G. LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET L'ÉVOLUTION DE LA PROCÉDURE DE SUIVI DE L'ASSEMBLÉE

La période 2008-2009 a été marquée par un certain nombre d'événements aux conséquences indéniables en matière de droits de l'Homme, qu'il s'agisse bien évidemment du conflit entre la Géorgie et la Russie, des crises électorales en Arménie et en Moldavie, des menaces pesant sur l'AKP en Turquie ou des dysfonctionnements des institutions démocratiques en Azerbaïdjan. De tels faits justifient l'existence même de la commission de suivi. Les atteintes aux libertés fondamentales ne concernent pas pour autant uniquement les nouveaux adhérents au Conseil de l'Europe. Le contrôle parlementaire sur le l'action gouvernementale en matière de droits de l'Homme constitue, à cet égard, un défi de taille pour les démocraties plus anciennes.

Le rapport de la commission de suivi sur la situation des droits de l'Homme a été élaboré à partir des travaux d'Amnesty International et Human Rights Watch . M. Claudio Cordone, directeur général de la recherche et des programmes d' Amnesty International, et Mme Holly Cartner, directrice de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch, ont été d'ailleurs invités à intervenir devant l'Assemblée.

M. Cordone a principalement porté son propos sur l'usage trop important du recours à la force par les polices européennes, y compris dans les États de tradition libérale. La lutte contre le terrorisme ne peut légitimer de telles violations. La lutte contre les discriminations requiert également une vigilance de tous les instants, qu'il s'agisse des préjugés religieux ou sexuels. La crise économique alimente par ailleurs un certain nombre de manifestations de xénophobie à l'égard des travailleurs migrants. Amnesty International juge à cet égard inquiétante la directive adoptée par l'Union européenne sur le retour des migrants irréguliers, qui lui semble comporter un certain nombre de dispositions liberticides.

La liberté d'expression est également l'un des chantiers les plus importants : l'Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'Azerbaïdjan, la Turquie ou la Russie combinant dispositions législatives et intimidations physiques en vue de la restreindre.

Mme Cartner a, quant à elle, souligné, les écarts observables entre l'adhésion d'un certain nombre d'États aux valeurs du Conseil de l'Europe et la pratique quotidienne. Excès de zèle des forces de police dans le Caucase, violations répétées des droits de l'Homme en Tchétchénie, en Ingouchie, au Daghestan, impunité accordée aux criminels de guerre dans les Balkans, sont à cet égard des exemples révélateurs. Human Rights Watch observe également qu'un certain nombre d'États membres ont tendance à assouplir les dispositions qui les obligent à rendre des comptes en la matière.

L'absence de mise en oeuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme en Turquie ou en Russie appelle un rôle accru du Comité des ministres dans la supervision de leur application. Aux yeux de l'ONG, l'application du protocole 14 bis peut constituer, à cet égard, une première étape.

Comme l'a souligné M. Bernard Fournier (Loire - UMP) , la protection des droits de l'Homme en synergie avec les ONG demeure une préoccupation de tous les instants, y compris dans les plus anciennes démocraties :

« Je tiens à saluer le rapport du président de notre commission de suivi, M. Holovaty, rédigé avec l'exigence qui sied à l'ambition de donner une portée concrète à nos valeurs que sont la démocratie, la prééminence du droit et les droits de l'Homme. Ce rapport dessine un tableau exhaustif, et sans complaisance, de l'état des droits de l'Homme en Europe. Sa lecture est particulièrement instructive : certains États membres progressent, d'autres n'évoluent guère, voire régressent, d'autres, enfin, ont manifestement d'autres priorités que de faire avancer la cause des droits de l'Homme chez eux.

De fait, la promotion des droits de l'Homme sera plus efficace si elle bénéficie d'une synergie. De ce point de vue, je me félicite de la présence dans notre hémicycle de représentants d'Amnesty International et de Human Rights Watch. Notre Assemblée a en effet tout intérêt à travailler en étroite coopération avec des ONG qui défendent les droits de l'Homme.

La procédure de suivi que notre Assemblée a mise en place permet d'exercer une pression destinée à faire progresser l'ensemble des États membres, grâce aussi à son assistance et à des échanges de bonnes pratiques. Il me paraît primordial que personne ne reste sur le bord de la route. Chacun peut certes avancer à son rythme, pourvu qu'il avance effectivement, les progrès devant, selon moi, être appréciés « en tendance ». La lecture du rapport me conduit d'ailleurs - je ne le cacherai pas - à me demander toutefois si certains États membres ne régressent pas.

Actuellement, onze États membres font l'objet d'une procédure de suivi, et trois autres, dont un État membre de l'Union européenne, sont engagés dans un dialogue post-suivi. La procédure de suivi constitue un mécanisme qui permet d'exercer « une pression bienveillante » extérieure sur ces États et qui peut aboutir à un renforcement de la démocratie parlementaire.

De fait, le rapport relève des violations des droits humains de nature très différente. Certaines d'entre elles tiennent à des carences de nature législative et règlementaire, liées, par exemple, à l'absence de ratification de certaines conventions du Conseil de l'Europe. D'autres résultent de la non-application de législations qui, dans les codes, sont pourtant irréprochables. Ces deux types d'atteintes aux droits de l'Homme sont à la fois les plus graves, mais, relevant souvent de la volonté politique, elles sont aussi les plus faciles à combattre.

En revanche, d'autres violations des droits de l'Homme sont, me semble-t-il, plus insidieuses. Je pense à celles qui résultent soit de pratiques profondément ancrées dans le fonctionnement d'autorités administratives, la situation dans les prisons par exemple, soit qui traduisent la prégnance de stéréotypes et de préjugés, en particulier les violences envers les femmes ou les discriminations de toutes sortes. Même les plus vieilles et solides démocraties ne sont pas encore complètement parvenues à faire disparaître ce type de manquements aux droits humains. C'est d'ailleurs ce que relèvent certains rapports périodiques portant sur les États membres qui ne font l'objet ni d'une procédure de suivi ni d'un dialogue post-suivi, comme c'est le cas de la France.

Enfin, je conclurai en regrettant que nos travaux relatifs au suivi des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe ne fassent pas l'objet d'une plus grande publicité. Mieux faire connaître les progrès, ou l'absence de progrès, en matière de démocratie et de droits de l'Homme auprès de l'opinion publique européenne contribuerait sans doute à accentuer la pression sur les « mauvais élèves de la classe »».

La résolution telle qu'adoptée souligne à cet égard les progrès restant à accomplir en matière d'indépendance du système judiciaire, de délais raisonnables pour la procédure judiciaire ou de surpopulation carcérale. Elle rappelle, par ailleurs, la préoccupation constante de l'Assemblée à l'égard du harcèlement dont peuvent être victimes les ONG ou les journalistes.

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