C. LE CRA DE CAYENNE ROCHAMBEAU

Le CRA de Cayenne Rochambeau est situé à quelques kilomètres de l'aéroport de Cayenne. Il est composé d'un bâtiment, avec une partie datant de 1995 et une partie construite en 2008, ainsi que de quatre bungalows pour le service médical, un bureau et deux vestiaires. Sa capacité est de 38 places.

1- Les caractéristique du centre et de son fonctionnement

a- La rénovation immobilière

Le centre a été totalement mis aux normes par des travaux engagés depuis deux ans, et il donne l'impression aujourd'hui d'être quasiment neuf. Ceux-ci ont été effectués à partir de mai 2007, la levée des réserves ayant eu lieu en juin 2008, pour un coût total de 1 660 121 € (94 976 € en 2006, 482 940 € en 2007, 1 146 031 € en 2008).

Le bâtiment connaît beaucoup de malfaçons, avec des pannes régulières. L'entretien des bâtiments à couté 18 534 € en 2008. Ceci correspond notamment aux petites réparations (serrurerie, électricité,...) et à la remise en état à la suite de dégradations.

Le bâtiment est très compliqué à surveiller, avec beaucoup d'angles morts. Ceci ne justifie pas la redondance que constituent deux locaux de vidéosurveillance, un premier à l'entrée de la première enceinte (à l'intérieur de laquelle figurent les bureaux, la salle d'identification et deux salles de garde à vue) et un deuxième à l'entrée du CRA lui-même. Cette situation absurde entraîne la nécessité d'un doublement du personnel affecté à cette tâche. Selon la préfecture, des travaux ont été effectués depuis la visite de la Cour pour mettre fin à ce système.

b- Le fonctionnement du centre

Le centre dispose d'un règlement intérieur conforme aux règles applicables en la matière.

Il peut accueillir les femmes et une partie du centre peut être isolée dans ce but. La configuration des lieux exige cependant dans ce cas que plusieurs chambres (celles réservées aux femmes) ne soient pas utilisées. C'est pourquoi le chef de centre a décidé, lors de la venue de femmes, de ne pas mettre en place cette séparation mais de leur réserver des chambres fermées la nuit et de permettre de jour une libre circulation des hommes et des femmes dans les parties communes. Cette formule permet d'améliorer la capacité de remplissage mais pose des problèmes de principe (cf. supra la partie sur les CRA) et peut être le cas échéant source d'incidents. Selon le DGPN, des travaux ont été faits depuis le passage de la Cour (pose d'une porte anti-panique permettant d'isoler sans enfermer) afin de régler le problème.

Le centre n'est pas autorisé à accueillir les familles. Pendant la période où il a été reclassé en LRA, il a, à une occasion, le 9 janvier 2008, accueilli plusieurs familles en même temps, ce qui a fait l'objet d'une saisine de la CNDS (saisine 2008-9 bis). Il est vrai que, dans l'état actuel de la réglementation, l'accueil des familles en LRA n'a pas à faire l'objet d'une autorisation explicite et n'est donc pas formellement interdit, ce qui est paradoxal.

En tout état de cause, ce cas particulier, et la situation actuelle d'absence de structure de rétention pour les familles justifient une réglementation complémentaire. Celle-ci pourrait prévoir l'interdiction de placement dans un LRA permanent et l'obligation, dans ce seul cas particulier de la rétention des familles en l'absence de CRA adapté pour les héberger, d'utiliser des chambres d'hôtel à titre de LRA temporaire.

Les retenus ne disposent pas d'armoires ni d'oreillers. Ils peuvent demander le nettoyage de leurs effets personnels, qui est effectué dans la journée.

La restauration est assurée dans une salle spécifique, les plats étant donnés par un passe-plat depuis la cuisine. Une insatisfaction récurrente existe sur le travail du personnel de restauration, salarié de la société Sogri, en particulier en ce qui concerne l'hygiène.

Suite au départ du salarié qui y exerçait la mission, en septembre 2008, la Cimade est représentée par six bénévoles présents ponctuellement. Une salariée a été embauchée en janvier 2009 et a commencé son intervention quotidienne dès réception de son habilitation le 11 février 2009, soit après la visite de la Cour.

Selon le responsable de l'Anaem, la perspective de reconduite n'entraîne pas de tensions particulières compte tenu de la brièveté du séjour et, certainement, de la facilité avec laquelle les personnes concernées pourront le moment venu revenir sur le territoire. La seule vraie demande des retenus est d'ailleurs d'être reconduits à la frontière et non plus loin.

S'agissant des problèmes de santé dans le centre, une convention a été conclue le 11 septembre 2006 entre le directeur du centre hospitalier et le directeur adjoint de la DDASS, afin de définir le dispositif sanitaire applicable. Un praticien hospitalier est mis à disposition du centre cinq jours sur sept, accompagné de trois infirmières dont l'une à temps partiel. Des discussions seraient en cours pour élargir aux week-ends la présence médicale au centre.

c- Les incidents

Deux évasions ont eu lieu en 2006 et 2007. Elles ont nécessité un renforcement des clôtures.

Le registre d'entrée et de sortie est correctement tenu, avec quelques oublis. Un registre des incidents n'a été mis en place que depuis la visite de la CNDS en décembre 2008. Le registre de mise à l'écart n'est en place que depuis le 13 janvier 2009, soit quelques jours avant la visite du rapporteur de la Cour. Selon le responsable du CRA, les incidents sont rares et il n'y a eu pratiquement jamais de mise à l'écart (prévue dans les salles de garde à vue, qui bénéficient à l'intérieur d'équipements sanitaires) mais cela n'a pas pu être vérifié.

En septembre 2008, une affaire de viol impliquant un fonctionnaire de police a éclatée. Elle est en cours d'instruction. Plusieurs autres incidents ont impliqué des fonctionnaires de police ces dernières années, comme en témoigne la liste des sanctions : en 2006, une lettre de mise en garde à un brigadier chef ; en 2007, deux blâmes, un passage en conseil de discipline, un avertissement à un commandant et trois gardiens ; en 2008, quatre lettres d'avertissements et un blâme à cinq gardiens. L'existence de plusieurs incidents impliquant des fonctionnaires justifie qu'une attention plus grande soit apportée à la composition du personnel et à sa formation (cf. infra).

1- L'organisation administrative et les moyens

a- L'organisation du centre

Elle fait l'objet d'une note régulièrement mise à jour, la dernière actualisation datant du 8 septembre 2008. L'effectif comprend six unités : un secrétariat, un greffe, une unité de garde, une unité de transfert, une brigade d'éloignement et un service général.

Le chef de centre est nommé par arrêté du préfet de Guyane sur la proposition du directeur départemental de la PAF. Il est donc rattaché hiérarchiquement à ce directeur est fonctionnellement au préfet qui le nomme. Il est le supérieur hiérarchique de l'ensemble des personnels de police présent dans le centre.

La cellule éloignement est en charge de ce qui fait une partie des tâches dévolues en métropole au bureau éloignement de la PAF (Burel), c'est-à-dire la gestion des trajets et des éventuelles escortes du CRA vers le pays d'origine.

b- S'agissant du personnel

Le tableau du personnel s'occupant de la garde sur la période 2006-2008 figure ci dessous.

Tableau n° 21 :  Personnel de garde du CRA de Cayenne Rochambeau

01/01/2006

01/01/2007

01/01/2008

Commandement

2

2

2

Encadrement et application

29

27

31

Administratif et technique

1

2

2

Adjoint de sécurité

4

5

10

Total

36

36

45

Source : CRA Cayenne

Si on ajoute le personnel d'escorte (quatorze personnes), de la cellule éloignement et l'unité d'identification, le CRA mobilise, début 2009, 65 fonctionnaires.

Le nombre de vacataires est en forte augmentation. Le chef de centre multiplie les notes de service mais reconnaît l'insuffisante formation du personnel. Celle-ci ne fait pas l'objet d'un plan cohérent et d'un suivi précis. Les formations initiées en 2008 ont été très spécifiques et en nombre limité (formation d'escorteurs par voie aérienne pour 43 fonctionnaires, outils informatique, lutte contre l'incendie).

c- Les véhicules

Le centre est doté de quatre véhicules, trois d'entre eux servent pour les escortes ou les présentations aux différentes juridictions. De plus des véhicules des services extérieurs comme ceux de Saint Laurent et Saint Georges peuvent servir aussi aux escortes des personnes éloignées venant du CRA.

3- L'organisation budgétaire et l'évolution des crédits

a- Le budget de fonctionnement et son évolution

Les évolutions du budget sont récapitulées dans le tableau ci-dessous. Certaines évolutions de 2007 et 2008 comme par exemple l'augmentation des frais de nettoyage, s'expliquent par le paiement sur 2008 de factures 2007. D'autres, comme la diminution des travaux d'entretien en 2008 par rapport à 2007, s'expliquent par les travaux de mise aux normes effectués au premier semestre 2008.

Tableau n° 22 :  Budget de fonctionnement du CRA de Cayenne Rochambeau

2006

2007

2008

Restauration

118 109

Nettoyage, blanchisserie, hygiène

45 687

78 092

93 679

Hébergement (hôtel)

182

Laissez passer, photographies

162

121

Mobilier, petit équipement, entretien

60 788

61 355

46 775

Téléphonie

6 282

541

9 196

Fluides, EDF

14 293

18 511

19 691

Autres

47 867

16 350

21 001

Total

174 913

174 998

308 759

Transport

1 021 231

Total (avec transport)

174 913

174 998

1 329 990

Source : SATPN Guyane

Le seul marché spécifique concernant le CRA, hors transport, concerne la restauration. Il a été signé en février 2005 avec l'entreprise Sogri pour une durée de 12 mois reconductible deux fois. Aucune décision de reconduction n'a été présentée. Après un nouvel appel d'offre, dont les conditions de mise en concurrence ont été vérifiées, un nouveau marché a été signé le 9 juin 2008.

b- Un marché pour le nettoyage est en cours de préparation.

Il convient enfin de noter qu'en 2008 des frais d'hôtel pour deux nuits à Paris à hauteur de 182 €, figurent sur le budget transport dont l'objet (réunion à la DCPAF) ne relève pas du fonctionnement du centre.

c- La procédure et les imputations budgétaires

Un projet de budget primitif est élaboré par la DDPAF en se basant sur le niveau de consommation des crédits de l'année précédente. Cet exercice est délicat car une partie des dépenses dépend du taux de remplissage du centre et du nombre de reconduites.

En début d'année, la DAPN via le SATPN délègue des crédits. Une demande de délégation complémentaire est effectuée en général au début du deuxième semestre. Pour ce budget, il n'y a donc pas d'étape de dialogue de gestion d'autant plus que le chef de centre n'est pas ordonnateur.

En 2006 et 2007, les services de la préfecture géraient le budget de la restauration et des transports sur le programme 303, le SATPN étant chargé des autres lignes budgétaires imputées en totalité sur le budget de la PAF. Depuis 2008, le SATPN a repris en charge la gestion de l'intégralité du budget, sans modification des imputations budgétaires.

Il est anormal que seules les dépenses de restauration soient imputées sur le programme 303, et non l'ensemble des dépenses de fonctionnement du CRA. Cette situation peut à la rigueur s'expliquer, sans se justifier, par le statut de LRA que le centre a eu entre mars 2007 et mai 2008. A l'inverse, au sein du budget de fonctionnement, figurent des dépenses qui, selon les règles budgétaires en vigueur, devront rester sur le budget de la PAF (par exemple dans les dépenses diverses en 2008 l'entretien de véhicules pour 2 677 €).

4- Les données sur l'activité du CRA

Les graphiques ci-joint récapitulent l'activité, le taux et la durée d'occupation et les résultats du CRA.

a- L'occupation

Le faible nombre de retenus en 2008 s'explique par la limitation du centre dans la première partie de l'année à cause des travaux. Au cours de cette phase, la capacité du LRA/CRA a été de 20 places du 21/01 au 15/03/2008, 16 places du 15/03 au 22/04/2008 et 26 places du 22/04 au 02/09/2008, date du passage à la capacité maximale soit 38 places.

Le faible taux d'occupation en 2007 et 2008 s'explique par la transformation en LRA (mars 2007 - mai 2008), qui interdisait sauf cas particuliers des séjours de plus de 48 heures.

Guyane : occupation du CRA de Cayenne depuis 2003 22 ( * )

Les services interpellateurs et la préfecture n'ont pas de connexion informatique avec le CRA pour savoir si des places sont libres. Le responsable du CRA se borne à avertir la préfecture lorsque le centre est plein. Cette situation gêne la gestion quotidienne, et favorise les comportements de précaution des responsables du centre qui peuvent souhaiter se garder une marge de manoeuvre pour tel ou tel service, par exemple lorsque une opération d'une certaine ampleur est prévue. Le responsable de la gendarmerie en Guyane a ainsi indiqué que le CRA refusait parfois des personnes amenées par les gendarmes alors que le centre n'était pas plein.

b- la durée de séjour

La durée maximum de séjour a été en 2008 de dix-sept jours (un ressortissant chinois), mais ce genre de cas est très rare. Pendant la période où le centre a eu le statut de LRA, la durée moyenne de rétention est restée inférieure à deux jours.

Guyane : nombre de jours passés par retenu au CRA de Cayenne 23 ( * )

c- Les reconduites effectives en provenance du CRA

Le taux de reconduite est relativement élevé, en moyenne 80 %. Selon les responsables de la PAF, la priorité est donnée pour l'accès au CRA à la population qui a une probabilité élevée de pouvoir être conduite.

Guyane : entrées et sorties au CRA de Cayenne 24 ( * )

Cette affirmation doit cependant être nuancée par l'importance non négligeable des personnes d'origine Guyanienne (617 en 2006, 568 en 2007, environ 250 en 2008) qui pour la plupart ne possèdent pas de documents d'identité et dont on sait donc à l'avance qu'ils ne pourront pas être reconduits.

Ceux-ci, qui souvent sortent de prison, figurent en outre parmi les plus agressifs. En 2008, 200 personnes sont passées par le CRA à l'issue de leur période d'incarcération (178 en 2007), malgré l'existence d'une convention avec le centre pénitentiaire (du 4 novembre 2002). La préfecture indique qu'une cellule prison vient d'être créée au sein de la cellule éloignement du CRA.

* 22 ) Voir annexe 2

* 23 Voir annexe 2

* 24 ) Voir annexe 2

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