C. CLARIFIER LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

Le constat dressé par votre mission de l'enchevêtrement des compétences et de la concurrence des actions menées par les collectivités territoriales a permis d'identifier ce qui constitue sans doute une des tensions propres de la décentralisation : il n'est pas possible de procéder à une répartition abstraite des compétences qui ne tienne pas compte du rôle que l'on souhaite voir jouer à chaque niveau de collectivité. Mais, en même temps, compte tenu de la réalité de l'action locale, une certaine concurrence entre chaque échelon paraît inévitable.

Pour autant, les exigences convergentes de lisibilité, de responsabilité et d'efficacité de l'action publique appellent une telle clarification. Sans préjudice des orientations qui ont pu se dégager au cours des auditions auxquelles a procédé la mission ainsi que lors des débats qu'elle a eu en son sein, elle a souhaité faire appel à l'expertise d'un cabinet de conseil pour une étude sur la répartition des compétences. Celle-ci n'étant pas achevée, votre mission se propose d'approfondir sa réflexion sur cette répartition de manière plus précise dans la seconde étape de ses travaux.

Dans le cadre du présent rapport d'étape, vos rapporteurs ont plutôt souhaité s'attacher à éclairer la vocation propre aux différents niveaux de collectivités territoriales.

1. Quels principes directeurs pour la redistribution des compétences ?

La complexité des domaines d'action des administrations locales s'ajoute à celle de leur organisation institutionnelle. A une époque où l'intervention de la puissance publique dépasse de loin les fonctions régaliennes traditionnelles pour recouvrir une part croissante du champ social et économique, il est nécessaire de rechercher des règles permettant de décider, dans chaque secteur, à quel niveau de l'administration territoriale l'action publique peut être conduite de la manière la plus efficiente possible.

La réflexion sur les réponses à apporter met en jeu deux types de considérations : celles liées à l'organisation de blocs de compétence et celles qui ont trait à la coopération entre les collectivités de niveau différent .

Dans les deux cas, la répartition des compétences devra être pensée en fonction de la réalité des territoires : il n'est pas forcément pertinent d'accorder les mêmes attributions à toutes les mairies, tous les départements, toutes les régions de France. La technique de l'expérimentation, prévue par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 116 ( * ) , permettrait d'évaluer les résultats d'une nouvelle répartition avant sa généralisation éventuelle.

Préconisation de la mission

Développement du droit à l'expérimentation, par exemple pour le transfert de la compétence emploi aux régions.

a) Les blocs de compétence

La mise en oeuvre du principe des blocs de compétence exige de répondre à plusieurs défis :

- comment définir un ensemble pertinent de compétences liées, qu'il conviendrait d'attribuer à une seule collectivité sur un territoire donné ?

- quelle collectivité ou groupement (commune, intercommunalité, département, région) exercera cette compétence le plus efficacement ?

Une application trop stricte de ce principe est toutefois remise en cause par de nombreux intervenants, qui estiment impossible de définir précisément ces blocs de compétence. Il conviendrait notamment de prendre en compte la diversité des communes et des départements : par exemple, un bloc pertinent pour un département urbain ne l'est pas forcément pour un département rural.

• Un premier critère de constitution des blocs de compétence est le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité inscrit dans la Constitution peut jouer un rôle de fil rouge pour constituer des blocs de compétence et pour aider à choisir l'échelon le plus adapté.

Il peut notamment servir à :

- assurer l'exercice d'une action à un niveau plus élevé : les intercommunalités ont ainsi montré leur capacité à réaliser des investissements et à monter des projets de développement de plus grande ampleur que ceux qu'auraient pu élaborer des communes isolées ;

- dans le sens inverse, permettre à une collectivité de niveau inférieur de prendre en charge des responsabilités correspondant à ses capacités humaines et financières. C'est notamment le cas de certaines grandes métropoles qui pourraient recevoir délégation de mettre en oeuvre certaines attributions départementales, l'aide sociale par exemple.

• Un autre principe évoqué est celui du « décideur-payeur »

Selon ce critère, la collectivité qui a le pouvoir de décision aurait également l'obligation de financer la totalité ou une grande partie de l'équipement . Réciproquement, celle qui est amenée à participer de manière importante à un projet disposerait d'une partie correspondante du pouvoir de décision .

L'application de ce principe permettrait assurément de clarifier la répartition des compétences, en particulier entre l'Etat et les collectivités territoriales. Dans le domaine social, notamment, les départements ou les régions sont parfois conduits à financer des dispositifs sur lesquels ils n'ont que peu de maîtrise, tels que les allocations de solidarité ou la formation professionnelle. Dans ce cas, le décideur demeure trop souvent l'Etat, qui intervient par son pouvoir normatif, la collectivité étant réduite à financer des dispositifs mis au point sans sa participation.

Appliqué de manière systématique, toutefois, le principe « décideur-payeur » risquerait de rendre plus difficile la conduite de certains projets cofinancés par plusieurs collectivités en multipliant les intervenants lors de la phase de décision. Il peut être plus rationnel dans certains cas de limiter le nombre des collectivités responsables d'un projet, tout en donnant à d'autres collectivités la possibilité de participer au financement et d'accélérer ainsi la mise en oeuvre d'un projet intéressant leur territoire par la voie des fonds de concours.

• Compléter les blocs existants en fonction de l'expérience acquise par les collectivités

Il s'agirait d'améliorer la répartition actuelle des compétences sans la bouleverser, dans les domaines où l'utilité d'un « grand soir » de la redistribution des compétences ne paraît pas établie en comparaison des coûts de réorganisation locale qu'il entraînerait.

D'une manière générale, la région a plutôt vocation à remplir des missions stratégiques, le département étant perçu comme le plus compétent dans des politiques d'aide sociale et de solidarité territoriale, et le bloc communes-intercommunalités constituant l'échelon de proximité.

Plus spécifiquement, certains intervenants ont estimé que les collèges et les lycées pourraient être gérés par le même niveau de collectivité, qu'il s'agisse du département ou de la région. Cette gestion commune est déjà effective dans le cas de cités scolaires réunissant un lycée et un collège dans les mêmes locaux. Certains, l'Association des régions de France notamment, envisagent de constituer au niveau régional un grand bloc de compétences « éducation » qui irait du collège à l'université, en coopération avec l'Etat.

• Prévoir une solution aux situations de « carence »

Enfin, il est ressorti des auditions et travaux de la mission qu'il semblait nécessaire de prévoir, en cas de confirmation des blocs de compétence, la situation dans laquelle la collectivité territoriale compétente n'exerce pas l'une ou l'autre des missions qui sont les siennes. Dans une telle hypothèse, les besoins et attentes de la population et des entreprises ne sont, par définition, pas satisfaits. Ainsi a-t-il paru légitime à votre mission que, la carence dûment constatée, un autre niveau de collectivité intervienne.

Préconisation de la mission

Renforcement des compétences exclusives par niveau de collectivités territoriales avec faculté de délégation de compétences d'un niveau à l'autre, et possibilité pour un niveau d'exercer une compétence attribuée à un autre sur la base d'un « constat de carence ».

b) Les modalités d'une coopération verticale

Une coopération verticale consiste à organiser, sur un même territoire et dans un domaine de compétences donné, l'action combinée des différents niveaux de collectivités, ainsi que de leurs groupements : commune et intercommunalité, département, région, Etat et Europe.

La coopération verticale apporte des outils pour une mise en oeuvre des couples de collectivités.

Ici encore, les techniques envisagées sont multiples et ne sont pas exclusives les unes des autres.

• Le « chef de filat », un outil à la disposition d'une clarification des compétences

Si la compétence du chef de file est principalement limitée à un rôle d'impulsion, comme on l'a vu précédemment, elle peut toutefois lui permettre de tracer des orientations utiles. Plusieurs intervenants se sont déclarés favorables à une mise en oeuvre réelle de ce principe , notamment entre les départements et les régions. M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France (ARF), et notre collègue et ancien Premier ministre M. Pierre Mauroy ont ainsi plaidé pour l'attribution d'un rôle véritable de chef de file à la région en matière de développement économique.

Il s'agirait, sur les compétences non exclusivement attribuées à un niveau de collectivité :

- de créer les conditions d'une coopération harmonieuse entre les intercommunalités, les départements et la région afin d'éviter les gaspillages pouvant résulter de la méconnaissance de l'action entreprise par l'autre collectivité, voire d'une volonté d'agir en sens inverse ;

- d' assurer une meilleure identification, aux yeux du citoyen, de la collectivité responsable d'une action .

Le chef de filat peut du reste s'envisager d'une manière générale pour l'exercice d'une compétence donnée, ou plus ponctuellement sur la conduite d'un projet. En tout état de cause, sa mise en oeuvre implique la rationalisation et la simplification des procédures pour les usagers qui devraient pouvoir être orientés vers un guichet unique et n'avoir à remettre à celui-ci qu'un seul dossier d'instruction.

Préconisation de la mission

Reconnaissance d'un « chef de filat » pour les compétences partagées entre plusieurs niveaux et instauration d'un guichet et d'un dossier d'instruction uniques.

• La délégation de compétences

Dans certains domaines, la loi attribue la compétence à une collectivité tout en prévoyant la possibilité d'une délégation de cette compétence à une autre collectivité qui en fait la demande par un « appel de compétences » 117 ( * ) .

Cette technique n'est actuellement pas autorisée dans tous les secteurs : par exemple, la gestion des bibliothèques départementales de prêt n'est confiée qu'aux seuls départements 118 ( * ) .

Il serait possible d'étendre le domaine d'application, voire d'en faciliter les conditions de mise en oeuvre.

Cette délégation peut se faire dans les deux sens :

- du haut vers le bas : par exemple de la région vers le département, du département vers l'intercommunalité ;

- ou du bas vers le haut : d'une commune vers un département, d'un département vers une région.

Le sens ascendant correspond d'ailleurs au principe fondateur de l'intercommunalité, qui n'exerce ses compétences que par délégation des communes.

La délégation de compétences permettrait, si elle est bien organisée, d'améliorer l'efficacité de l'action publique en menant celle-ci au niveau le plus approprié, conformément au principe de subsidiarité . Par exemple, une intercommunalité de taille importante pourrait avoir les moyens humains et techniques nécessaires pour exercer les compétences liées à l'aide sociale par délégation du département.

La réalisation de cet objectif est facilitée par la souplesse de cette procédure , qui lui permet de s'adapter à la diversité des conditions locales . Ainsi, un département urbain et dense pourra demander à exercer des compétences différentes de celles d'un département rural.

Reste enfin la situation, déjà évoquée précédemment, de la carence de l'exercice, par une collectivité ou par l'Etat, de l'une de ses compétences, qui doit pouvoir ouvrir à une autre collectivité la faculté de l'exercer.

C'est dans cet esprit général visant à faciliter les délégations de compétences que votre mission a formulé sa préconisation examinée au a) supra .

• Les bénéfices d'une mutualisation des services entre collectivités

Si les intervenants ont souvent souligné que les principaux gains en matière de mutualisation des services et de suppression des services redondants résidaient dans les services de l'Etat, il existe toutefois dans les administrations locales des possibilités de rationalisation, entre une structure intercommunale, les communes qui en font partie, le département et la région.

Ainsi, les administrations de la communauté urbaine de Strasbourg (CUS) sont-elles regroupées depuis 1972 avec celles de la ville-centre. Le personnel est employé par la CUS mais travaille également pour la ville, qui rembourse à la communauté urbaine le coût des prestations.

Le principe de la mutualisation de services, prévu en droit français 119 ( * ) , doit toutefois être étudié sous l'angle de sa conformité au droit européen au regard de la jurisprudence communautaire, qu'il s'agisse de mutualisation « ascendante » (au profit de l'intercommunalité) ou « descendante » (au profit des communes) 120 ( * ) .

2. Compétence générale ou spécialisation des compétences : une réponse différenciée selon les niveaux ?

a) Un équilibre à trouver entre l'objectif de clarification des compétences et le respect des initiatives publiques locales

La remise en cause de la « clause générale de compétence », par sa suppression ou, pour le moins, une limitation de son champ d'application, est souvent mise en avant comme un moyen de remédier à l'enchevêtrement des compétences. Ainsi, la mission d'information de l'Assemblée nationale a-t-elle préconisé, dans un objectif de clarification, de spécialiser l'action des collectivités territoriales en attribuant, à terme, 80 % de leurs compétences exclusivement à un seul échelon. Cette disposition figure également dans le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Edouard Balladur.

En précisant que « les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence » 121 ( * ) , le législateur a reconnu à chacun de ces niveaux de collectivités une marge d'intervention large sur les sujets d'intérêt local. Pour autant, il est possible de s'interroger sur l'impact réel de cette clause générale dans l'imbrication des interventions et des financements constatée dans certains domaines. D'une part, il n'existe aucune évaluation des conséquences financières de son application. D'autre part, elle ne serait, pour certains, que résiduelle - sur des domaines partagés comme la culture, le financement d'équipements sportifs ou d'associations, etc. - et sa suppression ne suffirait donc pas à faire avancer de manière décisive le débat sur la clarification des responsabilités.

Il ressort d'abord des travaux de la mission un large attachement à ce que la commune , « point de contact » avec les habitants et usagers des services publics, conserve une compétence générale . M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, a considéré qu'il était essentiel pour les maires de conserver cette liberté d'agir dans les domaines d'intérêt communal, nécessitant une action de proximité.

Cela ne donne d'ailleurs guère lieu à débat. Il apparaît notamment que transposer la compétence générale des communes aux intercommunalités conduirait à élever ces dernières au rang de collectivités territoriales de plein exercice et serait de nature à porter atteinte à la légitimité des communes. Comme tout établissement public, les EPCI sont en effet régis par le principe de spécialité : ils ne peuvent agir que dans les domaines qui leur ont été expressément attribués ou délégués.

Cependant, une certaine marge de souplesse semble nécessaire, en parallèle, afin de permettre une adaptation aux spécificités des territoires. Les communes pourraient ainsi avoir la possibilité de déléguer cette compétence générale à l'échelon intercommunal , en fonction d'un intérêt communautaire laissé à leur appréciation. Notons, à cet égard, que l'Assemblée des communautés de France préconise que la clause générale de compétence, bien que « d'émanation communale » , se traduise par un double niveau de mise en oeuvre, communal et intercommunal.


• S'agissant des départements et des régions, vos rapporteurs ainsi que plusieurs intervenants ont relevé que l'exercice des compétences « spéciales » que leur a confiées la loi mobilise déjà plus de 80 % des budgets locaux .

Par ailleurs, la clause générale de compétence ne donne pas un droit illimité à agir dans tous les domaines : comme l'a rappelé M. Michel Verpeaux lors de son audition 122 ( * ) , elle s'arrête là où commencent les attributions exclusives confiées par la loi à une autre collectivité publique.


• En outre, s'il est possible de s'interroger, comme cela a été rappelé plus haut, sur le fait que la clause générale de compétences soit ou non, au plan juridique, une forme d'expression du principe constitutionnel de libre administration, elle n'en demeure pas moins, pour un grand nombre des intervenants entendus par la mission, comme un attribut politique essentiel des collectivités territoriales, consubstantiel à la décentralisation . Ainsi, M. Jean-Luc Boeuf a souligné lors de son audition que c'est lorsqu'une collectivité a acquis la clause générale de compétence qu'elle est devenue « majeure », de plein exercice ; ou bien c'est quand une collectivité a été consacrée par le législateur que cette clause lui a été attribuée123 ( * ).

La mission a ainsi noté l'attachement d'un grand nombre d'élus à cette clause générale. Pour M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, elle a permis de répondre à l'hétérogénéité des territoires et de s'adapter, par des réponses appropriées, innovantes et réactives, à la diversité des problématiques locales. Elle est, en outre, une forme d'expression de la liberté des élus, une garantie de mener à bien leurs projets, en disposant d'une marge de « respiration » et d'initiatives, voire d'un « filet de sécurité » pour répondre à des besoins nouveaux ou spécifiques.

Ainsi, sans que cela fasse expressément partie de leurs compétences, des départements et des régions ont pu contribuer à des actions fondamentales pour l'aménagement et le développement équilibré du territoire. De même, en participant à des investissements universitaires - ou autoroutiers - qui relèvent de la compétence de l'Etat, des départements, en lieu et place de la région, ont su répondre au défi de la couverture numérique du territoire par le déploiement du haut débit sur des zones qui auraient pu rester laissées de côté.

Préconisation de la mission

Réaffirmation du principe de libre administration des collectivités territoriales.

b) Vers une spécialisation plus forte des départements et régions ?

Le principe d'une encore plus grande spécialisation des compétences exercées par les départements et les régions a été avancé dans plusieurs rapports, notamment celui établi en 2006 par M. Pierre Richard sur les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales. Ce dernier avait envisagé deux pistes de clarification des compétences :

- la première consistant à clarifier les compétences sur des politiques déjà bien identifiées par le législateur, avec, par exemple, le transfert de compétences résiduelles au profit du détenteur de la compétence principale (notamment en matière de formation professionnelle ou d'action sociale) ;

- la seconde visant à confier aux départements et aux régions des compétences spéciales à la place de la clause générale de compétence.

Pour le groupe de travail présidé par Alain Lambert, cette dernière option était privilégiée car perçue comme « garantissant une vraie clarification des compétences » . Sa mise en oeuvre supposerait que les départements et les régions interviennent sur un domaine limitatif de compétences, que leurs compétences soient exclusives ou, par exception, clairement partagées avec une seule autre personne publique, et enfin qu'elles soient prescriptives et donc opposables aux autres niveaux d'administration, y compris l'Etat.

Si la mission reconnaît la nécessité d'une clarification des compétences, notamment dans des domaines où l'on constate des recoupements sources de confusion, elle note toutefois que, comme vos rapporteurs l'ont relevé plus haut, la spécialisation des départements et des régions est déjà, pour une large part de leurs attributions, une réalité .

Par ailleurs, une segmentation trop rigide des compétences ne semble pas une voie réaliste et adaptée aux spécificités et exigences de l'action locale. Il convient de veiller, en effet, à ne pas aboutir à des effets indésirables de nature à tarir l'initiative locale , au détriment de l'intérêt public général.

Plusieurs membres de la mission et intervenants ont ainsi estimé que, dans l'hypothèse où le bénéfice de la clause générale de compétence ne s'appliquerait plus aux départements et aux régions, leurs compétences spéciales devraient être définies de façon assez large, voire complétées par des compétences facultatives, sur le modèle de la solution retenue pour les EPCI. Vos rapporteurs inclinent à soutenir cette orientation.

Une articulation entre compétences générales et compétences spécifiques n'en reste pas moins à définir, afin d'affirmer les vocations propres au département et à la région, de renforcer la lisibilité de leurs interventions et de valoriser les complémentarités entre les collectivités.

A cet égard, les compétences spécifiques, qui mobilisent déjà l'essentiel des interventions des départements et des régions, gagneraient à être précisées, étendues ou clarifiées dans certains domaines . Tel est notamment le cas en matière de développement économique, où plusieurs formes d'interventions peuvent être distinguées : la définition des orientations stratégiques et du régime des aides aux entreprises au niveau des régions, ce qui a trait à l'environnement de l'entreprise aux niveaux départemental et intercommunal, par exemple.

Une telle orientation permettrait ainsi d'affirmer les spécificités de chacun de ces deux niveaux de collectivités :

- le département dans son rôle de garant des solidarités sociales et territoriales ;

- la région dans ses missions stratégiques et liées à la préparation de l'avenir.

En outre, et dans cette logique même, la région devrait désormais se voir attribuer la compétence de répartir les fonds européens . Les élus d'Alsace entendus par la mission, non seulement M. Adrien Zeller, président du conseil régional, mais également M. Philippe Richert, questeur du Sénat, et les présidents des deux conseils généraux, MM. Charles Buttner et Guy-Dominique Kennel, ont témoigné du succès et de l'intérêt patent de l'expérimentation mise en place en la matière en Alsace.

Enfin, votre mission est convaincue que le renforcement de la décentralisation et la clarification des responsabilités ne peuvent être réellement effectifs sans l'attribution, aux départements et aux régions, des parties du pouvoir réglementaire liées aux compétences qu'exercent ces deux niveaux de collectivités.

Préconisations de la mission

Affirmation des départements dans leur rôle de garant des solidarités sociales et territoriales, et des régions dans leurs missions stratégiques et liées à la préparation de l'avenir.

Attribution des parties du pouvoir réglementaire liées à leurs compétences aux départements et aux régions.

Attribution aux régions de la compétence de répartir les fonds européens.

* 116 Article 72, alinéa 4, de la Constitution.

* 117 Voir notamment l'article L. 5210-4 du code général des collectivités territoriales pour l'appel de compétences d'un EPCI en direction du département ou de la région, ou l'article 33 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 qui a offert aux départements la possibilité de déléguer aux communes tout ou partie de leurs compétences dans le domaine de l'aide sociale.

* 118 Article L. 320-2 du code du patrimoine.

* 119 Article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales.

* 120 Voir l'avis motivé de la Commission européenne à la France du 27 juin 2007 et l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes C-324/07 du 13 novembre 2008, Coditel Brabant SPRL / Commune d'Uccle, Région de Bruxelles-Capitale .

* 121 Article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales.

* 122 Voir également « La clause générale de compétences, consécration ou remise en cause ? » , article précité.

* 123 Comme cela a été rappelé dans la première partie du rapport, la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation et les attributions des conseils municipaux l'a reconnue aux communes, celle du 10 août 1871 relative aux conseils généraux a prévu une disposition similaire pour les départements, et, enfin, la loi du 2 mars 1982 l'a étendue aux régions.

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