b) Un enjeu essentiel pour les finances publiques

Le Gouvernement ne consacre pas de développements à ce sujet dans son rapport déposé en vue du présent débat d'orientation des finances publiques. Il se contente en effet d'indiquer que son estimation de la croissance potentielle est de 1,7 % en 2009 26 ( * ) et 1,75 % en 2011 et 2012 27 ( * ) .

Il s'agit pourtant d'un enjeu important pour les finances publiques. En effet, si l'on considère, comme il faut le faire, que le PIB est structurellement réduit, cela signifie que la part conjoncturelle du déficit s'en trouve également réduite, alors que sa part structurelle augmente.

Schématiquement, trois attitudes sont possibles :

- soit on admet une perte brutale de PIB potentiel, comme dans le graphique ci-avant ;

- soit on refuse d'admettre toute perte de PIB potentiel ;

- soit on adopte une position intermédiaire, consistant à considérer que le PIB potentiel est bien réduit, mais que cette réduction est « lissée » dans le temps.

Le graphique ci-après permet de visualiser ces trois approches.

Si l'on admet, conformément à la courbe du bas (qui est un « zoom » sur celle du graphique précédent) que la croissance faible ou négative en 2008-2010 correspond pour partie à une perte de PIB brutale et définitive, l'écart de production est, comme on l'a indiqué, résorbé vers 2020. Le solde public structurel est alors égal au solde effectif, soit, selon les hypothèses retenues, environ 2,5 points de PIB en 2020 et 2 points de PIB en 2030. La réduction du déficit structurel, de 0,7 point de PIB en 2010, serait ensuite toujours inférieure, selon les hypothèses retenues, à l'objectif de 0,5 point de PIB fixé par le pacte de stabilité aux Etats en situation de déficit excessif.

Si, conformément à la courbe du haut (qui est, là encore, un « zoom » sur celle du graphique précédent), on refuse en revanche d'admettre le caractère définitif de la perte de PIB, on est conduit à admettre en termes de solde structurel des résultats tellement décalés par rapport au solde effectif qu'ils en deviennent absurdes.

Selon les hypothèses retenues, pour un solde effectif qui serait bien entendu le même, l'écart de production serait encore de 9 points de PIB en 2012, ce dont il résulterait un équilibre structurel en 2020 et en 2030. La réduction apparente du déficit structurel serait quant à elle considérable d'ici à 2012, alors que, en réalité, le PIB s'éloignerait davantage de son potentiel « affiché ».

La méthode intermédiaire, correspondant à la courbe en pointillés gras, consiste à considérer que la croissance potentielle, jusqu'alors de 2 %, est de 1,2 % de 2008 à 2013, puis retrouve le taux qu'elle aurait eu en l'absence de crise. La perte définitive de PIB est donc reconnue, mais « lissée » dans le temps . En 2020 ou en 2030, l'impact sur le solde structurel est le même qu'avec la première méthode, la différence concernant le moyen terme : le solde structurel est un petit peu moins important, et son amélioration un petit peu plus rapide.

La principale différence est que cette dernière méthode permet d'afficher une croissance potentielle plus élevée en début de période, ce qui présente un intérêt en termes d'affichage. Elle a aussi pour inconvénient de rendre plus légitimes des prévisions de croissance effective optimistes (si l'on suppose que la croissance potentielle est de 1,25 %, il est plus facile de justifier une prévision de croissance proche de 2 % que si l'on suppose qu'elle est de 0,75 %), avec les conséquences qui risquent d'en découler en matière de prévision de solde public.

La nécessité d'admettre le caractère définitif de la réduction du PIB

(en points de PIB de 2008)

2008

2009

2010

2011

2012

2020

2030

1. Si l'on admet sans lissage la réduction définitive du PIB

Ecart de production par rapport au PIB potentiel

-0,4

-4,1

-4,8

-4,5

-4,5

-0,2

0,0

Solde public

-3,4

-7,4

-7,0

-7,0

-6,8

-2,5

-2,1

Solde public structurel

-3,2

-5,4

-4,6

-4,8

-4,5

-2,4

-2,1

Evolution du solde public structurel

-2,1

0,7

-0,1

0,3

0,1

0,0

2. Si l'on n'admet pas la réduction définitive du PIB

Ecart de production par rapport au PIB potentiel

-1,6

-6,4

-8,2

-9,1

-9,1

-5,0

-4,8

Solde public

-3,4

-7,4

-7,0

-7,0

-6,8

-2,5

-2,1

Solde public structurel

-2,6

-4,2

-2,9

-2,5

-2,2

0,0

0,3

Evolution du solde public structurel

-1,6

1,3

0,4

0,3

0,1

0,0

3. Si l'on admet avec lissage la réduction définitive du PIB

Ecart de production par rapport au PIB potentiel

-0,8

-4,9

-6,0

-6,1

-5,4

-0,2

0,0

Solde public

-3,4

-7,4

-7,0

-7,0

-6,8

-2,5

-2,1

Solde public structurel

-3,0

-4,9

-4,0

-4,0

-4,1

-2,4

-2,1

Evolution du solde public structurel

-1,9

0,9

0,1

-0,1

0,1

0,0

Sources : Insee, calculs de votre commission des finances

Lors d'un récent déplacement au Royaume-Uni, votre rapporteur général a pu observer la manière dont ce pays prenait en compte ces questions. Le Gouvernement britannique a choisi la première solution : il considère que le PIB potentiel est réduit en 2010 de 5 points par rapport à ce que serait son niveau en l'absence de crise économique, puis qu'il retrouve son rythme de croissance habituel, évalué à 2,75 %. Cette solution paraît assez rationnelle.

* 26 « Avec un potentiel de croissance de l'économie française estimé autour de 1,7 % en 2009, la contraction de l'activité de 3 % se traduirait par un creusement de l'écart de production ou output gap de 4,6 points de PIB . »

* 27 « Suite aux forts retards de production accumulés entre 2008 et 2010, le scénario central du Gouvernement repose sur une hypothèse prudente de reprise de la croissance du PIB, de 2,5 % en volume par an en 2011 et 2012, soit un rythme supérieur au potentiel de croissance de l'économie qui s'établirait autour de 1¾ % en 2011 et 2012. Sous ces hypothèses prudentes, l'écart de production (ou output gap) serait encore très creusé en 2012 . »

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