IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

A. LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS : PROMOUVOIR LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE

L'Organisation internationale du travail évalue à 500 000 le nombre de victimes de la traite entrées annuellement sur le territoire européen, la Commission européenne indiquant même le chiffre de 120 000 individus touchés par ce phénomène pour la seule Europe occidentale. La crise économique et financière actuelle contribue à renforcer ce phénomène. En portant le débat au sein de l'hémicycle, la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes entend faire de cette lutte une priorité politique.

M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) a indiqué combien il était difficile de prendre la pleine mesure de ce phénomène, tant le nombre de plaintes demeure logiquement en deçà de la réalité du trafic :

« Je voudrais, dans un premier temps, souligner le travail remarquable effectué par notre rapporteure dont je partage entièrement les conclusions.

La traite des êtres humains est un problème majeur dans nos sociétés contemporaines. Si l'esclavage n'est plus, à juste titre, légal dans nos sociétés démocratiques, malheureusement subsistent des formes d'asservissement qui s'en approchent.

La pauvreté, l'absence d'éducation et la méconnaissance de leurs droits créent des victimes toutes désignées à l'abus de confiance. Traitées au sein de nos sociétés comme des esclaves modernes, elles sont vouées à un travail sans relâche, aux abus sexuels, à la prostitution forcée...

La Cour a jugé dans l'affaire Rantsev c/ Chypre et la Russie que les autorités russes et chypriotes sont responsables de ne pas avoir protégé une jeune artiste de cabaret d'un trafic d'êtres humains.

Le trafic des êtres humains est contraire à la Convention des droits de l'Homme dans la mesure où les États doivent accorder une protection pleine et entière à leurs ressortissants. Cependant, ce qui permettrait une réelle protection effective de ceux-ci, c'est de promouvoir la Convention du Conseil de l'Europe relative à la lutte contre la traite des êtres humains.

Outre le fait que la traite des êtres humains est une forme moderne d'esclavage qui peut mettre la vie d'autrui en danger, la traite des êtres humains, c'est considérer autrui non plus comme une personne mais comme une marchandise.

En tant qu'atteinte à la dignité et à l'intégrité de la personne humaine, la traite des êtres humains est un mal moderne qui doit être éradiqué prioritairement. Selon le gouvernement américain, comme le rappelle justement Madame la Rapporteure, ce sont 800 000 personnes qui seraient victimes de la traite des êtres humains chaque année en dehors des frontières nationales.

Il est, en effet, difficile d'établir des chiffres exacts du fait du peu de plaintes concernant l'esclavage moderne. Donner un socle juridique qui permettrait de directement attaquer le préjudice relatif à la traite des êtres humains serait un moyen efficace de protection des victimes. De même, une campagne d'information et de publicité relative à la traite des êtres humains faciliterait l'accès des victimes à une réelle protection.

Par ailleurs, la Convention du Conseil de l'Europe relative à la lutte contre la traite des êtres humains prévoit un mécanisme de suivi assuré par le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA). La plus-value de ce groupe de suivi ne doit pas être sous-estimée dans une lutte qui prend souvent les formes de la clandestinité et qui doit allier prévention, sanction et efficacité.

Nous devons aujourd'hui faire un geste fort en énonçant notre volonté de convaincre les États qui ne l'ont pas encore fait de signer et de ratifier cette convention. Nous avons longuement parlé de l'avenir du Conseil de l'Europe. Mais justement voilà où se situe l'avenir du Conseil de l'Europe : la défense affirmée des valeurs qui sont au coeur du Conseil de l'Europe.

La protection des droits fondamentaux doit être un combat de chaque instant. On aurait tort de penser que le combat est déjà gagné. Cette convention en est la preuve. Essentielle, elle n'est toujours pas votée et ratifiée par l'ensemble des États. Ce n'est que par un travail de coopération entre tous les pays que nous réussirons à rendre réel le rêve de nos Pères fondateurs : une Europe unie autour des valeurs de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux.

C'est parce que je crois à l'importance de ces valeurs qu'il faut promouvoir la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains. »

Le Conseil de l'Europe dispose d'un outil en la matière avec la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, entrée en vigueur le 1 er février 2008. Ce texte est d'autant plus important qu'il prévoit un certain nombre de dispositions en matière de protection des victimes et des témoins plus contraignantes que la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée. A l'heure actuelle, seule une vingtaine d'Etats membres, dont la France, ont ratifié cette convention du Conseil.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a, à cet égard, souligné les traductions concrètes de l'implication de la France dans ce combat :

« Le rapport de notre collègue Mme Wurm constitue un appel pressant à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005.

Il est inquiétant de constater qu'une convention visant à lutter contre ce fléau universel qu'est la traite des êtres humains, un esclavage des temps modernes, la négation des droits de l'Homme les plus élémentaires, n'ait toujours pas été signée ou ratifiée par des États membres de notre organisation, dont plusieurs sont également États membres de l'Union européenne. Selon moi, les représentants de ces États devraient s'expliquer devant le Comité des ministres et y prendre l'engagement de ratifier ce texte au plus vite.

La Convention est un texte à la fois complet et ambitieux, qui fait reposer le dispositif de lutte sur trois piliers : la prévention de la traite, la poursuite des trafiquants et la protection des victimes. C'est le premier instrument international juridiquement contraignant qui affirme que la traite constitue une violation des droits de la personne humaine.

C'est que le défi est immense ! Selon l'Organisation internationale du travail, douze millions de personnes dans le monde, dont 40 % d'enfants, seraient victimes de la traite des êtres humains. Chaque année, le nombre de victimes, essentiellement des femmes, ne cesse de croître en Europe, l'exploitation sexuelle en constituant la première cause, devant le travail ou les services forcés.

La lutte contre la traite des êtres humains est l'affaire de tous : de la justice et de la police bien sûr, mais aussi des services médicaux et sociaux et des associations. La responsabilité est collective ; elle est aussi celle de chaque citoyen.

Il s'agit d'un drame humain qui place les victimes dans une grande dépendance. C'est aussi une activité criminelle. C'est enfin, un phénomène transnational qui appelle, en réponse, une coopération européenne et internationale. M. Prescott n'a pas cité la France dans sa liste de pays car elle a ratifié la Convention en janvier 2008.

Au cours des dernières années, elle s'est fortement impliquée dans la lutte contre la traite des êtres humains et a mis en place différents dispositifs d'accueil et d'assistance : des numéros de téléphone dédiés aux victimes, des permanences juridiques, une prise en charge médico-sociale, l'accès à l'éducation et l'apprentissage de la langue.

De plus, afin de sécuriser la situation administrative des victimes, deux lois successives permettent de délivrer une autorisation provisoire de séjour et même une carte de séjour temporaire.

Enfin, elle s'est dotée d'un dispositif de répression des trafiquants très complet. Chaque année, les tribunaux français prononcent plus de mille condamnations.

Pour conclure, j'ajouterai que la France, en application de ses engagements internationaux, envisage de créer une mission interministérielle de coordination pour la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes, qui devrait avoir pour tâche principale de définir, coordonner et orienter la politique et l'action des ministères concernés. »

La résolution adoptée insiste sur la nécessité d'une coopération renforcée avec les autres organisations internationales dans ce domaine en limitant tout risque de duplication entre les différents mécanismes de suivi. Le texte invite le Comité des ministres à garantir les moyens octroyés au Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), qui assure la surveillance de la mise en oeuvre de la Convention au sein des Etats membres.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page