b) Les mesures de maîtrise des dépenses aujourd'hui envisagées ne semblent pas suffisantes pour redresser les comptes de l'assurance maladie
(1) Une croissance des dépenses de santé relativement maîtrisée en 2008 et 2009

Selon les données de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin dernier 84 ( * ) , le déficit de la branche maladie du régime général devrait atteindre, en 2009, 9,4 milliards d'euros , contre 4,4 milliards d'euros en 2008. Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a indiqué, à cette occasion, que le doublement du déficit de la branche maladie en 2009 était dû, pour moitié, à la crise économique et à la réduction consécutive de l'assiette des cotisations sociales 85 ( * ) .

L'autre moitié constituerait le déficit structurel de la branche pour lequel des efforts de maîtrise des dépenses ont été menés ces dernières années. En effet, en 2008 et 2009, l'évolution des dépenses d'assurance maladie devrait s'élever à environ 3,5 % par an (contre 7,1 % et 6,4 % en 2002 et 2003), et ainsi être relativement proche, comparativement aux années précédentes, du taux de croissance de l'ONDAM voté en loi de financement de la sécurité sociale ( Cf . encadré).

Evolution des dépenses du champ de l'ONDAM en 2008 et 2009

En 2008, les dépenses d'assurance maladie relevant du champ de l'ONDAM se sont élevées à 152,9 milliards d'euros, soit une progression de 3,4 % par rapport à 2007 et un dépassement de l'ONDAM de 860 millions d'euros, contre 2,9 milliards d'euros en 2007.

Pour 2009, la loi de financement de la sécurité sociale a fixé un objectif de dépenses de 157,6 milliards d'euros, soit une progression de 3,3 %. Selon les dernières données de la commission des comptes de la sécurité sociale, cet objectif serait dépassé d'environ 400 millions d'euros, ce qui conduirait à une augmentation des dépenses d'assurance maladie de 3,5 % en 2009.

Dans son avis du 29 mai 2009, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie évaluait, quant à lui, le dépassement possible de l'ONDAM pour 2009 à une fourchette comprise entre 300 millions et 500 millions d'euros, les principales incertitudes portant sur le manque de lisibilité des dépenses des établissements de santé à cette époque de l'année, la croissance nettement plus forte que prévu des indemnités journalières et le risque de pandémie grippale cet automne.

Source : commission des finances, à partir des données de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2009

Cependant, cette maîtrise des dépenses de santé en 2008 et 2009 doit être relativisée : d'une part, l'ONDAM voté en loi de financement de la sécurité sociale n'a pas été respecté en 2008 et ne le sera vraisemblablement en 2009 que si des mesures de redressement sont prises au cours du second semestre ; d'autre part, en tendance, les dépenses dans le champ de l'ONDAM ont malgré tout, en dépit d'un fléchissement à partir de 2002, augmenté en moyenne de 4,2 % par an sur la période 1997-2009, comme le montre le graphique qui suit. Par ailleurs, à plus long terme, se pose la question de l'impact du vieillissement de la population sur l'évolution des dépenses de santé.

(2) Des efforts supplémentaires nécessaires mais des mesures envisagées qui semblent insuffisantes

Un effort supplémentaire de maîtrise des dépenses de santé est donc essentiel. C'est ce qu'a indiqué le Président de la République, lors de sa déclaration devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin dernier : « nous irons plus loin dans la maîtrise des dépenses de santé parce que j'ai parfaitement conscience de l'immensité des besoins financiers et qu'à ce titre, nous n'avons pas le droit de laisser gaspiller un seul euro » 86 ( * ) .

Plusieurs mesures de maîtrise des dépenses ont ainsi été présentées, par la ministre de la santé et des sports , Mme Roselyne Bachelot-Narquin, à l'occasion de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin dernier : intensification des efforts de maîtrise médicalisée, notamment sur deux postes de dépenses particulièrement dynamiques (les indemnités journalières et les transports sanitaires) ; diffusion auprès des médecins des référentiels médico-économiques de la Haute autorité de santé (HAS) ; extension du champ d'application des procédures de mise sous entente préalable 87 ( * ) ; ajustements de certains prix et tarifs.

De façon plus générale, la ministre de la santé et des sports a insisté sur les gains d'efficience à attendre de la réforme de l'hôpital et de la mise en place des agences régionales de santé (ARS), telles que proposées par le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Votre rapporteur général s'interroge cependant sur la capacité réelle de ces mesures à redresser les comptes de la branche maladie et permettre, comme l'a évoqué le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant votre commission des finances, de retenir à l'avenir un taux de croissance annuel de l'ONDAM de 3 % 88 ( * ) , contre 3,3 % selon la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

En effet, votre rapporteur général souhaite apporter les éléments de réflexions suivants :

-  premièrement, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a indiqué, dans son avis précité du 29 mai dernier, que les mesures de maîtrise médicalisée n'ont, en général, qu'un taux de réalisation d'environ 60 % , ce qui a eu pour conséquence, en 2008, la non réalisation de 500 millions à 600 millions d'euros d'économies ;

-  deuxièmement, les indemnités journalières et les transports sanitaires , secteurs pour lesquels le ministère de la santé et des sports souhaite intensifier les contrôles, ne représentaient en 2008 respectivement que 5,2 % et 1,6 % de l'ensemble des dépenses de santé, soit 7,9 et 2,4 milliards d'euros 89 ( * ) ;

- ensuite, il convient de noter que les autres mesures envisagées, à ce stade, par la ministre de la santé et des sports ont déjà été présentées comme sources d'économies à l'occasion des lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 (encadrement des transports sanitaires ; dispositif de l'entente préalable) et 2009 (recommandations médico-économiques de la HAS), pour des potentiels d'économies relativement faibles, à l'exception des mesures de baisses de prix ou de tarifs d'une ampleur variable d'une année à l'autre comme le montre le tableau ci-après ;

- enfin, les économies à attendre de la réforme de l'hôpital et de la mise en place des ARS restent difficiles à évaluer , ceci d'autant plus que la ministre de la santé et des sports a annoncé, lors du débat sur l'hôpital, le report à 2018, au lieu de 2012, de la convergence tarifaire entre hôpitaux publics et privés.

Impact de certaines mesures nouvelles sur les comptes du régime général en 2008 et 2009

( en millions d'euros )

Mesures d'économies intégrées à l'ONDAM 2008

Encadrement des transports sanitaires effectués par les taxis

26

30

Dispositif d'entente préalable (à titre expérimental)

43

50

Baisses de prix ou de certains tarifs

120

140

Mesures d'économies intégrées à l'ONDAM 2009

Suites données aux recommandations médico-économiques de la Haute autorité de santé

112

130

Encadrement des transports sanitaires effectués par les taxis

34

40

Baisses de prix ou de certains tarifs

584

680

Source : annexe n° 9 aux lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 et 2009

En tout état de cause, ces mesures ne semblent pas aujourd'hui à la hauteur de « l'immensité des besoins financiers » 90 ( * ) , pour reprendre l'expression du Président de la République. Une action plus vigoureuse semble indispensable pour assurer la soutenabilité de notre système de protection sociale, ce qui amène votre rapporteur général à reposer la question du mode de financement des dépenses de santé et notamment celle de l'articulation entre les interventions du régime obligatoire et des assureurs complémentaires.

(3) Vers un nouveau basculement de certaines charges vers les organismes complémentaires ?

Dans son discours du 18 septembre 2007, prononcé à l'occasion du 40 ème anniversaire de l'Association des journalistes de l'information sociale 91 ( * ) , le Président de la République avait déjà souligné la nécessité d'un débat sur la prise en charge de certaines dépenses de santé, afin de distinguer entre celles qui devaient relever de la solidarité nationale, d'une part, et de la responsabilité individuelle, d'autre part.

Ce débat a été amorcé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2009 qui a porté de 2,5 % à 5,9 % le taux de la contribution versée par les organismes complémentaires au fonds de financement de la couverture maladie universelle (« Fonds CMU »), soit une majoration d'environ un milliard d'euros pour 2009 92 ( * ) .

La ministre de la santé et des sports, s'appuyant sur les travaux de la Cour des comptes et du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie 93 ( * ) , avait alors justifié cette mesure par le déport mécanique chaque année, de l'ordre de 600 millions d'euros, des dépenses prises en charge par les assurances complémentaires vers l'assurance maladie , qui s'expliquerait par l'effet combiné du vieillissement de la population et du régime de prise en charge des patients en affection de longue durée (ALD).

Face au doublement du déficit de la branche maladie en 2009, la question de l'articulation entre les interventions du régime obligatoire et des assureurs complémentaires mérite d'être, à nouveau, posée. En effet, les responsables de missions dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) avaient déjà indiqué à votre rapporteur général la possibilité d'un basculement de 3 ou 4 milliards d'euros vers les complémentaires. Un tel ordre de grandeur était également évoqué par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie dans son rapport précité.

La question est aujourd'hui de savoir jusqu'où il est possible d'aller sur cette question. La mise à contribution des organismes complémentaires n'est, en effet, pas neutre et soulève en particulier des interrogations sur les conséquences de ce transfert sur les cotisations demandées aux adhérents et, plus largement, quant à l'évolution de notre système de protection sociale .

En effet, dans une lettre du 28 juillet 2008 cosignée par la ministre de la jeunesse et des sports et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et M. Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, les mutuelles s'étaient engagées à faire « les meilleurs efforts [...] dans le contexte européen actuel, pour ne pas répercuter cette contribution dans les cotisations de leurs adhérents ».

Cependant, cet engagement ne concerne que les mutuelles, et non les sociétés d'assurance ni les institutions de prévoyance. Ainsi avait-il déjà été indiqué à votre commission des finances, lors de l'examen PLFSS pour 2009, qu' un report de la charge sur les adhérents ou les assurés n'était pas à exclure dès 2009 et était quasiment certain en 2010, d'après les renseignements alors communiqués tant par la Mutualité française que par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA).

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estimait, quant à lui dans son rapport précité, qu'un basculement de 3 à 4 milliards d'euros de dépenses sur les organismes complémentaires pourrait conduire à une augmentation des cotisations versées à ces organismes comprise entre 130 et 185 euros par an et par ménage , ce qui est loin d'être négligeable.

Un bilan de l'impact de cette mesure sur les cotisations versées par les adhérents devra être réalisé à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2010.

La mise à contribution des organismes complémentaires soulève une autre question plus large : celle de la structure même de notre système de protection sociale. Une intervention accrue des organismes complémentaires semble, en effet, indissociable d'une réflexion sur l'évolution de la gestion du risque et d'une association accrue des organismes complémentaires. Cette question a été abordée lors de l'examen du PLFSS pour 2009 et du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Comme l'indiquait le rapport d'avril 2003 du groupe de travail de la Commission des comptes de la sécurité sociale, présidé par M. Jean-François Chadelat, la répartition entre les interventions du régime obligatoire et des assureurs complémentaires n'est pas aujourd'hui le résultat de choix explicites et rationnels, mais est le produit d'une succession de décisions techniques, parfois anciennes, sans approche globale . Cette question doit plus que jamais, compte tenu de la situation de nos finances publiques, faire l'objet d'une clarification au sein d'un réel débat public.

* 84 Rapport de juin 2009 de la commission des comptes de la sécurité sociale.

* 85 Discours de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le 15 juin 2009.

* 86 Déclaration du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès - Versailles - 22 juin 2009.

* 87 Cette procédure permet au directeur de la caisse locale d'assurance maladie de subordonner la couverture de certains frais (transports, versement des indemnités journalières, prescriptions médicales) à l'accord préalable du service du contrôle médical, pour une durée maximale de six mois.

* 88 Audition du 1 er juillet 2009.

* 89 Commission des finances à partir des données de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2009.

* 90 Déclaration du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès - Versailles - 22 juin 2009.

* 91 « L'assurance maladie n'a pas vocation à tout prendre en charge, sans rien contrôler et sans rien réguler. C'est pourquoi je vais ouvrir un grand débat sur le financement de la santé. Qu'est-ce qui doit être financé par la solidarité nationale ? Qu'est-ce qui doit relever de la responsabilité individuelle à travers une couverture complémentaire ? Ce débat a déjà eu lieu chez tous nos voisins européens. Je demande au Gouvernement de l'organiser » - Discours du Président de la République, à l'occasion du 40 e anniversaire de l'Association des journalistes de l'information sociale - Sénat - 18 septembre 2007.

* 92 Article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 93 Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2008 ; Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, juillet 2008.

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