III. AUDITION DE M. GALLO GUEYE, CHEF DE L'UNITÉ C1 À LA DIRECTION DES COMPTES NATIONAUX ET EUROPÉENS D'EUROSTAT

M. Jean ARTHUIS , président de la commission des Finances . - Nous reprenons ces auditions, dont l'objet est de nous familiariser avec le mode de fonctionnement d'Eurostat. Nous avons vécu douloureusement la crise grecque et avons pris conscience des tolérances dans le fonctionnement des institutions européennes. Il y a manifestement eu là des lacunes graves, des manquements aux exigences de présentation de comptes publics sincères et nous souhaitons donc nous familiariser avec le fonctionnement d'Eurostat.

Je remercie beaucoup M. Gallo Gueye, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat. Il est accompagné de MM. Francis Malherbe et Christian Ravet, également membres de l'unité C1.

Peut-être pourriez-vous, Monsieur le directeur, nous donner votre analyse du cas grec, ce qui a posé problème et sur la façon de nous prémunir de telles situations ? Je rappelle que le 10 novembre 2009, le conseil Ecofin a invité la Commission européenne à élaborer un rapport sur les problèmes qui se posent, je cite, « à nouveau dans les statistiques budgétaires grecques ». Dans ce rapport, émis le 8 janvier 2010, la Commission européenne souligne notamment que « en 2004 et en 2009, des révisions substantielles ont eu lieu à la suite d'élections politiques » et il utilise le terme d'« ingérence ». « La récente proposition de règlement relative à la qualité des données transmises par les Etats membres dans le cadre de la procédure de déficit excessif » suggère quant à elle, dans ses considérants, que c'est « délibérément que des données erronées ont été transmises à la Commission ».

Voulez-vous, Monsieur Gueye, nous préciser ces points ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Bonjour, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, et merci de nous avoir invités à cette audition. C'est réellement un honneur pour nous de pouvoir venir devant vous expliquer le travail que nous faisons et répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Je vais expliquer en un mot comment Eurostat fonctionne en ce qui concerne la procédure sur les déficits excessifs. Cette procédure est prévue dans le traité de Maastricht et c'est l'un de ses protocoles. Le travail concret que nous faisons dans ce cas est régi par le règlement 479 du Conseil datant de 1979. Ce règlement prévoit que la Commission fournisse les données utilisées par cette procédure de déficits excessifs. En réalité, cela veut dire que la Commission utilise les données qui sont préparées par les Etats membres ; elle les regarde et, le cas échéant, peut poser des réserves ou y apporter des modifications.

En pratique, les Etats membres ont l'obligation de transmettre à Eurostat, avant le 1 er avril et avant le 1 er octobre de chaque année, leurs prévisions de déficit et de dette publique ainsi que les chiffres effectifs de ceux-ci. Les prévisions portent sur l'année en cours et Eurostat ne s'occupe pas de ces questions ; c'est la direction générale des affaires économiques qui suit ces dossiers, sachant que la Commission établit elle-même ses propres prévisions. Eurostat se concentre sur la deuxième partie, les données du déficit et de la dette effective pour l'année précédente et les trois années antérieures.

Lorsque nous recevons ces données, nous faisons un certain nombre de contrôles sur pièces, en étroite collaboration avec les Etats membres. Il y a un jeu de questions/réponses, et trois semaines après, nous publions un communiqué de presse où nous pouvons être amenés à poser des réserves sous la forme de notes de bas de page. Nous pouvons aussi, au cours de cette discussion, être amenés à revoir et à changer les chiffres des Etats membres.

Il y a ensuite un contrôle un peu plus approfondi puisque les Etats membres ont l'obligation, en vertu de ce règlement, de transmettre un inventaire de leurs sources statistiques, de leurs méthodes statistiques et des procédures d'établissement utilisées pour ces chiffres du déficit et de la dette publique. Nous analysons les chiffres et les méthodes décrites dans les inventaires et nous menons ce que nous appelons des « missions de dialogue » dans les divers Etats membres pour mieux comprendre ces données et ces procédures. Si au cours de ces missions de dialogue ou d'échanges avec les Etats membres, nous identifions des zones de risque ou des domaines qui font difficulté, nous menons alors ce que nous appelons des « visites méthodologiques ». Je précise que ces visites sont strictement confinées au domaine statistique. Cela veut dire que nous regardons les données transmises par les Etats membres à Eurostat mais que nous ne regardons pas les documents de comptabilité publique qui, évidemment, supportent la confection des données de comptabilité nationale.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Ce que vous venez de nous dire est important : vous n'avez accès qu'aux données statistiques, la comptabilité nationale. - avec toutes les approximations que cela suppose. - et vous n'avez pas accès aux comptes publics proprement dits ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a trois niveaux. Le niveau de la comptabilité nationale : ce sont les chiffres de la dette et du déficit public s'agissant de la procédure de déficit excessif (PDE) et ces données sont basées sur les données de comptabilité publique. Nous regardons donc le passage des données de comptabilité publique vers les données de comptabilité nationale, mais nous n'avons pas le pouvoir de vérifier les données de comptabilité publique qui se situent en amont.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Pour les dettes publiques, vous pourriez demander les opinions exprimées par les cours des comptes ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - C'est tout à fait exact. Si je prends le cas de la France, il y a évidemment la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Y a-t-il en Grèce une cour des comptes ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a une cour des comptes mais le contrôle, le maillage qui existe en France, avec les chambres régionales des comptes, n'est pas aussi important en Grèce. Nous aurions évidemment aimé avoir le même contrôle national sur les données, mais compte tenu des spécificités administratives, nous devons avoir des approches qui permettent de faire le contrôle et d'arriver à des données harmonisées en tenant compte de cet état de fait. En vertu du principe de la subsidiarité, les structures nationales sont évidemment du ressort des pays. Nous devons donc développer une approche de contrôle qui permette, dans la mesure du possible, de tenir compte de cet état de fait.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Jusqu'à maintenant, avec le principe de la subsidiarité, chaque pays certifie, la main sur le coeur, la sincérité de ses comptes ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat. - Tout à fait.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances. - Eurostat considère que nous sommes dans un pacte de confiance ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous travaillons sur un volet de contrôle et sur un volet d'amélioration et d'harmonisation. Nous contrôlons les données mais nous travaillons aussi avec les pays pour améliorer et respecter les règles harmonisées au niveau européen. Cela veut dire que la coopération est extrêmement importante et que tous les pays doivent jouer le jeu.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Cela aurait pu durer très longtemps avec la Grèce ? Manifestement, ils trichaient ; en étiez-vous conscient ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Le rapport de la Commission parle de ce qui s'est passé en 2004 et en 2009 et s'attarde en particulier sur un problème d'indépendance et d'intégrité des statistiques grecques. Concrètement, le rapport explique qu'il y a des faiblesses méthodologiques, des opérations comptabilisées incorrectement, un manque de coopération entre les entités impliquées dans la préparation des données de procédure de déficit excessif et que les responsabilités ne sont pas clairement établies, cela voulant dire que les entités se rejettent la responsabilité pour ce qui concerne les chiffres et les corrections. Cela veut également dire qu'y a un manque de documentation écrite. On a découvert que des informations étaient échangées par téléphone. Tout ceci est un faisceau d'éléments qui favorisent l'absence d'indépendance et la manipulation.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Tout le monde savait que les Grecs trichaient.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Je n'utilise pas vraiment cette terminologie. Ce que je dis simplement est que nous avons décrit dans le rapport de la Commission un certain nombre d'éléments factuels qui, pour nous, marquent un manque d'indépendance et l'absence de documentation sur certains chiffres.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Vous le saviez depuis le début, depuis 2004, et il n'y a pas eu de surveillance particulière ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Oui, nous le savions depuis 2004 et il y avait une surveillance particulière. Une procédure d'infraction était lancée contre la Grèce sur des questions spécifiques, comme celle des hôpitaux publics ou des reprises de dettes.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Quels étaient les problèmes des hôpitaux publics ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Le problème était que des dépenses étaient enregistrées mais n'étaient jamais réglées. Les dettes des hôpitaux publics n'étaient jamais reprises dans les comptes des administrations publiques. C'est donc un problème de sous-estimation de la dette publique.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - La dette des hôpitaux, de la sécurité sociale n'apparaissait pas dans la dette publique ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a un tableau dans le rapport qui explique cela de façon détaillée. Le principal problème qu'on a eu pour la sécurité sociale était le transfert vers une entité qui était hors administrations publiques. C'est un transfert des administrations publiques vers une entité classée hors administration publique et qui n'apparaissait pas dans les comptes, à concurrence de 710 millions d'euros, je crois.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - C'est une externalisation de la dette.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Tout à fait. Cette procédure d'infraction de 2004 portait sur ces éléments-là.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Cette externalisation de la dette publique portait sur quelles sommes ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - 710 millions d'euros, et c'est dans le rapport de la Commission. Depuis 2004, il y a eu un suivi. On a identifié quelque chose et un travail s'est mis en place. En 2007, la Commission a estimé que des actions significatives avaient été entreprises et la procédure d'infraction a donc été clôturée. Mais attention, la procédure d'infraction vise à résoudre une situation particulière ; cela ne signifie que, dès lors qu'elle est close, les comptes de la Grèce étaient exempts de toute défaillance. Nous avons relancé une procédure d'infraction en 2010 et dont le champ est beaucoup plus large, parce que cela vise à la fois certaines faiblesses méthodologiques et également les questions d'indépendance et d'intégrité du système grec.

Il faut bien voir que cette procédure d'infraction nous permet d'ouvrir un dialogue avec le pays, d'avoir des échanges, de préciser les points sur lesquels le pays ne respecte pas les règles et les exigences de qualité d'Eurostat, mais aussi de recevoir en contrepartie les actions entreprises par le pays pour régler cette question. Dans le cas de la Grèce, par exemple, une nouvelle loi a été adoptée le 4 mars pour créer un nouvel institut statistique, Hellestat. Le service national de la statistique de Grèce dépendait auparavant des finances, mais ce nouvel institut rapporte directement aujourd'hui au Parlement grec. De notre point de vue et d'un point de vue purement conceptuel, les éléments qui sont là et les caractéristiques de Hellestat nous paraissent aller dans la bonne direction mais il est sûr que c'est l'application pratique qui compte pour nous. Nous allons donc suivre très précisément ce qui va concrètement se passer. Est-ce que cette nouvelle structure juridique, ce nouvel arrangement va permettre de régler les problèmes d'indépendance qui ont été soulevés ?

Pour 2009, on a évidemment parlé de révision substantielle et cela porte essentiellement sur le déficit de 2008. Il est passé, je crois, de +5 % à 7,7 %. En 2004, la révision a été de 1,7 à 4 ,6 % sur le déficit 2003. Les raisons des révisions de 2004 et 2009 sont exposées dans le rapport de la Commission. Il y a évidemment beaucoup de choses. Nous avons parlé des hôpitaux publics, des subventions européennes qui ont été enregistrées en revenus par les autorités grecques mais dont le paiement au bénéficiaire final a été enregistré comme un prêt. Cela a évidemment tendance à améliorer les comptes publics. Un certain nombre d'éléments sont donc affichés là.

La question qui s'est posée a été de savoir ce que devait faire Eurostat. Il y a le système de contrôle, que j'ai cité au début de mon exposé, qui est basé la notification, sur ces visites de dialogue et ces visites méthodologiques. Je pense qu'il est surtout important de noter que c'est un travail collectif du système statistique européen, dès lors que nous sommes confrontés à des opérations complexes et à un certain nombre de pratiques. En réalité, il est inévitable que ces pratiques se produisent. Dès l'instant où vous avez un étalon, une référence, et que les gens doivent l'utiliser pour faire des déclarations et transmettre des chiffres PDE, il est inévitable que les gens essaient de mettre en oeuvre des techniques qui leur permettent de mieux présenter les comptes. Il y a également l'attrait de techniques financières complexes qui a joué un rôle. Ce qui est important, c'est que nous avons mis en place un système articulé autour du Comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements (CMFB) qui regroupe les statisticiens des instituts nationaux de statistiques et des banques centrales, car celles-ci ont un rôle particulièrement important pour ce qui concerne la dette dans un grand nombre de pays. Les questions complexes sont donc situées dans ce cadre. Il y a eu une très vaste consultation dans ce cadre, de sorte que les solutions reflètent le point de vue général des statisticiens les plus expérimentés sur ces questions au niveau européen.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Nous sommes là manifestement en présence de pratiques frauduleuses. C'est bien de sanctionner un pays ayant un déficit excessif, mais est-ce que l'Europe envisage un système de sanction quand la manifestation des comptes publics est manifestement frauduleuse ? On a fait des swaps de taux de change pour acheter des avions américains, dissimuler une partie de la dette et récupérer de la trésorerie. On dissimule sciemment une partie des dettes et c'est un manquement au pacte de confiance qui existe entre les Etats membres.

M. Pierre BERNARD-REYMOND. - Quel est, à ce stade, le rôle de la Cour des comptes européenne dans cette affaire et quel type de relations entretenez-vous avec elle ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - La Cour des comptes européenne n'est pas intervenue, à ma connaissance, dans ce processus. Nous demandons maintenant à avoir plus de pouvoir pour regarder précisément la comptabilité publique. Je fais cette différence entre la comptabilité publique et les comptes nationaux, qui sont des systèmes sur lesquels la procédure de déficit excessif est assise pour l'essentiel. Lorsque nous recevrons ces pouvoirs, nous devrons alors développer une approche de contrôle. Il serait bon, effectivement, de savoir dans quelle mesure la Cour des comptes pourrait nous aider dans ce processus, mais à la date d'aujourd'hui, il n'y a pas ce type de relation.

M. Pierre BERNARD-REYMOND . - A-t-elle d'ores et déjà un pouvoir qu'elle n'exercerait pas, ou faudrait-il changer le statut de la Cour des comptes ?

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - La Cour des comptes n'examine pour l'instant que l'utilisation des fonds européens et non les comptes publics. C'est le seul rôle qu'elle a actuellement. Le problème, ici, est celui de l'autorité comptable. Il faudrait que chaque cour des comptes nationale ait suffisamment d'indépendance, que ses membres ne passent pas leur temps entre les cabinets ministériels et cette cour des comptes pour donner des gages de vraie indépendance dans l'expression d'une opinion sur la sincérité des comptes.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Je pense que cela nous aiderait beaucoup si les cours des comptes nationales et éventuellement la Cour des comptes européenne avaient plus de pouvoir et d'impact dans le travail que nous faisons. Evidemment, il y a la comptabilité publique et les comptes nationaux, et les statistiques de comptabilité nationale. Notre travail se focalise, pour l'instant et pour l'essentiel, sur l'aspect statistique de comptabilité nationale.

Mme Nicole BRICQ . - Quels sont les pouvoirs nouveaux que vous souhaiteriez avoir ?

Est-ce que le cas grec, un révélateur, va vous amener à réviser vos procédures pour d'autres Etats ? Les outils que vous avez ne conduisent-ils pas à avoir des doutes sur d'autres comptabilités ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Je dois dire que ce qui caractérise le cas grec est certainement l'ampleur des révisions et le fait que cela soit intervenu à plusieurs reprises. Nous n'avons pas de cas similaires dans les autres pays. C'est tout à fait exceptionnel. En ce qui concerne les pouvoirs de contrôle accrus que nous souhaitons obtenir, dès que nous les aurons, nous essaierons de développer une approche de contrôle qui soit en rapport et qui manifeste l'accroissement de ces pouvoirs de contrôle. Cela étant dit, il est important de savoir qu'il est impossible d'empêcher un pays, d'entrée de jeu, de réviser ses comptes de façon substantielle. Le contrôle a posteriori que j'ai évoqué est le travail que nous menons et nous menons également un travail d'harmonisation, c'est-à-dire que nous édictons des règles, des principes généraux. Dès l'instant où ces règles sont édictées pour un pays particulier, cela s'applique à l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. Nous identifions également un certain nombre de transactions qui existent, apparaissent sur le marché et sont susceptibles d'être utilisées par les pays et faire un travail sur celles-ci, de façon à anticiper et à promouvoir des règles. Nous pensons que ceci joue le rôle d'une certaine forme de prévention. Nous avons également mis en place un système de communication précoce, appuyé par le conseil Ecofin, qui demande aux pays de communiquer les révisions envisagées longtemps à l'avance. Cela permet d'avoir une grande transparence, de les étudier et d'éviter d'avoir au dernier moment ce type de difficultés. Par exemple, les décisions prises par Eurostat en ce qui concerne la titrisation ont fait que, depuis 2007, ce type d'opération s'est complètement raréfié, voire évanoui.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Tout cela relevait au fond de la créativité comptable, à savoir comment maquiller les comptes publics pour les rendre plus présentables. En avez-vous un florilège ? Avez-vous repéré une certaine tendance, une certaine culture ?

Si l'on veut appréhender convenablement la dette, il faut avoir une vision du patrimoine public. Est-ce que les comptabilités publiques tendent vers un modèle prenant appui sur une comptabilité patrimoniale ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous avons évidemment vu dans la presse le concept de créativité comptable, mais il n'est pas réellement utilisé par Eurostat. Ce qui nous importe factuellement est véritablement de recevoir les données qui sont demandées dans le cadre du SEC95 mais il est certain qu'un certain nombre d'innovations ont été développées par les Etats membres. Pour florilège, il y a eu notamment la titrisation de revenus fiscaux futurs, cela ayant permis à certains Etats membres de présenter dans le passé un déficit public amélioré, mais nous avons fermé cette porte. Toutes ces opérations sont maintenant traitées en opérations financières. Comme je disais, depuis que nous avons pris cette décision en 2007, les opérations se sont raréfiées. Il y a également la question des swaps de devises. C'est une question complexe mais il est sûr qu'à travers l'arbitrage entre les taux de marché, les taux de change des marchés et ceux qui sont inscrits dans les contrats de swap, il est possible d'améliorer la dette. Il y a l'histoire de l'enregistrement des impôts en droits constatés par opposition à la méthode cash et cela implique évidemment des pratiques d'estimation, notamment en ce qui concerne les impôts qui ne sont pas susceptibles d'être collectés et qui permettent là aussi de jouer sur les montants. Il y a eu un festival de soultes dans le passé.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Ce n'est pas brillant. Les soultes, en soi, sont concevables mais il ne faut pas les imputer comme des ressources de l'exercice.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - On a donc vu apparaître toutes ces techniques et ces questions ont été prises à bras-le-corps par Eurostat dans le cadre de ce comité que j'ai mentionné, avec l'ensemble des Etats membres, et des décisions ont été prises. Beaucoup de portes se sont donc fermées. Il y aura toujours, évidemment, une armée de consultants pour conseiller les Etats membres et il y aura des nouveautés. Nous devons être absolument clairs là-dessus, mais je pense que nous avons accumulé une expérience et elle s'est traduite sous forme de règles obligatoires et il est aujourd'hui beaucoup plus difficile de manipuler ces chiffres et d'en faire une plus belle présentation, comme avant la procédure mise en place en 1994.

Mme Nicole BRICQ . - Ne demandez-vous pas de nouveaux pouvoirs ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Dans le cadre de ce règlement 479 qui réglemente nos travaux sur les déficits, nous regardons essentiellement les comptes nationaux, le passage des chiffres de la comptabilité publique vers les comptes nationaux mais nous n'avons pas le droit et le pouvoir d'examiner en amont les comptes publics. Le pouvoir que nous demandons donc est celui-ci : quand nous effectuons des visites méthodologiques et que nous remarquons qu'il y a un doute substantiel sur certains éléments, nous aimerions pouvoir regarder de près la comptabilité publique. Il faut qu'elle puisse supporter de façon valable des comptes nationaux de qualité, des finances publiques au sens de la PDE qui soient de qualité. Là est le premier pouvoir que nous demandons.

Nous demandons ce deuxième pouvoir : que les Etats membres aient l'obligation de mettre à notre disposition des comptables nationaux lorsque nous faisons notre visite. Il faut que nous ayons en face de nous des gens qui parlent le même langage pour améliorer l'efficacité des procédures.

Pour l'instant, lorsque nous visitons les pays, il arrive que des experts des autres Etats membres participent aux missions, en plus des experts de la Banque centrale européenne, mais c'est sur la base du volontariat, dans le cadre actuel du règlement 479. Nous voulons donc le pouvoir qu'un pays ne puisse pas dire qu'il n'admet pas que des experts en finances publiques des autres Etats membres participent aux visites que nous menons. Je pense que cela serait de nature à accroître l'efficacité du contrôle.

M. Pierre BERNARD-REYMOND . - Au-delà de la fraude, il doit y avoir des différences d'interprétation entre vous-même et tel ou tel Etat. Comment cela se règle-t-il et pouvez-vous nous citer des possibles divergences d'appréciation sur la façon d'utiliser les domaines statistiques ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a un certain nombre de sujets comme, par exemple, la question des swaps. Une équipe est actuellement en Grèce pour obtenir les contrats de swap et pouvoir regarder ce qui s'est passé exactement. Nous avons une forme de description de ces opérations mais ce n'est pas clair, pour l'instant. On ne sait pas très précisément ce qui s'est passé et cela fait donc partie d'un contrôle qui a lieu sur place en ce moment.

La façon de régler ces questions est double. L'Etat membre peut d'abord saisir Eurostat à l'avance en disant envisager ce type d'opération et demander notre point de vue sur la façon de traiter cela en ce qui concerne la procédure de déficit excessif, et nous avons des délais très courts pour apporter des éclaircissements sur la manière d'interpréter le SEC95 ou, en tout cas, sur la règle appliquée en en matière de PDE. Nous pouvons être confrontés à des opérations plus complexes. Les swaps en sont, mais il y a un certain nombre d'autres opérations, comme celles concernant le classement en marchand ou non de certaines activités. - c'est une question essentielle pour ce qui concerne l'établissement du déficit et de la dette publique. - ou lorsque des questions ont un intérêt général, c'est-à-dire qu'elles concernent un grand nombre de pays, et il s'agit alors et en général de la procédure de consultation du CMFB qui permet de les régler. Cette procédure très précise a été mise à jour en février 2007 et consiste en une analyse de la situation. C'est le travail d'une task force, le travail de ce que nous appelons les « groupes de travail » et qui mettent ensemble, en réalité, les comptables financiers et non financiers des Etats membres de façon à préciser les questions sur la base de ce questionnaire précis, à consulter les banques centrales et les instituts nationaux de statistiques, dont l'Insee, de façon à arriver à une opinion consultative, à un conseil que le CMFB donne à Eurostat. Sur la base de ce conseil, Eurostat prend une décision prenant valeur de règle appliquée. Jusqu'ici, l'essentiel de ces décisions était transcrit dans un document que nous appelons le « Manuel sur le déficit et la dette publique ». Nous sommes en train de réviser le système européen de comptes. - le SEC95. - et la plupart, sinon l'intégralité des règles de jurisprudence qui sont dans ce manuel va être maintenant injectée dans le SEC95. Il sera donc assis sur un règlement du Conseil et du Parlement européen.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances. - Je trouve que le langage européen est extrêmement policé. Le cas grec est typique. Manifestement, les autorités grecques ont tout fait pour tricher et dissimuler, et la Commission dans son rapport daté du 8 janvier, dit : « La commission est pleinement résolue à poursuivre sa coopération avec les autorités grecques en vue de soutenir leurs efforts visant à améliorer la collecte et le traitement des statistiques sur les administrations publiques, afin de remédier ainsi aux carences récurrentes et de restaurer la confiance dans les statistiques grecques. » C'est incroyable !

M. Edmond HERVÉ . - C'est le langage diplomatique, habituel et classique. Ces gens-là ne se font pas couper les cheveux, ils se font coiffer.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances. - Ne pensez-vous pas que ceci peut rapidement devenir un élément de faiblesse ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - C'est évidemment un langage diplomatique, mais je pense que la Grèce a reçu un certain nombre d'instructions fortes sur la base de ce rapport. J'ai ici la décision du Conseil du 16 février 2010 qui enjoint la Grèce de prendre un certain nombre de mesures. Les conséquences de ce rapport sont quand même fortes. Sur la base de ces informations, le Conseil européen des chefs d'Etats et de Gouvernement des 25 et 26 mars a aussi pris une décision disant qu'il fallait assurer la qualité, la fiabilité et la fraîcheur des données statistiques fournies par les offices statistiques nationaux et qu'une décision rapide est nécessaire concernant la proposition de la Commission concernant l'accroissement de ses pouvoirs dans ce domaine. Je pense que rapport, en dépit de son langage policé, a eu des conséquences.

Mme Nicole BRICQ. - On a quand même cru comprendre que beaucoup d'Etats ne seraient pas d'accord avec cet accroissement.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Tout à fait, pour l'instant nous avons reçu les commentaires écrits des Etats membres. Nous avons une première réunion au Conseil le 8 avril pour les examiner et notre calendrier est de pouvoir arriver à quelque chose pour septembre. Le Conseil économique et financier européen a été saisi. Certains Etats membres demandent de préciser les critères substantiels qui entraîneraient le déclenchement.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Les Grecs ont enregistré des recettes fiscales fictives. Ils n'enregistraient pas, ne payaient pas les factures des hôpitaux, et cela restait dans le brouillard. C'est quand même gravissime. « Les dépenses d'équipements militaires des administrations publiques avaient été largement sous-estimées dans les années 1997/2003. Cela était dû au fait que les autorités grecques avaient déclaré disposer d'informations complètes sur la valeur des équipements militaires livrés alors que tel n'était pas le cas en réalité, puisque les informations sur les livraisons étaient confidentielles et que, par conséquent, seule une petite partie des équipements militaires livrés était enregistrée comme dépenses des administrations publiques. » Parce que les dépenses militaires sont évidemment secret défense.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a bien cet aspect-là, mais ce que nous demandons, en tant que statisticien, ce sont des données agrégées qui nous permettent de faire les comptes et on ne cherche évidemment pas à entrer dans le détail des équipements.

M. Edmond HERVÉ . - Monsieur Gueye est tenu à une certaine obligation de réserve mais s'il s'en libérait, il pourrait vous parler de certains pays méditerranéens et de la Corse...

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Nous avons nous-mêmes des problèmes avec les hôpitaux...

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Sur cette question, je dois quand même dire que les relations avec l'Insee sont très bonnes. Il y a des contacts réguliers, l'Insee est très actif en ce qui concerne les groupes de travail au niveau européen. Le directeur général de l'Insee fait partie du groupe de partenariat qui dirige le système statistique européen et donc, par ce biais-là, l'Insee fait bénéficier l'ensemble du système d'une expertise reconnue au plan international et pas seulement européen.

Maintenant, pour compléter la réponse à cette question du contrôle et du langage policé qui est de mise dans ce type de rapport, il y a un autre volet : le volet coopération et amélioration des statistiques. Dès l'instant où un pays fait partie du club, la Commission combine le contrôle, pour assurer à la fois la transparence et l'équité de traitement entre les Etats membres, parce que si les données sont effectivement utilisées pour des usages administratifs et qu'un pays fournit des données erronées ou sous-estimées, cela a des conséquences pour les autres pays. Il y a donc les intérêts de l'Union européenne mais il faut aussi considérer l'équité des Etats membres. Cela veut dire, en tout cas, que si un pays fait partie du club, nous essayons tous ensemble. - c'est-à-dire, la Commission plus l'ensemble du système statistique européen. - de soutenir ce pays pour qu'il améliore ses données et qu'il applique les règles harmonisées. C'est ce que nous sommes en train de réaliser avec la Grèce en lançant un plan d'action pour les aider à améliorer la situation et à fournir des données plus fiables.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - La Croatie est candidate pour entrer dans l'Union européenne ; Eurostat est-il consulté pour porter une appréciation sur son système d'information statistique ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Tout à fait, cela fait partie des chapitres de négociation. Des pays évoluent jusqu'au statut de pays candidat et deviennent ensuite Etat membre. Nous accompagnons tous ces pays, y compris la Croatie depuis plus de dix ans. Ces pays sont invités à nos réunions, nous recevons une description complète de l'ensemble de leurs procédures statistiques. Ils viennent pour apprendre la façon de travailler mais également pour expliquer à l'ensemble des statisticiens européens leur façon de procéder. Nous sommes donc consultés et devons donner une opinion sur la qualité des statistiques de la Croatie.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Quand la crise financière a été à son paroxysme, au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, les différents Etats membres ont pris des initiatives et la France a par exemple créé une société de financement de l'économie française. Cette société a donc emprunté ; est-ce que vous avez été consultés à ce moment-là ? Cela vous semble-t-il maastrichtien comme démarche ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat. - Nous avons eu une discussion autour de la SFEF sur la question de savoir si cet organisme devait faire partie des administrations publiques ou se situer en dehors. Une consultation du CMFB a été menée, et cela fait partie des cas complexes dont je parlais tout à l'heure. Eurostat a pris une décision le 15 juillet 2009 sur cette question après de nombreuses discussions et elle a considéré que la SFEF n'était pas à inclure parmi les administrations publiques.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Quels étaient les arguments forts pour pencher vers cette interprétation ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Je n'ai pas suivi à titre personnel cette question mais je pense que l'idée était que la SFEF apporte sa garantie à un certain nombre d'emprunts et que, au travers de son contrôle. - je ne me souviens plus des pourcentages de détention. -, il y avait un certain nombre d'arguments liés à ce contrôle et à l'activité de la SFEF qui a fait que l'on a estimé qu'elle faisait partie des sociétés financières.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Plus globalement, quelle est la doctrine d'Eurostat sur les engagements hors bilan ? Il y a bien souvent une subtilité qui consiste à faire porter par un tiers une partie de l'endettement et de mettre une petite mention « engagement hors bilan » et personne n'en tient compte. Est-ce qu'il n'y a pas là la nécessité d'avoir un corps de doctrine bien charpenté ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a en effet la nécessité d'avoir un corps de doctrine. En ce qui concerne les garanties accordées, nous sommes en train de réviser le SEC. Au chapitre 20 du nouveau SEC, il y a un certain nombre d'éléments, notamment autour de la probabilité d'appel de ces garanties qui font qu'il sera moins facile à l'avenir de traiter un engagement hors bilan des données qui doivent être bilancielles. Il est sûr que si les engagements hors bilan fournissent une information complémentaire, ce n'est pas alors la même chose d'avoir des montants dans le bilan qu'un engagement hors bilan. Cela n'a pas la même signification.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Bien sûr. Combien de personnes travaillent-elles chez Eurostat ? Combien êtes-vous globalement ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous sommes entre huit cents et mille à Luxembourg.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Vous avez des correspondants dans les Etats membres ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous avions un certain nombre de bureaux qui s'occupaient de la diffusion mais ce système a été abandonné. Nous travaillons maintenant essentiellement avec les instituts nationaux de statistiques. Nos correspondants sont les « INS », comme l'Insee en France ou le Destatis en Allemagne.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Comment êtes-vous structurés ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous sommes structurés par directions. Je pense qu'il y en a sept et elles regroupent les différentes activités statistiques. Le département des comptes nationaux et européens s'occupe de l'ensemble des statistiques macro-économiques. Une direction s'occupe des entreprises, une autre des statistiques sociales, une autre de l'environnement. Une direction des ressources, horizontale, supporte les différentes unités. Une autre direction s'occupe des questions énergétiques.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Vous êtes combien sur les comptes publics ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - La question des comptes publics est prise en charge par la direction des comptes nationaux et européens. Nous avons en réalité deux unités, dont l'une s'occupe du contrôle des données de la procédure sur les déficits excessifs où il y a pour l'instant une quinzaine de personnes. Cela fait partie évidemment des pouvoirs accrus que nous demandons : il y a cette idée d'avoir un dialogue plus régulier et des missions plus fréquentes dans les Etats membres.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances. - Vous dites que quinze personnes s'occupent des comptes publics ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Oui, pour la partie PDE des comptes publics.

M . Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - C'est vraiment très faible : huit cents personnes à Luxembourg et quinze pour s'occuper des comptes publics, alors qu'ils sont au coeur du pacte de confiance.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Il y a donc une quinzaine de personnes sur les statistiques PDE et une dizaine sur les questions de qualité des données d'un gouvernement.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances. - Quelle disproportion incroyable !

Mme Nicole BRICQ. - Cela tient au pouvoir ; ils réorienteront peut-être différemment leurs ressources s'ils ont des pouvoirs accrus.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - C'est aussi pour cela que nous demandons ces pouvoirs accrus. Si nous sommes amenés à remplir plus de missions et de contrôle, il faudra davantage de personnes pour supporter cet effort.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - C'est une espèce de pacte de gens addicts aux déficits publics et qui ne veulent pas y voir trop clair.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - La proposition est sur la table et nous attendons les réponses des Etats membres.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Quelle devrait être, selon vous, la bonne dimension ? Quels sont les moyens à mobiliser pour exercer cette autorité ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous avons demandé une cinquantaine de personnes, et la proposition est sur la table. Des discussions sont en cours.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Il n'y a pas d'autres directions qui sont peut-être d'un intérêt moindre ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Des redéploiements sont faits mais il faut savoir que le contrôle du déficit demande une combinaison de qualités assez rare.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Je trouve cela confondant. Vous n'avez pas les moyens correspondants à une ambition de faire régner un minimum de transparence et de sincérité dans les informations. On ne peut pas faire un pacte de stabilité, de confiance et de croissance sans qu'il n'y ait des gages de sincérité des comptes publics.

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Nous demandons évidemment ce renforcement mais nous avons également besoin d'un appui, que les Etats membres supportent le nouveau dispositif et qu'ils supportent également le fait que tous les pays jouent le jeu et qu'il y ait un renforcement de la coopération et de la volonté de coopération.

Mme Nicole BRICQ . - On y arrive bien un peu pour les paradis fiscaux.

M. Pierre BERNARD-REYMOND . - Je crois savoir que la dette constituée par le versement à venir des retraites ne fait pas partie des déficits au sens maastrichtien.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Je pense qu'il serait intéressant de publier la synthèse des auditions de ce matin, avec quelques recommandations tendant à asseoir l'autorité et l'indépendance d'Eurostat. Vous êtes d'accord ?

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - D'accord. En réalité, il y a aujourd'hui qu'au niveau des comptes nationaux. - c'est-à-dire au niveau du système de l'ONU et du SEC. -, les dettes, les systèmes de pensions sans constitutions de réserve et les dettes qui y sont liées. - comme le système de retraite de l'Etat. - ne sont pas dans les comptes nationaux. Cela a été accordé dans le cadre de la révision du SNA et également au niveau international, parce que dans certains pays, il est très difficile de séparer la question de la sécurité sociale de celle des pensions de l'Etat. Nous avons donc pour l'instant dressé un tableau supplémentaire donnant malgré tout l'ensemble des dettes.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - C'est ce qu'on appelle du « hors-bilan ».

M. Gallo GUEYE, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat . - Voilà, même à supposer que, au niveau SEC et dans un avenir proche, on ne mette plus ces dettes dans le système, cela ne serait pas pour autant inclus dans la dette maastrichtienne. Ce n'est pas prévu, si la législation reste en l'état.

Sur la question de l'indépendance d'Eurostat, je n'ai évidemment pas d'opinion particulière. Nous accueillons avec beaucoup de joie et de gratitude ce que M. le président a énoncé. Au niveau de l'indépendance, la solution approuvée par le Conseil a été la mise en place de ce conseil consultatif sur la gouvernance des statistiques européennes qui aide un peu et regarde l'application du code de bonne pratique par Eurostat et par les Etats membres.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des Finances . - Je vous remercie, Monsieur Gueye. Je pense que vous avez bien compris que notre volonté est de veiller à ce qu'Eurostat conforte son autorité, son indépendance et soit en quelque sorte garante de la confiance qui doit régner au sein de l'Union européenne. La confiance est là quand on se rend mutuellement des comptes et qu'ils sont sincères. Il y a sans cela le doute et chacun peut être tenté de se livrer à des petites tricheries qui peuvent, à un moment donné, finir par rompre le pacte fondamental.

La commission autorise la publication, sous la forme d'un rapport d'information, des travaux de M. Jean Arthuis, président, sur la prise en compte de la dette et du solde publics dans les comptabilités nationales.

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