c) Des effets amplifiés sur des économies locales fragiles

Les caractéristiques de cette pression démographique sont autant de problématiques délicates à gérer pour les collectivités concernées, en premier lieu les communes.

Un fait sous-estimé est l'urbanisation accélérée qui s'est ainsi produite dans les DOM, créant des disparités territoriales très fortes. En Guyane, la faible densité (2 habitants par km²) contraste avec l'hypertrophie des agglomérations de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni. Aux Antilles, on note une polarisation extrême en Martinique avec Fort-de-France et le Lamentin, comme en Guadeloupe autour des quatre communes de Pointe-à-Pitre, Les Abymes, Baie-Mahaut et Le Gosier, au détriment notamment des autres îles de cet archipel. Le phénomène se retrouve aussi à La Réunion entre le centre de l'île et la zone côtière où la population tend à se concentrer autour des villes de St-Denis, Le Port, St-Pierre et Le Tampon.

D'où de graves problèmes de gestion pour les collectivités, qui les rapprochent des zones urbaines sensibles de l'hexagone : une demande exponentielle de logement social, le développement de l'habitat insalubre, l'impact sur l'environnement...

Mais c'est surtout le défi de l'emploi des jeunes, dont le niveau de chômage est véritablement dramatique, qui a retenu l'attention des membres de la mission, eu égard à l'urgence d'agir.

(1) Les jeunes, premières victimes du chômage

La donnée majeure, soulignée encore récemment par le rapport de M. René-Paul Victoria, député de La Réunion, sur les propositions de mise en oeuvre du revenu de solidarité active (RSA) et du contrat unique d'insertion (CUI) en outre-mer, est l'importance d'un chômage structurel dans les DOM et ceci malgré un taux de croissance économique qui a dépassé, en moyenne, 3 % par an au cours des dix dernières années.

Sur cette période, le chômage a été deux à trois fois plus important qu'en métropole, atteignant près du quart de la population active de chaque département (de 20,6 % en Guyane à 24,5 % à La Réunion, contre un taux de chômage moyen de 7,5 % en métropole).

Ce chômage est particulièrement élevé en raison de causes propres aux DOM : au-delà de l'étroitesse des marchés du travail qui se caractérise en outre par la faiblesse de l'activité, il est lié aux fortes augmentations de la population active et à l'important retard des niveaux de formation .

Le chômage touche donc particulièrement les jeunes dans les DOM, soit près de la moitié des jeunes actifs (15-24 ans), contre 20% au niveau national .

Selon les statistiques d'Eurostat (2009), le taux de chômage chez les 15-24 ans est de 55,7 % à la Guadeloupe, de 50 % à La Réunion et de 47,8 % à la Martinique.

Parmi les causes identifiées arrive, au premier rang, le faible niveau de qualification 152 ( * ) , alors que les secteurs créateurs d'emplois requièrent précisément des qualifications spécifiques. Les taux de sortie sans diplôme du système éducatif sont très élevés : 33 % des 25-34 ans en Guadeloupe, 26 % en Martinique, 58 % en Guyane et 38 % à La Réunion (chiffres 2007).

L'insertion des jeunes sur le marché du travail constitue pour les départements ultramarins un enjeu spécifique : dans les DOM, de 26 % à 58 % des jeunes ont quitté en 2007 le système scolaire sans diplôme et plus du quart des jeunes qui travaillent ne sont pas diplômés.

On peut regretter ici encore, qu'au-delà de ces données relativement éparses, il n'y ait pas d'étude exhaustive sur ce sujet majeur qui permettrait de cerner tous les aspects du chômage des jeunes des DOM afin d'identifier précisément ses causes et de trouver les moyens adaptés pour y remédier.

On relèvera que les récents débats parlementaires ont été l'occasion d'interpeller le Gouvernement sur l'exceptionnelle gravité de cette situation. M. Éric Jalton, député de la Guadeloupe, l'a évoquée, le 6 avril dernier, avec force, lors de la discussion de la loi sur le développement économique des outre-mer à l'Assemblée nationale 153 ( * ) :

« En guise de conclusion, je lancerai un cri d'alarme quant à la situation catastrophique de notre jeunesse, en proie à tous les maux, à toutes les difficultés, à tous les bouleversements du monde. Ses brutales manifestations au paroxysme du mouvement social - les jeunes de toutes conditions sociales, formés ou non formés, étaient nombreux sur les barrages - ne sont que les stigmates annonciateurs d'un mal profond, et le ressac qui, si l'on n'y prend garde, précèdera le raz-de-marée de la révolte qui gronde déjà et nous submergera tous, à défaut d'une mobilisation sociétale et du déclenchement de politiques publiques à tous les niveaux de décision.

À cet égard, je rejoins les propositions de Mme Bello et vous invite d'ores et déjà à réfléchir, au-delà des amendements consentis de-ci de-là, à l'élaboration d'une grande loi, d'un « plan Marshall » - appelez-le comme vous voudrez - pour la jeunesse d'outre-mer. Ce texte serait porté par l'ensemble de la classe politique ultramarine car, sur cet enjeu majeur, un seul parti pris est possible : celui de la jeunesse d'outre-mer - et notamment de Guadeloupe - qu'il faut sauver.»

Cet appel, qui n'est qu'un exemple parmi d'autres, en faveur d'une mobilisation urgente et massive, répond à une prise de conscience générale sur la gravité de ce phénomène qui rejaillit sur l'ensemble de la société.

* 152 Vincent HECQUET et Frédéric LAINÉ «  Sur chômage aux Antilles-Guyane : des éléments d'explication » . Etude ANTIANO août 2007 (INSEE).

* 153 Discussion générale à l'Assemblée nationale sur la loi sur le développement économique des outre-mer- Deuxième séance du lundi 6 avril 2009.

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