IV. LA RÉTENTION ADMINISTRATIVE DES FEMMES ÉTRANGÈRES

En dépit de la multiplication des enquêtes et des missions parlementaires sur les conditions de vie des ressortissants étrangers en situation de rétention administrative, les données spécifiques à la condition des femmes sont assez peu nombreuses. La délégation s'est donc efforcée de pallier cette lacune.

A. UN DIAGNOSTIC GÉNÉRAL MITIGÉ

1. Le constat établi en 2005 par l'inspection générale de l'administration

La mise en rétention est apparue au début des années 1980 comme moyen de garantir la reconduite effective hors de nos frontières des étrangers en situation irrégulière, frappés d'une mesure d'éloignement. « Son développement s'est fait de façon empirique, au coup par coup, sans plan d'ensemble, dans des locaux qui n'étaient pas toujours adaptés à cet u sage, et sans qu'aient été définies de façon rigoureuse les conditions à remplir ni les normes à respecter. Depuis quelques années, les choses évoluent et l'on assiste à la mise en place d'un véritable régime juridique de la rétention administrative » : tel était le constat synthétique effectué par le rapport de la mission d'audit de modernisation sur la garde des centres de rétention administrative présenté en décembre 2005 par M. Bernard Jullien, chargé de mission à l'Inspection générale de l'administration.

Ce rapport indique que le décret du 19 mars 2001 a fixé les normes minimales sur le plan des conditions de vie et d'hébergement, exigences renforcées par le décret du 30 mai 2005 et observe ainsi que s'agissant des locaux, la réflexion a progressé au début des années 2000 pour donner naissance à un véritable référentiel immobilier.

La mission d'audit de modernisation concluait en 2005 que ces réformes, pour importantes qu'elles aient été, n'ont pas fait disparaître les défauts du système, maintes fois décrits et analysés :

- l'éparpillement des compétences entre plusieurs ministères (intérieur, défense, justice, santé, affaires sociales) ;

- la complexité du droit applicable, avec la multiplication des instances juridictionnelles qui en résulte et s'accompagne de la nécessité de transférer les personnes retenues, parfois sur de longues distances ;

- la difficulté d'obtenir les laissez-passer des autorités consulaires, au terme de démarches lourdes et souvent vaines ;

- la multiplicité des financements, conséquence de ce qui précède, et qui constitue un frein à l'introduction de techniques modernes de gestion.

2. Le bilan dressé en 2009 par la Cour des comptes et le Parlement

a) L'enquête de la Cour des comptes

La Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances du Sénat, une enquête sur « la gestion des centres de rétention administrative » en juin 2009.

Lors de son audition par la délégation, M. Géraud Guibert, conseiller maître à la Cour des comptes, rapporteur de l'enquête a résumé les trois principaux enseignements qui ressortent de ses investigations :

- une amélioration incontestable de la conformité des centres de rétention administrative (CRA) aux normes, même s'il subsiste des difficultés dans certains centres et notamment un grave problème constaté à Mayotte ;

- une situation encore très insatisfaisante des lieux de rétention administrative (LRA), pour la plupart aménagés dans d'anciennes salles de garde à vue ;

- et depuis 2006, une augmentation du nombre d'interpellations et de retenues s'accompagnant d'une diminution du nombre des reconduites forcées, due au nombre important d'annulation des procédures par les tribunaux et surtout à la difficulté d'obtenir les laissez-passer consulaires.

b) Le rapport d'information de la commission des finances du Sénat

Le rapport d'information 29 ( * ) de M. Pierre Bernard-Reymond sur l'enquête de la Cour des comptes relative à la gestion des centres de rétention administrative détaille en quelques 140 pages les caractéristiques de la situation actuelle.

Le 1 er juillet 2009, lors de la présentation en commission des finances du résultat de ces travaux, plus particulièrement centrés sur l'efficacité des moyens financiers alloués aux actions de rétention, le rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration » a notamment souligné que la politique de l'immigration concernait neuf ministères, quinze directions et treize programmes et que vingt pour cent seulement des crédits de la politique d'immigration et d'asile figuraient dans la mission relevant du ministère de l'immigration

À cette occasion, votre rapporteure a interrogé M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur les conditions d'accueil des femmes dans les CRA. M. Éric Besson lui a alors répondu que, sur vingt et un CRA, seuls neuf accueillent des femmes et trois des familles et que le nombre de femmes et de familles retenues était faible , les taux d'occupation en 2008 s'élevant respectivement à 33 % et à 15 %. Le ministre a précisé que les mineurs n'étaient pas retenus mais qu'ils accompagnaient leurs parents. Il a estimé que d'après les indicateurs disponibles, les femmes étaient très bien traitées dans les CRA et que les constructions nouvelles sont adaptées à leur situation.

c) Les travaux de la commission des lois de l'Assemblée nationale

Selon une approche moins financière et plus juridique, le rapport d'information n° 1776 (treizième législature) présenté par M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente, conclut qu'au regard de la qualité de l'hébergement et des espaces communs, de la restauration, du suivi médical et social, la mission d'information peut affirmer que les conditions d'existence dans ces lieux sont correctes et ne méritent pas les critiques qu'ils reçoivent parfois. Bien évidemment, ce constat général doit être nuancé : la mission d'information a relevé que certains centres de rétention administrative et zones d'attente n'étaient pas dans un état satisfaisant (Paris-Dépôt, Mayotte, Orly) et devraient être fermés à terme.

Le rapporteur de la mission d'information de l'Assemblée nationale constate ainsi, dans l'ensemble, les très importantes améliorations de la situation matérielle dans les centres de rétention administrative et les zones d'attente ces dernières années, en précisant que les observations formulées par les organismes nationaux ou internationaux contrastent très nettement avec ce qu'ils pouvaient écrire il y a encore quelques années sur la France. Il ajoute que « cette situation ne signifie bien évidemment pas que la vie quotidienne soit facile et agréable dans ces lieux d'enfermement. Incontestablement, les tensions y sont nombreuses, le stress inévitable compte tenu de la perspective d'un retour non souhaité dans le pays d'origine. Quelle que soit la qualité des infrastructures et des équipements des CRA et des ZA, ces difficultés demeureront. »

* 29 Rapport n° 516 (2008-2009) fait au nom de la commission des finances.

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