II. LA NOUVELLE ORGANISATION DE LA COUVERTURE DU RISQUE MALADIE

La prise en charge du risque maladie est organisée par la loi du 16 juin 2005 sur l'assurance soins de santé ( Zorgverzekeringswet - ZVW) et par la loi sur l'organisation du marché des soins de santé (Wet marktordening gezondheidszorg-WMG) . Les dispositions contenues dans ces deux textes organisent, d'une part, la prise en charge des dépenses d'assurance maladie liées aux frais de santé, c'est-à-dire les soins les plus courants, à l'exception des pathologies de longue durée qui font l'objet d'un dispositif spécifique (l' AWBZ décrit dans la troisième partie). Elles définissent, d'autre part, la régulation de l'offre de soins. Les règles de paiement des indemnités journalières versées en cas d'arrêt de travail sont fixées par des normes juridiques spécifiques et se trouvent donc placées en dehors du champ de l'assurance soins de santé, tout comme l'indemnisation des accidents du travail.

Les nouvelles dispositions législatives, entrées en vigueur le 1 er janvier 2006, modifient les mécanismes de prise en charge des dépenses de santé et accordent une place prépondérante aux sociétés privées d'assurance dans la gestion du dispositif . Cette mutation s'inscrit dans le prolongement des réformes précédentes, menées depuis le milieu des années quatre-vingt (Plan Dekker de 1987), qui autorisaient déjà l'intervention des assureurs dans un cadre défini par le Gouvernement.

Ces opérateurs privés exercent leur activité sous le contrôle des pouvoirs publics qui ont développé des règles strictes destinées à préserver la dimension solidaire de cette branche de la protection sociale .

L'objectif affiché par les pouvoirs publics est double. D'une part, améliorer l'accès aux soins, notamment en faisant disparaître les files d'attente existant pour certaines pathologies ; d'autre part, rendre la dépense de santé plus efficiente en contraignant les acteurs du système à développer des innovations dans les modes de prise en charge des patients et à réduire leurs coûts grâce à la concurrence nouvellement instituée.

Au-delà du panier de biens et services remboursés dans le cadre de la ZVW , les assurés peuvent souscrire une assurance volontaire destinée à couvrir leurs frais supplémentaires ( particuliere verzekeringen ).

A. LES RÈGLES DE PRISE EN CHARGE DU RISQUE MALADIE

Les Néerlandais qui pouvaient être conduits, en fonction de leurs revenus 6 ( * ) , à s'assurer soit auprès d'une caisse publique, soit auprès d'un opérateur privé, doivent maintenant, dans tous les cas, souscrire un contrat auprès d'une société d'assurance.

Ces dispositions sont entrées en vigueur à compter du 1 er janvier 2006 et ont entraîné la suppression des mécanismes prévus par la législation antérieure, et notamment la disparition des caisses publiques d'assurance maladie 7 ( * ) .

1. Le maintien de mécanismes de solidarité

L'obligation faite à l'ensemble des assurés de souscrire une assurance privée ne doit cependant pas être interprétée comme une privatisation pure et simple du régime de soins de santé. Des mécanismes de solidarité ont été maintenus afin de permettre l'affiliation de l'ensemble de la population et de garantir l'accès aux soins . Ces outils reposent sur une répartition des tâches claire entre l'État, chargé de réguler cette branche de la protection sociale et de s'assurer de l'expression de la solidarité, et les assureurs dont l'activité est concentrée sur la problématique de l'accès aux soins, d'achat de prestations médicales ou hospitalières et de conventionnement des professionnels de santé.

a) En contrepartie de l'obligation de souscrire un contrat privé : l'interdiction du recours à la sélection des assurés...

Le fondement du nouveau système d'assurance de soins de santé ( ZVW ) est l'obligation faite à toute personne résidant aux Pays-Bas, ou assujettie à l'impôt sur le revenu néerlandais du fait de ses activités aux Pays-Bas, de souscrire une assurance santé auprès d'un opérateur privé dans un délai de quatre mois suivant l'entrée en vigueur de cette obligation.

Contrairement à la pratique constatée dans les pays disposant d'un système d'assurance sociale fondée sur l'activité professionnelle, cette affiliation ne se fait pas d'office : les personnes doivent rechercher elles-mêmes un assureur. L'assuré peut changer de type de contrat et d'assureur tous les ans. Le contrat d'assurance est conclu pour l'année civile.

Le non-respect de l'obligation d'assurance est sanctionné par une amende infligée par le collège pour les assurances soins de santé ( College voor zorgverzekeringen - CVZ ). Cette amende est signifiée au moment où l'assuré souscrit son contrat. L'assuré est alors redevable, outre la prime nominale, d'une amende s'élevant à 130 % du montant des primes non acquittées. Cette amende est calculée en fonction du nombre de mois durant lesquels l'obligation d'assurance n'a pas été respectée, la durée maximum prise en compte étant fixée à cinq ans.

En l'absence de contrat, l'intéressé ne bénéficie d'aucun droit à l'indemnisation des frais médicaux engagés. L'assuré est toujours soumis à l'obligation de contracter une assurance et est toujours redevable de la cotisation liée au revenu.

Cette obligation d'assurance s'accompagne d'une contrepartie imposée aux sociétés d'assurance afin de maintenir les exigences de solidarité dans cette branche de la protection sociale. Cette contrainte prend la forme d'un mécanisme simple : l'interdiction de recourir à la sélection des assurés sous quelque forme que ce soit.

En conséquence, l'assureur ne peut établir aucune distinction fondée sur le sexe, l'âge ou l'état de santé de la personne . Les sociétés d'assurance ne peuvent donc pas subordonner l'adhésion de l'assuré à la rédaction préalable d'un questionnaire médical, ni faire varier le montant de la prime nominale en fonction des caractéristiques de la personne.

De jure , chaque assuré doit payer une prime identique pour l'acquisition d'un contrat d'assurance soins de santé comportant la même gamme de garanties. Cette obligation ne vaut que pour les contrats relatifs au dispositif ZVW et ne s'applique pas à l'acquisition d'une couverture complémentaire supplémentaire, laquelle n'est encadrée par aucune obligation de solidarité.

b) ... et l'institution d'une aide à l'acquisition d'une police d'assurance

L'existence d'un mécanisme de solidarité fondé sur la non-sélection des assurés ne saurait suffire à garantir l'accès de l'ensemble de la population à un contrat d'assurance santé. Le coût d'acquisition d'une telle assurance, et notamment le montant de la prime nominale versée à l'assureur, peut constituer un obstacle insurmontable pour les ménages les plus modestes et les conduire à ne pas être mesure de respecter l'obligation légale de souscrire une assurance.

La loi sur l'allocation soins de santé (Wet op de zorgtoeslag) du 16 juin 2005 a donc prévu la création d'un dispositif d'aide à l'acquisition de la couverture de soins santé . En application de cette législation, une aide peut être versée, sous forme de crédit d'impôt, aux personnes pour lesquelles le montant de la prime nominale constitue une dépense trop élevée par rapport à leurs revenus. Concrètement, cette aide est destinée aux assurés pour lesquels l'acquisition d'un contrat d'assurance représente une dépense supérieure à 5 % de leur revenu pour un couple ou 3,5 % pour une personne seule . Ce dispositif est réservé aux ménages déclarant des revenus annuels inférieurs à 40 000 euros pour un couple et 25 000 euros pour une personne seule. Le montant maximal de l'allocation s'élève à 420 euros pour les personnes seules et à 1 200 euros pour les ménages. Il s'agit d'une prestation différentielle : son montant doit permettre, en effet, d'empêcher que le coût net de la prime ne dépasse le seuil de 3,5 % ou de 5 % du revenu ; il ne s'agit pas d'une prise en charge pure et simple de la prime. Six millions de foyers bénéficient aujourd'hui de ce régime 8 ( * ) .

Les services fiscaux sont chargés de la mise en oeuvre de ces dispositions. L'aide fait l'objet de paiements mensuels, des ajustements étant apportés en cas de modification de la situation du bénéficiaire en cours d'année.

2. Un financement mixte

La reconnaissance d'un rôle prépondérant dévolu aux sociétés d'assurance ne signifie pas la suppression de tout mécanisme de financement public de la couverture santé. Un lien est maintenu entre celle-ci et l'activité professionnelle par le biais d'une cotisation prélevée à la source sur les salaires, en sus de la prime nominale que chaque assuré doit régler auprès de la société d'assurance avec laquelle il a contracté.

Des mécanismes de solidarité sont également prévus dans le financement de la ZVW , à travers deux mesures particulières importantes : la prise en charge par la solidarité nationale de la totalité des primes d'assurance dues pour les assurés de moins de dix-huit ans et la mise en oeuvre d'un mécanisme de péréquation destiné à limiter les risques encourus par les assureurs comprenant dans leur clientèle des personnes dont la santé est fragile ou présentant un profil atypique.

a) Trois sources de financement

Le financement de l'assurance soins santé est assurée par : les primes nominales versées par les assurés, la cotisation liée au revenu et la contribution versée par l'État .

* Le montant de la prime nominale est déterminé par les assureurs . En 2007, le montant moyen annuel de cette prime s'élevait à 1 050 euros (1 100 euros en 2008 9 ( * ) ). Le prix payé par l'assuré est donc déconnecté de son revenu et peut varier en fonction des garanties offertes dans le contrat souscrit. Le prix peut également varier en fonction du caractère individuel ou collectif de la police d'assurance. Dans ce dernier cas, l'assureur peut consentir une réduction de 10 % par rapport à la prime nominale individuelle. Ce recours à une police collective peut être organisé soit dans un cadre professionnel, soit dans un cadre associatif ; il concerne aujourd'hui près de 60 % de la population.

* La cotisation liée aux revenus constitue la deuxième source de financement de la ZVW . Cette cotisation obligatoire est perçue à la source par l'administration fiscale en fonction du revenu de chaque assuré (le taux de cotisation est fixé à 6,5 % des revenus plafonnés à 30 623 euros pour les salariés et à 4,4 % sous les mêmes conditions de plafond pour les non-salariés). Pour les revenus salariés, l'employeur est tenu de reverser à son employé une indemnité égale au montant perçu par l'administration fiscale. Cette cotisation peut donc être assimilée de facto à une cotisation patronale.

Elle est spécifiquement dédiée au financement du fonds de péréquation (cf. infra) et son montant global doit représenter la moitié des ressources apportées au système (total primes + cotisations + contribution de l'Etat).

La contribution annuelle versée au titre de chaque assuré par l'assurance maladie est donc l'addition de la prime nominale et de la cotisation. Ce total peut atteindre au maximum 3 040 euros par an (chiffre 2007).

* Dans une optique de solidarité, l'Etat verse une contribution destinée à la prise en charge des assurés âgés de moins de dix-huit ans . En 2007, le montant de ce versement s'est élevé à 1 858 millions d'euros.

Les cotisations liées aux revenus et les contributions de l'État sont versées au collège pour les assurances soins de santé ( College voor zorgverzekeringen - CVZ ).

Schéma de financement des soins courants dans le cadre de la loi ZVW

(prévisions 2008 en milliards d'euros )

b) Le dispositif de péréquation, élément central de la politique de gestion du risque

Les pouvoirs publics ont imposé des règles strictes aux assureurs privés, notamment, on l'a vu, l'interdiction de toute sélection des assurés. Les opérateurs sont donc tenus d'assurer toutes les personnes qui en font la demande. Cette exigence d'égalité entre les assurés se traduit également au niveau du montant des primes, puisque pour un même contrat, tous les assurés doivent payer une prime nominale identique.

Afin d'éviter que les assureurs tentent de contourner l'interdiction de sélection des patients en moins bonne santé , les pouvoirs publics ont mis en oeuvre un dispositif de péréquation qui constitue un élément central du système de protection sociale néerlandais.

Cette péréquation a pour objet de couvrir les pertes financières encourues par les sociétés d'assurance prenant en charge les dépenses de santé des assurés présentant des risques élevés.

A ce titre, le ministère chargé de la santé verse annuellement à chaque assureur remplissant les conditions pour opérer sur le marché de l'assurance santé ( ZVW ), une compensation destinée à couvrir les surcroîts de dépenses imputables aux patients à risque. Deux catégories de prestations sont particulièrement prises en compte : les soins spécialisés et les soins hospitaliers, notamment les coûts fixes induits par les séjours en établissements de santé.

Les paiements ont lieu suivant une clé de répartition générale établie sur la base des caractéristiques des assurés donnant une indication sur les dépenses de santé auxquelles les assureurs peuvent s'attendre . (sexe, âge, état de santé, traitements médicaux en cours).

La détermination des sommes dues au titre de la compensation intervient en deux temps.

Un premier calcul est opéré ex ante . La compensation versée à l'assureur doit être égale à la différence entre les ressources tirées de la prime nominale et le coût estimé des prestations versées aux assurés.

Une deuxième opération est réalisée ex post afin de s'assurer de la corrélation entre le nombre d'assurés qui a servi de base à l'estimation et l'effectif réel de personnes ayant contracté auprès de chaque opérateur. Il s'agit de garantir qu'un assureur qui aurait beaucoup recruté lors de l'année en cours ne soit pas pénalisé par les modalités de péréquation.

D'après les informations fournies oralement à la mission par le ministère de la santé, celui-ci envisagerait cependant de plafonner le montant de la péréquation par cas individuel, afin de responsabiliser les assureurs et de les contraindre à négocier les coûts correspondant aux patients à risques avec les prestataires de soins.

Enfin, la loi sur l'assurance soins de santé prévoit qu'en cas de catastrophe sanitaire grave, les assureurs continueraient à prendre en charge l'accès aux soins et le paiement de prestations, mais avec la garantie que ces dépenses exceptionnelles seraient intégralement compensées par l'intermédiaire du mécanisme de péréquation. L'État a également l'obligation de se substituer à l'assureur défaillant.

Le fonds de péréquation est alimenté par les cotisations versées par les assurés (cf. supra ).

Il reçoit également la dotation de l'Etat au titre de la prise en charge des enfants de moins de dix-huit ans (cf. supra ) 10 ( * ) .

Cet ensemble de dispositions permet l'affirmation du rôle régalien de l'État en matière sanitaire et le maintien, nonobstant le recours à des opérateurs privés, d'un certain nombre de mécanismes de solidarité.

* 6 La limite était fixée à 32 600 euros de revenus annuels. En dessous (environ deux tiers des Néerlandais), le système était de fait public (en réalité animé par des mutuelles solvabilisées par l'Etat). Au-dessus, les personnes relevaient obligatoirement du système assurantiel. Il existait un effet de seuil assez difficile à gérer pour les personnes disposant de revenus autour de la limite de 32 600 euros, qui pouvaient être condamnées à des aller et retour entre le régime public et le régime privé.

* 7 Le fonctionnement de ces caisses était régi par plusieurs textes : loi sur les caisses d'assurance maladie (Ziekenfondswet - ZFW), loi sur l'accès à l'assurance maladie (Wet op de toegang zieketekostenverzekeringen), loi sur le cofinancement des plus anciens bénéficiaires de l'assurance maladie obligatoire (Wet medefinanciering oververtegenwoordiging oudere ziekenfondsverzekerden - MOOZ).

* 8 Par ailleurs, les primes effectivement acquittées (c'est-à-dire nettes de l'allocation soins de santé) sont déductibles de l'impôt sur le revenu.

* 9 Les montants des primes s'échelonnent, en 2008, de 975 euros à 1 161 euros.

* 10 Au total, les Néerlandais « gagnants » dans le nouveau système sont les personnes âgées et les patients atteints de maladie chronique pour ceux d'entre eux qui relevaient auparavant des assurances privées (en-dehors de tout système de péréquation) ainsi que les familles avec enfants. Les « perdants » sont les célibataires jeunes en bonne santé, qui doivent acquitter une somme (prime + cotisation) plus élevée qu'auparavant, ainsi que les fonctionnaires qui bénéficiaient d'un régime spécial.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page