F. RÉEXAMEN, POUR DES RAISONS SUBSTANTIELLES, DES POUVOIRS DÉJÀ RATIFIÉS DE LA DÉLÉGATION UKRAINIENNE

L'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme répond à une procédure précise relevant de la responsabilité de l'Assemblée parlementaire et des États membres. Ceux-ci présentent une liste de trois candidats, qui ne peuvent, une fois déposée, ni être modifiée ni être retirée. Les candidats sont ensuite auditionnés par une sous-commission ad hoc de l'Assemblée qui transmet par la suite une recommandation à l'adresse de l'Assemblée, celle-ci demeurant souveraine quant à son choix final.

La liste des candidats ukrainiens a été déposée lors de la troisième partie de la session de 2007, en vue d'auditions prévues le 17 septembre suivant. Dérogeant aux règles en la matière et usant à cet égard de motivations difficilement appréciables (irrégularités de la procédure de sélection), l'Ukraine a retiré sa liste le 14 septembre 2007. La liste modifiée mais incomplète, fruit d'incessants changements liés à des jeux d'influence politique, est présentée en décembre 2007. En dépit de demandes réitérées à l'Ukraine de présenter une liste respectueuse des critères habituels, l'Ukraine n'a toujours pas accompli cette démarche, se plaçant sous la menace d'une suspension des pouvoirs de sa délégation au sein de l'Assemblée parlementaire.

Comme l'a souligné M. Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC) , la suspension des pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne apparaît disproportionnée au regard du passé récent :

« Le réexamen des pouvoirs de la délégation ukrainienne est motivé par le fait que le gouvernement ukrainien refuse de remplacer le candidat manquant sur sa liste de candidats pour l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme. Il refuse ainsi de répondre aux demandes répétées de notre Assemblée et surtout porte atteinte au bon fonctionnement de la Cour, privée d'un juge ukrainien régulièrement désigné. Ce n'est pas acceptable.

Mais la demande de réexamen des pouvoirs de la délégation ukrainienne pose aussi problème. Ainsi, à l'automne dernier, nous avions envisagé de réexaminer selon la même procédure les pouvoirs des délégations russe et géorgienne. Après débat, l'Assemblée avait renoncé à leur retirer leur droit de vote. Il s'agissait pourtant de faits au moins aussi graves : une guerre... Par ailleurs, l'absence d'un juge régulièrement désigné entrave-t-elle davantage le fonctionnement de la Cour que le refus par un seul État membre de ratifier le protocole n° 14 qui en est à la base ? Il ne peut y avoir deux poids et deux mesures.

Que la menace soit lancée donc, il le faut, mais avec le ferme espoir qu'elle n'ait pas à être exécutée. Nous nous tromperions d'ailleurs en sanctionnant nos collègues parlementaires, alors que l'établissement de la liste de candidats ne dépend pas d'eux, mais du pouvoir exécutif ukrainien, qui porte seul la responsabilité de la situation. Plus généralement, nous devons éviter d'envoyer un mauvais signal à l'Ukraine. Si le Conseil est dans son rôle en faisant pression sur un gouvernement pour qu'il réponde enfin à nos demandes, chacun sait que ce sont des raisons politiques internes qui le font tarder à présenter son troisième candidat. Or la stabilité de l'Ukraine est à la fois essentielle pour son peuple et déterminante pour la sécurité du continent européen.

Il est indispensable que l'Ukraine surmonte ses propres difficultés. Certes, les acquis de la révolution orange paraissent irréversibles et la transformation du pays est exemplaire. C'est bien là d'ailleurs la source de nombre de ses problèmes : son grand voisin oriental cherche à renforcer son influence - la crise du gaz de janvier dernier illustre les tentatives de déstabilisation en cours. Sans parler de l'avenir de la flotte russe de la mer Noire ni de la question de l'adhésion à l'OTAN... Les défis que doit relever l'Ukraine sont donc d'abord internes. Or, le Conseil de l'Europe a aussi pour vocation de soutenir ses responsables politiques dans leur apprentissage de la démocratie. L'excellent rapport de M. Marty réaffirme haut et clair combien sont essentiels les principes qui régissent le bon fonctionnement de la Cour. J'espère simplement que la fermeté du ton employé fera effet sans qu'il soit besoin de prendre en otage nos collègues parlementaires qui n'y sont pour rien. »

La commission des questions juridiques estime également que la suspension des pouvoirs de la délégation ne constitue pas une solution en soi mais entend profiter du débat pour insister sur les conséquences de l'attitude de l'Ukraine sur le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'Homme. L'Ukraine a en effet été contrainte de nommer un juge ad hoc afin de pourvoir le poste vacant, affaiblissant la légitimité démocratique et l'indépendance traditionnellement associée à la fonction.

Tenant compte de l'avis de la commission, l'Assemblée parlementaire n'a pas voté la suspension des pouvoirs de la délégation ukrainienne.

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