C. LE FINANCEMENT DE LA RADIODIFFUSION DE SERVICE PUBLIC

La concurrence accrue au sein du secteur audiovisuel dans la plupart des États membres du Conseil de l'Europe a conduit les gouvernements à s'interroger sur la place du service public et le financement de celui-ci. La commission de la culture, de la science et de l'éducation a souhaité apporter sa contribution à un tel débat en préconisant au travers d'un projet de recommandation un certain nombre de mesures visant à réaffirmer le rôle du service public audiovisuel en matière de diffusion de l'information, de la culture et de l'éducation.

Le texte reprend les conclusions de la Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse, tenue à Prague en 1994. Aux termes de celles-ci, le rôle, les missions et les responsabilités des radiodiffuseurs publics devaient être définis clairement en même temps que leur indépendance éditoriale assurée.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR) , intervenant au nom du groupe GUE, a souhaité insister sur la spécificité du secteur public audiovisuel et l'impératif de créativité qui devait lui être assigné :

« Je tenais tout d'abord à saluer la qualité du travail que le rapporteur a mené sur un thème extrêmement sensible. En effet, dans nos sociétés contemporaines où la communication et en particulier la télévision sont omniprésentes, préserver la radiodiffusion de service public constitue un enjeu majeur.

Bien entendu, le service public de radiodiffusion est un organe institutionnel indispensable à l'équilibre de notre vie publique, à condition de ne pas confondre la radiodiffusion de service public et la radiodiffusion d'État ! Le rapport nous interpelle à ce sujet, en un clin d'oeil.

En premier lieu, le service public de radiodiffusion contribue au bon fonctionnement de la démocratie. Par ailleurs, il offre au plus grand nombre un large accès à l'éducation, à la culture et au divertissement. Dans la perspective de renforcer la radiodiffusion de service public, quels critères devons-nous retenir ? D'abord, le principe de la gratuité de la diffusion des programmes audiovisuels et de leur accès s'impose.

Quant au rôle du service public de radiodiffusion, il se décline en deux missions. Il se doit d'offrir aux citoyens une information impartiale et ouverte aux opinions politiques les plus diverses possibles. Il doit proposer des programmes éducatifs, culturels et de divertissement pour tous les types de public.

Cependant, afin d'être en mesure d'exercer pleinement ses responsabilités, le service public de radiodiffusion doit être protégé par des dispositions garanties par la Constitution, la loi et les bonnes pratiques. Les parlements nationaux, chers collègues, ne doivent pas hésiter à faire valoir tout leur pouvoir de contrôle par l'intermédiaire de la procédure budgétaire et en organisant différentes évaluations de la politique des groupes de communication de service public. Il est indispensable d'assurer aux radiodiffuseurs publics leur indépendance éditoriale à l'égard de toute ingérence politique et de leur garantir les ressources financières suffisantes et durables afin d'éviter toute ingérence économique.

S'agissant des ressources financières, dans un paysage audiovisuel marqué par une concurrence commerciale féroce entre fournisseurs de contenus audiovisuels et un marché publicitaire quasi ultralibéral, seul le financement public permet de relever le défi qui s'offre à nous.

Je tiens à souligner que les modes de financement public des radiodiffuseurs varient en fonction des traditions et des circonstances nationales. Il est en effet important de laisser suffisamment de latitude aux États membres du Conseil dans l'application des principes que nous avons définis en commun.

En contrepartie de ce financement public qui, évidement, s'inscrit dans la durée, les radiodiffuseurs se doivent de relever le défi de la qualité et de l'attractivité de la production audiovisuelle. Il est urgent de mettre fin à « la dictature de l'audimat ». Tous les citoyens de l'immense territoire du Conseil de l'Europe attendent de leurs chaînes publiques de l'innovation, de l'expérimentation. Il nous faut « des chaînes qui osent » !

« Des chaînes qui osent », ce sont des programmes qui donnent la parole à toutes les composantes de la société. Les opposants politiques, les représentants des minorités, les défenseurs des droits de l'Homme, les soutiens de la diversité culturelle, tous doivent trouver leur espace d'expression à la télévision publique.

Le souci du partage de l'Histoire des peuples est aussi un acte de service public. « Des chaînes qui osent », ce sont des programmes qui posent les grands enjeux de notre temps, y compris ce qui dérange, qui admettent le débat contradictoire, qui font la place aux créateurs dans tous les domaines.

Pour terminer, je tiens à rappeler, comme le fait le rapport, qu'il faut que chacun ait conscience que ce n'est pas la maîtrise absolue de la radiodiffusion publique qui permet de conserver le pouvoir, ni même la main mise totale sur les médias publics comme privés. L'avenir, le progrès, ce n'est ni la méthode Poutine, ni la méthode Berlusconi, ni même le modèle « Sarkosien » dans lequel la tentation de tout mettre sous contrôle est intolérable. C'est une tentation de revenir à ce que faisait le Général de Gaulle. Je pense que votre propos était justifié parce qu'historiquement juste.

Notre groupe soutient et votera donc ce rapport. »

A l'heure de la multiplication des chaînes thématiques et des services à la demande, le service public doit également diversifier son offre de programmes. Il doit également s'appuyer sur les facilités offertes par les nouvelles technologies. De telles adaptations nécessitent une réforme de son financement et pourraient combiner plusieurs solutions déjà existantes : redevance, taxe provenant de la vente de produits dérivés ou de l'exploitation d'archives audiovisuelles. A cette multiplication des recettes doit répondre un haut degré de qualité des programmes, dans un contexte délicat où le public semble de moins en moins disposé à financer les services audiovisuels.

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