III. AGIR SANS ATTENDRE LE RETOUR DE LA CROISSANCE

Face à la situation grave et inédite des comptes sociaux, il serait peu responsable de croire qu'une reprise - à une date incertaine - de la croissance suffirait à rétablir les comptes. Retrouver le niveau de croissance antérieur à la crise permettra, au mieux, la stabilisation du déficit au niveau où l'aura porté la récession. Sa résorption, indispensable à la pérennité de la protection sociale, suppose en effet une croissance des recettes durablement supérieure à celle des dépenses. Dans la perspective de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la commission des affaires sociales considère que trois leviers devraient être utilisés pour faire face à la situation actuelle :

- préserver et accroître les recettes de la sécurité sociale, notamment en agissant de manière plus déterminée sur les niches sociales ;

- préparer activement le rendez-vous sur les retraites de 2010, pour qu'il débouche sur une véritable réforme qui ne peut plus être reportée ;

- poursuivre et intensifier les efforts d'économies de l'assurance maladie, en faisant notamment porter l'effort sur l'hôpital. La création des agences régionales de santé (ARS) devra rapidement conduire à des progrès visibles.

A. PRÉSERVER ET ACCROÎTRE LES RECETTES DE LA PROTECTION SOCIALE

Comme le montrent de façon convergente les divers rapports publiés préalablement au débat d'orientation des finances publiques de cette année, l'essentiel de l'aggravation du déficit de la sécurité sociale pour 2009 et 2010 provient d'un manque de ressources, principalement du fait de l'impact de la crise économique.

Néanmoins, au-delà de cette conjoncture particulière et comme cela a été dit précédemment, la question du financement durable de la protection sociale reste plus que jamais posée. Hier, il s'agissait de faire face à un déficit annuel structurel de l'ordre de 10 milliards d'euros ; demain, il s'agira de combler un déséquilibre considérablement dégradé, proche de 30 milliards d'euros.

L'enjeu est donc de pouvoir faire face à des dépenses extrêmement dynamiques dans un contexte financier de plus en plus contraint : le niveau des prélèvements obligatoires a en effet atteint un niveau très élevé dans notre pays, environ 43 points de Pib en 2008, et les marges de manoeuvre permises à une économie partie prenante à la mondialisation restent de ce fait limitées.

Dans ce contexte, la question doit être examinée sous un double aspect, celui de la préservation des recettes actuelles et celui de l'apport éventuel de ressources nouvelles.

1. Une priorité : préserver les recettes actuelles

La préservation des recettes actuelles de la sécurité sociale suppose, avant tout, de maintenir l'assiette des ressources. Cela signifie qu'une réflexion doit s'engager sur l'ensemble des dispositifs d'exonérations de charges ainsi que sur les divers mécanismes d'exemptions d'assiette.

a) Mieux évaluer les dispositifs d'exonérations de charges

Le développement des dispositifs d'exonérations qui atteignent, on l'a vu, plus de 30 milliards d'euros, est un fait majeur de l'évolution du mode de financement de la sécurité sociale au cours des dernières années. Ces dispositifs recouvrent à la fois les allégements généraux de charges sur les bas salaires et les exonérations ciblées sur certains territoires, certains secteurs d'activité ou des publics particuliers. S'y sont ajoutées les exonérations adoptées dans le cadre de la loi Tepa pour favoriser l'augmentation du pouvoir d'achat : exonérations de charges sur les heures supplémentaires et sur les rachats de jours de RTT.

Evolution des exonérations de cotisations

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Allégements généraux

16,1

16,5

18,5

20,8

21,6

21,2

Exonérations heures supplémentaires

-

-

-

0,6

2,8

2,8

Rachat de RTT

-

-

-

-

0,1

0,0

Exonérations ciblées compensées

2,3

2,5

3,1

4,0

4,0

3,6

Total mesures compensées

18,4

19,0

21,6

25,4

28,5

27,6

Exonérations non compensées

2,0

2,1

2,4

2,7

2,5

2,6

Total exonérations

20,4

21,1

24,0

28,2

31,1

30,1

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale - juin 2009

L'annexe 5 au projet de loi de financement fournit le détail de ces exonérations : il présente d'abord une sorte de panorama de l'ensemble des dispositifs d'exonération existants, puis en mesure l'enjeu financier.

Présentation des dispositifs d'exonération de cotisations
ou de contributions sociales

- allégement général sur les bas salaires (« réduction Fillon ») ;

- heures supplémentaires et complémentaires (loi Tepa) ;

- mesures visant à promouvoir l'apprentissage, la qualification et les stages ;

- mesures destinées à favoriser l'emploi de publics en difficulté : jeunes et titulaires de minima sociaux ;

- mesures ciblées sur les services à la personne ;

- dispositifs propres à l'emploi dans le secteur agricole ;

- exonérations ciblées sur certains territoires (zones de revitalisation rurale ou urbaine, zones franches urbaines, Dom) ;

- exonérations ciblées sur certains secteurs d'activité (hôtels, cafés, restaurants, jeunes entreprises innovantes, marins salariés) ;

- exonérations applicables aux travailleurs non salariés non agricoles.

Dans le document annexé au projet de loi de financement pour 2006, ces dispositifs étaient au nombre de quarante-six ; il y en avait cinquante-quatre dans l'annexe au projet de loi de financement pour 2007, soixante et un dans le document annexé au projet de loi de financement pour 2008 et soixante-cinq dans l'annexe 5 du projet de loi de financement pour 2009. Cette progression témoigne parfaitement du recours sans cesse croissant au mécanisme d'allégement de charges, pour des raisons qui ne tiennent pas uniquement à la politique de l'emploi mais parfois à la simple commodité ou à l'affichage.

On constate par ailleurs que la quasi-totalité des niches sociales créées depuis 2004 n'est pas compensée . Compte tenu de leur conséquence en termes de manque à gagner pour les finances de la sécurité sociale - manque à gagner en progression sensible depuis 2004 malgré une relative stabilisation en 2008 et 2009 -, cela signifie que l'Etat fait le choix délibéré de mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont de sa responsabilité .

Or, la multiplication des dispositifs d'exonération et le caractère non systématique de leur compensation sont en contradiction flagrante avec le principe de compensation posé dans l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Les règles de bonne gouvernance définies dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques devraient néanmoins permettre d'inverser la tendance constatée ces dernières années, comme le souhaite depuis longtemps votre commission qui a maintes fois indiqué qu'il lui paraîtrait préférable que ces décisions d'allégements relèvent de la compétence exclusive de la loi de financement .

Dans ses derniers rapports sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a mis plusieurs fois en exergue le caractère coûteux et l'effet parfois incertain des mécanismes d'exonérations de charges sociales .

En ce qui concerne les allégements généraux, elle recommande dans son rapport de septembre 2008 :

- soit de limiter le bénéfice des allégements aux seules entreprises de moins de vingt salariés, ce qui représenterait une économie de 9 à 10 milliards d'euros ;

- soit de réduire leur seuil de sortie à 1,3 Smic, au lieu de 1,6 Smic actuellement, pour une économie qu'elle évalue à 7 milliards d'euros.

Compte tenu du poids financier de ces allégements, soit 21,2 milliards d'euros prévus pour 2009, montant qui n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années, une évaluation approfondie de leur impact réel en termes d'emplois est devenue aujourd'hui impérative. L'analyse devrait non seulement porter sur l'emploi mais aussi sur le coût du dispositif et mettre en regard les deux aspects de la question.

Il est donc nécessaire qu' un large débat, ouvert et transparent, soit lancé sur ce sujet en levant toutes les questions taboues qu'il peut susciter.

Toutes sortes de pistes devront être abordées, isolément et ensemble, comme le coût du travail, l'emploi non qualifié, la compétitivité économique, la délocalisation d'emplois, les phénomènes de « trappe à bas salaires », de « travailleurs pauvres », le recours au temps partiel, le financement de la sécurité sociale, la soutenabilité d'un financement par l'Etat, les effets d'aubaine, etc. L'analyse ne peut d'ailleurs être uniquement économique : d'autres facteurs interviennent dans le comportement des différents acteurs. Il est par exemple indispensable de déterminer quels sont les secteurs économiques où ce mécanisme est le plus utilisé et d'expliquer pourquoi, dans des secteurs non exposés à la concurrence internationale et au risque de délocalisation, comme la grande distribution, on observe une si grande diffusion du mécanisme des exonérations de charges.

Certes la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a entrepris de poser une condition au bénéfice des allégements généraux de charges, mais celle-ci reste encore modeste puisqu'il s'agit seulement de lier leur effectivité à l'ouverture chaque année de la négociation annuelle obligatoire.

C'est pourquoi votre commission avait choisi, lors de la discussion de la dernière loi de financement, de proposer de réserver le droit aux allégements de charges aux entreprises de moins de cinquante salariés qui, selon les données de l'annexe 5 du projet de loi de financement, bénéficient de 60 % du montant total des exonérations de charges. Une telle mesure aurait représenté une économie d'environ 7 milliards d'euros.

b) Accroître l'assiette des cotisations

Les divers mécanismes d'exemptions constituent une exception à la règle posée par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale selon laquelle l'assiette des cotisations de sécurité sociale du régime général recouvre l'ensemble des salaires et avantages versés , quelle qu'en soit la forme, au salarié en contrepartie ou à l'occasion de son activité professionnelle.

Certaines de ces exemptions sont anciennes, comme celles qui concernent l'intéressement et la participation ; d'autres sont plus récentes, par exemple dans le cadre du développement de l'actionnariat salarié ou des aides aux services à la personne. Elles peuvent être regroupées en quatre catégories pour les revenus d'activité salariée :

- les dispositifs d'épargne salariale : participation, intéressement, plan d'épargne en entreprise, stock-options, actions gratuites ;

- les aides directes destinées au financement de certains besoins précis : titres restaurant, chèques vacances, chèque emploi service universel ;

- les dispositifs de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire ;

- les indemnités versées en cas de rupture du contrat de travail : indemnités de licenciement, indemnités de mise à la retraite.

Le total des pertes d'assiette liées à ces mécanismes a été évalué par le Gouvernement à 46,1 milliards d'euros dans l'annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Montants des exemptions d'assiettes en 2009

(en milliards d'euros)

Dispositifs

Montants des exemptions d'assiettes

I. Participation financière et actionnariat salarié

20,0

Dont :

Participation

8,7

Intéressement

7,9

Plan d'épargne en entreprise (PEE)

1,3

Stock-options

2,1

II. Aides directes consenties aux salariés

5,4

Dont :

Titres restaurant

2,4

Chèques vacances

0,3

Avantages accordés par les comités d'entreprise

2,6

Chèque emploi service universel préfinancé

0,1

III. Prévoyance complémentaire, retraite supplémentaire

17,1

Dont :

Prévoyance complémentaire

13,1

Retraite supplémentaire

3,8

Plan d'épargne retraite collective (Perco)

0,2

IV. Rupture du contrat de travail

3,5

Dont :

Indemnités de licenciement

3,2

Indemnités de mise à la retraite

0,4

TOTAL

46,1

Source : annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009

Ce même rapport évalue la perte de recettes potentielles à 9,4 milliards d'euros . Cette perte doit naturellement être interprétée avec prudence car elle ne tire pas les conséquences du fait que les employeurs pourraient faire des arbitrages différents si les sommes concernées étaient soumises aux cotisations sociales de droit commun.

Néanmoins, cette estimation est calculée en tenant compte des prélèvements spécifiques existants sur certains de ces dispositifs et du forfait social de 2 % institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Celui-ci devrait rapporter 410 millions d'euros cette année.

Poursuivre dans la voie d'une remise en question des niches sociales est une nécessité pour votre commission qui, d'ailleurs, n'avait pas attendu les observations de la Cour des comptes en septembre 2007 pour, dès la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, présenter un amendement visant à remettre en cause l'exonération applicable aux stock options. Son initiative s'était alors heurtée à l'opposition du Gouvernement. Un an plus tard toutefois, grâce aux observations appuyées de la Cour des comptes, la situation a pu évoluer et une contribution spécifique être adoptée.

De la même façon, à l'automne 2008, votre commission avait proposé au Sénat un amendement tendant à appliquer un taux faible de cotisation à l'ensemble de l'assiette représentée par les niches , sorte de cotisation patronale généralisée avec assiette large et taux réduit (flat tax). Là encore, elle avait dû faire face à l'opposition du Gouvernement. Mais un an après, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, et selon la même inspiration, il mettait en place le forfait social de 2 %.

Votre commission avait naturellement approuvé le principe du forfait social puisqu'elle l'appelait de ses voeux, mais elle avait souhaité en élargir l'assiette car celle-ci excluait certains dispositifs, en particulier les aides directes diverses consenties aux salariés. Une nouvelle fois, ses propositions ont essuyé un refus du Gouvernement.

Elle en conclut aujourd'hui que les évolutions qu'elle estime nécessaires devraient être possibles dans le cadre de la prochaine loi de financement. Plusieurs pistes pourraient ainsi être envisagées :

- un élargissement de l'assiette du forfait social ;

- un relèvement du taux de ce forfait, dont le montant reste encore très limité par rapport au taux de cotisation de droit commun ;

- un relèvement du taux spécifique applicable aux attributions de stock-options et d'actions gratuites ;

- une remise à plat de la taxation des indemnités de rupture ;

- la taxation des retraites chapeau.

Sans aller jusqu'au jugement sans appel de la Cour des comptes pour laquelle les niches fiscales et sociales « ont démontré le caractère obsolète, injuste et inefficace et qui privent l'Etat et la sécurité sociale de ressources importantes », votre commission est persuadée que la poursuite d'une remise en cause progressive des niches sociales permettra de mobiliser de façon plus équitable des ressources indispensables pour la sécurité sociale .

c) Respecter la discipline de la loi de programmation des finances publiques

Votre commission avait proposé d'instituer un système de validation obligatoire des mesures d'exonération en loi de financement de la sécurité sociale. Cette préconisation a fait l'objet d'une proposition de loi organique votée par le Sénat le 22 janvier 2008 8 ( * ) .

La loi de programmation des finances publiques a permis de constituer un véritable corpus de règles à suivre dans ce domaine. Votre commission s'en est félicitée et souhaite que dès la prochaine loi de financement les bilans prévus puissent donner lieu à des mesures concrètes.

La loi de programmation des finances publiques comporte en effet, outre une trajectoire chiffrée des recettes, des dépenses et des soldes, plusieurs articles destinés à favoriser une plus grande discipline, tant en matière budgétaire que pour les finances de la sécurité sociale.

Sur les recettes, plusieurs articles édictent des règles nouvelles qui devraient encadrer plus strictement les modalités de création de nouvelles niches. Votre commission approuve l'inscription de ces règles de bonne gouvernance dans la loi . Il importera maintenant de veiller à leur entière application.


Les mesures de la loi de programmation des finances publiques
destinées à encadrer les dispositifs d'exonération de charges sociales

Afin de respecter les principes énoncés dans la programmation, la loi définit plusieurs règles de bonne gouvernance et d'encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales. Ces règles sont inscrites aux articles 10 à 12 de la loi.

L'article 10 fixe le principe de l'interdiction de l'adoption de mesures nouvelles qui auraient pour conséquence la diminution des ressources affectées au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale.

Cette contrainte s'apprécie par rapport à un montant défini pour chaque année de la période de programmation.

L'article 11 pose une règle de gage : toute création ou extension d'une niche fiscale ou sociale devra être compensée par la suppression ou la diminution d'une autre de ces niches pour un montant équivalent.

Cette règle s'apprécie pour l'ensemble des changements législatifs intervenus en cours d'année, dans le domaine fiscal, d'une part, dans le champ social, d'autre part.

Par ailleurs, les dispositifs institués pendant la période de programmation ne seront valables que pendant les quatre années qui suivront leur entrée en vigueur.

L'article 12 prévoit que, chaque année, avant le 15 octobre, le Gouvernement présente au Parlement un objectif annuel de coût des niches fiscales et sociales, ainsi qu'un bilan des dispositifs créés, modifiés ou supprimés au cours de l'année qui précède. Par ailleurs, dans les trois années suivant l'entrée en vigueur d'une nouvelle mesure, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport d'évaluation de l'efficacité et du coût de la mesure considérée. Enfin, avant le 30 juin 2011, tous les dispositifs actuellement en vigueur devront avoir été évalués.

d) Clarifier les relations entre l'Etat et la sécurité sociale

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale se sont récemment améliorées, en raison d'une rigueur accrue dans la budgétisation des sommes dues à la sécurité sociale.

Néanmoins, après l'apurement d'une dette de 5,1 milliards d'euros par l'Etat en octobre 2007, on observe la reconstitution d'une nouvelle dette de l'Etat envers la sécurité sociale, qui a atteint 3 milliards à la fin de l'année 2008 . Elle est due pour une part importante aux insuffisances de crédits budgétaires destinés à compenser les exonérations ciblées de cotisations.

Selon l'Acoss, en l'absence de tout versement par l'Etat dans le cadre d'une loi rectificative, la dette de l'Etat pourrait atteindre 4,6 milliards à la fin de l'année 2009 9 ( * ) .

Les frais financiers produits par la dette de l'Etat se sont élevés à 130 millions en 2008 et pourraient se monter à 30 millions en 2009, soit environ 20 % du total des charges financières supportées par l'Acoss.

2. Une nécessité : mobiliser des ressources nouvelles

Votre commission est persuadée que des marges existent et que plusieurs pistes peuvent être explorées dans le cadre de la mobilisation de nouvelles ressources en faveur de la sécurité sociale.

a) Ne pas s'interdire de taxer certains prélèvements comportementaux

Les taxes comportementales sont notamment celles qui sont applicables au tabac et à l'alcool, mais également aux boissons sucrées et aux produits alimentaires jugés néfastes pour la santé. Elles ont pour objet de freiner la consommation des produits concernés en raison de leur caractère nocif en termes de santé publique. Elles visent donc à infléchir des comportements.

Elles ont néanmoins aussi pour intérêt d'apporter des ressources, particulièrement justifiées lorsqu'elles sont attribuées à la sécurité sociale. Il y a en effet une grande logique à affecter au financement des dépenses de santé la taxation des tabacs et alcools et demain, pourquoi pas, la taxation de certains produits gras ou sucrés.

- les droits sur le tabac

Parmi les pays de l'Union européenne, la France a un taux d'imposition du tabac très élevé et une des consommations les plus basses.

Les droits applicables au tabac ont de fait considérablement augmenté dans notre pays au cours des dernières années. Pour 2009, leur rendement est estimé à 9,6 milliards d'euros, soit à un montant quasiment identique par rapport à 2008 qui traduit une stabilité de la consommation.

Ces droits n'ont toutefois pas été relevés depuis août 2007 et il ne serait pas absurde de prévoir un ajustement dans la prochaine loi de financement. A titre d'exemple, porter le minimum de perception du droit de consommation sur les cigarettes de 155 euros à 164 euros (pour mille cigarettes) permettrait un accroissement des recettes d'un peu plus de 430 millions d'euros .

- les droits sur l'alcool

Pour l'alcool, la situation est différente : la France applique un taux d'accises moyen faible pour une consommation parmi les plus élevées de l'Union européenne.

Aussi est-il souvent constaté que de réelles marges de progression existent . Aucun consensus ne permet certes d'envisager à court terme une augmentation des droits sur certains produits, en particulier sur le vin, en raison de la crise que traverse actuellement le secteur viticole. A moyen terme toutefois, il faudra réexaminer la question, en prenant en compte notamment les considérations de santé publique, auxquelles la commission des affaires sociales est très attachée, et en ne s'interdisant pas de mettre en regard de l'économie alcoolière le coût des conséquences d'une consommation excessive d'alcool pour l'assurance maladie.

Le rendement des droits sur les boissons alcooliques est estimé à 3,17 milliards d'euros pour 2009, en augmentation de 4,5 % par rapport à 2008. Outre un effet prix, une large partie de cette progression résulte de l'augmentation de la consommation d'alcools forts, dont les droits représentent les deux tiers du rendement total, soit un peu plus de 2 milliards d'euros. Ainsi, malgré un niveau élevé de taxation, on continue à enregistrer une hausse de la consommation d'alcools forts qui touche en particulier la jeunesse. Votre commission estime qu'une telle situation justifie amplement qu' une augmentation de ces droits sur les alcools forts soit mise à l'étude dès la prochaine loi de financement .

- la taxation des produits gras ou sucrés

De la même façon, l'instauration d'une taxe nutritionnelle est une piste qui ne peut plus être éludée, ne serait-ce que pour aider à la prise de conscience de la rapide progression du phénomène de l'obésité dans notre pays, particulièrement chez les enfants.

Certes une telle taxe pourrait avoir un impact sur le pouvoir d'achat des ménages mais il conviendrait de la cibler sur les produits les plus mauvais sur un plan nutritionnel et ne rentrant pas dans la catégorie des aliments de première nécessité : boissons et sodas sucrés, barres chocolatées, etc. Elle n'aurait pas vocation à être fixée à un taux élevé, mais elle pourrait être calibrée de manière à rapporter environ 500 millions d'euros, ce qui ne représenterait pas plus de quelques centimes sur les canettes ou bouteilles de boissons gazeuses et sucrées.

Elle aurait toute légitimité à venir financer l'assurance maladie en raison du fort accroissement des dépenses assumées par celle-ci au titre du diabète et de toutes les complications liées à l'obésité.

C'était d'ailleurs l'une des conclusions de la mission confiée à Jean-François Chadelat sur le Ffipsa : créer une taxe sur les boissons sucrées au profit du régime de protection sociale agricole pour combler - partiellement - son déficit.

b) Instituer un fléchage de la nouvelle fiscalité écologique vers l'assurance maladie

Les groupes de travail du Grenelle de l'environnement avaient proposé la mise en oeuvre de taxes écologiques, en particulier la création d'une taxe carbone . Le rapport Lagarde sur la TVA sociale proposait, en alternative à la TVA sociale, une taxe de lutte contre le changement climatique (taxe « climat-énergie ») qui pourrait servir à financer une baisse du coût du travail par une taxation des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions.

Une réflexion est aujourd'hui engagée sur la mise en place d'une contribution climat-énergie , à la demande du Président de la République.

Il apparaîtrait tout à fait légitime qu'une partie au moins du produit de ces taxes soit affectée au financement de l'assurance maladie , compte tenu des conséquences néfastes des pollutions sur la santé.

c) Engager une réflexion sur l'harmonisation des assiettes de la CSG

A sa création en 1991, la CSG était essentiellement assise sur les revenus du travail et se substituait largement à des cotisations maladie. L'un des objectifs poursuivis pour accroître son efficacité était aussi de faire participer les retraités au financement de l'assurance maladie. Par la suite, elle a été étendue aux revenus du capital, ce qui permet à notre pays de disposer, à l'instar de ses partenaires européens, d' un outil de financement moderne et dynamique de la protection sociale.

Dans le cadre de la concurrence fiscale très vive entre les pays de l'Union européenne qui exerce une pression à la baisse sur les coûts salariaux, les Etats sont en effet incités à réduire les cotisations sociales et à recourir, à la place, à la TVA ou à des recettes nouvelles, comme la CSG.

Votre commission a déjà attiré l'attention sur le fait qu'en matière de CSG, quelques éléments d'assiette peuvent encore être taxés . De même, l'existence de quatre barèmes différents applicables respectivement aux revenus de remplacement (pour lesquels deux barèmes coexistent), aux revenus d'activité et aux revenus de placement est parfois source d'inéquité. Enfin, les règles applicables à la CSG sont plus hétéroclites qu'un rapide examen ne pourrait le montrer à première vue, ce qui justifierait notamment que quelques effets de seuil sur les revenus des retraités soient corrigés.

Il serait donc souhaitable qu'une réflexion soit engagée sur ce sujet et que les évolutions possibles soient proposées au vote du Parlement. En ce qui concerne la CSG applicable aux revenus des retraités, il conviendra sans doute d'inclure cet élément dans le cadre plus global de la réforme d'ores et déjà prévue pour 2010.

Votre commission rappelle d'ailleurs qu'en tenant compte du rendement important qu'elle produit, la CSG est certainement le moins mauvais impôt auquel on puisse avoir recours. Une augmentation de ses taux ne serait toutefois acceptable que pour compléter une action drastique et efficace de maîtrise des dépenses et assurer de manière durable, et si possible définitive, l'équilibre des comptes sociaux .

Enfin , la préservation des recettes de la sécurité sociale ne signifie pas pour autant que leur répartition actuelle soit figée. En effet, le redéploiement des recettes disponibles est une nécessité .

Votre commission a toujours été extrêmement attachée à la non-fongibilité des branches et des comptes , seul moyen de permettre une gestion claire, transparente et responsable des finances sociales.

Néanmoins, elle ne s'opposera pas à d'éventuels transferts de recettes si ceux-ci sont faits dans la transparence et à bon escient . En raison de la crise, les deux transferts prévus dans le cadre de la dernière loi de financement, à savoir l'accroissement des cotisations vieillesse en contrepartie d'une baisse des cotisations d'assurance chômage et la prise en charge intégrale des majorations de pensions pour enfants par la branche famille, ont dû être reportés ou n'ont pas eu l'effet escompté. Il n'en demeure pas moins que cette voie aussi devra continuer d'être explorée.

* 8 Proposition de loi organique tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice - Texte Sénat n° 51 (2007-2008).

* 9 Audition de Pierre Burban, président de l'Acoss, par la commission des affaires sociales le 2 juillet 2009, cf. p. 98.

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