D. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN ARMÉNIE

La résolution 1643 adoptée en janvier 2009, saluait les initiatives des autorités arméniennes en vue de faire la lumière sur les violences constatées à l'occasion des élections législatives du 1er mars 2008 :

• création d'une commission d'enquête parlementaire par le Président de l'Assemblée nationale, composée tout à la fois de membres de la majorité et de l'opposition ;

• mise en oeuvre d'un comité d'experts indépendants qui enquêtera sur les événements ;

• grâce présidentielle accordée à de nombreux participants à ces actions ;

• révision des articles 225 et 300 du code pénal visant à se rapprocher des normes de la plupart des démocraties qui siègent au sein du Conseil de l'Europe.

Le texte rappelait néanmoins l'insatisfaction de l'Assemblée au regard de la situation des prisonniers politiques et invitait la commission de suivi à se réunir à nouveau sur cette question à l'occasion de la troisième partie de session.

Co-rapporteur au nom de la commission de suivi avec M. John Prescott (Royaume-Uni - SOC), M. Georges Colombier (Isère - UMP) a dressé un bilan positif de sa visite de travail en Arménie les 16 et 17 juin derniers, appelant de ses voeux une poursuite des réformes de la police et des médias :

« John Prescott et moi nous sommes rendus en Arménie les 16 et 17 juin, avec un programme très dense. Le 16, le président arménien, M. Sarkissian a adressé à l'Assemblée nationale une proposition d'amnistie générale qui a été examinée dès le lendemain par sa commission permanente sur les questions politiques et juridiques, dont le responsable est M. Harutyunyan, qui préside également la délégation arménienne de notre assemblée. J'en profite pour souligner le rôle important que ce dernier a joué dans le règlement de cette crise en servant de tête de pont entre nos deux assemblées. Le président arménien a accepté les changements proposés par la commission. L'amnistie générale a été adoptée par l'Assemblée nationale réunie en session extraordinaire le 19 juin. Vous en trouverez le détail dans notre exposé des motifs.

L'amnistie exclut expressément les personnes condamnées en vertu de certains articles relatifs globalement aux violences aggravées et à la détention illégale d'armes. Quant au petit nombre de personnes poursuivies qui sont en fuite, l'amnistie leur sera aussi applicable au terme de leur procès si elles se présentent d'elles-mêmes avant le 31 juillet 2009. Les actions civiles n'étant par principe pas couvertes par l'amnistie, nous demandons instamment aux autorités de veiller à ce qu'aucune action en responsabilité civile ne soit engagée. Enfin, l'amnistie ne présuppose pas que les personnes condamnées aient reconnu leur culpabilité : elles conservent leur droit d'appel même après avoir été libérées au titre de l'amnistie.

Nous nous félicitons de cette amnistie générale, à laquelle notre Assemblée a pris une part importante. Le président de l'Assemblée nationale arménienne, ici présent, a signé, le 22 janvier 2009, un décret instituant au sein de l'Assemblée un groupe de travail chargé de rédiger, en coopération avec le Conseil de l'Europe, des amendements aux articles 225 et 300 du code pénal arménien, afin de remédier à des lacunes juridiques et de les aligner sur les normes du Conseil, amendements qui ont été ratifiés par le président de la République le 20 mars. Je le remercie pour son action déterminante dans cette amnistie générale.

D'autres mesures restent encore à prendre. Il s'agit en particulier de l'enquête transparente, crédible et impartiale exigée par notre Assemblée, qui doit être menée à son terme, de la réforme des médias, de celles de la justice et de la police et enfin de la réforme électorale, notamment à la suite des élections municipales d'Erevan.

L'Arménie a donc franchi une étape décisive sur la voie de la normalisation politique et de la résolution de la crise. Mais ces succès ne marquent pas la fin du processus. Nous pensons donc que la commission de suivi doit soutenir et accompagner pleinement ce processus dans le cadre de la procédure de suivi régulière de notre Assemblée. »

Ces progrès ont également été salués par M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) :

«Je saluerai le travail remarquable qui nous a été, une fois encore, présenté par nos deux collègues Georges Colombier et John Prescott.

Chacun mesure la difficulté de leur tâche, et je veux ici leur rendre hommage pour leur effort de clarté, leur analyse objective de l'évolution de la situation en Arménie, et pour les termes retenus dans leur rapport. Celui-ci illustre, à nos yeux, une volonté commune d'apaisement au regard, d'une part, du partenariat fructueux entre l'Assemblée parlementaire, les autres instances du Conseil de l'Europe et la délégation arménienne ces derniers mois et, d'autre part, des efforts des autorités arméniennes, comme en témoigne l'actualité démocratique récente dans ce pays.

Parmi ceux qui ont contribué activement à cette évolution, je veux rendre un hommage tout particulier à notre collègue Armen Rustamyan. Je remercie notre président de groupe Andréas Gross de lui avoir demandé de s'exprimer, dans ce débat, comme porte-parole du groupe socialiste.

Chacun peut à présent mesurer combien les conclusions équilibrées, positives, retenues dans les précédents rapports que nous avons eu à examiner ici même, ont constitué des signes de confiance et de bienveillance de notre Assemblée à l'égard de l'Arménie, comme autant de nouveaux encouragements à poursuivre sur la voie de démocratique qu'elle s'est tracée.

Parmi les points positifs et les progrès dont nous pouvons aujourd'hui nous féliciter, je retiendrai, pour ma part, parce qu'ils illustrent mieux qu'un long discours le chemin parcouru au sein des institutions démocratiques d'Erevan, l'ouverture de l'enquête sur les événements des 1 er et 2 mars, les changements apportés aux dispositions du code pénal ainsi que la mise en oeuvre de plusieurs réformes recommandées par notre Assemblée, qui devraient permettre de remettre en liberté les personnes concernées.

Mes chers collègues, même si nous sommes conscients, ici, du chemin qui reste à accomplir par les autorités arméniennes pour achever le processus engagé, je veux conclure en me félicitant de l'amnistie générale votée par l'Assemblée nationale et, surtout, du climat qui prévaut à Erevan. Comme l'a montré le déroulement démocratique du récent scrutin municipal, la République d'Arménie et son Président, Aram Sarkissian, avancent aujourd'hui en confiance sur le chemin de la juste résolution de la crise et de sa pleine crédibilité comme membre du conseil de l'Europe ! »

Aux yeux de M. François Rochebloine (Loire - NC), le règlement de la question du Haut-Karabakh doit désormais faire figure de priorité :

« Comme de nombreux amis de l'Arménie, je suivais avec une certaine inquiétude les développements de la situation créée par les évènements du 1 er mars 2008. J'avais saisi les occasions que me donnent mes contacts permanents et amicaux avec les responsables politiques de ce pays pour leur dire l'importance et l'urgence qui s'attachaient à un règlement rapide de cette situation. Il doit être conforme à la fois au respect des droits de toutes les personnes en cause et à la dignité de l'État.

Le rapport documenté et précis de nos collègues Georges Colombier et John Prescott fait un point très utile sur les derniers développements de l'actualité politique en Arménie. Je remercie nos collègues pour leur persévérance, et aussi pour la clarté de leurs conclusions.

Globalement, le rapport confirme que l'amnistie votée le 19 juin dernier par le Parlement arménien permettra d'effacer les conséquences juridiques et politiques les plus fâcheuses de ce qui s'est produit l'an dernier. Je m'en remets à nos collègues pour la description précise des mécanismes juridiques qui conduiront à ce résultat. L'important est la conclusion politique et pratique du processus. Tel qu'il est décrit dans le rapport, celui-ci correspond tout à fait aux voeux que j'avais exprimés lors des entretiens que je mentionnais tout à l'heure.

Il reste à souhaiter, comme le font nos collègues Colombier et Prescott, que la réalisation concrète de l'amnistie corresponde au cadre juridique qui lui a été tracé par le vote du Parlement. Je fais confiance aux autorités arméniennes qui, je le sais, ont pris conscience de la nécessité politique de l'amnistie, pour qu'il en soit ainsi.

Face à certaines mises en cause, il me semble nécessaire de faire une mise au point : je soutiens les efforts du groupe de Minsk pour la solution du conflit du Haut-Karabakh, parce que je connais la détermination des membres de ce groupe à trouver une solution durable et réaliste. Pour être durable, cette solution doit s'appuyer sur deux principes d'égale valeur et dont il s'agit de faire, conformément au droit international, une application équilibrée, à savoir le principe de l'intégrité territoriale et le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Pour être réaliste, elle ne peut pas méconnaître, y compris au stade des négociations, la réalité politique, culturelle, sociale et économique que représente aujourd'hui la République du Haut-Karabakh.

Mais je ne voudrais pas cacher la préoccupation qu'a fait naître la lecture de certaines observations du rapport, qui montrent clairement que la majorité et l'opposition portent parfois la responsabilité partagée de l'échec de certaines tentatives de règlement du différend né des événements du 1 er mars 2008. Je pense en particulier à la disparition du groupe d'enquête d'experts indépendants constitué à l'initiative du défenseur arménien des droits de l'Homme dont, au passage, je salue l'action.

Ami de l'Arménie et de tous les Arméniens, je ne saurais me lancer dans une recherche en responsabilité vouée à l'échec. Mais je voudrais redire que l'intérêt de tous les Arméniens est de consolider la démocratie, ses institutions et ses principes dans leur pays. Une nation démocratique est une nation plus forte à l'intérieur comme à l'extérieur. Les dissensions déplorables auxquelles nous avons assisté ne sont pas favorables à l'image et à la cohésion de la société arménienne ; nos rapporteurs ont eu raison de le relever, avec la modération qui convenait. Pour ma part, je me réjouirai toujours de toutes les initiatives, d'où qu'elles viennent, qui conduiront à la consolidation du vivre ensemble en Arménie. »

Répondant aux interventions des parlementaires, M. Colombier a souhaité que l'Arménie poursuive son travail en faveur d'une plus grande démocratisation, rappelant ainsi les conclusions de son rapport :

«Je remercie d'abord l'ensemble des collègues qui nous ont apporté leur soutien. Mais en cela c'est avant tout l'Arménie qu'ils ont soutenue.

Certains collègues ont parlé de « progrès réalisés», tandis que d'autres ont vu que « des résultats ont été obtenus ».

Je dirai également, à l'intention de M. Rustamyan, que je partage beaucoup de ses propos concernant l'interruption du groupe d'experts, la politisation des partis, et aussi le renforcement de l'opposition.

Nous avons eu l'occasion avec John Prescott d'en discuter la semaine dernière. Nous pouvons nous réjouir très positivement du renforcement de l'opposition arménienne. Cela va dans le sens d'un renforcement de la démocratie en Arménie.

Nous devons améliorer le code électoral et la réforme de la police. Il nous faut par ailleurs mener jusqu'à son terme l'élucidation du décès de dix personnes. Nous avons rencontré les parents des victimes. J'insiste fortement auprès des autorités arméniennes pour que les choses aillent de l'avant.

M. René Rouquet a parlé d'apaisement. Il a eu raison.

Mme Postanjyan n'a parlé que de déception, de mécontentement, de confusion. Elle n'a décelé aucun progrès, rien de positif. Je répondrai que la vérité n'est pas toute du même côté et je trouve son propos quelque peu excessif.

Davit Harutyunyan a manifesté sa confiance. Il a raison et nous lui faisons confiance pour que, en sa qualité de président de la délégation arménienne, avec ses collègues, il poursuive dans le bon sens.

M. François Rochebloine a été très positif, ce qui n'est pas étonnant tant il est vrai qu'il connaît très bien l'Arménie et surtout qu'il l'aime. Nous partageons avec lui l'idée que la disparition du groupe d'experts est une responsabilité partagée.

Il nous faut poursuivre avec objectivité et sérieux. Avec John Prescott et avec nos amis arméniens, nous irons ainsi dans le sens de la démocratie, ce que nous recherchons ensemble. »

Invité à intervenir à l'issue du débat, M. Hovik Abrahamyan, Président du Parlement arménien, a souhaité saluer les travaux de l'Assemblée parlementaire depuis plus d'un an qui ont servi, selon lui, d'aiguillon aux autorités arméniennes en matière de réforme.

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