EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mardi 3 novembre 2009 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par les rapporteurs, Mme Annie David, MM. Jean-Claude Peyronnet et Hugues Portelli, le débat suivant s'est engagé :

M. Hubert Haenel :

Vous avez réalisé un travail collectif et substantiel sur un sujet majeur qui répond à de fortes attentes de la part de nos concitoyens.

Dès lors que le traité de Lisbonne va entrer en vigueur, le projet actuel pour le programme de Stockholm apparaît très en deçà de ce qu'il sera possible de faire. Le Sénat restera très vigilant sur la mise en oeuvre des prérogatives que le traité reconnaît aux parlements nationaux. Nous devrons également être très attentifs au contenu du plan d'action qui sera présenté au premier semestre 2010. J'indique que nous pourrons faire valoir nos réflexions lors de la réunion interparlementaire qui se tiendra à Bruxelles les 16 et 17 novembre.

M. Pierre Fauchon :

Je constate que la mise en oeuvre du programme de La Haye n'a pas produit beaucoup de résultats concrets. En outre, le projet de programme de Stockholm apparaît, en l'état, peu ambitieux. Il faut utiliser toutes les nouvelles dispositions issues du traité de Lisbonne.

Je déplore l'impuissance des instances européennes depuis des années sur ces questions de justice et d'affaires intérieures. On nous cite comme exemple de réussite le mandat d'arrêt européen. Or, j'observe que seule la moitié des États membres a bien voulu répondre au questionnaire qui avait été adressé aux États par la Commission européenne sur la mise en oeuvre de cet instrument. En réalité, les résultats apparaissent très inégaux selon les États membres.

Ces questions sont pourtant essentielles. Il s'agit bien souvent de répondre à des souffrances humaines réelles. Je citerai, par exemple, les préjudices causés par la cybercriminalité ou encore les enjeux majeurs pour les personnes dans le domaine de la coopération judiciaire civile. La création d'un Parquet européen est indispensable pour conduire des poursuites pénales. Or, on envisage de doter ce Parquet de compétences limitées aux infractions à la loi européenne.

Je relève aussi le manque d'allant sur l'adoption du projet de règlement « Rome III ». Dans ce domaine, il faudrait avoir un statut conjugal type qui serait conclu entre trois ou quatre États membres. Ces situations sont complexes mais il n'est pas acceptable qu'un seul État membre empêche les autres d'avancer.

M. Hubert Haenel :

Il faudra obtenir de la nouvelle Commission européenne qu'elle engage une coopération renforcée sur cette question. Je rappelle également que le Parquet européen pourra être créé par la voie d'une coopération renforcée entre certains États membres.

Mme Annie David :

Tout en ayant apprécié le travail accompli en tant que rapporteur, je souhaiterais néanmoins exprimer des positions plus personnelles qui sont aussi celles de mon groupe politique sur certaines questions. La « carte bleue européenne » me paraît une création indécente lorsque l'on constate la misère humaine partout dans le monde et le sort réservé aux immigrés clandestins en Méditerranée.

Au cours de nos travaux, nous avons été sensibilisés au risque, à travers ce Pacte européen, d'une immigration « à deux vitesses » qui, d'un côté, favoriserait l'accès des travailleurs hautement qualifiés et, de l'autre, refuserait l'entrée aux travailleurs semi ou peu qualifiés. En outre, il conviendrait de garantir aux travailleurs migrants un cadre juridique clair en matière d'égalité de traitement avec les ressortissants nationaux pour les conditions de travail.

En ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, une directive a été adoptée afin de prévoir des sanctions à l'encontre des employeurs des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier. Toutefois, au cours des auditions a été mis en exergue le risque que, avec cette directive, les travailleurs migrants vulnérables s'enfoncent encore plus dans la clandestinité. Il conviendrait donc parallèlement de créer des filières légales et des passerelles pour permettre à ces travailleurs de sortir de l'illégalité.

Pour la gestion des frontières, j'observe que l'on veut consolider un système qui coûte cher dans un contexte de déclin démographique qui justifierait au contraire de ne pas fermer les frontières. Il y a là une contradiction !

Je veux aussi souligner que l'harmonisation en matière d'asile devra se faire « par le haut » et ne pas aboutir à un durcissement des politiques menées dans ce domaine.

Je suis aussi hostile à la notion d'intégration qui me paraît signifier la disparition de l'identité des personnes au sein d'un bloc uniforme. Il me semblerait préférable de retenir l'idée d'insertion.

M. Hubert Haenel :

Qu'est-ce qui vous choque dans cette idée d'intégration ?

Mme Annie David :

Elle signifie la disparition des identités pour les fondre dans un « moule européen ».

Sur la collecte des données, je partage l'objectif de sécurité qui les motive, mais pas au détriment des libertés. Il faut donc être très vigilant sur la durée de conservation des données, les effets de l'intéropérabilité et le projet de permettre un accès des services répressifs à EURODAC. Je suis donc réservée sur les évolutions en cours dans ce domaine. Je relève d'ailleurs les craintes qui ont été exprimées par le contrôleur européen pour la protection des données sur l'utilisation qui est faite des données collectées. Dans un souci de préserver les droits à la vie privée et à la protection des données personnelles, garantis par la Charte des droits fondamentaux, il conviendrait de s'assurer que l'intéropérabilité des fichiers au niveau européen et leur utilisation soient soumises à un contrôle rigoureux par une autorité européenne indépendante.

Dans le domaine de la coopération judiciaire, je crois qu'il est positif de vouloir progresser dans le sens d'une harmonisation, mais pas au détriment des droits fondamentaux. Il faudrait avoir une clause « la mieux-disante » en matière judiciaire et pénale pour renforcer les droits et libertés.

M. Jean Bizet :

Vous n'êtes pas la seule à avoir des réserves sur cette « carte bleue européenne ». En outre, l'intégration, à mon sens, doit se faire dans le respect mutuel des identités et des spécificités de chacun.

M. Hugues Portelli :

Le document de la présidence suédoise est à la fois trop vaste et pas assez approfondi. Je crois que, pour le plan d'action, nous devrons veiller à sélectionner certains sujets, notamment ceux relatifs au droit pénal européen et à la coopération en matière civile qui concernent des questions concrètes pour la vie quotidienne des citoyens.

Il y a aussi des problèmes politiques majeurs. L'immigration est une question sérieuse. Je peux comprendre certaines réserves. L'Europe est une terre d'accueil. Cependant, il me semble que nous devons veiller à accueillir des personnes auxquelles nous pouvons offrir un logement et un travail.

M. Hubert Haenel :

Je partage votre point de vue sur la nécessité de sélectionner certains sujets qui figureront dans le plan d'action. Nous pourrions envisager de retenir les questions pénales et civiles ainsi que les coopérations renforcées entre États membres. Je souligne à nouveau que le traité de Lisbonne prévoit de nouveaux outils qu'il faut utiliser pleinement. En outre, les parlements nationaux devront veiller à mettre en oeuvre les nouvelles compétences qui leur sont reconnues, en particulier, pour le contrôle d'Europol et l'évaluation d'Eurojust.

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À l'issue du débat, la commission a autorisé la publication du rapport.

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