B. OFFRIR UN ACCUEIL APPROPRIÉ AUX ENFANTS DE DEUX À TROIS ANS : LE JARDIN D'ÉVEIL

En France, la norme scolaire est ancrée dans une logique profondément culturelle et presque idéologique. « Peut-on aujourd'hui en France regarder l'école maternelle comme un système préscolaire parmi d'autres, produit d'une culture qui valorise le rôle éducatif de l'Etat, qui conçoit l'éducation comme une ascèse qui commence dès deux ans, qui pense la rupture avec la famille comme possibilité d'une égalité des chances ? » . 23 ( * )

Les deux-trois ans forment une tranche d'âge charnière qui relève d'une grande diversité sur le plan de la maturité psychique et physique. Ces jeunes enfants sont à la fois un peu grands pour fréquenter la crèche, qui est une structure plutôt conçue autour des tout-petits même si les rythmes de l'enfant font l'objet d'une attention particulière, et un peu petits pour une école plus enclin à les placer en situation d'apprentissage.

Cette tranche d'âge nécessite un autre mode de prise en charge qui accepte que l'enfant se développe à son rythme. Ils ont un besoin de sécurité affective mais aussi d'éveil. Il s'agit de proposer une socialisation de l'enfant prenant appui sur des activités pédagogiques ou éducatives en mobilisant des moyens adaptés aux particularités de cette tranche d'âge.

1. Promouvoir une structure innovante à mi-chemin entre la crèche et l'école

La réflexion engagée par votre groupe de travail conduit à proposer la création d'un lieu d'éducation et d'éveil destiné aux enfants de deux à trois ans, conçu comme structure intermédiaire originale répondant à un cahier des charges précis. Ce lieu, qui précéderait l'entrée à l'école maternelle, pourrait prendre la dénomination de jardin d'éveil et s'inscrirait dans le cadre de la politique familiale comme un nouveau service public . Cette proposition reprend entre autre les conclusions du rapport 24 ( * ) de Mme Tabarot, députée des Alpes-Maritimes, influencées par les orientations de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Cette idée n'est pas nouvelle . Elle est mise en avant assez régulièrement. En avril 2001, Mme Ségolène Royal, alors ministre délégué à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, avait annoncé son intention de créer des « jardins d'enfants éducatifs », destinés aux enfants de deux-trois ans, inspirés à la fois des jardins d'enfants et des structures passerelles préparant à l'entrée en maternelle. Malgré l'abondement supplémentaire du Fonds d'aide à l'investissement pour la petite enfance (FIPE) lors de la conférence de la famille en 2001, le développement de telles structures est resté lettre morte.

La mise en place d'un tel dispositif a été demandée par un certain nombre des personnes auditionnées par le groupe de travail.

Il s'agit de créer une nouvelle structure ambitieuse en termes d'accueil éducatif qui s'inscrive dans une forme de transition éducative qui permet de préparer chaque enfant à l'entrée en école maternelle , en lui offrant un lieu privilégié de contact avec l'adulte et ses pairs. Cette structure pourrait également s'entendre comme une action en faveur des enfants qui n'ont pas fréquenté de mode de garde collectif.

Le jardin d'éveil doit favoriser le développement psychomoteur de l'enfant, stimuler les échanges, encourager les jeux libres, offrir un espace propice à l'exercice de sa motricité.

Le jardin d'éveil doit pouvoir offrir un programme centré sur le jeu, des effectifs réduits et un personnel formé aux spécificités des jeunes enfants, reposant sur une souplesse de fonctionnement afin d'éviter de multiplier différentes modalités de garde pour un même enfant. Cette structure doit fonctionner sur l'ensemble de l'année civile et offrir une amplitude horaire similaire aux crèches collectives.

Cette nouvelle structure doit s'inscrire dans le cadre d'une politique familiale ambitieuse qui permette la conciliation de la vie familiale et professionnelle par une politique tarifaire attractive lorsque les deux parents sont actifs.

Ce lieu ne peut se concevoir sans l'établissement d'un lien privilégié avec l'école maternelle la plus proche, dans une approche de continuité éducative. Sa création repose sur une dimension partenariale et un ancrage local. La volonté des trois partenaires à savoir l'Éducation nationale, la Caisse nationale d'allocations familiales et les collectivités territoriales est un passage obligé pour créer ce projet de niveau intermédiaire entre la crèche et l'école.

2. Assurer les conditions matérielles de l'accueil

Il ne relève pas de la compétence de votre commission des affaires culturelles de fixer l'ensemble des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ces jardins d'éveil. Il appartient en effet aux différents ministères de s'engager dans une réflexion concertée pour déterminer les modalités administratives et financières. Cependant, le groupe de travail souhaite formuler quelques orientations.

a) Assouplir les normes d'encadrement

La question des normes d'encadrement a été abordée. Au contraire de la crèche (un adulte pour cinq enfants) et du centre de loisirs (un adulte pour huit enfants), il n'existe aucune norme pour l'école, et notamment pour les classes de maternelle, bien que les enfants se situent dans la même tranche d'âge. La seule référence est le seuil d'ouverture et de fermeture de classes sachant que les petites classes de maternelle fonctionnent rarement à effectif plein.

Votre groupe de travail suggère de réfléchir à un assouplissement des normes d'encadrement, selon un ordre de grandeur d'un adulte pour quinze enfants , sa conviction reposant sur le diagnostic formulé lors des auditions par de nombreux acteurs du domaine de la petite enfance et de l'éducation. Des enseignants ont ainsi fait part d'une forme de « classe idéale » lorsque par le biais des absences le groupe des écoliers présents est réduit à quinze. Le travail de l'enseignant s'en trouve facilité par exemple sur le plan du langage ou en termes de déplacement dans l'espace classe.

b) Recenser les locaux disponibles

Une structure adaptée aux moins de trois ans suppose un aménagement fonctionnel des locaux pour répondre à leurs besoins de mouvements, de jeux, de repos... Il est nécessaire de concevoir un espace à leur échelle.

Les écoles maternelles pourraient mettre à disposition des locaux existants déjà partiellement aménagés et autoriser l'utilisation conjointe de certains lieux. Les jardins d'éveil devraient être en priorité adossés aux écoles maternelles.

Les locaux pourraient ainsi faire l'objet d'une forme de mutualisation au sein des écoles maternelles, tout en distinguant un lieu spécialement réservé aux jeunes enfants.

Votre groupe de travail propose de définir un schéma départemental de l'offre pour recenser les locaux disponibles qui servirait de base à l'établissement d'une carte de développement des jardins d'éveil.

3. Développer l'emploi dans le secteur de la petite enfance

Les jardins d'éveil pourraient s'appuyer sur une équipe professionnelle disposant de formations diverses. Le développement de l'emploi des éducateurs de jeunes enfants qui constituent un personnel qualifié pourrait être l'axe central de ce nouveau dispositif en termes de ressources humaines. Les éducateurs de jeunes enfants sont en situation de proposer des activités autour de la motricité, du jeu et du langage.

Ces éducateurs pourraient être aidés dans leurs tâches d'ATSEM. Le recrutement de personnels issus de la filière sanitaire et social ne pourrait être envisagé, d'autant que ces formations souffrent d'un manque de débouchés.

Les professeurs des écoles pourraient jouer un rôle au sein de ces jardins d'éveil en apportant leurs connaissances pédagogiques et éducatives à l'équipe du jardin d'éveil par un travail de rencontres, d'échanges ou de formation, selon des modalités qui devront faire l'objet d'une concertation.

* 23 Gilles Brougère L'exception française : L'école maternelle face à la diversité des formes préscolaires Les dossiers des sciences de l'éducation n° 7 2002

* 24 Rapport sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance Mission confiée par le Premier ministre à Mme Michèle Tabarot, députée des Alpes Maritimes juillet 2008

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