent des régies municipales sans comptabilité propre. Par ailleurs, en l'absence - fort regrettable - de critères ou de méthodologie clairement définis au niveau national , chacune des régions a dû « improviser » sa propre méthode de calcul, ou faire appel à des cabinets extérieurs. Or, la tâche est ardue et toute évaluation précise des coûts a été jugée impossible à déterminer .

Comme l'a souligné, en effet, le conseiller chargé des enseignements artistiques en région Poitou-Charentes, le coût des formations sera très variable selon la taille de l'établissement, le niveau - encore inconnu à ce stade - de mutualisation des activités et moyens d'enseignement entre établissements ou au sein de chacun d'eux ; par ailleurs, comment « chiffrer », par exemple, le « prix » d'une heure de musique de chambre associant deux élèves en CEPI et trois autres « hors CEPI » ? Enfin, le nombre d'élèves qui suivront ces formations est encore inconnu...

Il résulte de ces nombreuses incertitudes une grande diversité d'approches et un éventail extrêmement large des fourchettes de « coût par élève » des formations , d'une région à l'autre. Pour les représentants de l'Observatoire des politiques culturelles, le surcoût à la charge des régions serait de + 100 % à + 400 % par rapport au coût des précédents troisièmes cycles spécialisés.

Par ailleurs, on peut ainsi citer, à titre d'exemple, pour ce qui concerne la musique :

- la région Rhône-Alpes : prenant en compte les coûts à la fois pédagogiques et non pédagogiques (instruments, documentation...), elle évalue le coût du CEPI par élève à environ 7.000 euros par an ;

- la région Poitou-Charentes arrive, quant à elle, à un coût moyen par élève de 5.943 euros.

Il aurait été très souhaitable que le ministère apporte un appui technique aux régions afin d'aboutir à une évaluation partagée de l'impact financier de la réforme.

Il est aujourd'hui indispensable que le ministère parvienne, en concertation avec les acteurs, à définir un mode de calcul correspondant à une définition partagée du CEPI. L'objectif est de parvenir à la définition d'un coût de référence par élève ou à une fourchette de coût par élève. Cette notion de fourchette devrait sans doute être privilégiée, tant il est vrai que le coût peut varier selon la taille de l'établissement ou le nombre d'établissements au sein d'un réseau territorial.

Cette évaluation devra être « raisonnable ». Nombre de personnes entendues ont souligné les difficultés de l'exercice, puisque l'on raisonne « toutes choses égales par ailleurs », donc sans tenir compte de la réorganisation partielle des enseignements qu'entraîne la réforme. Ajoutons qu'il serait souhaitable que les établissements se dotent d'une comptabilité analytique fine.

Relevons au passage les limites de la référence à un coût moyen par élève. L'intérêt d'un raisonnement en termes de coût marginal ne doit pas être négligé : il est évident qu'il peut être plus intéressant, à tous les niveaux, de répartir les charges fixes sur un nombre plus élevé d'élèves, que de prendre en compte une forme de numerus clausus.

Dans un premier temps, le transfert des crédits sera nécessairement fondé sur une « photographie » de la situation actuelle, héritée de l'histoire. Or, l'évaluation du surcoût dépend de ce niveau du financement alloué par l'Etat, dont on a dit qu'il n'échappait pas à une part d'arbitraire, compte tenu de l'absence de critères clairs et transparents.

Enfin, tout en garantissant néanmoins au minimum le maintien des subventions actuelles, pour ne pas déstabiliser le budget des établissements, le ministère doit fixer des critères et une clé de répartition entre départements et régions.

c) Obtenir de l'Etat un « coup de pouce » pour accompagner la réforme

En outre, votre rapporteur doute que la réforme puisse s'appliquer sereinement sans un effort budgétaire complémentaire de l'Etat.

En effet, et ainsi qu'il a été dit précédemment, la conjugaison du transfert de crédits prévu par la loi de 2004 et de la réforme du cycle d'enseignement spécialisé complexifie la situation.

Pour que l'Etat exerce pleinement sa mission de pilotage, il lui faut pouvoir accompagner des projets et trouver la place qui lui revient, en vue d'assurer ses missions d'appui, de conseil, d'impulsion et d'encouragement de l'évolution du secteur.

A cette fin, votre rapporteur suggère que l'Etat réfléchisse, avec les collectivités locales, aux meilleurs outils permettant d'organiser la concertation. Tel pourrait notamment être le cas de l'EPCC (établissement public de coopération culturelle), comme cela sera développé ci-dessous.

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