b) La priorité donnée aux enjeux politico-économiques

L'examen de la stratégie vaccinale ainsi retenue par le ministère de l'agriculture et de la pêche montre que la priorité a été donnée, dans le cas de l'actuelle épizootie, aux enjeux politiques et économiques , s'opposant ainsi à l'approche scientifique développée par l'AFSSA.

Dans son avis du 14 décembre 2007, l'AFSSA exposait quatre objectifs qui pouvaient être visés par la vaccination contre le sérotype 8, dans un contexte de doses vaccinales insuffisantes :

- 1 - une limitation de l'extension de la FCO de sérotype 8 : cet objectif supposait l'emploi obligatoire du vaccin en périphérie de la zone infectée, au sein d'une zone dite « tampon », bordant le front épizootique ;

- 2 - une limitation de l'incidence de la FCO de sérotype 8 : ce scénario privilégiant l'emploi obligatoire du vaccin dans les zones caractérisées par une haute densité de foyers en 2007 ;

- 3 - une limitation des cas de FCO pour certaines catégories d'animaux que le gestionnaire du risque aurait choisi de protéger en priorité (animaux à haut potentiel génétique, races en voie d'extinction ; ovins sélectionnés pour le gène résistant à la tremblante) ;

- 4 - une vaccination facultative, laissant le choix à l'éleveur de protéger ou non son cheptel.

Tout en reconnaissant la difficulté du choix qu'il appartient au gestionnaire du risque de faire, le groupe d'expertise collective d'urgence « FCO » (« Gecu FCO ») constitué au sein de l'AFSSA, préconisait, cependant, dans son avis du 5 mars 2008, une logique inverse à celle retenue par le ministère, à savoir une logique centripète de vaccination, commençant par les zones périphériques et remontant progressivement vers les zones infectées : « afin de limiter l'incidence de la FCO à sérotype 8 en France et de participer à la limitation de l'extension du front épizootique (notamment vers la zone où une circulation du sérotype 1 a été identifiée), le Gecu FCO recommand [ait] de commencer une vaccination obligatoire contre ce sérotype, des ruminants domestiques réceptifs (bovins, ovins, caprins), immédiatement, tout le long du front de la maladie à la fin de l'année 2007 , puis de la poursuivre au cours du trimestre à venir de façon centripète vers le coeur de la zone atteinte par le sérotype 8 en 2007 ». Ceci d'autant plus, comme le soulignait l'AFSSA, que compte tenu de l'immunité naturelle satisfaisante dont disposent les ruminants infectés, l'incidence de la FCO devrait être plus importante dans les zones périphériques que dans les régions du nord-est de la France durablement affectées.

Dans son avis du 17 mars 2008, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) était encore plus explicite indiquant qu'une « vaccination facultative contre le sérotype 8 sur la plus grande partie du territoire [soit la stratégie retenue par le ministère de l'agriculture et de la pêche] ne répond pas de façon optimale à des objectifs d'ordre épidémiologique et risque probablement d'être moins efficace pour limiter l'incidence et l'extension de la maladie qu'une vaccination obligatoire ciblée dans certaines zones géographiques ».

Il semble donc, que contrairement à l'approche scientifique de l'AFSSA, le ministère de l'agriculture et de la pêche ait privilégié :

- d'une part, les aspects « politiques » de la crise : il lui était difficile de refuser la vaccination des zones durablement touchées en 2006 et 2007 au nord-est de la France ;

- d'autre part, les aspects économiques et commerciaux de l'épizootie, ce qui justifie le choix d'une vaccination prioritaire des animaux destinés aux échanges.

En ce sens, votre rapporteure spéciale note, sans porter de jugement sur l'opportunité de ce choix, que la vaccination n'apparaît pas ici comme un seul outil de contrôle de la situation épidémiologique, mais également comme une condition à la poursuite des échanges commerciaux avec certains partenaires économiques , notamment avec l'Italie.

Cette divergence d'approche entre l'AFSSA et le ministère de l'agriculture et de la pêche repose néanmoins la question, déjà soulevée par votre rapporteure spéciale lors de sa mission de contrôle sur la gestion de l'influenza aviaire 27 ( * ) , de la difficile articulation des fonctions d'évaluation (assurée par l'AFSSA) et de gestion du risque (qui relève de la compétence du responsable politique).

* 27 Rapport d'information précité n° 451 (2005-2006).

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