INTRODUCTION

La réalisation de l'Airbus A400M constitue à ce jour l'un des deux plus importants programmes d'armement réalisés en coopération par les Nations européennes. Sa réalisation est le fruit d'un long processus de concertation au terme duquel sept Etats disposeront du même avion de transport militaire à la fois tactique et logistique. Il s'agit de l'Allemagne, de la France, de l'Espagne, de la Grande-Bretagne, de la Turquie, de la Belgique et du Luxembourg.

L'A400M doit être capable d'effectuer des « posés d'assaut » sur les pistes les plus sommaires avec à son bord un blindé léger. Il doit être en mesure de transporter des charges très loin, très vite, en empruntant les routes aériennes civiles. Il doit pouvoir être ravitaillé en vol et être lui-même ravitailleur, en particulier pour les hélicoptères EC 725 Caracal 3 ( * ) . Enfin, il doit être capable d'évoluer en vol basse altitude en pilotage automatique. Tout cela fait de lui un système d'armes complexe.

Le moteur de cet avion, le TP 400, construit par le consortium européen EPI réunissant le britannique Rolls-Royce, le français Snecma (groupe Safran), l'allemand MTU, et l'espagnol ITP est « le plus puissant turbopropulseur développé en Occident » 4 ( * ) . Il constitue, avec ses hélices octopales géantes de plus de 5 mètres de diamètre, un défi technique et industriel en soi.

En outre, ce programme est le premier de cette envergure exécuté selon une « approche commerciale », c'est-à-dire dans le cadre d'un contrat avec une phase unique pour le développement et la production d'un nombre fixe d'avions - 180 - pour un prix ferme à la livraison. Le coût global de ce programme est de plus de 20 milliards d'euros.

Pour toutes ces raisons, ce programme est le porte emblème de l'Europe de la défense et du savoir-faire de ses industriels. Son succès ou son échec sera déterminant. Il est indispensable de le réussir, même si ce ne peut être à n'importe quel prix.

Les premières livraisons au profit de l'armée de l'air française devaient avoir lieu en octobre 2009. Malheureusement, d'après les informations publiées par EADS le 9 janvier 2009, ces livraisons pourraient n'intervenir qu'à la fin de l'année 2012, soit avec un retard de trois ans. Le retard global serait même de l'ordre de 4 ans si, comme cela est actuellement envisagé, le nombre d'avions produits était quasiment nul la première année.

Quelles sont les raisons de ce retard et quelles en seront les conséquences, d'une part, pour les armées et, d'autre part, pour l'industriel ? Dans quelle mesure peut-on remédier à cette situation, et éviter qu'elle se reproduise ?

Telles sont les questions auxquelles le présent rapport s'efforce d'apporter des éléments de réponse.

I. LE PROGRAMME A400M

Comme dans la plupart des programmes militaires 5 ( * ) , on trouve un besoin opérationnel des forces armées , l'accord des Etats pour y satisfaire et la volonté d'un industriel d'y répondre avec, ici, la particularité de se situer dans le cadre d'une coopération européenne.

Ce qui est assez inhabituel au cas d'espèce c'est, d'une part, l'« approche commerciale » dans le but de limiter les coûts et de réduire les délais et, d'autre part, la volonté initialement affichée de ne pas faire une application aveugle du principe dit du « juste retour » industriel, selon lequel la répartition du travail entre Etats doit être proportionnelle au nombre de leurs commandes.

A. UN AVION CONÇU POUR RÉPONDRE AU BESOIN OPÉRATIONNEL DES ARMÉES EUROPÉENNES

1. L'expression du besoin en France

a) Une flotte d'avions de transport tactique à bout de souffle

La flotte de transport tactique française, constituée de C160 Transall et de Lockheed C130 Hercules, est vieillissante, ce qui pose en particulier des problèmes de disponibilité des appareils.

Le graphique ci-après, extrait d'un récent rapport d'information 6 ( * ) de notre ancien collègue Yves Fréville, alors co-rapporteur spécial des crédits de la mission « Défense », permet de mettre en évidence la dégradation de la disponibilité des C160 Transall ces dernières années. Ainsi, le nombre d'avions disponibles, actuellement de l'ordre de 24, était d'environ 30 en 2005. On précise que l'objectif est d'avoir un nombre d'avions disponibles compris entre 32 et 36.

Les C160 Transall encore en service sont âgés d'une trentaine d'années et leur retrait est prévu en 2015.

Les Lockheed C130 sont âgés d'environ 20 ans.

* 3 Les hélicoptères Tigre et NH90 ne sont pas ravitaillables en vol.

* 4 Noël Forgeard - Président d'Airbus - site Eads - décision sur la motorisation de l'A400M - Toulouse le 6 mai 2003.

* 5 Certains programmes militaires font parfois l'objet d'études, voire de démonstrateurs, à l'initiative spontanée des industriels. C'est le cas par exemple du drone Neuron réalisé par un groupement emmené par Dassault aviation et réunissant Saab, EADS Casa, HAI, Ruag et Alenia.

* 6 Rapport d'information n° 352 (2007-2008), fait au nom de la commission des finances du sénat, sur la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), et le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, par M. Yves Fréville, annexé au procès-verbal de la séance du 21 mai 2008.

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