II. AUDITION DE M. BENOÎT COEURÉ, ÉCONOMISTE EN CHEF ET DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Je remercie M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor, de s'être rendu à l'invitation de notre commission, en raison de l'intérêt qu'elle porte pour les statistiques économiques, suite à la crise grecque. Nous l'interrogerons sur le fonctionnement d'Eurostat et sur la fiabilité des statistiques qu'elle certifie comme sincères et comme donnant une image fidèle des comptes publics des différents Etats membres. Nous mesurons à quel point les relations entre le Trésor et l'autorité statistique sont, dans chaque pays, exigeantes et prégnantes, et nous vous remercions de bien vouloir nous faire partager votre vision.

Par ailleurs, nous vous demanderons de nous livrer votre analyse sur le cas grec et sur l'indépendance toute relative de l'autorité statistique de ce pays par rapport au Trésor ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor. - Je vais commencer par deux réflexions, l'une portant sur les leçons du cas grec et l'autre sur ses conséquences pour la France, pour la gestion de ses finances publiques et en particulier de sa dette. La direction générale du Trésor est en effet en charge de la dette à travers l'agence France Trésor.

Sur les leçons de la Grèce, il faut mettre tout cela en perspective et le rapporter à l'histoire de l'Union économique et monétaire, qui débute en 1999. Il y a une forme d'apprentissage dans tous les domaines, et la Grèce est un peu le révélateur de cet apprentissage imparfait dans le domaine de la statistique et de la gouvernance comptable, mais également dans celui de la coordination des politiques économiques, comme on l'a notamment vu au Conseil européen de la semaine dernière. Il y a donc une dimension d'apprentissage, d'essais et d'erreurs dans la construction européenne qu'il faut, je pense, prendre en compte. On ne pouvait pas s'attendre à ce que le système soit parfait dès le départ ; il était unique, original et bâti ex nihilo. Il a été conçu effectivement pour le « beau temps » et il n'a pas résisté à la crise.

En ce qui concerne la gouvernance statistique, la plupart des problèmes étaient identifiés bien avant la crise puisque la première grande révision des comptes grecs date de 2004 et avait déjà donné lieu à un certain nombre de réformes, certes à la marge et donc pas suffisamment ambitieuses. Mais il s'agissait néanmoins de réformes de la gouvernance statistique. La révision du règlement sur le contrôle des données par Eurostat qui date de 2009 est une conséquence des problèmes grecs de 2004. La réflexion entamée avant la crise a notamment conduit à un renforcement du pouvoir d'inspection d'Eurostat et à la création d'un comité européen de la gouvernance statistique dont les rapports sont dorénavant annuels.

Parallèlement, la jurisprudence d'Eurostat a évolué en matière d'interprétation comptable depuis 2004 avec un durcissement progressif des règles dans un certain nombre de domaines, en particulier en matière de titrisation et de partenariat public/privé. Un certain nombre d'opérations réalisées par plusieurs Etats européens en matière de titrisation, leur ayant permis de se procurer des ressources financières sans augmenter leur dette publique, ne seraient aujourd'hui plus possibles. Je pense en particulier à la titrisation de créances dans le domaine de la sécurité sociale.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Comment ces titrisations de sécurité sociale se passaient elles ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je précise que la France n'a jamais procédé à ce type d'opérations.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - La France est un modèle de vertu !

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je parlerai ensuite de la France, nous avons connu des mesures exceptionnelles ayant conduit à des écarts entre le déficit et la dette mais il n'y a pas eu de titrisation. Les titrisations de créances de sécurité sociale sont tout simplement la cession à une banque d'un droit sur des flux futurs de recettes en matière de sécurité sociale.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Ce sont donc des recettes que l'Etat n'encaissera pas ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Ce sont effectivement des recettes qui seront encaissées par la banque au lieu d'être encaissées par le Gouvernement.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Il s'agit donc d'une dérivation des flux publics ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Tout à fait, c'est une cession de flux publics.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Comme les dépenses fiscales, cela « plombe » les budgets à venir en termes de recettes et tout en faisant disparaître de la dette.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Cela procure une ressource immédiate. C'est simplement l'avancement dans le temps de recettes futures.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - On pourrait ainsi dire que dans les vingt années à venir, les quelque milliards d'impôts à recouvrer pourraient être titrisés...

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Si l'on pousse le raisonnement jusqu'à l'extrême, on pourrait considérer que toute émission de dette publique est d'une certaine manière une titrisation.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Mais cela est alors annonciateur d'une crise de la dette souveraine ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Ce serait le cas si la trajectoire de dettes qui est issue de ces opérations n'est pas soutenable.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Là est la question.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Là est la question mais l'essentiel est que l'ensemble de ces opérations soit bien retracé dans cet agrégat unique qu'est la dette publique. Or ce n'était pas le cas à l'époque. Il y a eu des titrisations de recettes de sécurité sociale, certes pas en France. Certains pays ont par exemple procédé à des titrisations de recettes de loterie, voire même à des titrisations d'impôts sur le revenu futur. - ce qui et encore plus étrange, conceptuellement.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Avez-vous des donnés plus précises sur ces différentes pratiques atypiques ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je n'ai pas de panorama exhaustif mais il y a des exemples.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est autant de signes de ce que l'on appellerait la « période suspecte » dans les entreprises à la veille du dépôt de bilan.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - On peut le voir comme cela. On peut aussi considérer. - et je pense que c'est important de le noter. - qu'il peut y avoir pour certaines de ces opérations un intérêt économique à condition de gommer l'incitation comptable. A partir du moment où tout cela est neutre comptablement, ces opérations doivent être jugées sur leurs mérites propres. Elles peuvent avoir un intérêt économique dans certains cas. Je pense par exemple aux titrisations de recettes fiscales belges. Elles étaient à l'époque présentées par le Trésor belge comme une manière d'augmenter le taux de collecte de l'impôt. Le contrôle de la perception était toujours opéré par l'administration d'Etat mais il y avait une incitation financière. Le produit futur de l'impôt avait été cédé sur le marché et une partie du produit avait été utilisée pour créer une incitation financière, une forme d'intéressement de l'administration fiscale au taux de collecte. On pouvait donc considérer que cette technique financière accompagnait une réforme de l'Etat, à savoir l'intéressement de l'administration fiscale à l'amélioration du taux de collecte. Cela pouvait être le cas ou non, mais l'essentiel demeure la neutralité comptable et l'absence de diminution de la dette publique.

Eurostat a également durci sa jurisprudence en matière de partenariat public/privé. On en a d'ailleurs eu une illustration ce matin à travers les chiffres publiés par l'Insee sur la dette du quatrième trimestre 2009 puisqu'il a notamment requalifié les partenariats conclus pour la construction de prisons en les réintégrant dans la dette publique.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est très bien. Dans le cadre du partenariat public/privé, tous ces financements innovants étaient d'abord une manière de cacher la misère. Bravo à l'Insee.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - L'Insee n'a fait qu'appliquer les nouvelles règles d'Eurostat datant de 2007.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Du point de vue du Trésor, vous devez vous dire que ce n'est pas bien de ne pas faire apparaître cela dans la dette ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - On approuve le durcissement de la jurisprudence d'Eurostat en matière de titrisation et de partenariat public/privé. Là encore, cela ne veut pas dire que ces opérations n'ont pas de mérite mais elles doivent être jugées sur leurs mérites économiques et non sur leurs conséquences comptables.

Ce processus de durcissement de la jurisprudence date d'avant la crise et avait conduit à un certain nombre de réformes en matière de gouvernance. La crise grecque accélère ces réformes puisqu'elle révèle qu'Eurostat n'avait pas en réalité les moyens d'apprécier la sincérité des comptes. De fait, il existait dès avant la crise un instrument : la visite méthodologique. Eurostat pouvait aller enquêter sur place auprès des autorités nationales pour vérifier la sincérité des comptes. En Grèce, Eurostat a procédé à cinq ou six visites méthodologiques auprès du Trésor et des autorités statistiques grecques et elles n'ont manifestement pas suffi pour rétablir la vérité sur les comptes, puisque ces derniers ont été à nouveau modifiés après ces visites. On a pu conclure de cet état de fait qu'Eurostat n'avait pas les moyens d'enquêter de manière suffisamment profonde dans les comptes des pays membres, d'où la proposition de révision du règlement européen qui est en ce moment en cours de discussion au sein du comité économique et financier. Il devrait être adopté prochainement par le conseil Ecofin. Cette révision du règlement statistique du 1 er avril 2009 renforcerait fortement le pouvoir d'investigation d'Eurostat en élargissant le champ, au-delà des comptes de l'Etat, aux comptes des administrations locales et de sécurité sociale. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Cela pose des questions méthodologiques. Tout particulièrement cette question importante qui est de savoir si Eurostat doit contrôler les comptes sur le passé ou également les prévisions qui sont un élément important du débat budgétaire européen puisque la discussion autour du Pacte de stabilité se fonde sur les programmes de stabilité et de croissance, et donc sur les prévisions. Notre position est de considérer qu'Eurostat doit avoir des pouvoirs très renforcés pour étudier les comptes sur le passé mais qu'il n'a pas de compétences en matière de prévision, car cela n'est pas de la certification comptable mais de l'analyse économique. Au niveau européen, il devrait donc y avoir le même partage des rôles existant au niveau français entre les comptes et les prévisions. En France, les comptes sont produits par l'Insee mais les prévisions le sont par le Gouvernement, en l'occurrence par la direction générale du Trésor. Quand les comptes annuels sont notifiés à la Commission, les comptes de l'année précédente sont notifiés par l'Insee. - c'est ce qui se passe aujourd'hui sur 2009. - et les comptes de l'année en cours et de l'année suivante sont notifiés par le ministère des Finances. Il s'agit là d'une prévision et l'Insee ne peut pas s'engager sur des prévisions.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - L'Insee ne produit-elle pas des prévisions ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Certes, mais pas en matière de finances publiques. La responsabilité de la définition et du suivi du programme de stabilité incombe aux ministres chargés du budget et de l'économie. Un institut statistique indépendant ne peut pas porter un jugement sur ce que seront les finances publiques pour une année à venir.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - On ne peut donc certifier que ce qui relève du passé.

Mme Nicole BRICQ . - Mais l'Insee émet aussi des prévisions concernant la croissance ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Oui.

Mme Nicole BRICQ . - Et les hypothèses budgétaires sont bâties sur des hypothèses de croissance ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Oui.

Mme Nicole BRICQ . - Quelque part, donc, l'Insee participe quand même, dans le consensus économique, à la définition de la prévision budgétaire ?

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est la responsabilité du Gouvernement.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - L'Insee participe, et on a évidemment un dialogue avec lui. D'ailleurs, les prévisions de croissance de l'Insee sont l'un des éléments utilisés par la Commission européenne lorsqu'elle évalue notre programme de stabilité. S'il y avait une divergence importante entre l'Insee et le Gouvernement. - ce qui peut arriver en matière de prévision. -, cela serait certainement utilisé par la Commission lorsqu'elle évalue notre programme de stabilité. Mais l'engagement vis-à-vis du conseil Ecofin sur la trajectoire budgétaire est l'engagement du ministre et du gouvernement. On pourrait donc envisager un partage des rôles similaires au niveau européen : les comptes seraient audités par Eurostat de manière indépendante ; en revanche, les prévisions devraient être plutôt évaluées par la direction générale Ecofin de la Commission, puisque c'est elle qui est en charge du suivi du Pacte de stabilité. Ce règlement modifié est donc en cours de discussion et l'objectif est naturellement de l'adopter le plus rapidement, si possible avant l'été.

En conclusion s'agissant de la France, je voudrais ajouter qu'elle n'a jamais utilisé d'artifices comptables en matière de dette. Les gestionnaires de celle-ci ont toujours considéré que la France est avec l'Allemagne l'un des pays les plus crédibles de la zone euro. Toute ambiguïté, incertitude ou doute sur nos comptes ne pouvaient qu'affecter notre réputation. La France emprunte déjà à un taux favorable grâce à sa crédibilité et à la liquidité de son marché. L'administration a toujours fortement déconseillé au Gouvernement de recourir à ce type de techniques et elle a été suivie. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de mesures exceptionnelles ayant induit un écart entre le déficit et la dette, mais elles étaient justifiées. Je pense à la soulte France Télécom de 1997. La presse nous en fait parfois le reproche comme étant un artifice comptable, mais il fallait changer le statut des personnels de France Télécom. L'important était que cela soit fait dans la transparence comptable et n'affecte pas le jugement porté par les autres pays européens et par la Commission européenne sur notre trajectoire budgétaire et nos engagements en matière de réduction des déficits. Ce n'était pas le cas en 1997 comme aujourd'hui, et quand la Commission publie maintenant son évaluation des programmes de stabilité, elle raisonne, comme vous le savez, sur l'évolution, la variation du déficit structurel corrigée des effets de la conjoncture et des mesures exceptionnelles. Aujourd'hui, un versement de soulte est possible s'il a un intérêt conjoncturel mais il serait nettoyé des comptes et n'affecterait pas l'évaluation de la Commission sur la trajectoire des finances publiques.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Ce qui est tout à fait logique. Je me souviens de la soulte France Télécom et j'avais été extrêmement choqué. C'était une manière de dire qu'on était à 3 % de déficit. Mais c'était une duperie ; la soulte n'était pas en soi critiquable, mais en faire l'élément permettant d'être à 3 % n'avait pas de sens. C'était tout sauf pédagogique.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - C'était possible dans le contexte de l'époque mais cela ne le serait plus aujourd'hui parce que la Commission ne considèrerait plus que le déficit est à 3 %.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Cela prouve les immenses progrès que nous avons faits.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Il en va de même pour l'ensemble des mesures exceptionnelles, et en particulier des privatisations. De toute façon, celles-ci n'affectent pas le niveau de déficit. S'il y avait une titrisation que l'on considérerait comme justifiée au plan économique ou du point de vue de la réforme de l'Etat, on pourrait la faire mais la Commission n'en tiendrait alors pas compte dans l'évolution de la trajectoire de finances publiques. Ces règles datent d'avant la crise.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - L'Europe est appelée à se ressaisir, après une phase de tâtonnements. Parmi les règles de bonne gouvernance publique, il y a certainement la nécessité de rendre l'institut de statistiques plus indépendant par rapport à l'autorité politique et d'en faire le correspondant privilégié d'Eurostat. Cela suppose qu'il y ait une vraie indépendance et que les principes de comptabilité publique mis en oeuvre soient assez convergents sur le plan européen.

Accomplit-on un travail pour définir des normes de présentation des comptes publics ? Nous avons l'Etat, les collectivités territoriales, la sécurité sociale. Si l'on peut bien appréhender les comptes de l'Etat, il y a peut-être beaucoup d'aléas dans les comptes des collectivités locales ou de la sécurité sociale ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je pense que MM. Cotis et Champsaur ont dû vous donner leur avis sur ce premier point de l'indépendance de l'Insee. Mon sentiment à ce sujet est que l'article 144 de la loi de modernisation de l'économie a déjà fait faire un grand progrès pour l'indépendance de l'Insee avec la création de l'autorité statistique. Je n'ai pas le sentiment que le statut actuel de l'Insee, dont l'indépendance opérationnelle est garantie, mais qui dépend organiquement du ministère des Finances, s'oppose à la sincérité des comptes publics français. Il arrive régulièrement que l'Insee prenne un avis contraire au gouvernement sur des questions de classification comptable. Je pense que la question du classement des partenariats public/privé pour les prisons en est un bon exemple. Nous l'avons découvert ce matin en lisant le communiqué de l'Insee. C'est une décision qui est prise souverainement par l'Insee.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Il va se passer la même chose pour toutes les gendarmeries et les commissariats de police construits en partenariat public/privé. On a cru à un moment que ce n'était pas une dette de l'Etat. Or c'est bien une dette de l'Etat.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Dans le système actuel, ce sera à l'Insee d'en décider souverainement. Il nous prévient la veille, par courtoisie, mais ne nous demande pas notre avis sur ces classifications.

Mme Nicole BRICQ . - Comment faites-vous ? Vous le réintroduisez ces opérations dans la dette publique ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Tout cela est du ressort de l'Insee. Dans le communiqué publié ce matin. - la communication sur l'encours de dette publique au 31 décembre 2009. -, on retrouve un certain nombre de classifications, notamment celle sur les prisons, qui contribuent à augmenter le niveau de dette publique au 31 décembre 2009.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Y retrouve-t-on les gendarmeries ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je ne crois pas.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Ce n'est pas normal parce que celles qui ont été faites en partenariat public/privé sont carrément des dettes publiques et c'est la même chose pour les commissariats. C'est un engagement hors bilan. On peut tout faire à condition qu'il en soit rendu compte et qu'on donne une image fidèle de la situation.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Sur votre deuxième question, Monsieur le président, concernant les progrès dans l'harmonisation, tout cela résulte de règlements européens et les comptes publiés par l'Insee s'inscrivent dans le cadre du système européen de comptes. Il est lui-même la déclinaison au niveau de l'Union européenne du manuel de comptabilité nationale de l'ONU. Il y a donc un système assez formalisé, avec des règles harmonisées. Je pense que l'on peut affirmer avec un assez bon degré de certitude que la mesure des actifs et des passifs des collectivités locales ou des administrations de sécurité sociale est harmonisée au sein de l'Union européenne. Il peut y avoir des interrogations sur la sincérité des données transmises et cela est tout le sujet du pouvoir d'inspection d'Eurostat pour s'assurer que tout a bien été déclaré, mais en termes méthodologiques, je pense qu'il y a maintenant un assez grand degré d'harmonisation, en tout cas s'agissant du compte d'exploitation et donc du déficit.

En matière patrimoniale, comme vous le savez, les progrès sont plus lents et il n'y a pas de système harmonisé de comptabilité patrimoniale des administrations publiques au niveau européen. Nous l'avons en France de deux manières : dans la comptabilité générale, à travers le compte général de l'Etat, et en termes de comptabilité nationale, puisque l'Insee publie des comptes de patrimoine de l'ensemble des agents. - des ménages, des entreprises et des administrations publiques. - en comptabilité nationale. Mais la France est l'un des seuls pays à le faire en Europe. Si l'on voulait donc réfléchir à des progrès ultérieurs des comptes publics, il faudrait envisager une comptabilité patrimoniale harmonisée pour avoir une vision non seulement de la dette financière mais également de l'ensemble des éléments de passifs et d'actifs. Nous l'avons pour la France mais ne l'avons pas, en général, pour les autres pays.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Merci. Avez-vous le temps, Monsieur le directeur, de répondre aux questions que mes collègues souhaiteraient vous poser ?

Mme Nicole BRICQ . - Vous avez dit, à juste titre me semble-t-il, que la Grèce relevait finalement de la dimension de l'apprentissage, depuis une dizaine d'années avec la mise en place de l'euro, de toute cette surveillance comptable au niveau européen. Pensez-vous que la « révélation » grecque peut amener à se pencher sur d'autres comptabilités nationales au sein de la zone euro ? Je ne parle pas de la France, car vous y avez très nettement répondu.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je pense qu'il faut différencier l'optimisation comptable et la sincérité. Toute règle entraîne une forme d'optimisation, et pendant toute la période où les règles en matière de titrisation et de partenariat public/privé étaient relativement accommodantes, un certain nombre de pays ont procédé à ces opérations. Mais ils ont arrêté de le faire depuis que les règles ont été durcies. Cela donne d'ailleurs une réponse indirecte à la question de leur pertinence économique, beaucoup de ces opérations ayant disparu quand ces règles comptables ont changé.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Quand je pense qu'on a fait toute une série de colloques sur les partenariats public/privé. C'était extraordinaire, le nec plus ultra de la bonne gestion publique...

M. Jean-Jacques JEGOU . - Je pensais plutôt aux titrisations.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Oui, mais c'est pareil.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Il y a donc eu de l'optimisation comptable par le passé. Elle n'était pas litigieuse mais elle résultait simplement de l'utilisation des règles existantes. En termes de sincérité, il me semble, en revanche, que la Grèce est un cas vraiment à part. Les rapports d'Eurostat sur ce pays ont bien mis en évidence l'absence d'indépendance de l'institut de statistiques, la manipulation des comptes par le Gouvernement et le fait qu'il y avait un problème de gouvernance majeur en Grèce. Le nouveau Gouvernement grec s'attache d'ailleurs à les régler ; cela fait partie du plan d'ajustement demandé à la Grèce avec un nouveau statut de l'institut de statistiques et l'entrée d'un représentant d'Eurostat au conseil de surveillance de celui-ci. C'est un problème spécifiquement grec et, à ma connaissance, je ne crois pas que qu'il y ait eu des problèmes d'insincérité des comptes à la même échelle dans les autres pays européens. Je ne le crois pas.

Mme Nicole BRICQ . - Cela ne va-t-il pas amener Eurostat, avec tous les outils dont il dispose, à être tout de même plus regardant ? A moins que l'on nous dise que tout est parfait, mais nous n'en sommes pas moins, comme vous l'avez dit, dans une période d'apprentissage.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est-à-dire qu'à l'avenir, avant d'admettre un nouveau membre dans l'euro groupe, il ne faudra pas seulement veiller aux critères définis par Maastricht mais il faudra également vérifier que les institutions fonctionnent bien et que l'institut de la statistique de cet Etat est suffisamment indépendant pour donner du crédit aux informations transmises à Eurostat ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je suis tout à fait d'accord et je pense que cela fera effectivement partie des critères d'appréciation pour les nouveaux Etats membres. De même que l'on vérifie que la banque centrale est indépendante, on vérifiera peut-être mieux que l'institut de statistiques est indépendant. Par ailleurs, on peut sans doute s'attendre à une poursuite du durcissement de la jurisprudence d'Eurostat dans un certain nombre de domaines où il reste peut-être de l'ambiguïté, dans le partenariat public/privé mais également peut-être dans d'autres domaines comme dans l'utilisation d'instruments dérivés par les Etats.

On n'en a pas parlé mais l'un des éléments très problématiques en Grèce est qu'elle a réalisé des contrats d'échange sur les taux de change, des « swaps » de devises, qui lui ont permis d'engranger une recette de trésorerie immédiate. La Grèce procédait à la couverture de change de ses contrats militaires : c'est la fameuse opération avec Goldman Sachs.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Pouvez-vous nous décrire cette opération avec Goldman Sachs ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - La Grèce a couvert en change des contrats militaires achetés en dollars dont elle voulait ramener la charge en euros. En soi, ce n'est pas litigieux et il est même plutôt sain pour un Etat de vouloir neutraliser son exposition aux risques de change, mais la Grèce l'a fait d'une manière assez originale puisque le taux de change auquel l'échange était réalisé n'était pas celui du marché. En échangeant les devises à un taux hors marché, elle a pu engranger une soulte. Mais, c'était économiquement une dette.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est la raison pour laquelle les Grecs ont acheté des avions américains. Ceci a dû jouer dans la décision de la Grèce à l'époque : Goldman Sachs conseillait le lobby militaro-industriel américain et les Grecs leur ont en plus promis de l'argent.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Comme pour les autres opérations, il faut là aussi distinguer l'optimisation et l'insincérité, c'est-à-dire que les « swaps » de change sont en soi une bonne chose. - la France couvre ainsi en change certaines de ses opérations en devises, en particulier les versements aux organisations internationales. - mais cela se fait sous forme d'échanges à terme qui sont évidemment au prix du marché. C'est neutre du point de vue du marché et il n'y a pas de recettes de trésorerie. Tout est par ailleurs transparent. C'est l'objet de la création du compte de commerce sur la couverture des risques financiers de l'Etat qui a permis de mettre en place ce type d'opération. Cela se fait pour neutraliser le risque de change au bilan de l'Etat, sans impact sur la dette publique.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Oui, mais il faut que cela corresponde à son objet.

M. Philippe ADNOT . - Comment va-t-on considérer au niveau européen la partie non consomptible du grand emprunt ? Cela va être comptabilisé comme de l'endettement ?

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Le grand emprunt : comment transformer du court terme en long terme ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Sur le grand emprunt, il est clair que l'impact sur la dette publique, à la fin de l'opération, sera le cumul de tout ce qui aura été consommé. Ce qui restera et ne sera pas consomptible n'impactera pas la dette publique. Pourquoi ? Parce que ces fonds seront placés sur le compte unique du Trésor et n'affecteront donc pas le besoin de financement de l'Etat. C'est neutre du point de vue du périmètre de l'ensemble des administrations publiques. C'est une condition posée dès le début de l'opération d'ailleurs inscrite dans le collectif de janvier. Les dotations aux universités, par exemple. - la partie non consomptible des dotations aux universités. -, est de l'argent transféré par l'Etat aux universités mais placé par celles-ci sur le compte unique du Trésor. En comptabilité nationale, on a donc un flux entrant et un flux sortant qui s'annulent et tout ceci n'affecte pas le montant de la dette publique. Cela peut s'interpréter en termes financiers et de trésorerie par le fait que cela n'appelle pas de besoins d'emprunt de la part de l'Etat, puisque l'argent ne sort pas du circuit du Trésor.

M. Philippe ADNOT . - C'est quand même de la création monétaire ? On produit des intérêts à partir de quelque chose qui n'existe pas puisque la sortie et l'entrée sont annulées.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Par convention, on dit que l'on va verser des intérêts ; on rabote sur les autres missions et c'est neutre. C'est une opération d'habillage, même si ce n'est pas très pédagogique.

M. Philippe ADNOT . - Je ne suis pas d'accord.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Cela s'inscrit aussi dans une politique générale que nous avions essayé de lancer il y a quelques années et qui consiste à essayer de ramener sur le compte du Trésor les actifs de l'administration publique de manière à limiter le niveau de la dette publique et l'appel au marché par l'Etat, de manière à éviter que l'Etat n'ait à émettre des obligations pour doter les établissements publics qui placeraient ensuite ces dotations sur les marchés financiers. Cela augmente les besoins en financement de l'Etat pour un intérêt économique assez limité. La direction générale du Trésor a encouragé une politique de centralisation des actifs des établissements publics sur le compte unique du Trésor, quand c'est possible au regard de leurs statuts.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Ce grand emprunt est un vrai raffinement. C'est un cas d'école.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - En termes de chiffres, le grand emprunt représente 35 milliards d'euros. L'impact sur la dette, celui qui a par exemple été inscrit dans le programme de stabilité, est de 5 milliards en 2010 et de 3,5 milliards par an sur les quatre années suivantes (2011-2014). Cela fait 19 milliards d'euros d'impact sur la dette à l'horizon 2014.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Il y a 16 milliards d'euros consomptibles et 19 milliards d'euros non consomptibles. Cela veut dire que, budgétairement, on a plombé de 35 milliards le budget 2010, alors que l'on ne va dépenser que 3 milliards d'euros, si l'on en croit M. Ricol. Quand on dépensera 4 ou 5 milliards par an, cela n'apparaîtra pas dans le déficit budgétaire.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Cela apparaît en une fois dans le déficit budgétaire de 2010.

Mme Nicole BRICQ . - C'est la même question mais rétrécie aux 13 milliards remboursés pour les banques ; je suppose qu'ils sont aussi dans le compte du Trésor et qu'ils obéissent donc aux mêmes règles que les 22 milliards d'euros que vous venez d'énoncer. Si l'on utilise une partie de ces 13 milliards pour financer une infrastructure de transport, par exemple. - ou doter en capital une société créée pour lancer une grande infrastructure. -, et alors que dans la loi de finances rectificative un amendement pour flécher cela sur les transports n'a pas été accepté ; pourrait-on le faire alors que loi a fléché les sommes ? Je viens de comprendre les règles, vous les avez bien exposées et, comme vient de le dire M. le président, cela est compensé par les réductions correspondantes, mais je trouve cette affaire quand même curieuse. Ces 13 milliards font partie de l'emprunt par une opération comptable et ils ne sont pas empruntés sur les marchés mais ils pourraient être délégués, à moins que le Trésor ne les garde ?

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Le Trésor les garde et il fait office de fondation qui gère pour le compte des universités.

Mme Nicole BRICQ . - Peut-être a-t-il des idées d'utilisation, et c'est du reste normal puisque c'est lui qui gère ; mais je ne comprends pas ces 13 milliards. Comment va-t-on les utiliser ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je crois qu'il faut distinguer l'affectation budgétaire. - celle que vous avez votée. - et l'affectation financière, c'est-à-dire que l'argent est de toute façon sur le compte unique du Trésor et il n'en sort pas. On en prend soin.

Mme Nicole BRICQ . - On va peut-être vous demander de le sortir.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - On nous demandera effectivement de le sortir puisqu'il a donné lieu à des dotations budgétaires.

Mme Nicole BRICQ . - Je crois même qu'on vous l'a déjà demandé.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Dans le cadre du collectif budgétaire de janvier, le financement du grand emprunt des 35 milliards a été divisé entre d'une part ces fameux 13 milliards, qui sont les retours des dotations de capital aux banques, et il reste donc 22 milliards à financer. Sur ces 22 milliards à financer, 9 milliards viennent de l'excédent du compte du Trésor au 31 décembre 2009 qui est lié au fait que l'agence France Trésor a pu racheter des titres arrivant à échéance en 2010 et réduit ainsi son financement sur 2010. Il reste donc 13 milliards à financer par émission à moyen et long termes. Les 35 milliards du grand emprunt n'augmentent les émissions d'OAT, à moyen et à long terme, de 2010 qu'à hauteur de 13 milliards, 13 milliards venant des banques et 9 milliards de l'optimisation de la trésorerie d'une année sur l'autre. Les 13 milliards de retour des banques sont affectés au financement du grand emprunt et serviront à doter les établissements publics opérateurs. Ils seront ensuite décaissés par ces opérateurs, mais, comme l'a dit M. le président, sur une période plus longue, commençant en 2010 et s'étendant sur plusieurs années.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Vous êtes sorti d'Eurostat...

Mme Nicole BRICQ . - Concrètement, les opérateurs désignés et identifiés vont demander des fonds et il va donc y avoir un circuit pour cet argent.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Un circuit est précisément prévu dans le collectif, c'est-à-dire qu'il y a des dotations du budget général vers les opérateurs ; l'argent appartient à ces opérateurs à partir du moment où la dotation a été opérée mais ils sont tous tenus de le placer.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est comme dans le cas des communes.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - C'est effectivement comme dans le cas des dotations aux collectivités locales. L'argent appartient aux opérateurs, est placé sur le compte unique du Trésor et il est ensuite décaissé par les opérateurs dans le cadre de la gouvernance du grand emprunt en suivant les instructions données par le commissaire général à l'investissement. La gouvernance est quand même très centralisée.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est simple.

Mme Nicole BRICQ . - Oui, mais il n'y a pas de fléchage sur les transports. Il n'y en a pas dans ce qu'on a voté. Cela a été l'objet de la discussion qui nous a retenus une demi-heure en commission mixte paritaire avec un amendement de notre collègue Philippe Marini. J'avais compris et me vois confirmée dans ce que je pensais.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - J'avais également compris ce que M. COEURÉ, vient de confirmer.

M. Philippe ADNOT . - J'avais une question à poser sur les 13 milliards. Si j'ai bien compris ce qui a été dit, cela a accru le déficit de cette année et comme les banques vont bientôt rembourser, cela nous prépare un exercice où l'on pourra dire qu'on a diminué le déficit.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Non, tout cela n'impacte pas le déficit parce que ce sont des opérations financières. On est dans l'utilisation du besoin de financement mais cela n'a pas d'impact sur le déficit public parce qu'on est en dessous de la ligne du déficit. Ce sont des opérations patrimoniales et cela n'impacte pas le déficit, au sens de Maastricht.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Non, cela ne joue pas sur Maastricht. Il faudrait d'ailleurs éviter de dire qu'il y a Maastricht ou qu'il n'y a pas Maastricht et que tout cela soit un peu convergeant. C'est comme dans les bénéfices selon le fisc et selon les comptes : il faudrait que cela puisse un jour converger.

J'ai deux questions à vous poser. Pensez-vous qu'Eurostat puisse prétendre à un statut au moins aussi indépendant que celui des instituts nationaux de la statistique ?

Dans les regards croisés nationaux, ne pourrait-on pas demander aux banques centrales, dès lorsqu'elles sont suffisamment indépendantes. - mais elles le sont de toute façon institutionnellement dès lors qu'elles font partie de l'euro groupe. - de donner une appréciation sur la sincérité des comptes publics ? Cela se fait, semble-t-il, au Portugal.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je vais vous donner un avis strictement personnel sur cette question. Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée. La banque centrale a de manière générale un rôle de conseil du Gouvernement. Sa communication publique est libre sur toutes les questions de politique économique et si la banque centrale souhaite émettre un avis sur ces questions, elle peut le faire et il faut qu'elle puisse le faire en toute indépendance. Maintenant, est-ce que, institutionnellement, il faut ériger la banque centrale en autorité statistique qui serait amenée à jouer un rôle, par exemple, d'agence de notation ? Faut-il impliquer la banque centrale dans le processus budgétaire ? Je ne le pense pas. La banque centrale est une institution monétaire et elle ne doit pas être amenée à intervenir dans la programmation budgétaire ou dans l'évaluation des programmes de stabilité. Je pense que ce ne serait pas une bonne répartition des rôles. Maintenant, si la banque centrale considère qu'il y a des problèmes dans des comptes qui sont de nature à avoir des conséquences pour la stabilité financière, par exemple, parce que cela induirait des primes de risque sur les obligations et pourrait fragiliser la situation des banques, il faudrait alors qu'elle le dise.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - La banque centrale grecque aurait pu, par exemple, tirer la sonnette d'alarme ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Absolument, ou la banque centrale européenne, mais c'est une répartition à revoir. En revanche, je ne pense pas que la banque centrale européenne doive devenir un auxiliaire des Gouvernements dans une procédure budgétaire.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Quelle est l'indépendance d'Eurostat par rapport à la Commission ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Je ne pense pas que le problème principal soit celui de l'organisation administrative. L'important est l'indépendance d'Eurostat dans ses décisions et dans sa gouvernance. Ensuite, que les fonctionnaires d'Eurostat soient payés par la Commission ou sur un budget propre ne me paraît à pas être le plus important. Il faut des garanties en matière de gouvernance statistique.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Oui, mais quelle indépendance pour des autorités dépendant de ministères ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Dans le cas français, l'Insee est une direction du ministère des Finances, mais l'autorité de la statistique est une autorité administrative indépendante qui vérifie l'intégrité de ce que fait l'Insee. Cela me paraît être un bon système et on pourrait le transposer au niveau européen. Je ne pense pas que l'on ait nécessairement besoin de faire d'Eurostat une agence.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Elle serait plus indépendante que M. Cotis ?

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Monsieur Cotis est indépendant en tant que producteur de statistiques, et il est par ailleurs payé par le ministère des finances. Son indépendance en tant que statisticien est vérifiée par M. Champsaur.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - C'est aussi vrai pour l'autorité de la concurrence : ils sont payés par le ministère de l'Economie et ils sont indépendants.

M. Benoît COEURÉ, économiste en chef et directeur général adjoint de la direction générale du Trésor . - Leur indépendance est garantie par la loi.

M. Jean ARTHUIS, président de la commission des finances . - Je vous remercie.

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