TRAVAUX DE LA COMMISSION - TABLE RONDE DU 7 AVRIL 2010 SUR L'IMPACT DU DÉVELOPPEMENT DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE SUR LES FINANCES DE L'ETAT

La table ronde a mis en présence Mmes Marie-Christine LEPETIT , directrice de la législation fiscale (DLF), Maïté GABET , chef du bureau « contrôle fiscal international » à la direction générale des finances publiques (DGFIP), MM. François MOMBOISSE , président de la fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), Marc LOLIVIER , délégué général de la FEVAD, Giuseppe de MARTINO , président de l'association des services Internet communautaires (ASIC) et directeur juridique et réglementaire monde de Dailymotion, Yohan RUSO , directeur général d'eBay France, Marc WOLF , sous-directeur de la fiscalité des transactions à la direction de la législation fiscale (DLF), Olivier ESPER , responsable des relations institutionnelles de Google France, et Yoram ELKAIM , directeur juridique de Google France.

PRÉSENTATION DE L'ÉTUDE DU CABINET GREENWICH CONSULTING

M. Jean ARTHUIS, président . - L'ordre du jour de ce matin appelle une table ronde sur l'impact du développement du commerce électronique sur les finances de l'Etat.

Ce sujet est pleinement d'actualité, en témoigne le débat récent sur l'instauration d'une taxe sur les revenus de la publicité en ligne, dite « taxe Google », proposée par la Commission Zelnik. Comme vous vous en souvenez, la commission des finances du Sénat s'était saisie de cette question en proposant, par la voix de son rapporteur général, un amendement à la loi de finances rectificative pour 2010. Celui-ci a été retiré suite à l'engagement du Gouvernement d'explorer les conditions juridiques et techniques nécessaires à la mise en place d'une imposition la plus juste et la plus adaptée au secteur de la publicité sur internet. En effet, nous avions vu que la proposition de taxation issue du rapport Zelnik n'est pas applicable en l'état et rate sa cible principale. Toutefois, le débat sur le développement du commerce électronique et son impact sur les finances de l'Etat ne se résument pas à la seule question de la publicité en ligne.

Ainsi, l'essor des transactions électroniques entre particuliers avait amené, dès 2008, la commission des finances à intervenir dans la lutte contre la fraude via Internet dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008. Plus largement, il s'agit d'appréhender les formes nouvelles de transactions dématérialisées et de création de richesse afin d'étudier les adaptations nécessaires de notre fiscalité.

Les exemples sont nombreux d'optimisation fiscale des grands sites Internet dans les pays dont la fiscalité est jugée plus faible qu'en France : je citerai simplement le Luxembourg et l'Irlande. Ce phénomène, rendu possible par la dématérialisation croissante des services, pose la question de la compétitivité de la France pour accueillir les sites étrangers et du risque de délocalisation des activités présentes sur notre territoire.

C'est pourquoi la commission des finances a demandé en 2009 la réalisation d'une étude d'impact sur les finances de l'Etat du développement du commerce électronique. Après mise en concurrence de plusieurs prestataires, cette mission a été confiée au cabinet Greenwich Consulting.

À partir de cette étude, la commission des finances a jugé utile d'organiser cette table ronde afin :

- d'en rendre public le contenu, puisque cette étude sera mise en ligne sur le site Internet du Sénat ;

- d'étudier les problématiques soulevées par le développement du commerce électronique au regard des recettes fiscales de l'Etat, et même des collectivités territoriales, je pense à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) ;

- et d'identifier des propositions d'évolution législative qui prennent en compte à la fois les novations technologiques et l'amélioration de la compétitivité fiscale de la France.

Je salue la présence à mes côtés de Messieurs Cédric Foray et Pierre Borg, respectivement président-directeur général et consultant du cabinet Greenwich Consulting.

Je tiens à remercier chacun des intervenants d'avoir accepté de venir participer à cette table ronde :

- Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale (DLF), et M. Marc Wolf, sous-directeur de la fiscalité des transactions à la direction de la législation fiscale :

- Mme Maïté Gabet, chef du bureau « contrôle fiscal international » à la direction générale des finances publiques (DGFIP) ;

- MM. François Momboisse, président, et Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) ;

- M. Giuseppe de Martino, président de l'association des services Internet communautaires (ASIC) et directeur juridique et réglementaire monde de Dailymotion.

- M. Yohan Ruso, directeur général d'eBay France, site leader de vente de particuliers à particuliers ;

- MM. Olivier Esper, responsable des relations institutionnelles, et Yoram Elkaim, directeur juridique de Google France, moteur de recherches leader à l'échelle internationale.

Pour la bonne organisation des échanges, je vous propose que cette table ronde soit introduite par une présentation des principales conclusions de l'étude rendue par le cabinet Greenwich Consulting, et de soulever les questions qui feront débat.

Chaque intervenant pourra ensuite présenter, dans une courte intervention liminaire, ses principales observations, ses réactions au compte rendu de l'étude rendue par le cabinet Greenwich Consulting.

Ensuite, au cours des débats, chaque commissaire qui le souhaitera interviendra à son tour.

En France, le poids du commerce électronique reste pour l'instant relativement limité, c'est à dire 1,1 % de la consommation des ménages en 2008, soit 15 milliards d'euros pour une consommation des ménages français s'élevant, globalement, à un peu plus de 1 409 milliards d'euros. À périmètre comparable, le e commerce ne représente encore que 3,4 % du commerce français. Néanmoins, il possède un fort potentiel de croissance.

La croissance du secteur devrait amener le marché du commerce des entreprises vers les particuliers à doubler pour atteindre une taille de 28 milliards d'euros d'ici à 2014, sous l'effet cumulé de plusieurs facteurs :

- l'augmentation de la pénétration Internet pour passer de 58 % en 2007 à 73 % en 2012 ;

- l'augmentation du nombre de « cyber-acheteurs » pour passer de 20 millions en 2007 à 30 millions en 2014.

Quatre principaux secteurs - tourisme, produits technologiques et équipement de la maison, habillement et produits culturels - représentent les trois quarts de ce marché. Le « e-tourisme » domine le e-commerce en raison de la forte adoption par les internautes de ce mode d'achat. La taille du panier moyen est évaluée à plus de 1 000 euros pour les offres de forfaits séjour et transport « tout compris », contre moins de 30 euros pour l'achat moyen de biens culturels.

Dans la mesure où le secteur du tourisme vend des prestations dématérialisées, et où la réservation est centralisée, Internet est le média idéal pour fournir au consommateur un accès direct et rapide et l'information, ainsi qu'un achat à distance. Selon le Benchmark Group, 76 % des cyber-acheteurs ont déjà acheté un produit de tourisme, qu'il s'agisse d'hébergement, de vols secs ou de séjours packagés.

Selon la définition de l'OCDE, la structuration du commerce électronique qui englobe les transactions de biens et de services effectuées au moyen d'un réseau électronique comporte en fait plusieurs réalités :

- le commerce business to consumer (B to C), est constitué d'entreprises ayant mis à profit Internet pour développer un nouveau canal de vente de produits et/ou services à destination des particuliers ;

- l'intermédiation consumer to consumer (C to C), permet la structuration du secteur informel de la vente entre particuliers ;

- le commerce business to business (B to B) concerne le commerce interentreprises.

Ces secteurs sont d'une importance économique inégale. Les transactions entre particuliers demeurent limitées à environ 650 millions d'euros pour les transactions de type « petites annonces » et 100 millions d'euros pour les places de marché, dont eBay et Priceminister détiennent 75 % du marché.

Le e-commerce des entreprises vers les particuliers représente environ 17 milliards d'euros. Le secteur des transactions interentreprises représente quant à lui 90 % du commerce électronique total, soit 150 milliards d'euros de revenus répartis entre l'Internet à hauteur de 80 milliards d'euros et les échanges électroniques de données, pour 70 milliards d'euros.

Le commerce électronique est animé par des typologies d'acteurs très différentes :

- les acteurs français du commerce traditionnel, qui développent une activité de commerce en ligne, comme voyages-sncf.fr, fnac.com, etc. ;

- les pure players, qui sont des entreprises dont l'activité est exclusivement menée sur Internet, telles Pixmania, Rueducommerce ou iTunes ;

- les multinationales extracommunautaires qui s'implantent en Europe, comme Amazon, Expedia, etc.

Ces multinationales sont à la recherche d'un environnement global et fiscal favorable, leur permettant d'atteindre l'ensemble du marché européen, depuis un point unique.

J'en viens à l'impact sur les finances publiques du développement du commerce électronique. Ce secteur d'activité souffre de marges réduites qui affectent négativement les recettes de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. Trois raisons principales expliquent ce phénomène :

- d'abord, l'existence d'une zone de chalandise unique. Celle-ci provoque une pression à la baisse sur les prix ;

- la concentration des acteurs sur des marchés de masse. Les « e-commerçants » se sont d'abord concentrés sur les marchés de masse à marge brute réduite, parfois dans une optique de revente de la société à terme ;

- la course aux parts de marché dans un contexte de forte croissance. Motivés par le développement du secteur et par la perspective du rachat de leur société, même non rentable, certains e-commerçants peuvent pousser très loin le concept de « guerre commerciale », au point de mettre en péril la stabilité financière de tout un secteur.

Les multinationales extracommunautaires sont à la recherche d'un environnement global favorable, leur permettant de commercialiser leurs produits ou services sur l'ensemble du marché européen, depuis un lieu d'implantation unique. La fiscalité semble jouer un rôle fondamental dans la localisation de leur siège social. La question est de savoir dans quelle mesure le critère fiscal intervient dans la décision de localisation par rapport à d'autres critères que sont la taille du marché local, la proximité culturelle pour le management, la qualité des infrastructures technologiques et logistiques pour l'exploitation, la disponibilité, le coût et la flexibilité des compétences d'une façon générale.

Par ailleurs, les nouvelles activités du e-business élargissent « l'assiette à risque » globale de l'économie française. En cas de migration massive des entreprises vers un modèle d'externalisation complète des services informatiques, les activités d'achat de matériels informatiques et d'externalisation seraient menacées. Selon Greenwich Consulting, l'externalisation représente d'ores et déjà 15 % des dépenses de services informatiques en France, soit 10 milliards d'euros. Ce marché se développe fortement et pourrait atteindre à terme des niveaux proches de ceux de l'Allemagne, soit 14,8 milliards d'euros, ou du Royaume Uni, soit 26,6 milliards d'euros.

Outre l'assiette à risque d'externalisation actuelle, 60 milliards d'euros d'activités aujourd'hui non externalisées pourraient l'être à terme, soit au total plus de 70 milliards d'euros d'activités, qui pourraient à l'avenir se situer à l'étranger. Je vous laisse imaginer le nombre d'emplois qui disparaîtraient du territoire national.

Dans les secteurs où la marge est réduite, tels que la vente de musique en ligne, l'écart de compétitivité fiscale en matière de TVA constitue à lui seul la source de profit pour le e-commerçant. Dans le cas d'iTunes, Greenwich Consulting estime que la marge commerciale, qui est de 15 centimes au Luxembourg, serait nulle en cas de paiement de la TVA en France, pour un prix total comparable. Comme vous le savez, la TVA est de 15 % au Luxembourg, tandis qu'elle est de 19,6 % en France. Ce n'est pas un hasard si un bon nombre d'opérateurs se sont implantés sur le territoire luxembourgeois.

Les règles en vigueur pour la vente de produits immatériels permettent aux sites marchands qui opèrent depuis le Luxembourg de bénéficier jusqu'en 2015 du taux de TVA luxembourgeois de 15 %, plutôt que du taux en vigueur dans le pays du client, soit 19,6 % en France. Le Conseil Ecofin de décembre 2007 a entériné la fin totale de ce système en 2019, avec une période transitoire entre 2015 et 2019. À partir de cette date, la TVA devra être versée et facturée au taux en vigueur dans le pays du consommateur. Aujourd'hui, le Luxembourg perçoit l'intégralité de la TVA et ne reverse rien à la France, alors même que les consommateurs sont domiciliés en France. C'est ce qui me fait dire que le Premier ministre du Luxembourg, Président du Conseil Ecofin, nous « fait les poches » en matière de TVA.

Toutefois, la mise en place technique de la mesure posera deux problèmes :

- premièrement, ce sera l'Etat luxembourgeois qui contrôlera les entreprises établies sur son sol afin de veiller à ce que les recettes de TVA ne lui reviennent pas. On voit le déchirement que cela peut représenter ;

- deuxièmement, comment éviter qu'un internaute se déclare dans un pays où il ne se trouve pas physiquement ?

Voilà quelques interrogations qui mettent le doute sur les rentrées fiscales dans notre pays. Je cède à présent la parole à Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Merci Monsieur le Président. Ce n'est pas seulement notre pays qui peut se faire du souci car nous ne sommes pas dans une position si différente, à l'égard de cette problématique, de celle du Royaume-Uni, ou de celle de l'Allemagne. Il y a en quelque sorte une très grande attractivité des petits pays qui ont trouvé des niches -Luxembourg, Irlande - et qui sont bénéficiaires nets des flux économiques générés par le système dans lequel nous nous trouvons. Notre consultant, Greenwich Consulting, a évalué le manque à gagner de TVA de la France à près de 300 millions d'euros, mais il est clair que l'Etat qui serait le plus pénalisé par les transferts de TVA intracommunautaires, ce n'est pas la France, c'est le Royaume-Uni. Quant à l'Allemagne, elle serait pénalisée pour un montant à peu près double du nôtre, ce qui mérite aussi d'être souligné. Il est clair que dans la mécanique institutionnelle européenne, nous le savons tous, les petits Etats ont un avantage décisif sur les grands Etats.

M. Jean ARTHUIS, président . - Ce sont ces pays, dont les premiers ministres vont eux-mêmes négocier des conventions fiscales.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Mais en revanche, ce sont d'excellents professionnels. Leur chaîne est plus courte que celle des grands Etats forcément plus structurés. Le « manque à gagner » fiscal en matière de TVA qui, à partir de 300 millions d'euros selon l'estimation que je viens de donner, pourrait atteindre 560 millions d'euros de TVA en 2014.

Naturellement, c'est toujours le Royaume-Uni qui demeurerait le pays le plus durement touché, avec près de 2 milliards d'euros par an de manque à gagner de TVA. L'un des sujets que l'on doit garder à l'esprit, c'est cette période transitoire 2015-2019. Les Etats ont eu conscience du déséquilibre du système, donc ils ont négocié un retour à ce que devrait être le droit commun de la TVA. Mais ce retour a été différé, et la question se pose, de savoir comment le droit commun pourra fonctionner ? Le président Arthuis le disait : quel contrôle ? Quelle qualité d'information ? Il est clair que ceux qui bénéficient de la rente, nous aurons de la peine à la leur faire lâcher.

M. Jean ARTHUIS, président . - Nous avons déjà un exemple dans la vente à distance. Il y a une règle qui veut que lorsque l'entreprise vend dans un autre Etat, plus de 100 000 euros par an, elle doit facturer la TVA au taux du pays où réside le consommateur. Mais il n'y a aucun contrôle.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Peut-être que la crise, et les difficultés supplémentaires qu'elle a induites pour les finances publiques, vont servir de révélateur. Sans doute y aura-t-il lieu, dans le cadre des institutions européennes, de renégocier un certain nombre de choses. Car comment revenir à l'équilibre budgétaire si l'on est pénalisé pour des pertes de recettes aussi importantes. Ce problème n'est pas exclusif à la France, ce n'est pas un sujet de spécificité franco-française de gens rebelles au progrès et aux nouvelles technologies. Il s'agit d'un problème de convergence de nos finances publiques.

J'en viens maintenant à l'impôt sur les sociétés et vous présenterai un cas pratique : celui du Groupe Amazon, avec la répartition du volume d'activité et du chiffre d'affaires déclaré par pays. Il est naturel que les multinationales aient une approche globale du marché européen, qu'elles choisissent le siège social paneuropéen en fonction de leurs intérêts, et donc du caractère attractif du lieu de ce siège en termes de définition de l'impôt sur les sociétés. C'est ainsi que eBay est localisé en Suisse, Amazon au Luxembourg, et Expedia en Irlande, pour prendre ces trois exemples.

Le commerce électronique obéit, en ce domaine, aux mêmes règles que les autres domaines d'activité. Le comportement des multinationales du e-commerce n'est pas différent de celui des multinationales des autres branches d'activités. Lorsque l'on implante une filiale ou une succursale en Europe, il faut définir le lieu du siège porteur, et il y a des très grandes chances, ou de très grands risques, pour que ce soit l'Etat ou le canton suisse qui offrent les plus grandes facilités en termes de moins-disant fiscal, c'est-à-dire de moins-disant en termes d'impôts sur les sociétés, qui soit choisi pour être le siège de cette consolidation fiscale des comptes européens. Selon l'analyse de Greenwich Consulting, Amazon capte un volume d'affaires de 930 millions d'euros en France, alors que la filiale française ne déclare un chiffre d'affaires que de 25 millions d'euros au titre de prestations de services logistiques, rémunérées par la holding luxembourgeoise.

Nous pouvons avoir présents à l'esprit toutes sortes d'autres exemples. Il n'y a pas longtemps, nous parlions de Google et de son implantation en Irlande, c'est exactement le même schéma.

Je termine cette présentation par le troisième impôt. C'est un impôt auquel nous sommes d'autant plus sensibles que la récente réforme de la taxe professionnelle l'a affecté aux collectivités territoriales : il s'agit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM).

M. Jean ARTHUIS, président . - C'est pour ça que cela affecte non seulement l'Etat mais aussi les collectivités territoriales.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Absolument. Evidemment, vous allez peut-être penser que notre imagination fiscale est trop grande. Mais après tout, la TASCOM s'applique au commerce classique. Pourquoi l'équivalent ne s'appliquerait-il pas au commerce virtuel ?

M. Jean ARTHUIS, président . - Là, la surface, c'est tout le pays, voire le monde.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - En effet, comment définir la surface ? C'est surtout pour que nous réfléchissions au principe de la neutralité. Selon une bonne conception de la fiscalité - je le dis sous le contrôle de Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale - une même activité économique doit être soumise aux mêmes règles fiscales, pour éviter les distorsions techniques, ou technologiques. Or, la spécificité du commerce électronique rendrait peut-être difficile la mise en place d'une taxe analogue à la TASCOM alors que pourtant, cette taxe est supportée sur des activités économiques identiques, mais réalisés par des procédés classiques.

Je souhaite maintenant lancer le débat, Monsieur le président. Chacun a, bien entendu, présente à l'esprit la situation des finances publiques de notre pays. Au demeurant, les divergences fiscales des Etats membres ont été fortement accélérées par la crise. Il va bien falloir se remettre sur un chemin de convergence. On le dit. Mais au-delà de le dire, il va falloir le faire. Pour le faire, il va falloir utiliser tous les leviers concevables. Or, si l'Europe est une « passoire », les grands Etats qui sont soumis à cette obligation de convergence vont sans doute devoir élaborer des positions de manière à rétrécir les « trous de la passoire », si je puis ainsi m'exprimer.

Quelle est la bonne politique ? Pour nos consultants, qui sont d'esprit très libéral, « bonne politique » c'est « moins de fiscalité ». Comme ça, naturellement, les activités se développent. Mais cette politique de compétitivité fiscale, même si elle est nécessaire, et même si notre commission en a souvent, par le passé, souligné l'opportunité, a aussi des limites. Au demeurant, nous sommes habitués à ce que l'on vienne nous voir - tous les groupes d'intérêt et tous les groupes professionnels viennent nous voir - en nous disant : « ne me fiscalisez pas aujourd'hui, je vous rapporterai des recettes demain. ». Ça, c'est le raisonnement absolument général de tous ceux qui viennent au guichet. Mais, dans l'immédiat, le déficit budgétaire se creuse.

Quelle autre solution que l'harmonisation fiscale européenne pour éviter le dumping généralisé en Europe ? Faut-il une fiscalité spécifique au commerce électronique, ou faut-il en rester à notre bon vieux principe de la neutralité, que j'évoquais il y a un instant ? Faut-il taxer de manière identique, au sein d'une même nature d'activité, quels que soient les procédés ou techniques mis en oeuvre ?

Il faut remarquer, sous le contrôle des participants à la table ronde, que les Etats-Unis ont supprimé la TVA sur le e-commerce. Le Luxembourg, que nous avons évoqué tout à l'heure, a lui-même eu une approche spécifique de ces sujets. Donc, réfléchissons-y bien. Est-il possible de trouver un équilibre entre la dynamique de cette branche d'activités et l'intérêt immédiat des finances publiques ? Enfin, comment intégrer le facteur technologique dans la définition des assiettes ? Comment localiser ou territorialiser le consommateur ? Faut-il adapter les assiettes des impôts existants ? Faut-il créer des taxes spécifiques aux activités dématérialisées ?

Toutes ces questions, auxquelles bien d'autres pourraient être ajoutées, montrent, sinon le désarroi, du moins l'inadaptation du fiscaliste traditionnel face à ces sujets. Nous avons rencontré, à différentes reprises, ces problématiques. C'est la raison pour laquelle le président Arthuis a bien voulu organiser cette table ronde, dont nous attendons beaucoup.

M. Jean ARTHUIS, président . - Merci M. le rapporteur général. On pourrait faire un premier tour de table, si vous le voulez bien. Je vous invite à réagir par rapport à la présentation qui vient d'être faite des travaux conduits par Greenwich Consulting. J'espère, Messieurs, que le compte-rendu n'a pas trahi le contenu de votre étude.

M. Cédric FORAY, président directeur général de Greenwich Consulting . - Je remercie M. le rapporteur général qui a enrichi notre rapport.

Page mise à jour le

Partager cette page