B. LES PRINCIPALES RAISONS DE CETTE « PANNE »

Si le problème financier est sans nul doute la raison première du blocage constaté dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 13 août 2004, il ne faudrait pas y voir un facteur exclusif de cette « panne ». Le risque serait alors d'occulter les autres enjeux « de fond » que soulève, par ailleurs, la réforme des enseignements artistiques. Or, à défaut d'avoir été suffisamment anticipés, nombre de ces enjeux suscitent des interrogations auxquelles il sera nécessaire de répondre au préalable.

1. L'épineux problème financier dans un contexte politique tendu

a) Les différents points d'achoppement

S'il n'est pas la cause exclusive du coup d'arrêt constaté dans la mise en oeuvre de la réforme des enseignements artistiques, le problème lié aux transferts financiers en a été, sans conteste, le « déclencheur » et il reste l'un des principaux facteurs de blocage.

Votre rapporteur a eu confirmation de cet état de fait à de nombreuses reprises, que ce soit lors de ses auditions ou à l'occasion de ses déplacements en région.

Ce problème financier recouvre plusieurs dimensions :

- d'une part, le manque de transparence sur les modalités de ce transfert, en l'absence de critères de répartition explicites des crédits de l'État entre les régions et entre ces dernières et les départements qui les composent ; si, dans la majorité des cas, les DRAC ont annoncé qu'environ 60 % de l'enveloppe iraient à la région et 40 % aux départements, cette clé de répartition a été inversée en Lorraine par exemple, sans qu'aucune explication en ait été donnée ; votre rapporteur relève, par ailleurs, que le ministère n'a pas pu la renseigner quant aux critères sur lesquels se fonde la répartition actuelle de ces financements : celle-ci résulte, en effet, d'une succession d'aides ponctuelles, constituant un héritage historique relativement flou ;

- d'autre part, la question du différentiel entre le coût prévisionnel de mise en place des CEPI, tel qu'évalué par les régions, et les crédits susceptibles de leur être transférés à cet effet ; cet aspect est d'autant plus sensible que ce transfert de compétences s'accompagne d'une réorganisation de ces cycles, définie par l'État et génératrice de nouvelles charges.

Plus généralement, cette concomitance entre les transferts prévus par la loi et la parution de textes réglementaires - sur les CEPI ou les critères de classement des établissements - qui aboutit à fixer de nouvelles exigences plus élevées (en matière de qualification des enseignants, de développement et structuration de la danse ou du théâtre, de diversification des disciplines...), donne le sentiment que l'État demande aux collectivités territoriales de faire ce que lui-même ne s'est pas donné les moyens de réaliser, en assumant la charge de la rénovation et du développement de ces enseignements.

QUELLE ÉVALUATION DU DIFFÉRENTIEL FINANCIER ? L'EXEMPLE DE LA RÉGION RHÔNE-ALPES

En mars 2007, le conseil régional de Rhône-Alpes a adopté une délibération fixant ses « orientations stratégiques pour un schéma régional des enseignements artistiques ».

Le contexte financier incertain est stigmatisé sous la forme d'un avertissement dans l'introduction de ce rapport :

« Si nous souhaitons assumer la responsabilité qui nous est confiée, il n'en demeure pas moins que de lourdes incertitudes pèsent sur le financement de cette nouvelle mission. (...) Notre capacité à soutenir les axes de ce schéma sera donc étroitement subordonnée au montant de la dotation transférée d'une part, et à l'effort consenti par l'ensemble des autres collectivités concernées d'autre part. »

En effet, le montant des concours financiers devant être transférés par l'État aux départements et à la région est estimé, sur la base de la moyenne du total des subventions allouées en 2002, 2003 et 2004 à environ 2,2 millions d'euros en Rhône-Alpes.

Or, « à ce jour, les clefs de répartition de cette dotation entre la région et les départements ne sont pas connues. Une démarche de conventionnement entre l'État et les départements d'une part, et l'État et la région d'autre part, est en cours d'élaboration à partir des schémas présentés par chacune de ces collectivités.

« On estime aujourd'hui à environ 1,3 million d'euros (60 %) la part susceptible de revenir à la Région.

« Considérant que la Région attribue déjà aux 8 CNR et ENM des villes centres, dans le cadre du contrat de fonctions majeures, une dotation globale annuelle de 0,46 million d'euros, la participation à budget constant pour la Région s'élèverait donc, après transfert de la dotation de l'État, à environ 1,76 million d'euros.

« Or, on estime aujourd'hui la charge induite par ces formations à près de 7 millions d'euros par an, soit un différentiel de plus de 5 millions d'euros .

Cette évaluation est faite sur la base d'effectifs constants, soit 1 000 élèves en 2005.

Dans un courrier adressé le 24 janvier 2007 au Premier ministre de l'époque, M. Dominique de Villepin, M. Alain Rousset, président de l'Association des Régions de France (ARF), insiste sur les « graves et importantes difficultés » qui demeurent en vue de la mise en oeuvre, par les régions, de la nouvelle responsabilité confiée par la loi : « à ce jour, il apparaît que la nouvelle compétence régionale ne donnerait pas lieu à un transfert de ressources à la hauteur de la charge que la loi fait reposer sur les Régions . En effet, celles-ci ne recevraient qu'une partie des sommes que celui-ci consacrait jusqu'à présent aux établissements d'enseignement public concernés, l'autre partie étant destinée aux départements. (...) En outre et surtout, alors que plus de 80 % du financement des cycles d'enseignement relevant désormais des Régions était assuré par les communes, la nouvelle loi n'oblige en rien ces dernières à maintenir ces financements . »

b) La saisine de la Commission consultative d'évaluation des charges

Comme l'annonçait, dès lors, le président de l'ARF dans le courrier précité, l'association a saisi la Commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) de ce dossier. Celle-ci s'est réunie le 11 décembre 2007.

Votre rapporteur rappelle que cette commission, instituée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et le décret n° 2004-1416 du 23 décembre 2004, se compose de 22 membres du comité des finances locales, représentant à parité l'État et les collectivités territoriales (deux présidents de conseil régional, quatre présidents de conseil général et cinq maires, dont au moins deux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale). Cette commission est consultée, notamment, sur « les modalités d'évaluation des accroissements et diminutions de charges résultant des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales » .

Lors de cette réunion, il a été rappelé que l'article 101 de la loi du 13 août 2004 opère un simple transfert de crédits de l'État vers les régions et départements, et non un transfert de compétences stricto sensu , au sens de l'article L. 1614-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (CGCT), impliquant une constatation par arrêté, après avis de la commission, du montant des dépenses résultant des charges transférées.

Néanmoins, cette réunion a permis de clarifier l'évaluation des concours financiers concernés par le transfert. En se fondant sur les dépenses de l'État des trois années précédant la date d'entrée en vigueur de la loi (soit le 1 er janvier 2005), actualisées selon l'indice des prix (hors tabac), le montant des crédits transférés s'élèverait ainsi à 28 792 286 euros .

Une seconde approche, parvenant à un montant très proche, a été évoquée, mais jugée plus difficile à mettre en oeuvre : elle consiste à se fonder sur les dépenses de l'État des trois années précédant la mise en oeuvre des schémas départementaux et PRDF au vu desquels, aux termes de la loi, l'État procède aux transferts.

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