TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITION POUR SUITE À DONNER DES REPRÉSENTANTS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ET DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

Présidence de Monsieur Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 28 octobre 2009

Ordre du jour

Audition des représentants de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur le programme « Copernic », transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF .

COMPTE RENDU INTEGRAL

M. Jean Arthuis, président . Monsieur le Président de la première chambre et Messieurs les magistrats de la Cour des comptes, Messieurs les directeurs, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous allons procéder à une nouvelle audition de suivi d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la LOLF. Celle-ci concerne le programme « Copernic » de la direction générale des finances publiques, structure issue de la fusion de l'ancienne direction générale des impôts et de l'ex-direction générale de la comptabilité publique. Je vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse.

Nous devons cette enquête à l'initiative de notre collègue Bernard Angels, rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». La demande d'enquête adressée à la Cour des comptes visait principalement à établir trois séries d'informations : d'une part, un état des retards pris par certains développements du programme Copernic, leur explication et le surcoût budgétaire induit ; d'autre part, la reconstitution de l'ensemble des coûts de réalisation de Copernic ; enfin, l'évaluation du retour sur investissement du programme, en particulier en termes de productivité et d'effectifs des services. Nous allons voir ce qu'il en est plus précisément.

A cette fin, nous recevons, pour la Cour des comptes, le Président de la première chambre, Monsieur Christian Babusiaux, le Président de section François Monier, ainsi que Messieurs Olivier Chatelain et Thierry Clappier. Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui ne pouvait être parmi nous aujourd'hui, est représenté par Monsieur Hervé Brabant, conseiller à son cabinet. La direction générale des finances publiques (DGFiP) est représentée par Monsieur Philippe Rambal, directeur, adjoint au directeur général, chargé du pilotage du réseau et des moyens, Monsieur Alain Lelouey, directeur du programme Copernic, et Monsieur Stéphane Lemoine, chef du bureau d'appui de ce programme. Il nous a également paru utile de solliciter la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), qui est représentée par Monsieur Bruno Latombe, sous-directeur, chargé des systèmes d'information et de télécommunication, et Madame Laurence Jaclard, chargée de mission pour les relations institutionnelles auprès du directeur général.

Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires de chacun se limitent aux observations principales. La parole sera successivement au rapporteur spécial, Bernard Angels ; aux magistrats de la Cour des comptes ensuite ; aux représentants de la direction générale des finances publiques après, pour leurs observations sur les analyses présentées par le rapporteur spécial et par la Cour des comptes ; enfin, aux représentants de la direction générale des douanes pour leurs propres observations éventuelles et, s'il le souhaite, à Monsieur Brabant. Chaque commissaire qui le souhaitera pourra alors poser ses questions.

Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons, à l'issue du débat, à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.

La parole, pour commencer, est donc à Bernard Angels.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial . Merci, Monsieur le Président.

Le programme Copernic a été lancé en 2001, avec l'objectif principal du « compte fiscal simplifié », qui devait permettre aux contribuables, particuliers ou professionnels, d'effectuer en un seul lieu, et même à distance, l'ensemble de leurs démarches courantes relatives à l'impôt. Les agents devaient bénéficier de cette centralisation des informations. En effet, jusqu'alors, le système d'information fiscal était cloisonné, par métier, entre la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

Les progrès attendus de la réforme tenaient notamment au renforcement du civisme fiscal des contribuables, du fait de l'amélioration du service offert, et à l'accroissement de l'efficacité administrative, grâce aux gains de productivité. De la sorte, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, Copernic a été davantage conçu comme une démarche de modernisation que comme un projet informatique.

L'ampleur du chantier a d'emblée conduit à fixer un délai de réalisation de neuf ans, de 2001 à 2009. Ce délai a été étendu à 2012, pour tenir compte de difficultés techniques et fonctionnelles ; il coïncide désormais avec la date prévue pour l'achèvement de la fusion des services de la DGI et de la DGCP dans la DGFiP, dont l'existence est effective depuis avril 2008.

Cependant c'est un premier point intéressant mis en relief par l'enquête de la Cour des comptes , aucun calendrier précis n'a été arrêté a priori pour le programme. Le calendrier a été élaboré au fil de l'eau. En outre, depuis 2005, il n'y a plus de document officiel de programmation : les relevés de décisions du comité stratégique de Copernic en tiennent lieu, chaque mois. Je m'interroge sur la précarité de ce plan d'action et sur la possibilité pour l'administration, dans ces conditions, d'évaluer de façon crédible l'état d'avancement du programme.

En pratique, le déploiement de Copernic a été conduit en trois phases : tout d'abord, la mise en place des nouveaux services aux usagers et aux agents, menée à bien, quasi-complètement, dès avant 2006 ; en second lieu, l'introduction de référentiels nationaux, pour lesquels seuls quelques travaux restent aujourd'hui à réaliser ; enfin la refonte des applications de gestion, notamment l'application de recouvrement. A cet égard, les difficultés rencontrées par la mise en oeuvre ont été la source de retards et elles ont contraint à réduire les ambitions.

Ainsi, en 2006, une tentative de restreindre le périmètre de l'application au seul recouvrement des impôts sur rôle par opposition aux impôts auto-liquidés a été menée ; mais ce projet n'a pas abouti. En 2009, une nouvelle définition du périmètre de l'application de recouvrement a été engagée : il s'agirait de s'en tenir au recouvrement contentieux de l'ensemble des impôts.

La Cour des comptes observe qu'à l'issue de l'été 2009, cette nouvelle définition restait encore incertaine. Il serait donc opportun que la DGFiP nous indique quels principes ont été arrêtés, pour quels délais de réalisation.

Il convient de souligner que l'acquis de Copernic est déjà important. Au total, la modernisation et le développement de près de soixante-dix applications informatiques ont été réalisés. La dématérialisation des données et des échanges de l'administration fiscale constitue une réalité, avec la télédéclaration et le télépaiement. En 2009, plus de 9 millions de foyers fiscaux ont recouru à une déclaration de revenus en ligne. L'amélioration de la qualité du service est indéniable, le compte fiscal simplifié consolidant toutes les données relatives à un contribuable. La sécurité et l'exploitabilité de l'information s'en trouvent accrues.

Néanmoins, le rapport de la Cour des comptes fait émerger plusieurs chantiers encore ouverts pour l'achèvement ou l'optimisation de Copernic. J'en distinguerai quatre.

Il s'agit d'abord des outils de la DGFiP. Certaines des applications livrées avant la fusion de la DGI et de la DGCP gardent la trace de l'existence de deux directions distinctes, notamment l'annuaire des agents et la gestion des habilitations.

Il s'agit ensuite de l'application de recouvrement, que j'évoquais. Si le périmètre de cette application vient bien d'être limité au recouvrement contentieux, cela implique que le recouvrement normal reste géré, pour une période indéterminée, dans les anciennes applications. Or ces applications, d'après la Cour des comptes, sont aujourd'hui d'autant plus vieillissantes que Copernic, d'abord prévu pour les remplacer, a gelé leur maintenance. En l'état, elles limitent la performance du système d'information.

Troisième sujet : les douanes. Dans la mesure où Copernic constitue un programme interne à la DGFiP, les contributions collectées par les douanes se trouvent gérées dans des applications spécifiques. Une gestion consolidée reste donc à concevoir, aujourd'hui, entre les deux directions générales en charge de l'impôt, pour aboutir à un compte fiscal réellement unique pour les contribuables.

Enfin, je note que l'optimisation de la dématérialisation des données et des échanges de l'administration fiscale se heurte à l'absence de force probante des documents numérisés, faute de statut légal approprié.

Sur l'ensemble de ces aspects, il serait utile de recueillir l'état des projets et des réflexions des services ici représentés. Une question subsidiaire tient au devenir de l'organisation du pilotage de Copernic ; la Cour des comptes aborde ce point dans son rapport.

J'en viens au coût du programme. A cet égard, la Cour n'a pas décelé de dérive, mais elle constate un problème d'ordre comptable. En effet, dès son lancement en 2001, Copernic a été doté d'un budget de 911 millions d'euros, pour neuf ans. Cette enveloppe est restée, jusqu'à aujourd'hui, une référence constante. Elle devait couvrir les développements informatiques, c'est-à-dire l'investissement dans les matériels et l'assistance à la maîtrise d'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre.

La LOLF, en 2006, a conduit à créer une action spécifique pour Copernic au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Cette action prend en compte les dépenses de personnel, mais la communication ministérielle et le suivi administratif des coûts du programme ne retiennent que ce qui relève des marchés passés pour ce programme, à l'exclusion des dépenses de personnel. La Cour des comptes fait observer que cette situation, au regard des exigences de la LOLF, constitue une anomalie.

En outre, l'absence de comptabilité analytique conduit à sous-estimer la valeur des outils informatiques en cause. Ainsi, fin 2008, Copernic était inscrit à l'actif de l'Etat pour 279 millions d'euros, alors la Cour des comptes estime sa valeur réelle à 1,26 milliard d'euros pour la fin 2009. Il y a là un enjeu de sincérité et de lisibilité de l'information comptable qui appelle une correction.

Cela posé, les investigations de la Cour des comptes ont permis de reconstituer la réalité des coûts du programme. Ainsi, sur la période 2001-2009, les dépenses de développement et de fonctionnement de Copernic sont évaluées à 1,8 milliard d'euros, dont 1,26 milliard d'euros pour les dépenses de développement, y compris 352 millions d'euros de dépenses de personnel. La prorogation du délai de réalisation de Copernic à 2012 n'affecte pas le coût des investissements, qui correspond à l'allocation initiale de 911 millions d'euros. En revanche, elle entraînera un surcoût en dépenses de personnel à hauteur de 41 millions d'euros et, pour la formation initiale, de l'ordre de 33 millions d'euros.

Je souhaite savoir si l'administration rejoint les conclusions de la Cour des comptes sur ce point. Je souhaite surtout connaître l'évaluation des dépenses complémentaires identifiées dans le rapport de la Cour : les dépenses qui seront nécessaires au développement d'applications qui, sans être imputables sur Copernic, semblent indispensables pour la poursuite de la modernisation engagée. Je pense notamment à l'application pour le recouvrement non contentieux et à l'annuaire unifié de la DGFiP, que j'évoquais tout à l'heure.

Je terminerai avec le sujet des bénéfices tirés de Copernic. En ce domaine, le rapport de la Cour des comptes fait apparaître le caractère approximatif de l'évaluation.

En premier lieu, la performance du programme est mal mesurée dans le cadre de la LOLF, les indicateurs en place ne permettant pas d'en apprécier pleinement l'impact.

En second lieu, les évaluations de retour sur investissement paraissent assez contestables, les hypothèses sur lesquelles elles reposent étant fragiles. Le moment au-delà duquel les avantages issus de Copernic seront supérieurs aux coûts de développement et de déploiement  le point mort devrait se situer en 2011. Mais le chiffrage de ces avantages reste sujet à caution.

Une étude commandée par l'administration évalue les recettes supplémentaires et la réduction de dépense qui seraient obtenues grâce à Copernic. De son côté, la DGFiP estime qu'une baisse d'effectifs de 2.100 agents en équivalents temps plein peut être attribuée au programme sur la période 2005-2009. Que valent réellement ces estimations ? Je m'interroge. La Cour des comptes et les services pourront sans doute nous éclairer davantage.

M. Jean Arthuis, président . Merci. La parole est à Monsieur le Président de la première chambre.

M. Christian Babusiaux, Président de la première chambre de la Cour des comptes . Merci, Monsieur le Président.

Vous nous aviez demandé un rapport sur Copernic. C'est un sujet apparemment technique mais, pour autant, loin d'être sans intérêt. Tout d'abord, Copernic est le plus gros programme informatique de toute l'administration française. C'est aussi un sujet qui concerne tous les contribuables. C'est un sujet qui n'est pas non plus sans intérêt pour les finances publiques, puisque les projets contenus dans le programme Copernic doivent permettre une exacte comptabilisation de l'ensemble des recettes fiscales de l'Etat. C'est donc un sujet dont il faut percevoir l'enjeu au-delà de la technique, et cela justifiait pleinement que votre commission demande à la Cour de faire le point.

Le rapporteur a parfaitement retracé les grands axes du document que nous vous avons transmis. Je pense que l'administration n'est pas en désaccord avec l'essentiel des constats que nous formulons ; c'est en soi positif. Ce rapport, que nous vous avons remis à la mi-septembre, montre que le programme Copernic est aujourd'hui à un moment charnière alors qu'il arrive, sans avoir réalisé tous ses objectifs, à l'échéance initialement fixée pour ses développements et au bout de l'enveloppe financière qui lui avait été allouée.

En effet, le programme Copernic décidé en 2001 se définissait par des objectifs la réalisation du compte fiscal simplifié du contribuable particulier ou professionnel et la refonte des systèmes d'information des administrations fiscales , un calendrier qui étalait ses développements sur neuf ans, soit jusqu'en 2009, et une enveloppe de moyens de 911 millions d'euros. C'est en fonction de ces trois composantes du projet initial que je souhaite résumer l'analyse de la Cour et j'évoquerai donc, successivement, le respect des objectifs, celui du calendrier et celui de l'enveloppe financière.

Pour ce qui concerne les objectifs, la démarche Copernic a bien fonctionné pour tout ce qui concerne le recueil, l'harmonisation et l'affichage de l'information mais moins bien pour les applications qui concernent la gestion des impôts et l'aide au contrôle.

La réalisation la plus connue de Copernic est la déclaration des revenus en ligne, qui est assez largement considérée comme un succès. C'est la partie la plus visible du programme, que ses responsables ont à juste titre choisi de réaliser en premier. Les applications visibles du contribuable et des agents les portails d'accès à l'information ont débouché sur une mise en service rapide. En 2009, 9,3 millions de déclarations des revenus ont été faites en ligne.

L'accès à l'information a été facilité pour les agents de la DGI et a accompagné la réorganisation de cette direction générale, notamment la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique pour le contribuable, qu'il s'agisse de questions d'assiette ou de recouvrement. Les deux évolutions, accès à l'information et réorganisation, ont contribué à l'amélioration des relations entre les administrations fiscales et les contribuables.

De manière moins visible, mais déterminante pour la qualité de l'action publique, les informations relatives aux contribuables ont été unifiées dans des bases de référence nationales, alors qu'elles étaient auparavant fractionnées entre les départements et entre les services, redondantes et parfois incohérentes.

Toutefois, le programme n'a pas atteint la totalité de ses objectifs. Il s'est concentré sur les outils de recueil, d'harmonisation et de diffusion de l'information, de dialogue entre les contribuables et les agents et entre les agents eux-mêmes. En revanche, il a laissé de côté une partie des applications qui sont utilisées par les agents dans l'exécution même de leurs tâches.

La plus importante des applications que l'administration n'a pas réussi à développer est celle qui devait gérer le recouvrement des créances fiscales, dite « RSP » pour « refonte des systèmes de paiement » qui devait se substituer aux applications hétérogènes et obsolètes de la DGI et de la DGCP et alimenter le système d'information financière de l'État et la comptabilité générale. Depuis 2005, le développement de cette application unique rencontre des obstacles. Selon nos constatations, ces difficultés sont la conséquence d'une option initiale, qui était de moderniser les outils, tout en restant neutre vis-à-vis des méthodes de travail et des règles de gestion de l'impôt. Or, les processus mis en oeuvre pour le recouvrement des différents impôts étaient trop dissemblables pour être pris en charge en s'affranchissant d'une réingénierie profonde des processus.

La création de la nouvelle direction générale des finances publiques et le début d'une uniformisation des méthodes de travail qu'elle entraîne permettent désormais de s'orienter vers une nouvelle définition de cette application de recouvrement. Toutefois, dans ses réflexions actuelles, la DGFiP limite cette future application au recouvrement contentieux par les pôles qui en seront les nouveaux acteurs. Le recouvrement normal ou spontané restera ainsi géré, pour une période indéterminée, avec les anciennes applications. Subsidiairement, ce choix implique que l'administration devra assurer la maintenance de ces anciennes applications et assurer leur articulation avec la comptabilité d'engagement, donc mettre en place des compléments applicatifs.

Ce volet de la modernisation des outils a en effet des conséquences au-delà des administrations fiscales, puisque les applications de recouvrement alimentent la comptabilité générale de l'État en information sur les dettes et créances fiscales et doivent appuyer la justification des comptes de produits régaliens dans le compte général de l'État. Ce point fait d'ailleurs l'objet d'une réserve de la Cour dans sa certification des comptes de l'État depuis la certification des comptes de l'exercice 2006.

Deuxième aspect : le calendrier. Le calendrier initial s'étendait sur une période de neuf ans, certes longue pour un programme informatique mais en rapport avec l'ampleur des travaux à conduire. Les premiers projets compris dans le programme ont débouché assez rapidement. La déclaration en ligne a été disponible dès 2004.

En revanche, comme je l'ai déjà mentionné, une partie des applications, au premier rang desquelles le recouvrement, subissent des retards importants. La définition de la future application de recouvrement est encore à l'étude. Elle ne serait pas mise en service avant 2012 pour le recouvrement contentieux. Aucun délai n'est encore fixé pour le reste de l'application de recouvrement.

En ce qui concerne le troisième élément du cadrage initial de Copernic, celui des coûts, l'enveloppe budgétaire initiale a été tenue, mais au prix, d'une part, de la révision à la baisse des ambitions initiales et, d'autre part, d'un mode de comptabilisation limité aux dépenses d'investissement.

Les 911 millions d'euros alloués aux investissements ont été la ligne d'horizon des développements. Mais ceux-ci ne comportant plus, désormais, la modernisation du recouvrement hors contentieux, cette application reste à bâtir. De même, les outils d'aide à la gestion de l'impôt et au contrôle restent à développer pour achever le cycle de modernisation engagé par Copernic. Tous ces travaux complémentaires devront être financés, pour un montant que le ministère n'est pas en mesure de chiffrer, au-delà de l'enveloppe initiale, déjà totalement affectée.

La communication sur les coûts du programme, cohérente avec le mode de fixation de l'enveloppe initiale, n'a par ailleurs pris en compte que les marchés avec les prestataires informatiques. Pourtant, depuis 2006 et l'entrée en vigueur de la LOLF, la présentation des dépenses aurait dû tenir compte des coûts internes à l'administration, soit près de 400 millions d'euros au terme de 2012.

En réalité, le coût de développement du programme Copernic à l'échéance 2012 serait proche de 1,3 milliard d'euros si l'on ajoutait aux marchés les coûts non récurrents supportés par les administrations. Il atteindrait même 1,5 milliard en tenant compte des formations indispensables qui accompagnent le déploiement des nouveaux outils.

La mise en évidence de ce coût conduit à se poser la question du retour sur investissement du programme. L'étude qui a été réalisée par un cabinet de consultants en 2005, puis actualisée en 2009, à la demande de la DGFiP, annonce un point mort en 2011. Elle prend en compte les recettes supplémentaires dégagées par les nouveaux outils et obtenues grâce à la meilleure efficacité des services et des gains de productivité. Sans nier les gains de productivité, nous observons qu'il est en pratique impossible d'affecter ces gains à la seule modernisation d'un système d'information dans un contexte où ils sont aussi le résultat de la réorganisation du fonctionnement des services.

Monsieur le Président, permettez-moi d'ajouter, en conclusion, deux commentaires.

D'une part, la dématérialisation permise par les échanges en ligne est source d'efficacité et de productivité, mais la France n'a pas encore adopté de dispositions législatives ou réglementaires permettant aux administrations de numériser les supports en leur donnant force probante. Aujourd'hui, l'administration fiscale doit archiver ces documents, déclarations ou justificatifs, même si elle les a numérisés. C'est une évolution légale qu'il faudrait engager pour aider la DGFiP dans la voie de la rationalisation et de la productivité.

D'autre part, tout en affichant l'objectif d'un compte fiscal unique, Copernic est limité à la DGFiP et ne tient pas compte des impôts collectés par les douanes. Or le compte fiscal ne sera véritablement unique pour les entreprises et pour l'ensemble des services en charge de l'impôt que lorsqu'il restituera la totalité des relations entre l'État et les contribuables, quelle que soit la direction chargée du recouvrement. Une nouvelle tranche de travaux sera donc nécessaire pour prolonger les intuitions à la base du programme Copernic.

M. Jean Arthuis, président . Merci.

Ainsi, s'agissant des objectifs de Copernic, l'information du contribuable est pleinement atteinte. Il faut féliciter les acteurs de ce programme d'avoir aussi bien réussi le compte individuel, d'avoir mené à ce niveau de qualité la relation entre le contribuable et son compte, ainsi que la possibilité de déclarations dématérialisées.

Restent des problèmes non négligeables, relatifs au recouvrement hors contentieux et, notamment, le rattachement avec la comptabilité générale de l'Etat. Le dispositif en place facilite-t-il les travaux de contrôle et contribue-t-il à la productivité ? J'aimerais d'autre part entendre la DGFiP à propos du calendrier 2011-2012 et sur l'évaluation des coûts. Les responsables du programme partagent-ils l'analyse de la Cour des comptes ? Par ailleurs, il serait intéressant que la direction générales des douanes nous dise pourquoi elle n'est pas incluse dans le périmètre de Copernic, s'il est opportun qu'elle y entre et comment.

Enfin, je note que le législateur est interpellé sur l'encadrement de la numérisation des supports physiques.

La parole est à la DGFiP.

M. Philippe Rambal, directeur, adjoint au directeur général des finances publiques, chargé du pilotage du réseau et des moyens . D'une façon générale, nous reprenons à notre compte les observations faites par la Cour des comptes ; elles ont beaucoup éclairé nos travaux et vont en éclairer la suite.

Nous rejoignons pleinement l'appréciation d'ensemble selon laquelle Copernic constitue une démarche de modernisation, au-delà du système informatique. Nous assumons donc la façon dont la Cour présente les coûts du programme. Sur le budget d'investissement de 911 millions d'euros, il reste aujourd'hui 50 millions à consommer.

Par ailleurs, il existe des coûts de transformation des DGI et DGCP en DGFiP, d'accompagnement des personnels, de formation, que la Cour a quantifiés et que nous confirmons. Il existe également des coûts d'adaptation des soixante-dix applications de Copernic qui ont commencé à fonctionner. Des coûts d'adaptation et de maintenance sont nécessaires. La Cour les a chiffrés ; nous partageons ce chiffrage.

Nous nous rejoignons tous sur le constat de l'amélioration de la qualité des services apportés aux usagers. J'insiste pour dire qu'au-delà de la facilité d'accès, c'est évidemment le civisme fiscal de façon générale que nous contribuons à développer. Il existe également un enjeu d'adaptation de la part des Français au monde du numérique et des nouvelles technologies. Copernic a été l'un des programmes les plus en pointe à ce sujet. Derrière cela, il y a un élément d'appropriation et de confiance des Français dans les nouvelles technologies et dans l'une des composantes les plus régaliennes de l'Etat.

Qu'est-ce qui fait qu'on améliore le fonctionnement de nos services internes ? Cela génère-t-il des gains de productivité ?

Le principe sur lequel repose Copernic tient à une base de données de quatre référentiels unifiés pour les personnes physiques, particuliers et professionnels. Les personnes physiques qui sont également des professionnels sont facilement traçables dans les deux bases. Nous disposons ainsi d'une base de données sécurisée avec des personnes identifiées à quasiment 100 %. Il existe un référentiel des occurrences fiscales, un référentiel des obligations fiscales et un référentiel de la cartographie de nos structures.

D'autre part, nous avons réussi à relier l'essentiel des applications, qui vont aller puiser dans ces bases de données : applications relatives au foncier, applications pour l'assiette des professionnels et applications liées à l'assiette des particuliers. Le recouvrement sera relié à ces applications actuelles à compter de l'année prochaine, sans attendre l'application RSP. Nous avons là quelque chose de très puissant et il a été décidé, plutôt que de refaire toutes les applications, de tout mettre en oeuvre pour les relier à ce référentiel unique. Cela va donner de la fluidité dans la transmission de l'information, par exemple en cas de changement d'adresse du contribuable. Si une entreprise change de département, le transfert se fera automatiquement. Ce sera visible dans les prochains mois pour le contribuable.

Du point de vue interne, cela représente des doublons en moins, des risques d'erreurs en moins et des capacités de contrôle en plus. Nous aurons désormais la capacité, pour les personnes physiques, de nous assurer qu'il n'existe pas de demandes de prime pour l'emploi dans différents départements. Nous pourrons aussi nous assurer plus directement qu'une entreprise ne s'est pas créée pendant trois mois dans une zone privilégie ; si elle se déplace et va dans une autre zone, nous aurons la possibilité de le savoir. Il existera toujours des moyens de contourner la loi, mais nous disposerons de l'outil nous permettant d'avoir une base de données nationale, avec une identification unique des contribuables.

Le troisième point sur lequel je veux insister concerne les décalages dans le temps. Le programme Copernic en a rencontrés, comme tout grand projet. A quoi sont-ils sont dus ?

Tout d'abord, le branchement des applications actuelles a permis de décompartimenter l'ensemble. Ce changement est salutaire parce que générateur d'économies in fine.

Par ailleurs, on s'est rendu compte que cette base de données très puissante pourrait intéresser le contrôle fiscal. Cette approche n'existait pas au départ. Sirius nous permet aujourd'hui d'effectuer des recherches multicritère. Cela valait la peine de prendre quelques mois de plus pour développer cette application.

Le troisième élément qui peut expliquer ces décalages réside dans le fait que l'on a pris un an de plus pour tester les branchements dans trois départements pour l'application d'assiette et dans une quinzaine pour les impôts des professionnels. Nous assumons ce fait et nous sommes est heureux d'être capable de le déployer de façon séquencée et sécurisée.

Il nous reste deux ans et 50 millions d'euros. Qu'avons-nous à faire durant ces deux années ? Je comprends que Monsieur le rapporteur s'interroge sur le fait de savoir si les choses sont claires. Oui, elles le sont !

Notre objectif premier est de mettre en oeuvre ces référentiels et leurs branchements et de rénover l'application de recouvrement. C'est notre priorité absolue pour les deux prochaines années. Il existe toute une série de comités stratégiques, d'éléments de gouvernance qui nous permettent de tracer tout ce que nous faisons et nous sommes à votre entière disposition pour vous donner toutes les précisions nécessaires.

Comment a-t-on abordé cette question ? Nous n'avions pas profité de la nouvelle application pour réaliser un ré-engineering des process ; nous le faisons cette fois-ci. C'est ce qui explique que nous ayons pris un peu de temps. Nous allons séquencer les choses.

Qu'est-ce que le recouvrement ? C'est d'abord de l'encaissement. Il se trouve qu'une application satellite développée par Copernic permet déjà de le faire à distance. Il existe donc une étude à ce sujet.

Le recouvrement, c'est aussi la gestion de la mensualisation. L'application satellite peut aussi nous y aider. Le champ est donc couvert.

Le recouvrement concerne enfin le contentieux. Nous créons donc une structure adaptée aux particuliers et aux entreprises ainsi que des cotes de contrôle fiscal externe. On a donc réorganisé notre réseau en créant, dans chaque département, un pôle de recouvrement spécialisé.

M. Jean Arthuis, président . A partir de quel moment constatez-vous la créance ou la dette de l'Etat ? La critique de la Cour des comptes porte sur le fait que vous fonctionnez en comptabilité de trésorerie.

M. Philippe Rambal . Nous rejoignons la critique de la Cour sur ce point également. Le recouvrement, c'est la comptabilisation des encaissements mais aussi des prises en charge. L'objectif prioritaire de l'application RSP consiste d'abord à tracer les prises en charge d'impôts et à avoir les procédures de recouvrement les plus unifiées possible entre particuliers et professionnels. Plutôt que plusieurs applications de recouvrement, nous n'en aurons qu'une. En fonction des impôts, on peut aller jusqu'à quatre relances du contribuable ; nous prévoyons de n'en avoir que deux. L'encaissement, quant à lui doit être conservé dans chaque poste de proximité.

M. Jean Arthuis, président . En profitez-vous pour régler le problème des huissiers de l'administration et des huissiers de justice ?

M. Philippe Rambal . On a essayé de cantonner les choses. Le produit des amendes relève plutôt des huissiers de justice et celui des impôts davantage des huissiers du trésor. C'est un sujet qui dépasse un peu la DGFiP car cela concerne une profession réglementée. Il faut que nous sachions travailler correctement avec eux.

M. Jean Arthuis, président . Pour que Copernic fonctionne, il faut que suive l'organisation administrative.

M. Philippe Rambal . Elle suivra, puisque nous n'aurons qu'un seul comptable chargé de l'ensemble des cotes de contrôle dans chaque département.

Les retardataires ou les redressés sont souvent les mêmes. On a donc tout intérêt à avoir ce pôle départemental. Nous avons orienté la nouvelle application pour faire en sorte que la prise en charge soit immédiatement repérée et injectée dans le système d'information Chorus. Nous prenons à notre compte l'obligation de tracer les prises en charge dans l'application de recouvrement.

Le second objectif est d'avoir une application qui couvre l'ensemble du contentieux avec des procédures unifiées. Nous sommes donc en train de réécrire le cahier des charges, mais nous utilisons évidemment une bonne partie de ce qu'on appelle la « conception applicative d'ensemble », déjà utilisée sur les deux types de process précédents, et nous affectons principalement les 50 millions d'euros qui restent à cet objectif et à la sécurisation des branchements aux bases de données.

Parmi nos projets, nous prévoyons de continuer à tirer toute la valeur ajoutée de la fusion DGCP/DGI pour mettre à disposition des collectivités locales des bases de données sur des informations liées aux mutations en matière de propriété immobilière.

M. Jean Arthuis, président . Combien de temps s'écoule-t-il entre le moment où les notaires signent les actes et celui où les collectivités sont créditées du montant des droits de mutation ?

M. Philippe Rambal . On pourrait imaginer que la réduction de ce délai constitue un des objectifs secondaires du programme.

M. Jean Arthuis, président . La Cour des comptes est-elle rassurée ?

M. Christian Babusiaux . Ce qui vient d'être dit n'est pas du tout en décalage par rapport à ce que nous avons écrit. Toutefois, il était prévu et l'administration ne le nie pas qu'un certain nombre de choses seraient réalisées fin 2009 : il faudra attendre 2012 !

M. Jean Arthuis, président . Les 50 millions d'euros résiduels suffiront-ils pour y faire face ?

M. Christian Babusiaux . C'est une autre question !

M. Alain Lelouey, directeur du programme Copernic . Les référentiels dont on parle constituent le socle de tout système d'information. Aujourd'hui, on doit traiter ces données et cela coûte beaucoup moins cher. C'était le pari que nous avions fait.

Notre démarche concernant les applications de gestion a été la même. En 2001, on pensait qu'il allait falloir réécrire les applications pour avoir le résultat recherché ; on avait sous-estimé la puissance des référentiels nationaux et le fait de pouvoir brancher les anciennes applications dessus.

C'est pourquoi je suis assez confiant dans le fait que les 50 millions d'euros restant vont permettre de réaliser ce qui a été présenté.

M. Philippe Rambal . Nous avions prévu moins que 50 millions d'euros pour l'application RSP précédente, alors que nous avions deux types de procédures séparées. On n'en aura plus qu'une. Nous sommes donc très confiants quant au fait les prévisions de coûts soient respectées.

S'agissant du retour sur investissement de Copernic, nous sommes totalement ouverts. Si vous souhaitez davantage d'informations et que l'on puisse vous les apporter, nous le ferons. C'était d'ailleurs une demande du ministre, qui s'est engagé à faire à nouveau le point sur le retour sur investissement du programme.

Nous assumons donc parfaitement les coûts et nous nous rejoignons au moins sur leur estimation.

Quels sont les gains ? Vous estimez qu'ils ne sont pas assez précisément dégagés. Je vous en donne acte, mais nous avons été très prudents et BearingPoint, le consultant qui nous a aidés, nous dit également qu'il a une approche prudente. Nous estimons que Copernic engendre des gains de productivité temps/homme qui sont fléchés. Il s'agit principalement des gains de productivité liés aux télédéclarations.

M. Jean Arthuis, président . Combien cela vous fait-il gagner ?

M. Philippe Rambal . 16.000 télédéclarations permettent d'économiser un agent à temps plein.

M. Jean Arthuis, président . Pour un agent qui coûte 32.000 euros par ans, cela représente deux euros par déclaration. Au fond, les 20 euros de déduction fiscale au titre de la déclaration de revenus en ligne représentaient une bonne affaire !

M. Philippe Rambal . Mais les contribuables sont restés dans le dispositif dématérialisé après leur première télédéclaration. D'une certaine façon, cela représente 20 euros sur 15 ans.

Cela rapporte-t-il à l'administration en termes de recouvrement ? Je vous donne acte du fait que nous ne sommes pas capables de le chiffrer scientifiquement mais, dans le cas de l'impôt sur le revenu, par exemple, qui a augmenté de 1,5 point sur dix, on a pris 10 %, soit 0,12 pour 1,5 % d'augmentation. On ne peut nous faire le reproche d'avoir été exagérément volontaristes. Bien entendu, nous sommes prêts à améliorer la scientificité de ces éléments.

Nous sommes certains de notre investissement. La question est de savoir si le point mort est en 2011 ou 2012. Après, ce ne sont que des gains pour l'Etat. En tout état de cause, les gains annuels sont supérieurs aux coûts de maintenance annuels. Il existe donc, structurellement, des gains liés à cette application.

M. Jean Arthuis, président . Combien y a-t-il de télédéclarations ?

M. Philippe Rambal . On en a dénombré 9,7 millions en 2009.

M. Alain Lelouey . On parle toujours de la fiscalité personnelle mais il y a aussi toute la partie relative au service rendu aux entreprises : 70 % des montants de TVA et d'impôt sur les sociétés sont perçus de manière dématérialisée ; 30 % des entreprises utilisent nos services.

M. Jean Arthuis, président . Comment cela se passerait-il si l'on revalorisait les bases d'imposition du foncier bâti qui sont dans Copernic, et combien de temps cela prendrait-il en supposant que l'on fasse une revalorisation générale ?

M. Alain Lelouey . Le contrôle fiscal tel qu'on le voit lorsqu'on le consulte est un compte de restitution de données issues de l'application qui gère le foncier, la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu, pour ne prendre que le cas des particuliers. Je ne puis faire de traitement sur ce système d'information. Ces données sont faites pour restituer de l'information.

M. Jean Arthuis, président . Le problème se situe donc en dehors de Copernic ?

M. Alain Lelouey . En effet. Aujourd'hui, je ne puis traiter telle quelle cette base de donnée nationale.

M. Jean Arthuis, président . Pouvez-vous fournir à des commissions communales, cantonales, communautaires ou départementales des bases qui permettent à des évaluateurs de travailler efficacement ?

M. Alain Lelouey . Oui. Pour pouvoir traiter ces informations, il faudrait que je décharge ces bases dans une base conçue pour du traitement.

Le problème de l'informatique est que l'on a parfois l'impression de pouvoir mobiliser les données en un seul endroit mais on ne sait pas toujours les traiter. C'est ce que l'on fait, par exemple, pour le contrôle de l'usager. Ce n'est pas parce que l'on dispose d'une seule base nationale que l'on peut tout faire avec elle.

M. Jean Arthuis, président . Monsieur Brabant, comment voyez-vous cette « révolution copernicienne » ?

M. Hervé Brabant, conseiller au cabinet du ministre du budget, de la fonction publique, des comptes publics et de la réforme de l'Etat . Il s'agit en effet d'une véritable révolution vis-à-vis de l'ensemble des redevables, qui peuvent avoir aujourd'hui accès à des informations groupées. C'est également une véritable révolution pour les services qui, il y a encore quelques années, étaient obligées de consulter un certain nombre d'applications, d'avoir accès à des microfiches. Il s'agissait d'un travail assez compliqué. Aujourd'hui, le système est opérationnel et génère de réels avantages.

M. Jean Arthuis, président . Vous paraît-il normal que les douanes soient restées en dehors de Copernic ?

M. Hervé Brabant . La possibilité reste ouverte d'intégrer les douanes aux applications issues du programme.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial . Est-il utile de conserver une double gouvernance informatique entre la DGFiP et le programme Copernic ?

M. Philippe Rambal . Il existe plusieurs approches de ce sujet. La première est juridique et consiste à savoir si on veut garder cette équipe comme un service à compétence nationale. C'est un problème qui est déconnecté des sujets de gouvernance. On peut très bien en faire une sous-direction. Cela lui donnerait moins de visibilité ; il s'agit là d'une question d'image.

Second type de question : où place-t-on cette structure ? Elle est positionnée auprès du métier, afin que la commande soit passée le mieux possible et pour que toutes les potentialités des référentiels soient utilisées. Il n'y a pas de débat sur ce point.

Quant au mode de décision, il a été banalisé depuis la fusion DGCP/DGI. On a voulu faire en sorte de réunir, dans un premier temps, le programme avec les métiers puis la gouvernance classique s'est installée dans un second temps, avec un comité informatique de dépenses nouvelles que je préside. Dès lors qu'on est au-dessus d'un million d'euros, on présente les éléments au directeur général. On fait donc en sorte que ces crédits aient le même suivi que les autres crédits informatiques. On l'a fait pour une application appelée « Patrim », qui va permettre de mettre plus rapidement à la disposition des collectivités locales les données relatives aux mutations.

Un point sur la comptabilisation. Jusqu'où comptabilise-t-on en immobilisation la totalité des 911 millions d'euros  ?

M. Jean Arthuis, président . Tout d'abord, à quel moment commencez-vous à amortir ?

M. Philippe Rambal . On a commencé pour les premières applications de 2006. Quoi qu'il en soit, nous suivrons les recommandations de la Cour. Si celle-ci estime que ces 911 millions d'euros constituent de l'immobilisation matérielle et immatérielle et que l'ensemble doit être immobilisé, nous sommes près à suivre. Nous y travaillerons tous ensemble. C'est un sujet comptable intéressant.

M. Jean Arthuis, président . On vous fait confiance pour régler cette question. La parole est à présent à Monsieur Latombe.

M. Bruno Latombe , sous directeur, chargé des systèmes d'information et de télécommunication de la DGDDI . Vous souhaitez savoir pourquoi les douanes n'ont pas souhaité se rapprocher du programme Copernic.

Ce programme visait avant tout les impôts directs ou auto-liquidés récurrents. La fiscalité que gère la douane est essentiellement liée aux mouvements de marchandises ou à la mise en consommation de certains produits. Cela n'a donc pas la même régularité dans le temps, puisque nous sommes là sur une fiscalité « événementielle », assise sur certains mouvements de marchandises des entreprises.

Le secteur professionnel concerné est totalement différent. Si on additionne toutes les entreprises concernées par le secteur du transport, de la logistique internationale, les entreprises chargeuses de fret ou celles qui opèrent dans le domaine des marchandises soumises au droit d'accise, on arrive à environ 100.000 redevables professionnels, ce qui constitue une toute petite proportion par rapport aux 3.900.000 professionnels que Copernic doit gérer pour la TVA. Cette différence de taille explique que nous ne sommes pas à la même échelle d'industrialisation fiscale.

Qui plus est, en matière de marchandises, la pratique de l'ensemble des douanes et donc, en particulier, de la douane française est très souvent d'utiliser un mécanisme spécifique qui est le mécanisme de garantie, de cautionnement, de crédit d'enlèvement. On ne libère la marchandise que parce que l'opérateur économique a un crédit que l'on vient imputer. Cela a pour avantage de sécuriser les recettes fiscales. La douane a développé un système informatique approprié pour gérer ces mécanismes de garantie sur les marchandises, qui n'a pas d'équivalent à la DGFiP.

J'insiste sur le fait que ce genre de mécanisme est aussi communautaire. Le régime de transit douanier est maintenant informatisé à l'échelle des vingt-sept Etats-membres de l'Union européenne. Ce mécanisme de garantie informatisé est mis en place à l'échelle internationale et à l'échelle des pays de l'Union depuis 2004. Un opérateur français qui va faire un mouvement de transit avec la garantie qu'il aura auprès de la douane française peut fort bien faire un mouvement qui va concerner le transit de marchandises entre la Pologne et l'Allemagne. On voit mal comment il pourrait y avoir fongibilité avec d'autres fiscalités.

La douane, entre 2003 et 2008, a également été confrontée, comme la DGFiP, à une nécessité de rénovation complète de son système d'information, en matière de dédouanement. C'est l'objet du programme « Delt@ » qui a été conçu, mis au point en coordination avec les opérateurs économiques puis expérimenté et déployé à leur plus grande satisfaction. C'est également le cas en matière de taxe intérieure de mise à la consommation sur les produits pétroliers (TIPP), du fait de la régionalisation, avec la téléprocédure « Isope », qui répond parfaitement aux besoins des télédéclarants.

Ces chantiers s'inscrivent dans des chantiers européens, le programme « e-customs » visant à aligner les systèmes informatiques douaniers des vingt-sept Etats membres d'ici 2013 pour faciliter et sécuriser toujours plus les opérations de commerce international des opérateurs économiques européens. La douane y consacre tous ses efforts, notamment au plan informatique.

Voilà les raisons pour lesquelles nous ne nous sommes pas rapprochés du programme Copernic jusqu'à présent.

M. Jean Arthuis, président . Mais les entreprises sont les mêmes. Elles peuvent être assujetties à différentes taxes qui relèvent des droits indirects mais également aux impôts viés par les applications de Copernic.

M. Bruno Latombe . En effet. C'est d'ailleurs pourquoi certaines coopérations sont en place, entre la DGFiP et la DGDDI, par exemple pour l'établissement d'audits ou encore les contrôles en matière de TVA sur les échanges de marchandises.

M. Jean Arthuis, président . Comment l'administration fiscale va-t-elle pouvoir appréhender les assiettes d'imposition ? Certaines règles permettent d'échapper à la TVA, comme par exemple lorsqu'on expédie depuis la Belgique vers la France pour moins de 100.000 euros de marchandises par an. Personne ne le contrôle. C'est un monde nouveau. Quelle maîtrise peut en avoir l'ensemble de la « maison fiscale » française ?

M. Bruno Latombe . La réglementation a changé en matière d'échanges intracommunautaires. A partir de 2010, les seuils seront abaissés en matière de déclarations d'échanges de biens. La DGDDI a prévu d'étendre la transmission informatisée des données correspondantes aux services de la DGFiP.

M. Christian Babusiaux . Je ne suis pas totalement convaincu par l'argumentation de la DGDDI. Il est incontestable que la douane a eu à faire d'autres réformes, par exemple celle sur les opérations commerciales, mais, aujourd'hui, la question du rapprochement des deux systèmes se pose néanmoins fondamentalement. La DGFiP nous a expliqué, non sans raison, que l'essentiel de l'investissement de Copernic résidait dans les référentiels de base et les identifiants communs. Il est paradoxal que les identifiants ne soient pas les mêmes dans le système de la DGDDI, alors que les contribuables sont les mêmes ! Comment fait-on si la TVA sur les carburants ou la taxe carbone sont collectées en même temps que la TIPP mais que la restitution se fait par d'autres réseaux ?

M. Jean Arthuis, président . Il paraît urgent d'intégrer les douanes dans le dispositif Copernic ! C'est peut-être trop engager le cabinet que de lui demander l'avis du ministre sur ce point ?

M. Hervé Brabant . On peut demander aux deux directions générales de travailler assez rapidement sur le sujet, de façon à produire quelque chose dans les prochaines semaines, en vue d'une application de recouvrement unifiée pour 2012. Certains sujets techniques sont complexes et on doit y travailler dès maintenant.

M. Jean Arthuis, président . Nous entendons sur les ondes des messages du ministère chargé du budget, destinés à donner mauvaise conscience aux fraudeurs et à déjouer toutes les tentations de fraudes. Il faut que l'administration se donne des moyens de lutte plus efficaces encore ! Dans cette perspective, il n'est pas indifférent que les services chargés de l'assiette et des autres impôts soient immédiatement informés des contraventions constatées par les douanes.

M. Bruno Latombe . Il existe déjà des accords de coopération en ce sens.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial . L'actualité va obliger les douanes à se rapprocher des applications de la DGFiP.

M. Jean Arthuis, président . Nos collègues Jean Pierre Fourcade et Charles Guéné souhaitent intervenir.

M. Jean-Pierre Fourcade . Je ne vois pas comment, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, la DGFiP va pouvoir intégrer la taxe locale sur la valeur ajoutée, qui va être répartie entre plusieurs niveaux de collectivité. Peut-on avoir des précisions sur ce point ?

M. Charles Guéné . La DGFiP a-t-elle été sollicitée pour travailler à la fois sur le foncier et la valeur ajoutée, et faire des répartitions macro ou micro-économiques ?

M. Jean Arthuis, président . La DGFiP est-elle équipée pour localiser la valeur ajoutée ?

M. Alain Lelouey . Copernic est capable de traiter différents process : télédéclarations pour la TVA, paiements... La répartition entre les collectivités ne pose pas plus de problèmes et se fait grâce à une calculette informatique.

La dernière question posée est plus difficile : serons-nous capables de localiser la valeur ajoutée ?

M. Jean Arthuis, président . Il faudra que le législateur vous dise comment la répartir.

M. Alain Lelouey . En effet. C'est vous qui fixez, en quelque sorte, le cahier des charges.

M. Jean Arthuis, président . Si l'on voulait mettre de la méthode dans l'art de légiférer, il ne serait pas inutile d'avoir à l'esprit la faisabilité de ce que nous écrivons sous forme d'amendements, car on crée quelquefois de la complexité dans des conditions aberrantes ! Nous avons nous aussi des marges de progression, mes chers collègues ! Par exemple, si l'on fusionnait les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux et les bénéfices agricoles, cela simplifierait bien des choses ; et ce ne serait pas injuste !

Quoi qu'il en soit cette audition, qui s'annonçait très technique, s'est révélé tout à fait intéressante. Les représentants de la DGDDI ont compris que nous sommes assez impatients de voir Copernic s'étendre à tout le champ de la douane et des droits indirects. Il y a sans doute urgence à ce qu'il en soit ainsi. Nous savons que le cabinet du ministre y est très attentif, ce qui nous rassure pleinement.

Mes chers collègues, êtes-vous d'accord pour publier cette enquête, ainsi que le débat qui vient d'avoir lieu, sous la forme d'un rapport d'information ? Je ne vois pas d'opposition : il en est donc ainsi décidé.

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