C. SE PRÉPARER À L'HEURE DES CHOIX EN MATIÈRE DE COMPTES SOCIAUX

1. La soutenabilité du financement de la sécurité sociale en question

a) Une situation de trésorerie intenable, alors que 26,9 milliards d'euros viennent d'être repris par la CADES
(1) Les déficits du régime général et du FSV ont été transférés à la CADES sans augmentation des prélèvements obligatoires

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 64 ( * ) a permis le transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), dans la limite de 27 milliards d'euros, des déficits cumulés des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). En pratique, 26,9 milliards d'euros ont été repris par la CADES , en trois étapes :

- 14,1 milliards d'euros au titre de la branche maladie ;

- 8,8 milliards d'euros au titre de la branche vieillesse ;

- 4 milliards d'euros au titre du FSV.

Une dernière tranche de 100 millions d'euros devrait être transférée à la caisse au début de second semestre 2009, afin d'atteindre le plafond de 27 milliards d'euros fixé par la loi de financement précitée. La quasi-totalité des déficits cumulés susmentionnés auront alors été repris. Seuls 19 millions d'euros, relevant de la branche vieillesse, n'auront pu être transférés à la CADES.

Cette opération , rendue nécessaire par l'impossibilité, pour l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), de poursuivre le refinancement à court terme de tels montants, s'est faite sans accroissement des prélèvements obligatoires , une fraction de 0,2 point de CSG affectée au FSV ayant été réattribuée à la CADES 65 ( * ) . Il convient, en effet, de rappeler que l'ordonnance relative au remboursement de la dette sociale 66 ( * ) , modifiée par l'article 20 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale 67 ( * ) , dispose que tout nouveau transfert de dette à la CADES est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale 68 ( * ) . Compte tenu de cette reprise de déficits, la CADES envisage un programme d'emprunts de 33,1 milliards d'euros en 2009 , pour l'essentiel libellés en euros.

(2) Malgré cette opération, la situation des comptes sociaux est très dégradée et n'apparaît pas soutenable
(a) Un déficit bien supérieur aux prévisions de la loi de financement, en raison, essentiellement, de l'effondrement des recettes

Les effets attendus de cette reprise de déficits par la CADES, qui devait permettre un certain « répit », ont été mis à mal par la crise économique et financière. En effet, alors que la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un déficit du régime général de 10,5 milliards d'euros fin 2009, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin dernier fait état d'un déficit prévisionnel de 20,1 milliards d'euros, et de 22,1 milliards d'euros si l'on prend en compte le Fonds de solidarité vieillesse.

Evolution du déficit du régime général

Branches concernées

2005

2006

2007

2008

2009
Prévisions
LFSS

2009
Prévisions
LPFP

2009
Prévisions
juin 2009

Maladie

-8

-5,9

-4,6

-4,4

-4,6

-5,2

-9,4

Accident du travail

-0,4

-0,1

-0,5

+0,2

-0,1

-0,2

-0,3

Vieillesse

-1,9

-1,9

-4,6

-5,6

-5,3

-6,5

-7,7

Famille

-1,3

-0,9

+0,2

-0,3

-0,5

-0,7

-2,6

Total régime général

-11,6

-8,7

-9,5

-10,2

-10,5

-12,6

-20,1

FSV

-2

-1,3

+0,2

+0,8

-1

-1

-2,1

Total régime général + FSV

-13,6

-10

-9,3

-9,4

-11,5

-13,6

-22,1

Note : LFSS : loi de financement de la sécurité sociale ; LPFP : loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
Sources : loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ; commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2009) ; rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques présenté par le Gouvernement (tome 1)

Cette dégradation du solde du régime général résulte, pour la quasi-totalité, de la diminution des recettes. Alors que la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait une progression de la masse salariale de 2,75 %, celle-ci devrait se contracter de 1,25 % en 2009, représentant un écart de 8 milliards d'euros environ. En outre, le relèvement de 0,2 point des cotisations vieillesse, qui devait rapporter 1,7 milliard d'euros à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), a été repoussé (cf. infra 2).

Lors de son audition par votre commission des finances 69 ( * ) , M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a relevé que les dépenses étaient, en revanche, conformes aux prévisions et que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devrait être, pour la première fois depuis 1997, respecté ou « quasi-respecté » en 2009 (cf. infra).

La situation du FSV est différente. S'il connaît également une contraction de ses produits, il enregistre en outre une progression soutenue de ses charges , en raison notamment de la dégradation de l'emploi. Il convient de souligner, à cet égard, que le FSV, compte tenu de sa situation déficitaire, ne sera pas en mesure de s'acquitter de l'intégralité des prises en charge de cotisations au titre du chômage dues à la CNAVTS, même si cette dernière enregistre la totalité des produits dus dans ses comptes, qui suivent une logique de droits constatés.

Le FSV, un « contributeur fictif » aux comptes de la CNAVTS

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est un établissement public de l'Etat à caractère administratif « dont la mission est de prendre en charge les avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale » (article L. 135-1 du code de la sécurité sociale).

Il finance ainsi trois catégories de dépenses (ou contribue à leur financement) : les allocations du minimum vieillesse servies aux personnes âgées, les majorations de pensions pour enfants et pour conjoint à charge et les dépenses liées à la prise en charge de cotisations de retraite (au titre du chômage, du volontariat civil ou des avantages accordés aux anciens combattants d'Afrique du Nord). En contrepartie, il perçoit une fraction du produit de la CSG (1,03 %), une fraction de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, une partie (5 % en 2009) du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital, un transfert de la CNAF au titre des majorations de pensions pour enfants et, enfin, une contribution sur les régimes de retraite à prestations définies.

En application de l'article L. 135-4 du code de la sécurité sociale, les recettes et les dépenses du FSV doivent être équilibrées , dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. Ce fonds, qui est un fonds de financement, ne peut ainsi recourir à l'emprunt pour atteindre cet équilibre.

Si le FSV a longtemps été dans une situation financière satisfaisante, ses réserves cumulées atteignant 1,23 milliard d'euros fin 2001, il a connu un premier déficit cumulé à la fin 2002, qui s'est accru par la suite pour représenter près de 5 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2006. Le déficit cumulé s'est ensuite réduit en 2007 et 2008, tout en restant significatif, puisque 4 milliards d'euros ont été transférés à la CADES en début d'année 2009.

Dans ces conditions, depuis 2003, le FSV n'est plus en mesure de financer dans des délais normaux les dépenses mises à sa charge . Compte tenu des règles qui lui sont applicables, le fonds a mis au point une stratégie d'échelonnement de ses paiements , en choisissant de faire peser les retards sur les dépenses de cotisations de retraite des chômeurs, qui font l'objet d'une évaluation forfaitaire, et non sur les dépenses de prestations, qui correspondent à des dépenses réelles. En outre, ces retards de paiements sont concentrés sur la CNAVTS et, dans une bien moindre mesure, sur la Mutualité sociale agricole (MSA).

En pratique, le montant des acomptes versés à ces caisses au titre des cotisations de chômage est, depuis 2003, déconnecté du niveau des dépenses prévisionnelles budgétées. Le rapport d'activité 2007 du FSV précise ainsi que les acomptes 2007 dus au titre du chômage ont été minorés de 3 097 millions d'euros pour la CNAVTS et de 54 millions d'euros pour la CCMSA, afin d'aligner les dépenses du fonds sur ses recettes.

Paradoxalement, cette situation n'a qu'un impact limité sur la CNAVTS. En effet, celle-ci disposant d'une comptabilité en droits constatés, son déficit n'est pas réellement dégradé par les retards de paiement du FSV . Seuls ses frais financiers sont majorés, dans la mesure où ces retards pèsent sur sa trésorerie, et donc sur l'ACOSS.

Conséquence de cet arrangement comptable : le transfert de 4 milliards d'euros à la CADES opéré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a permis de créer de la dette sans formellement se traduire par la reconnaissance d'un déficit , le FSV n'ayant jamais décaissé plus qu'il ne percevait de recettes... Et ce en dépit de la reconnaissance, par les lois de financement successives, de soldes négatifs du fonds, qui invite à s'interroger à la fois sur la portée exacte du vote opéré lors de l'examen de ce texte et sur la nécessité de maintenir une telle structure de financement, qui ne contribue pas à la clarté des comptes .

Votre rapporteur général observe d'ailleurs que, dans son rapport de certification des comptes 2007 du régime général de sécurité sociale, la Cour des comptes a émis une réserve substantielle du fait de cette situation. Elle relevait ainsi que « l'absence de rattachement du FSV [aux comptes de la CNAV] fausse l'image donnée par les comptes de la branche retraite du régime général » et jugeait « nécessaire une modification de l'arrêté du 27 novembre 2006 destinée à prévoir une combinaison partagée du FSV avec les branches retraite des régimes de sécurité sociale au financement desquels il contribue, au prorata de la part des charges du FSV qui se rapportent à chacun d'entre eux ».

Plus fondamentalement, c'est sur l'existence même de ce fonds qu'il convient aujourd'hui de s'interroger.

(b) Le relèvement annoncé du plafond d'avances de trésorerie de l'ACOSS ne résout pas seul les difficultés de financement

Cette dégradation de la situation financière du régime général entraîne des difficultés pour l'ACOSS, dont le plafond d'avances de trésorerie devrait être relevé, par décret d'urgence, d'une dizaine de milliards d'euros d'ici début septembre 2009, pour atteindre près de 29 milliards d'euros.

Comme le montre le graphique qui suit, un tel niveau d'avances de trésorerie est proche des records des années passées (seuls les plafonds fixés en 2004 et en 2008 ont été supérieurs), mais ces derniers étaient atteints juste avant une reprise de déficits par la CADES.

La nouveauté provient du fait que ce niveau fait immédiatement suite à une reprise de 26,9 milliards d'euros ... Que cette dégradation résulte pour l'essentiel de l'affaissement des recettes lié à l'évolution de la conjoncture n'atténue pas l'ampleur des difficultés, qui ne se dévoileront réellement qu'en 2010.

En effet, l'année 2009 n'est pas, en tant que telle, particulièrement problématique pour l'ACOSS : celle-ci a dû gérer par le passé le refinancement à court terme de sommes plus importantes ; la reprise par la CADES lui a permis de connaître en 2009 quelques jours de trésorerie positifs ; enfin, la conjoncture permet de bénéficier de taux courts exceptionnellement bas, qui devraient permettre à l'agence de limiter ses charges de trésorerie à 200 millions d'euros environ (contre 648 millions d'euros en 2007 et 832 millions d'euros en 2008).

En revanche, l'année 2010 apparaît particulièrement périlleuse , pour plusieurs raisons :

- plus aucun bénéfice ne peut être espéré d'une baisse des taux d'intérêt à court terme, ceux-ci ayant atteint un plancher. Au contraire, on pourrait craindre leur remontée, qui se traduirait par un accroissement des frais financiers ;

- l'évolution de la conjoncture et les prévisions actuelles de recettes laissent entrevoir - toutes choses égales par ailleurs - une nouvelle accumulation substantielle de déficits, qui pourrait conduire l'ACOSS à supporter un plafond d'avances de trésorerie record de près de 45 milliards d'euros, selon ses propres évaluations. La Cour des comptes, dans son rapport préliminaire au débat d'orientation budgétaire 70 ( * ) , évoque un déficit supérieur à 20 milliards d'euros en 2009 et d'environ 30 milliards d'euros en 2010, soit un total de 50 milliards d'euros au titre de ces années. Ces données ont été confirmées par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, lors de son audition précitée devant votre commission des finances.

Celui-ci a rejeté, lors de son intervention devant la commission des comptes de la sécurité sociale, toute idée de reprise de la dette sociale en 2009 et 2010, précisant qu'il ne voulait pas « en pleine tempête, (...) augmenter la CRDS ou transférer la dette à l'Etat ce qui serait une solution de facilité, et nous ferait renoncer à des principes fondamentaux des finances publiques . (...) Pour passer le cap difficile de l'année 2010, nous veillerons à ce que l'ACOSS dispose des moyens de trésorerie nécessaires. Cette solution, neutre financièrement sur l'ensemble des comptes publics, permettra de garantir le versement des prestations sociales en 2009 et 2010 ». Or à de tels niveaux, les possibilités de refinancement à court terme deviennent incertaines .

Il convient en effet de rappeler que l'ACOSS se finance essentiellement auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dans un cadre régi par une convention financière en cours de renégociation et dans la limite de 31 milliards d'euros (cf. encadré infra ).

Elle peut également émettre des billets de trésorerie, dans une limite de 8 milliards d'euros depuis 2008 (contre 5 milliards d'euros auparavant, ce plafond s'entendant hors opérations avec l'Etat 71 ( * ) ).

L'état des négociations sur la convention régissant les relations financières
entre la Caisse des dépôts et consignations et l'ACOSS

Votre commission des finances a entendu, le 25 juin dernier, notre collègue député Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, et M. Augustin de Romanet, directeur général de cet établissement. Cette audition 72 ( * ) a notamment permis de faire le point sur la renégociation en cours de la convention régissant les relations financières entre la Caisse et l'ACOSS.

L'avenant proposé par la Caisse prévoit la non-facturation du coût d'opportunité qu'elle supporte (évalué à 80 millions d'euros en 2008), la nécessité pour elle de ne pas réaliser cette activité à perte et l' impossibilité de s'engager sur un tarif fiable , actuellement au taux Eonia majoré de 7 points de base, au-delà d'un seuil de 25 milliards d'euros de liquidités . Les nouvelles conditions financières proposées reposeraient sur des taux progressifs en fonction du montant de la tranche levée par l'ACOSS et de l'écart entre les taux Eonia et Euribor, ainsi que sur une extension des facilités de recours aux billets de trésorerie. Faute d'accord, une nouvelle convention devrait être renégociée à partir du 21 septembre 2009.

Lors de son audition devant votre commission des finances, M. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a souligné que les relations entretenues avec l'ACOSS induisent un fort risque opérationnel , illustré par la raréfaction de la liquidité due à la crise financière et par le défaut de payer, en 2003 et à hauteur d'environ 500 millions d'euros, d'une grande banque internationale, à laquelle la Caisse avait dû se substituer en urgence. Dans ces conditions, il a justifié la mise en place d'une limite correspondant au seuil au-delà duquel cette dernière ne pourrait plus nécessairement garantir l'octroi de liquidités - soit 31 milliards d'euros.

Notre collègue député Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a également rappelé que cet organisme a vocation à financer des volumes qui correspondent à un dispositif de trésorerie, et non à faciliter l'éventuelle débudgétisation d'une dette qui devrait être consolidée , position à laquelle votre rapporteur général souscrit.

Compte tenu du refus de la CDC, réitéré devant votre commission des finances, de s'engager au-delà de 31 milliards d'euros, la situation pourrait s'avérer délicate pour l'ACOSS en 2010. Dans ces conditions, diverses solutions de court terme peuvent être examinées, avant d'envisager une reprise de déficits qui apparaît inéluctable.

(c) Comment passer le cap de 2010 ?

A court terme, trois options - de portée inégale - pourraient être envisagées afin de limiter le besoin de financement de l'ACOSS en 2010.

La première a trait à la mobilisation de la trésorerie des organismes tiers. En effet, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, l'ACOSS a la faculté de gérer la trésorerie de tiers contre rémunération, des conventions devant être signées avec les organismes concernés 73 ( * ) . Votre rapporteur général ne peut donc qu'inciter le ministère du budget à promouvoir cette piste. Il convient toutefois de préciser qu' une exception au principe de rémunération du dépôt de la trésorerie devrait être prévue si celle du FSV était gérée par l'ACOSS. En effet, les retards de paiement de ce fonds occasionnant une aggravation des charges financières de l'ACOSS, il serait absurde que celle-ci le rémunère en plus pour qu'il dépose auprès d'elle la trésorerie dont il peut disposer.

Le deuxième point concerne la situation des dettes de l'Etat à l'égard du régime général de sécurité sociale . En effet, selon l'état semestriel présenté dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, le régime général détiendrait des créances sur l'Etat à hauteur de près de 3 milliards d'euros à fin 2008. Leur remboursement permettrait ainsi à l'ACOSS de retrouver une certaine marge de manoeuvre, mais présenterait l'inconvénient de dégrader d'autant le déficit public 74 ( * ) , sauf si elle intervient sous la forme précédemment analysée, utilisée en 2007, d'un achat de titres par la Caisse de la dette publique, faisant l'objet d'une annulation immédiate. Cette dernière solution n'est toutefois pas très orthodoxe.

La troisième remarque, plus fondamentale, concerne l'avenir du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) . Celui-ci disposait, fin 2008, de réserves évaluées à 28,7 milliards d'euros. Sa performance depuis sa création reste positive, mais très faiblement (+ 0,3 %), l'année 2008 ayant été particulièrement mauvaise (- 24,9 %). Dans les conditions de tension actuelle sur la trésorerie du régime général et en l'absence de vision du rôle qu'on entend réellement attribuer au FRR, il pourrait être envisagé, sans toucher aux réserves accumulées, de réaffecter en 2010 à la CNAVTS le produit de la fraction du prélèvement de 2 % sur le revenu du capital qui lui est aujourd'hui allouée, soit environ 1,5 milliard d'euros 75 ( * ) . L'année 2010 serait ainsi une « année blanche » pour le FRR, dont le rôle devrait être clairement précisé à l'occasion du rendez-vous sur les retraites prévu cette même année . Les comptes de la CNAVTS, et par ricochet la trésorerie de l'ACOSS, s'en trouveraient améliorés.

(d) Une nouvelle reprise des déficits cumulés du régime général apparaît inéluctable

Au-delà de cet aspect de court terme, va immanquablement se poser la question du traitement du déficit social accumulé en 2009 et 2010, évalué - hors mesures nouvelles de redressement - à une cinquantaine de milliards d'euros.

Lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a évoqué trois scénarios possibles de « traitement de la dette sociale » :

« une reprise de la dette sociale par la CADES rend nécessaire une augmentation des recettes affectées à la CADES ;

« une reprise de la dette sociale par l'Etat est juridiquement possible mais revient sur le principe vertueux du cantonnement de la dette sociale ;

« certains ont avancé comme option une reprise de « la dette de crise » dans un organisme spécifique de type « Caisse d'amortissement de la dette publique ».

« Aucun de ces scénarios n'est pleinement satisfaisant ou suffisamment expertisé. En pleine tempête, je ne veux pas augmenter la CRDS ou transférer la dette à l'Etat ce qui serait une solution de facilité, et nous ferait renoncer à des principes fondamentaux des finances publiques. La croissance de la dette liée à la diminution brutale des recettes a des causes conjoncturelles. Nous avons donc choisi de la traiter quand le retour de la croissance le permettra ».

Votre rapporteur général reconnaît qu'aucune de ces solutions n'est totalement satisfaisante, mais une reprise de la dette sociale est inéluctable. Il est en effet rigoureusement impossible de continuer à refinancer à court terme de tels niveaux de déficits.

Dans ces conditions, si l'on privilégie un transfert à la CADES , au nom du principe symbolique et vertueux de cantonnement de la dette sociale, il convient de souligner que, compte tenu des règles organiques en vigueur, plus on retarde l'échéance, plus le « coût » de ce transfert - c'est-à-dire le montant des recettes que l'on devra affecter à la Caisse - sera important , en raison de l'impossibilité d'allonger la durée d'amortissement de la dette 76 ( * ) .

D'un autre côté, transférer la totalité des déficits accumulés par le régime général de sécurité sociale en 2009 et 2010 à une « caisse de crise » peut prêter à critique, dans la mesure où seule une moitié de ces déficits résulte de la crise.

Votre rapporteur général considère qu'en cette matière, compte tenu du contexte économique global et de la nécessité de ne pas freiner le retour de la croissance, il convient de privilégier la solution la plus pragmatique et la plus efficace possible.

Cette situation amène à s'interroger sur notre capacité collective à respecter l'esprit de l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), qui manifestait le refus de reporter sur les générations futures la charge de la dette sociale. Une reprise de la dette sociale par l'Etat ou un transfert à une caisse de crise reviendrait en effet à le contourner. Si l'on entend donc le mettre réellement en oeuvre, il faudra réaliser dans les années à venir des économies importantes et/ou accepter un redéploiement des prélèvements obligatoires au profit de la sécurité sociale afin d'éviter que des déficits supplémentaires ne se forment.

Votre rapporteur général juge toutefois que cet effort ne sera pas suffisant, dans le contexte économique actuel, pour parvenir à un équilibre des comptes sociaux à brève échéance 77 ( * ) . Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a lui-même exclu que le rythme de reprise économique permette de ramener le déficit public à 3 % d'ici 2012 et s'est fixé un objectif de réduction du déficit de l'ordre d'un point de PIB par an à l'issue de la crise 78 ( * ) .

Dans ces conditions, s'il l'on entend maîtriser l'évolution des prélèvements obligatoires, votre rapporteur général estime qu' il faudra à la fois augmenter les recettes de la CADES et allonger à nouveau la durée d'amortissement de sa dette, afin d'éviter un effet « boule de neige » des prélèvements qui lui sont affectés. Une telle option nécessite cependant une modification législative de nature organique 79 ( * ) .

* 64 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008.

* 65 Ceci a immédiatement replacé le FSV, dont les déficits cumulés viennent d'être transférés à la CADES, en situation déficitaire. Sur les mouvements complexes de transferts financiers intervenus dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, se reporter au rapport pour avis n° 84 (2008-2009) de notre collègue Jean-Jacques Jégou.

* 66 Ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996.

* 67 Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005.

* 68 Selon le scénario central de la CADES, l'extinction de la dette sociale est prévue en 2021.

* 69 Cette audition est reproduite en annexe au présent rapport.

* 70 Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques (juin 2009), p. 91.

* 71 Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2009). Il convient de rappeler que le plafond de billets de trésorerie émis par l'ACOSS avait été porté à 11,5 milliards d'euros en 2007, pour procéder à l'apurement de la dette de l'Etat (5,1 milliards d'euros) en octobre de cette année (techniquement, la Caisse de la dette publique, financée par dotations de l'Etat et qui a la faculté d'annuler les titres de créance qu'elle détient, avait souscrit des titres de créance émis par l'ACOSS, avant de les annuler). Ce relèvement du plafond s'inscrit également dans la stratégie d'optimisation de la trésorerie des entités publiques en fin d'année. L'ACOSS peut ainsi émettre des billets de trésorerie en toute fin d'année, pour des raisons purement comptables. Elle avait ainsi émis, les 21 et 28 décembre 2007, des billets de trésorerie de courte maturité pour un total de 8 milliards d'euros, les échéances étant fixées respectivement aux 7 et 10 janvier 2008.

* 72 Le compte rendu de cette audition est disponible à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/bulletin/20090622/fin.html#toc12

* 73 Sont visés par ce dispositif : les régimes obligatoires de base de sécurité sociale autres que le régime général, les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, à l'amortissement de leur dette (CADES) et à la mise en réserve de recettes à leur profit (FRR), les organismes financés par des régimes obligatoires de base (CNSA), les fonds comptables retraçant le financement de dépenses spécifiques relevant d'un régime obligatoire de base (par exemple le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - FIVA) et les organismes qui financent et gèrent des dépenses relevant de l'ONDAM (comme la Haute autorité de santé). Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, le ministre du budget avait précisé que les discussions étaient avancées avec la CNSA, qui disposait de 1,2 à 1,3 milliard d'euros de trésorerie.

* 74 Les comptes du régime général, présentés en droits constatés, ne seraient pas modifiés. En revanche, le déficit de l'Etat, si l'on prend en compte la comptabilité de caisse, serait majoré de 3 milliards d'euros.

* 75 Il s'agit là d'une estimation prudente. Le produit de cette fraction s'est élevé à 1,55 milliard d'euros en 2006, à 1,78 milliard d'euros en 2007 et à 1,84 milliard d'euros en 2008.

* 76 La date d'extinction des missions de la CADES n'est plus mentionnée dans l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. La durée d'amortissement de la dette sociale est ainsi appréciée au vu des éléments présentés par la caisse dans ses estimations publiques. D'après l'annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la CADES a une chance sur deux d'avoir intégralement amorti en 2021 la dette dont le refinancement lui a été confié. La probabilité que cette dette soit déjà remboursée en 2020 est de 5 % ; le risque qu'elle ne le soit pas dans un délai supérieur à 14 ans, soit en 2023, est également de 5 %.

* 77 Les annexes à loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, aujourd'hui largement obsolètes, prévoyaient un déficit de 3,1 milliards d'euros en 2012 pour le régime général et de 200 millions d'euros pour le FSV.

* 78 Audition précitée du 1 er juillet 2009.

* 79 Le Conseil constitutionnel a en effet confirmé, dans sa décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 (considérant 40), la portée organique des dispositions de l'article 20 de la LOLFSS.

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