B. M. MICHEL PÉBEREAU, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE BNP PARIBAS

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'audition de M. Michel Pébereau intervient dans le cadre du suivi du plan de soutien aux banques, qui s'est traduit, dans la loi du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie, par l'adoption d'une garantie globale de l'Etat à hauteur de 360 milliards d'euros.

Présentant les causes de la crise financière actuelle, qu'il a qualifiée d'un genre nouveau, M. Michel Pébereau a tout d'abord insisté sur la responsabilité dans l'ébranlement du système financier international de trois de ses principaux acteurs :

- en premier lieu, les autorités politiques américaines, qui sont en cause dans l'excès de liquidités sur les marchés financiers. Cet excès de liquidités est la conséquence du déficit structurel de la balance des paiements courants des Etats-Unis, dû à l'insuffisance de l'épargne américaine. Il s'est traduit par l'apparition d'une « bulle immobilière » ;

- l'industrie financière, ensuite, dont le manque de professionnalisme et les errements éthiques, de degré variable, ont conduit à une crise de solvabilité et de liquidité et ont affecté la confiance dans les marchés financiers ;

- les régulateurs, enfin, particulièrement les régulateurs américains, qui n'ont pas pleinement assuré leur mission de prévention. La confiance dans les agences de notation a notamment été excessive.

M. Michel Pébereau a indiqué que la crise financière actuelle est également la conséquence d'une conception trop extensive de la notion de marché, dont le danger s'est matérialisé en comptabilité dans le concept de la « juste valeur », qui privilégie une valorisation à court terme des établissements. La crise financière a notamment révélé les limites du principe du « mark-to-market », selon lequel la valeur de marché d'un produit peut être évaluée en permanence.

M. Michel Pébereau a ensuite rappelé les trois grandes étapes de la crise financière actuelle :

- la crise dite des « subprimes » au mois d'août 2007, qui a provoqué la fermeture de l'ensemble des marchés de produits structurés, suite au constat selon lequel la notation d'un produit n'en garantit pas la valeur ;

- la crise de liquidité et du crédit, ensuite, dite « crise du marché interbancaire », qui est apparue entre l'été 2007 et l'automne 2008 : les investisseurs, qui s'étaient retirés des marchés structurés, se sont également progressivement retirés des marchés interbancaires, menaçant leur équilibre ;

- enfin, la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers en l'absence d'intervention des autorités américaines : les investisseurs se sont retirés de tous les marchés de taux au profit des marchés obligataires, selon le principe du « fly to quality », les investisseurs ayant davantage confiance dans les signatures des Etats.

M. Michel Pébereau a indiqué qu'un « risque systémique », c'est-à-dire de propagation de la crise à l'ensemble du système financier mondial, était concevable, mais qu'il a pu être évité grâce à l'intervention des Etats qui se sont substitués aux marchés défaillants. Les banques centrales ont joué un rôle important en assurant la liquidité des marchés et en coordonnant leurs interventions. Les Etats, notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, sont, quant à eux, intervenus, pour éviter la faillite de certains de leurs établissements bancaires.

M. Michel Pébereau a insisté sur la spécificité de la situation française, dont les banques ont été moins affectées par la crise financière, celles-ci conservant des comptes d'exploitation bénéficiaires. L'intervention du Gouvernement a donc consisté avant tout à éviter le « credit crunch », à savoir l'impact, sur la sphère économique, des difficultés rencontrées dans le système bancaire. Le plan de relance français a reposé sur deux modalités : d'une part, le renforcement des fonds propres des établissements bancaires, et, d'autre part, leur refinancement en liquidités, en contrepartie notamment d'une augmentation de leurs encours à l'économie réelle.

Rappelant que la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) est sur le point de lancer une seconde tranche de souscription à des actions de préférence ou à des titres super subordonnés (TSS) à hauteur de 10,5 milliards d'euros, assortie d'une option de conversion des TSS précédemment souscrits, M. Jean Arthuis, président , a souhaité savoir si BNP Paribas entend émettre des actions de préférence ou demander la conversion de certains de ses TSS précédemment émis.

M. Michel Pébereau a jugé techniquement rationnel ce dispositif, dans la mesure où il doit permettre un renforcement des fonds propres des établissements bancaires et favoriser le crédit. Bien qu'elles soient plus coûteuses que les TSS proposés dans un premier temps, BNP Paribas devrait, après accord de ses actionnaires, émettre des actions de préférence, voire convertir une partie des TSS émis dans le cadre de la première tranche. Ce type de titres bénéficie en effet d'une meilleure appréciation par les marchés financiers.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Michel Pébereau a indiqué que la pratique du rachat d'actions, qui a pu avoir lieu au moment de la fusion entre la Banque nationale de Paris et Paribas et qui consiste pour une entreprise à annuler, en les rachetant, ses propres actions, pour éviter une dilution de son capital, a cessé.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité savoir quelle appréciation BNP Paribas porte sur les fonds d'investissement d'acquisition par effet de levier ( leveraged buy-out ou LBO), ces opérations ayant été mises en cause dans l'endettement de certaines petites et moyennes entreprises (PME).

M. Michel Pébereau a indiqué que trois éléments doivent être pris en compte dans l'appréciation des opérations de LBO, les difficultés engendrées par certaines de ces opérations ne pouvant être généralisées :

- premièrement, les effets de leviers résultant des opérations de LBO peuvent être très différents selon les entreprises et les banques qui les financent ;

- deuxièmement, il est toujours loisible aux propriétaires de l'entreprise et aux investisseurs financiers de renégocier les conditions de ces opérations ;

- troisièmement, la qualité de gestion et le segment de marché sur lequel une entreprise se situe jouent un rôle important dans la réalisation de ces opérations.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître l'appréciation de BNP Paribas sur les dispositifs français de refinancement et de recapitalisation des banques, au travers de deux sociétés ad hoc, la Société de financement de l'économie française (SFEF) et la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE). Il a souhaité savoir si ces mesures ont permis une relance du crédit.

M. Michel Pébereau a insisté sur la nécessité d'une intervention de l'Etat et, particulièrement, sur le rôle complémentaire de la SFEF et de la Banque centrale européenne (BCE). Il a indiqué que l'insuffisance actuelle du crédit tient à une insuffisance de la demande et non de l'offre. Cette baisse de la demande de crédit s'explique par la crise de confiance qui affecte les entreprises et les ménages, ces derniers ayant renoncé à la réalisation de certains de leurs investissements.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur les réformes pouvant être engagées en vue d'une amélioration des règles de régulation des marchés financiers. Il a ensuite insisté sur la contradiction pouvant exister entre, d'une part, la mauvaise image du secteur bancaire dans l'opinion publique et, d'autre part, le constat selon lequel la crise actuelle du crédit résulte d'un manque de demande et non d'offre de crédit. Il a enfin souhaité connaître l'avis de M. Michel Pébereau , auteur d'un rapport relatif à la dette publique en 2005, sur la dégradation actuelle du déficit public et de la dette publique.

M. Joël Bourdin s'est interrogé, d'une part, sur l'évolution envisageable des tâches de la Banque centrale européenne (BCE) afin que celle-ci fasse du soutien à la croissance une de ses missions principales à côté de la maîtrise de l'inflation et, d'autre part, sur le rôle joué par les hedge-funds dans la crise financière actuelle. Il a enfin souhaité savoir si le secteur de l'assurance-vie doit faire l'objet d'une surveillance particulière.

M. Serge Dassault s'est interrogé sur les causes de l'insuffisance du crédit immobilier et automobile, sur l'efficacité du plan de relance proposé par le Gouvernement, ainsi que sur les conséquences de ces mesures sur le déficit public.

M. Philippe Adnot a souhaité obtenir des précisions sur l'opération de rachat du groupe Fortis par BNP Paribas, ainsi que sur l'évolution des règles comptables à envisager pour l'avenir.

M. Eric Doligé a demandé si la confiance entre les établissements financiers est aujourd'hui retrouvée ou si, au contraire, des inquiétudes subsistent.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers aurait pu être évitée, si la souscription de la SPPE à des actions de préférence représente, pour les établissements bancaires, un coût plus élevé que la souscription aux TSS et si un risque inflationniste n'est pas à craindre en raison des écarts de taux importants existant entre les Etats.

Faisant référence aux déclarations de M. Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le mardi 3 février 2009, Mme Nicole Bricq a souhaité savoir dans quelle mesure il y a une contradiction entre, d'une part, demander aux banques d'accorder davantage de crédit et, d'autre part, exiger d'elles qu'elles augmentent leur ratio de fonds propres. Elle s'est interrogée sur la capacité des établissements bancaires à remplir leur engagement d'augmenter les encours de crédits de 3 % à 4 %, cet engagement étant la contrepartie de l'apport en fonds propres accordé aux établissements bancaires par la SPPE. Elle a enfin demandé comment BNP Paribas envisage l'éventuelle entrée de l'Etat au sein de son conseil d'administration, l'Etat pouvant détenir une partie importante du capital de la banque dans le cadre des émissions d'actions de préférence.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé si la création, à l'échelle internationale, d'une autorité de régulation des marchés financiers est envisageable.

M. Roland du Luart a insisté sur la nécessité d'une certaine prudence face à une crise financière de cette ampleur, les décisions prises dans l'urgence pouvant être un facteur aggravant de celle-ci.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité savoir comment les conclusions du groupe de travail relatif à la rémunération des professionnels du milieu bancaire, adoptées par la Fédération bancaire française (FBF), seront prises en compte par BNP Paribas. Il s'est enfin interrogé sur les mesures pouvant être prises pour assurer la transparence des opérations des établissements bancaires via les paradis fiscaux.

M. Michel Pébereau a indiqué qu'il convient, avant tout, d'appliquer les règles de régulation existantes, mais non pleinement mises en oeuvre aujourd'hui, plutôt que de modifier ces dernières ou d'en créer de nouvelles. Un niveau de régulation effectif à l'échelle européenne doit être mis en place, en coordination avec le système de régulation américain.

La mise en place d'une autorité de régulation internationale est aujourd'hui utopique. Néanmoins si une telle autorité devait voir le jour, il serait légitime qu'elle soit localisée en Europe et créée à partir de la Banque des règlements internationaux (BRI).

Evoquant les critiques dont les banques font actuellement l'objet en raison de l'aide qui leur est apportée en dépit de l'ampleur de leurs bénéfices, il a souligné que si les banques françaises sont aujourd'hui moins affectées par la crise financière, cela résulte de leur comportement prudentiel dans la période précédant la crise.

M. Michel Pébereau a estimé nécessaires les mesures prises par le Gouvernement pour relancer l'économie en dépit de leur impact sur les finances publiques. Il a néanmoins indiqué qu'il fallait tirer les conséquences de la situation actuelle, à savoir, d'une part, revenir aussitôt que possible dans une trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques et, d'autre part, poursuivre les efforts entrepris pour accroître l'efficacité de la dépense publique, objectif fixé à la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

S'agissant de la Banque centrale européenne (BCE), il a précisé que celle-ci a pleinement joué son rôle en assurant la liquidité du marché européen. Faire du soutien à la croissance et à l'emploi une des missions principales de la BCE semble inutile, dans la mesure où il s'agit déjà de l'un des objectifs de la BCE à côté de la maîtrise de l'inflation.

Répondant à M. Joël Bourdin , M. Michel Pébereau a indiqué que les hedge funds n'ont pas été à l'origine de la crise financière actuelle et qu'un contrôle du secteur de l'assurance-vie dépend du degré de sa régulation, le principal problème tenant à la liberté laissée aux épargnants dans le choix des produits constituant leur assurance-vie.

S'agissant du rachat du groupe Fortis, il a indiqué que la procédure est en cours.

Quant à la réforme des normes comptables, il a considéré que, d'une part, l'instauration de règles comptables mondiales est nécessaire et que, d'autre part, les Etats doivent se mettre d'accord sur les principes devant guider les comptables dans l'élaboration de ces normes. La définition de règles comptables constitue, en effet, un enjeu politique important.

M. Michel Pébereau a précisé qu'il n'y a plus d'inquiétudes entre les banques aujourd'hui grâce à l'intervention des Etats pour éviter la faillite de certains établissements. La perte de confiance sur le marché interbancaire n'a d'ailleurs jamais concerné les grandes banques internationales.

Il a indiqué que la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers aurait pu être évitée et a insisté sur l'importance de la réunion du Conseil européen au mois d'octobre 2008 dans l'enrayement de la crise. Il a indiqué qu'une reprise de l'inflation, à court terme, semble peu probable.

En réponse à Mme Nicole Bricq , M. Michel Pébereau a indiqué qu'une sortie de la crise actuelle n'est, en effet, pas envisageable si les analystes financiers exigent des normes de régulation plus strictes - notamment s'agissant du ratio de solvabilité des banques - que celles posées par les régulateurs de marché. Il a ensuite précisé que les banques feront tous les efforts nécessaires pour respecter leur engagement d'une augmentation du volume de crédit de 3 % à 4 %. Quant à l'entrée de l'Etat dans le conseil d'administration de BNP Paribas, il a jugé que la question ne se pose pas, dans la mesure où l'Etat n'a pas, à ce jour, souscrit des actions de BNP Paribas.

Il a rappelé que les refus de crédit aux entreprises ne sont pas plus importants qu'avant la crise et que, selon des données statistiques datées du mois de décembre 2008, le crédit en faveur des entreprises et des ménages progresse.

S'agissant de l'engagement de bonne gouvernance de la Fédération bancaire française (FBF), il a indiqué que l'évolution des dividendes accordés aux actionnaires de BNP Paribas devra désormais suivre la « profitabilité » de l'établissement. Les dividendes ne pourront plus être maintenus au niveau de ceux accordés auparavant. Une réunion des actionnaires de BNP Paribas est prévue afin de réfléchir à l'application de l'accord signé par la FBF.

Quant à la transparence des opérations des établissements bancaires, il a précisé que BNP Paribas applique la législation en vigueur dans chacun des pays où ses établissements sont implantés et respecte les codes de déontologie mondiaux.

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