EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 22 juillet 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu un compte rendu du déplacement effectué au Brésil du 20 mars au 27 avril 2008 par une délégation de la commission.

M. Jean Arthuis, président a précisé que cette mission s'inscrivait dans le cadre des travaux menés par la commission depuis plusieurs années pour mieux comprendre les phénomènes de globalisation, et que la délégation avait été fortement impressionnée par le dynamisme et l'esprit pionnier du Brésil, désormais membre des 10 plus grandes puissances mondiales, tout autant que par le formidable développement du bio-éthanol brésilien.

Il a estimé que les réformes accomplies en l'espace de quelques années avaient porté leurs fruits et que le Brésil avait su trouver la force de surmonter les deux traumatismes qu'ont représenté la dictature et l'hyper-inflation, notamment grâce au président Luiz Inacio Lula da Silva, et au « plan real », qui a permis de contenir la hausse des prix à 3 %.

Il a énuméré les signes de la réussite brésilienne : économie prospère, reprise de la croissance (5,4 % en 2007), excédent commercial de 40 milliards de dollars, et assainissement des finances publiques. Constatant que ce pays avait surmonté sans difficulté la crise des subprimes, il a considéré que le Brésil semblait avoir fait la preuve de sa faible vulnérabilité extérieure.

Il a néanmoins tenu à signaler que cette réussite ne devait pas occulter la persistance de graves inégalités et de l'extrême pauvreté de près d'un tiers de la population.

M. Jean Arthuis, président a ensuite rappelé qu'avec une superficie consacrée à l'agriculture de près de 300 millions d'hectares, le Brésil était une puissance agricole de premier plan, leader mondial dans la production et l'exportation de nombreuses denrées alimentaires, dont les capacités de production et d'exportations devraient encore s'accroître.

Si le Brésil était richement doté en ressource-eau il était également autosuffisant en pétrole, avec une production d'hydrocarbures équivalente à celle du Koweït, et qu'il devrait devenir exportateur d'ici 2012, grâce à la découverte successive d'immenses gisements sous-marins.

Il a également évoqué les capacités industrielles anciennes et reconnues du Brésil et a cité les domaines de l'aéronautique - secteur dans lequel il s'est imposé comme la 4 ème puissance mondiale - la sidérurgie, la production automobile et surtout l'agroalimentaire, véritable moteur de toute l'économie brésilienne.

S'agissant du secteur tertiaire, première source de richesses du pays, il a identifié les deux domaines qui avaient particulièrement impressionné les membres de la délégation, à savoir le contrôle satellitaire et le secteur de la recherche.

M. Jean Arthuis, président , a poursuivi sa présentation en évoquant l'essor du bioéthanol brésilien issu de la canne à sucre.

Il a observé que son développement s'était appuyé sur un potentiel naturel exceptionnel, mais que la production de bioéthanol avait été encouragée par les autorités politiques dès le premier choc pétrolier et faisait encore l'objet de soutiens publics actifs, par incitation fiscale ou par l'octroi de prêts à des conditions privilégiées.

Il a relevé que le Brésil se disputait la place de premier producteur mondial d'éthanol avec les Etats-Unis grâce à une production annuelle de plus de 20 milliards de litres qu'il ambitionnait, pourtant, de doubler d'ici 2015.

Il a expliqué que le Brésil avait mis en place une véritable « diplomatie de l'éthanol » avec le double objectif de préserver l'environnement et d'aider les pays en développement, ce qui en faisait l'un des principaux vecteurs du renforcement de l'axe Sud-Sud. Il a souligné à cet égard, la prédominance des IBAS (Inde-Brésil-Afrique du Sud) sur celle des BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine).

Il a ajouté que le Brésil oeuvrait pour la libéralisation du marché des biocarburants et la baisse des droits d'entrée sur les marchés des Etats tiers, fort son avantage comparatif considérable. Enfin, il a salué la volonté brésilienne de se diversifier vers le bio-diesel, et les biocarburants de deuxième génération.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur l'attitude de la France face à la concurrence représentée par la réussite brésilienne.

Il a considéré qu'il ne s'agissait pas d'ouvrir sans conditions les frontières françaises, mais d'encourager les relations bilatérales, notamment dans les domaines de la recherche et développement et de la coopération universitaire, afin de préserver au mieux les intérêts réciproques, particulièrement alors que devrait s'ouvrir, en 2009, l'année de la France au Brésil.

Un débat s'est alors instauré.

M. Alain Lambert s'est félicité de la réussite économique brésilienne et a rappelé que le déplacement de la commission qu'il avait conduit sur place en 2002, n'avait pas laissé présager de tels résultats. Il est vrai que cette mission s'y était rendu peu de temps avant les élections présidentielles et que les interrogations sur le programme du candidat Lula étaient alors nombreuses. Il y a vu un signe de confiance dans la démocratie brésilienne.

Il s'est interrogé sur la nature principale des devises détenues en réserves par la banque centrale brésilienne afin de savoir si le Brésil privilégiait davantage la zone dollar par rapport à la zone euro.

M. Jean Arthuis, président , a précisé qu'en dépit d'une diplomatie axée sur la solidarité avec l'Afrique ou l'Inde, les réserves étaient, elles, chiffrées en dollars.

M. Jean-Claude Frécon a considéré que les orientations du rapport traduisaient fidèlement les impressions ressenties sur place. S'appuyant sur un exemple concret, il a relevé que, malgré des marges de progressions encore importantes, le Brésil ne devait, en tout état de cause, plus être considéré comme un pays émergent ou en voie de développement mais véritablement comme une puissance mondiale.

S'agissant de l'utilisation à des fins énergétiques de produits agricoles, qu'il a présentée comme un sujet de débat en Europe, il a souligné que l'immensité du territoire brésilien et son dynamisme géographique permettaient d'envisager un partage entre les cultures destinées à l'alimentation et celles destinées à la production de carburants. Il a fait valoir que les schémas de réflexions français et européen n'étaient pas transposables au modèle brésilien.

Rapportant les propos des interlocuteurs rencontrés sur place, M. Jean Arthuis, président , a fait remarquer que la fameuse « silicanne vallée » représentant seulement 2 % du territoire brésilien, les cultures destinées à l'éthanol pouvaient encore être accrues sans risque de désavantager la production agricole alimentaire ou de participer à la raréfaction de la forêt amazonienne, comme cela est souvent, à tort, avancé.

Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si le sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM), qui selon elle contribue à faire du Brésil un géant alimentaire, avait été évoqué lors de ce déplacement.

M. Jean Arthuis, président , a précisé que, sur la proposition de M. Charles Guené, ce sujet ferait l'objet de développements spécifiques dans le rapport.

M. Charles Guené a estimé que le Brésil pourrait devenir le futur laboratoire mondial en matière d'OGM, et à ce titre exporter une aide aux pays en développement, ce qui pourrait inciter la France à s'associer à cette démarche au moyen de partenariats, grâce à son expérience en Afrique.

M. Marcel Deneux , s'est déclaré en accord avec les orientations du rapport et a tenu à ajouter que l'interdiction par le Brésil de l'utilisation du diesel pour les véhicules particuliers n'était pas étranger au développement de l'éthanol.

Il a souligné que l'actuelle rente de situation sur la canne à sucre, apportée par le climat, ne s'appliquerait pas aux biocarburants de deuxième génération. Qualifiant les prix de production de l'éthanol brésilien « d'imbattables », il a insisté sur la nécessité de veiller, lors des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), au maintien de droits de douane à l'entrée du territoire européen afin de préserver la compétitivité européenne.

Revenant sur le sujet contesté de la déforestation, il a estimé que les arguments des autorités brésiliennes sur l'immensité des terres disponibles étaient sincères.

S'agissant des OGM, il a observé que leur culture était pour le marché européen bien plus importante et problématique en Argentine.

M. Jean-Claude Frécon a fait remarquer que le Brésil revendiquait des cultures OGM essentiellement dans la production de soja et de canne à sucre. Il a souligné que ces cultures avaient néanmoins des répercussions sur la viande par le biais de l'alimentation du bétail.

Enfin, il a relevé les fortes attentes des autorités brésiliennes en matière de coopération dans le domaine de la recherche génétique et agronomique.

M. Jean Arthuis, président , a alors proposé à la commission d'organiser, à l'automne, une table ronde, afin de prolonger ces travaux et de donner, au seuil de l'année de la France au Brésil, une impulsion en faveur d'une coopération franco-brésilienne plus étroite, notamment dans les secteurs de la recherche et de l'aide aux pays en développement.

La commission des finances a ensuite autorisé, à l'unanimité, la publication de ce compte rendu sous la forme d'un rapport d'information cosigné par l'ensemble des membres de la délégation.

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