DÉBATS

M. Jean ARTHUIS, prési dent. - Mme Marie-Christine Lepetit a des obligations. Peut-être souhaite-t-elle s'exprimer dès maintenant ?

Mme Marie-Christine LEPETIT, directrice de la législation fiscale (DLF) . - Je voudrais, très rapidement et avec grande modestie sur ces sujets, vous faire part de quelques éléments de réflexion. Qu'il n'y ait aucune ambiguïté, je suis responsable d'une administration, je ne suis pas ici avec l'idée d'apporter des solutions arbitrées ou des propositions qui seraient celles du Gouvernement. Nous sommes réunis dans le cadre d'une table ronde. C'est donc avec l'oeil du technicien, et avec l'idée d'essayer d'approfondir le diagnostic et de poser quelques éléments permettant peut-être d'esquisser les pistes de solutions ou les voies possibles, que j'interviens. Et non pas avec une prétention de décision ou d'orientation.

Je voudrais aussi indiquer que je ne commenterai pas les chiffres car je ne dispose pas, sur le siège, d'un avis sur le point de savoir si ces chiffres sont les bons, s'ils sont surestimés, sous-estimés ou bien positionnés par rapport aux types d'activités qu'ils décrivent. Ce n'est pas mon métier.

Une chose est certaine, en revanche, c'est que l'analyse des phénomènes décrits par le rapport, à savoir, un déplacement rapide de la façon dont se créent les richesses et dont s'organisent les marchés, dont, aussi, se construisent les marges, est tout à fait confirmée, et mérite évidemment la plus grande attention, s'agissant de construire un système fiscal. Du point de vue du technicien, il n'y a pas de doute qu'il y a une préférence - le terme est faible - pour aller rechercher, puisque cette dîme est nécessaire pour le bon fonctionnement de nos services publics, des recettes là où naît la richesse, plutôt que sur des activités qui seraient dormantes ou finissantes. Ceci, bien entendu dans le respect de la compétitivité, comme le rapporteur général l'a indiqué. Je crois qu'il ne faut pas être excessivement naïf. Nous avons là des phénomènes économiques extrêmement rapides, extrêmement puissants, avec de la richesse qui se crée tous les jours, et qui justifie pleinement l'attention que portent la commission des finances et les pouvoirs publics à cette question.

Toujours sous l'angle du technicien, je vais peut-être reformuler à ma façon les points saillants du diagnostic, avec l'oeil du fiscaliste, c'est-à-dire en choisissant une entrée par impôt. Je terminerai, plus globalement, sur les points à approfondir pour le futur.

Je vais commencer par la TVA, pour situer comment, au niveau de l'administration fiscale française, on hiérarchise nos difficultés - nulles, moyennes, grandes - au regard de ce qui a été dit.

Si je me situe au stade des règles, avant d'en venir à la manière dont elles sont mises en oeuvre et contrôlées, nous avons une vision un petit peu plus optimiste, que ce qui a été présenté ici, sous le bénéfice de deux nuances. L'une a été soulignée par le président. Elle est insatisfaisante, on le comprend bien, mais elle se dépassera mécaniquement. Il s'agit de la gestion du temps. Il est désormais prévu que la TVA sur les services électroniques sera, s'agissant des prestations B to C, c'est-à-dire de la consommation finale, facturée au lieu de consommation à compter de 2015. En conséquence, nous pourrons, à cette échéance, dire que l'on aura une taxe à la consommation des consommateurs français. Ceci consolide, sur le plan du principe, un fonctionnement normal d'une taxe à la consommation par rattachement à la territorialité de la consommation à ceux qui, précisément, opèrent l'acte de la consommation.

M. Jean ARTHUIS, président . -Le principe va être validé. Très bien. Mais il faut attendre 2015. D'ores et déjà, les ventes à distance font l'objet de facturation sur des biens livrés depuis un autre pays européen vers des consommateurs français, dès lors que la vente globale sur la France est supérieure à 100 000 euros, la TVA doit être la TVA française. C'est un système inapplicable.

Mme Marie-Christine LEPETIT . - La deuxième nuance sur la question de la règle existante aujourd'hui fait référence aux questions de distorsion. Que ce soit aujourd'hui, ou au 31 décembre 2014, nous avons - on le sait et il faut donc se le dire entre nous - des distorsions de taux de TVA. Non seulement lorsque le taux, égal ou supérieur à 15 %, comme c'est le cas au Luxembourg, ou égal à 19,6 %, comme c'est le cas en France, comporte une différence importante, mais aussi, et surtout, lorsque certaines formes de consommations sont taxées à taux réduit là où des formes qui, aux yeux des consommateurs, sont équivalentes, sont taxées à taux normal. Je pense en particulier au secteur culturel et à certaines prestations de services. On sait que des prestations vendues sous la forme de biens physiques peuvent, dans certains cas - et c'est le cas en France - bénéficier de taux réduits, là où, lorsqu'elles se passent par le truchement de téléchargements, elles interviennent à taux normal. Comme vous le savez, il y a, en cours, des demandes françaises pour que, lorsque ces distorsions sont insupportables pour le bon fonctionnement des marchés et pour la bonne compréhension de ce qu'il se passe pour le consommateur, des évolutions soient opérées. Il y a là, à l'évidence, une règle qui est encore, sans doute, insatisfaisante. C'est en tout cas en ce sens que la France l'a formulé dans les enceintes bruxelloises, ainsi que vous le savez.

Sur la question du contrôle, bien sûr, un bon système ne se suffit pas à lui-même. Il faut que la surveillance soit effective et partagée, notamment s'agissant de la TVA, puisque nous sommes dépendants de la diligence des administrations partenaires. Il appartient évidemment aux administrations fiscales, françaises, comme des grands pays que vous avez cités, de s'assurer que des outils sont mis en place et mis en pratique pour sécuriser, autant que faire se peut, même si nous savons très bien qu'aucun contrôle n'est efficace à 100 %. Je crois pouvoir dire que des progrès ont été faits, et situer à sa juste proportion les points sur lesquels nous sommes le plus soucieux.

Je vais d'abord rappeler les outils de contrôle existants. En matière de TVA, il existe des formes d'assistance administrative. Nous avons développé très récemment Eurofisc, et cela fut un point fort de la présidence française de l'Union en 2008. Eurofisc crée les conditions d'une meilleure coopération en matière fiscale. Au début de l'année 2010, un accord du Conseil Ecofin a été obtenu à l'unanimité, sur la directive concernant l'assistance au recouvrement afin de mieux obtenir les éléments nécessaires au bon recouvrement des sommes qui sont dues par des opérateurs situés à l'étranger. Nous avons aujourd'hui une action renforcée et réitérée des administrations pour améliorer la coopération d'une manière très précise et très concrète.

Le point qui nous paraît le plus difficile - mais vous n'en serez pas surpris car il est vieux comme le commerce - c'est la question de la surveillance aux frontières de l'Europe. Il est clair que le point le plus difficile, pour les autorités des administrations fiscales européennes est la surveillance des échanges avec les pays tiers. Les règles ont été aménagées en 2003, mais sont difficiles à appliquer, notamment pour ce qui concerne les biens. Il y a évidemment là un point de vigilance, et sans doute une difficulté d'autant plus grande que, outre les phénomènes économiques qui ont été décrits, plus le territoire de l'Union s'organise correctement en lui-même, plus les risques que se déplacent les opérateurs aux frontières de l'Europe augmentent. Et en conséquence, l'intensité de ce problème se trouve, elle, aussi augmentée.

Sur la TVA, vous voyez que l'on a globalement des règles B to B, qui sont par définition neutres, des règles B to C qui sont en progression, même si elles ne sont pas toutes effectives aujourd'hui, une pratique du contrôle qui est en progrès, et sur laquelle il y a une attention tout à fait particulière, avec des actes récents qui ont été posés et qui sont mis en place. Il y a aussi - et il est intéressant de le souligner car cela sera l'occasion, pour la France et pour l'ensemble des pays, de vérifier la pertinence de l'ensemble de ces dispositifs - une annonce qui a été faite très récemment par le commissaire nouvellement nommé en matière de fiscalité, M. Algirdas Semeta, de procéder à une revue d'ensemble « stratégique » de la TVA. Les autorités communautaires ont donc planifié une réflexion vis-à-vis des nouvelles formes de commerce et aux lieux de taxation.

Vous vous souvenez que si l'on a pendant longtemps été favorable à la taxation du prestataire, c'est parce que le système communautaire avait été pensé en fonction de ce que les techniciens appelaient le « régime définitif », c'est-à-dire l'idée qu'un jour, il y aurait une harmonisation de tous les taux, et qu'il y aurait une indifférence au fait que l'on soit taxé chez le prestataire ou chez le consommateur. Il était donc plus facile d'assurer sur le plan technique la taxation chez le prestataire. Les choses ont changé. Progressivement, le système de la TVA a migré vers un système de taxation au lieu de consommation. Il faut donc aujourd'hui consolider ce principe, mais en vérifiant qu'il est efficace. Je crois, pour l'avoir entendu à l'occasion d'un déplacement de la ministre auprès du commissaire, que telle est bien l'intention de la Commission et de son commissaire en charge de la politique fiscale.

Nous sommes à un tournant en matière de TVA, car avec ce que l'on a appelé le « paquet TVA », nous disposons désormais d'un système qui permet de taxer sur le lieu de consommation. On a fait un certain nombre de progrès en matière de contrôle et l'on a, en principe, un bon fonctionnement des dispositifs, modulo la question du temps et des taux. Mais je crois qu'il est intéressant de noter que la Commission souhaite vérifier que cette stratégie est la bonne, et souhaite se faire une idée solide de sa confrontation avec le monde réel d'aujourd'hui.

Je continue sur l'impôt sur les sociétés (IS) car cela rétroagit sur certains éléments touchant la consommation.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés, je n'apporterai pas d'éléments rassurants par rapport aux propos qui ont été tenus. Autant, sur la TVA, je trouve la présentation peut-être un peu pessimiste, autant, sur la question de la taxation des revenus, je crois que nous avons une difficulté qu'il serait vain de cacher, et qui, il faut bien le dire aussi, est difficile à corriger.

Que se passe-t-il ? En principe, le système juridique international est construit pour qu'un revenu né sur un territoire soit taxé sur ce territoire. C'est le principe général. Le problème, c'est que quand on regarde en détail ce qu'est un revenu né sur un territoire, ces mêmes règles internationales sont permissives, pardon, c'est peut-être un peu connoté, mais, en tout cas, « font que » - c'est plus neutre - la localisation du revenu, dans un contexte d'e-commerce, change. Elle change parce que l'on peut créer un revenu dans un pays alors même que la consommation et le chiffre d'affaires sont faits dans un autre. Cela constitue un fait nouveau, car tant que la dématérialisation n'existait pas, pour créer un revenu en tant qu'entrepreneur en France, il fallait presque toujours avoir vraiment de la matière sur place, et tomber, à coup sûr, sous le coup des règles internationales qui font qu'il y a du revenu qui est créé sur place. Cette règle historique a plus de 50 ans d'âge. Les principes OCDE étaient très adaptés à une économie concrète, une économie de biens, une économie industrielle. Mais nous voyons bien que, dans un contexte où la création de richesses naît d'un flux dématérialisé, qui, par construction, se loge très facilement dans des lieux plus ou moins exotiques - ou en tout cas à basse pression fiscale - il survient une difficulté pour continuer à prélever une dîme sur le territoire où sont situés les consommateurs et où se fait le chiffre d'affaires. Par conséquent, le fiscaliste prétend - pardon car cela va peut-être choquer certains opérateurs, en particulier privés - qu'il est normal, puisque le chiffre d'affaires naît dans un pays, qu'il soit réputé que le revenu de l'entreprise soit en partie rattachable à ce territoire. Or, aujourd'hui, il faut le dire - et c'est ce qui était clairement exprimé ici - les règles internationales ne permettent pas de rattacher de manière loyale la quantité de revenus liée à un chiffre d'affaires fait sur place. C'est en tout cas l'analyse que nous formulons.

Je dirais qu'elle vaut à la fois quand il y a un établissement stable, ou quand il n'y en a pas. Que disent les règles internationales ? Elles disent : « voilà, vous avez juste la commission de celui qui vend sur place, et encore... ». Quand il n'y a pas d'établissement stable, qu'il n'y a pas de personnels salariés, de locaux, il y a une vraie capacité de négociation sur place, et lorsqu'il y a une vraie installation, et donc qu'il y a un établissement stable, là, il y a des possibilités de rattachement supérieures, puisque l'on arrive, par le jeu de la construction de la marge et du gain du revenu, à rattacher davantage de matière fiscale.

Mais dans les deux cas de figures, qu'on ait un établissement stable ou qu'on n'en ait pas, le phénomène de l'e-commerce, dans toutes ses composantes rend plus difficile le maintien de la matière fiscale dans notre pays.

Quand on a un établissement stable, les opérateurs pourront découper les fonctions pour que celles qui sont supposées ou réputées créer le plus de valeur ajoutée vont être - hasard - localisées dans des pays où les taux d'imposition sur les sociétés sont plus faibles que chez nous. Il ne restera chez nous que « l'os » et quand il n'y a pas d'établissement stable, c'est carrément epsilon. Je ne commenterai pas dans le détail les chiffres cités mais je ne les démentirai pas.

Nous vivons donc bien une réalité difficile dans ce contexte international. Quelles sont les perspectives pour faire évoluer cela ? Si l'on reste sur une fiscalité du revenu - et les parlementaires le savent bien puisque cette question vient de se poser dans le cadre de la loi sur les jeux en ligne - que ce soit un revenu net très proche du bénéfice, ou un chiffre d'affaires déduit de quelque chose, on tombe pratiquement, compte tenu du droit et des conventions internationales, dans l'impossibilité de taxer, en France, dans les situations que j'ai décrites. Pour changer cela ou trouver des solutions à cela, deux pistes peuvent être ouvertes : l'une consiste à travailler sur la scène internationale afin de modifier les règles, à la fois au niveau international -l'OCDE - et au niveau communautaire. Je pense en particulier au travail sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), qui peut donner l'occasion, s'agissant de ce type de richesses ou de revenus, à la fois de les apprécier différemment et d'en répartir les produits différemment. On pourrait très bien imaginer, dans le cadre du groupe de travail ACCIS, que les revenus qui se rattachent à ce type de richesses viennent, par convention, alimenter les caisses publiques des Etats où sont opérés les chiffres d'affaires, plutôt qu'en fonction du lieu d'implantation des opérateurs économiques. Cela constitue la première piste : travailler au niveau international pour un changement des règles internationales en vue, à terme, de faire évoluer cette répartition de la manne fiscale pour les Etats concernés.

L'autre hypothèse - qui agit en miroir avec l'imposition sur la consommation - serait de regarder si on peut taxer, au moins sur certains compartiments, directement le chiffre d'affaires, plutôt que le revenu. Car s'agissant du chiffre d'affaires, la magie du droit, ou sa subtilité, fait qu'il ne tombe pas sous le coup des dispositions des conventions internationales et du droit international sur les bénéfices. Les règles de rattachement au territoire ne font pas obstacle à des formes de taxation du chiffre d'affaires chez nous.

Une fois que cette piste est ouverte, on peut imaginer de nombreuses possibilités. Je vais en citer deux pour illustrer mon propos. On peut soit taxer le chiffre d'affaires chez le preneur, sur le modèle des taxations sur la publicité que l'on peut trouver dans d'autres domaines, c'est le modèle de la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA). Quelqu'un qui achète et qui consomme un bien, un service, peut être astreint à payer un supplément de taxe sur le chiffre d'affaires, qui ne tombe pas sous le coup des dispositions conventionnelles et qui peut permettre, au moins sur le plan des principes, de rattacher une recette publique au budget de l'Etat français.

L'autre alternative consiste à dire : « je fais la même chose, mais au lieu de rendre redevable celui qui prend la prestation ou le bien, c'est celui qui vend qui va devoir la taxe ».

C'est le même système sur le plan théorique, mais il est organisé différemment, et on voit bien que dans ces situations, un des leviers principaux de l'arbitrage est de considérer les meilleures probabilités de recouvrement. Parce que certains achats de biens ou prestations peuvent être vérifiés. Il est sans doute plus facile d'aller chercher un impôt chez des consommateurs français qu'un impôt sur le chiffre d'affaires d'un opérateur situé à l'étranger. En tout cas, cela miroite avec nos possibilités de récupérer ou de recouper les informations afin d'assurer le recouvrement.

Sous l'angle économique, ce type d'impôt pèse en réalité, non pas sur le redevable apparent, mais sur celui qui supporte la fabrication du bien. Cela amène aussi - et ce point a été évoqué longuement dans les travaux du rapport Zelnik - à la question visant à déterminer les avantages concurrentiels d'un marché. Je crois savoir, comme cela a été dit dans ces analyses, que la réflexion fiscale gagne à être complétée par une analyse de la concurrence qui s'exerce sur un marché, de manière à trouver des équilibres entre les preneurs et les vendeurs, et peut-être aussi, à contribuer à mieux s'assurer, ou à mieux appréhender, les phénomènes qui se passent, pour mieux les gérer, et prélever la dîme qui, parce qu'elle naît dans notre pays, a logiquement vocation à se situer dans nos recettes.

Pardonnez-moi d'avoir été si longue, mais je souhaitais pouvoir distinguer à la fois ces deux impôts, les points qui ne sont pas parfaits mais qui ne sont tout de même pas si négatifs, et les points qui sont des difficultés, avec les réponses internationales et les réponses éventuellement nationales. Même si elles sont insatisfaisantes, au moins s'inscrivent-elles dans une perspective temporelle plus rapprochée.

M. Jean ARTHUIS, président . - Merci, Mme la directrice, pour la clarté de votre propos et la vision, en effet, plus optimiste, que celle qui pouvait résulter de notre présentation. Mais vous faites l'hypothèse que les contrôles sont efficaces.

Nous allons demander à Mme Maïté Gabet, Chef de bureau au contrôle fiscal international à la direction générale des finances publiques, de nous dire comment elle voit l'effectivité des contrôles et la performance des contrôleurs.

Mme Maïté GABET, chef du bureau « contrôle fiscal international » à la direction générale des finances publiques (DGFIP). - Je ne reviendrai pas sur les remarques liminaires que Marie-Christine Lepetit a faites, car je les adopte complètement.

Sur la question du contrôle fiscal de l'e-commerce de façon globale, je crois qu'il y a plusieurs sujets dans le même sujet. Il convient de comprendre les difficultés et les progrès que nous devons réaliser.

Le commerce électronique a toujours été repéré, par toutes les administrations fiscales, comme une zone à risques dans le cadre d'une internationalisation et d'une dématérialisation croissante des flux. Je ne reviens pas sur la construction de nos systèmes fiscaux, et donc des contrôles fiscaux associés, qui se sont toujours focalisé sur le contrôle d'activités visibles, tangibles, et palpables. Là-dessus, les zones à risques sont de trois ordres. Je ne vais pas refaire une distinction IS / TVA, mais la distinction demeure, même dans les zones à risques.

La première zone à risques, c'est le commerce occulte en ligne. Cela a été l'une des premières questions de l'administration fiscale française et d'autres administrations européennes : est-ce qu'Internet ne va-t-il pas être le lieu du développement de commerces occultes ? Le rapport, sur ce sujet, n'est pas très inquiétant, notamment dans le B to C ou dans le C to C. Cela étant, cela fut l'une des premières zones d'investigation des administrations fiscales qui ont déployé des outils de veille de ces places Internet, et notamment, de visite des sites qui pourraient être des sites à risques pour le contrôle.

Le deuxième sujet, qui est un sujet plus structurel, est celui de la TVA et du contrôle de la TVA, dans un contexte communautaire de B to C, ou, dit de façon plus générale, dans un contexte où la société qui doit la TVA n'est pas implantée sur le territoire. C'est vrai pour les entreprises de vente à distance, c'est vrai pour les entreprises étrangères non établies, c'est vrai dans un commerce international où les opérateurs viennent d'ailleurs. Par rapport à cette problématique-là, la question du contrôle dépend de la capacité collective des Etats membres de l'Union européenne à accompagner ces situations de contrôle. Vous posiez la question de savoir comment, en 2015, nous allions contrôler. Comment faisons-nous, dès aujourd'hui, pour contrôler des entreprises « hors Union européenne » qui s'inscrivent sur un portail d'un pays membre de l'Union, en général pas la France, et qui sont redevables de TVA sur les recettes de consommateurs français ? Les contrôles ont lieu, avec les difficultés qui sont inhérentes à la structure communautaire. C'est-à-dire que les vérificateurs français sont obligés de s'associer avec les vérificateurs du portail d'immatriculation où l'entreprise « hors Union » est située, pour pouvoir faire les contrôles. Donc, c'est plus compliqué, et c'est différent des contrôles classiques où le vérificateur n'a pas à parler l'anglais par exemple.

M. Jean ARTHUIS, président . - Quelle est l'effectivité de ces contrôles ?

Mme Maïté GABET . - Ces contrôles existent. Ils sont plus longs que des contrôles classiques, mais ils permettent de s'assurer que l'assiette, en France, est correctement déclarée par l'entreprise « hors Union ». Des grands noms du commerce électronique ont été vérifiés de cette façon-là, sans qu'il y ait de catastrophe industrielle. En revanche, cela demande une adaptation des services français et une agilité communautaire beaucoup plus grandes. C'est pour cette raison que la France a porté à Bruxelles deux projets relativement importants. En premier lieu, le projet Eurofisc qui permet, à plusieurs, de cibler des zones à risques et de piloter des contrôles multilatéraux. Deuxièmement, nous faisons des contrôles multilatéraux sous l'égide de la Communauté européenne vers ces opérateurs. Lorsque nous avons participé à l'élaboration du nouveau texte qui entrera en vigueur en 2005, nous avons introduit dans la directive l'obligation, pour l'Etat dans lequel serait située cette entreprise prestataire de services taxables en France, de diligenter les contrôles à notre demande.

M. Jean ARTHUIS, président . - Le principe est parfait...

Mme Maïté GABET . - Il permet d'épouser les contraintes du marché.

M. Jean ARTHUIS, président . - ... Ce qui me paraît moins évident, c'est son effectivité.

Mme Maïté GABET . - Pour l'instant, sur le petit secteur qui est le nôtre, concernant les entreprises « hors Union » imposables en France, des contrôles ont été diligentés et ont été faits. Il s'agit là des deux zones à risques qui ont été repérées.

Sur la question des multinationales et sur la question des impôts directs, le contrôle fiscal français applique les règles de droit. Les règles de droit sont des règles qui sont majoritairement fondées sur des questions de matérialité. Qu'est-ce qui est taxable en France ? Une activité déployée en France. Or, quelle est la nationalité d'une activité déployée sur Internet ? Ce qui est taxable en France, c'est un établissement stable qui va être défini par une installation fixe d'affaires. Mais où est la fixité sur Internet ? Ce que je crois, c'est que nous avons là, actuellement, des outils qui ne sont pas forcément très adaptés à l'activité du e-commerce. L'OCDE est une enceinte pertinente. En 2005, l'OCDE avait fait des travaux relativement importants sur la question des serveurs sur Internet. Vous seriez en effet très surpris de savoir où sont localisés les serveurs de ces entreprises irlandaises ou luxembourgeoises. Ils ne sont probablement ni en Irlande, ni au Luxembourg. Il y a donc une problématique technique qui doit être revisitée, et que nous essayons d'appliquer.

Je pense que la remarque de Marie-Christine Lepetit, qui consiste à dire qu'à droit constant, c'est l'Etat de la résidence de l'entreprise qui va attraire les bénéfices de l'activité, c'est le droit constant que nous avons construit collectivement. Si ce critère-là ne fonctionne pas, et il ne semble d'ailleurs plus très bien fonctionner, il faut le changer. Or, cela relève de la négociation internationale. La France, seule, ne peut pas décider, puisqu'elle a signé plus de 100 conventions fiscales avec ses principaux partenaires, de changer le lieu de taxation. Je ne sais pas si mes propos sont plus rassurants ou plus optimistes, mais en tous les cas, le problème est connu.

En décembre 2009 - et M. Momboisse y participait - l'administration française a été à l'origine d'un séminaire sur le contrôle du e commerce à Paris, qui rassemblait les 27 Etats membres, non plus sur l'aspect législatif et conceptuel, mais sur l'aspect opérationnel « pratico-pratique ». Nous essayons de mettre en commun nos expériences et nous sommes très soucieux de l'échange d'informations, ce qui, au niveau communautaire, est le seul moyen d'accompagner un mouvement qui va distendre de plus en plus le redevable de l'impôt, quel qu'il soit, et le lieu où cet impôt est dû.

M. Jean ARTHUIS, président . - Merci, la parole est maintenant aux représentants du e-commerce, MM. Momboisse et Lolivier, président, et délégué général de la fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), que vous inspirent l'étude et les propos qui viennent d'être tenus par Mmes Lepetit et Gabet ?

M. François MOMBOISSE, président de la FEVAD. - Dans ce rapport très intéressant, il y a deux grandes parties : une partie sur le e-commerce proprement dit en France, c'est-à-dire son rapport avec l'économie française, et une partie sur les délocalisations, l'extraterritorialité, et les échanges européens.

Un mot sur la première partie, mais d'abord un tout petit mot sur la FEVAD, pour qu'on situe les choses. La FEVAD a été créée il y a 50 ans par les gens que l'on appelait, à l'époque, les « VPCistes » - La Redoute, Les 3 Suisses - pour inspirer confiance aux consommateurs, à une époque où il n'y avait pas de téléphone et où tout se faisait par courrier. Depuis, la FEVAD accueille tous les commerçants à distance, parmi lesquels se situent bien évidemment les sites Internet. Trois types de membres sont cités dans le rapport : des sociétés à base de catalogues (La Redoute, Les 3 Suisses), des sociétés purement Internet (Pixmania, Amazon, Google), et puis des sociétés, de plus en plus nombreuses, qui sont des chaînes de magasins qui ouvrent des sites Internet (FNAC). Aujourd'hui, tout le travail que nous menons avec Monsieur Novelli, au Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, que nous avions initié déjà avec Monsieur Dutreil, vise à changer l'état d'esprit selon lequel le e-commerce détruirait l'emploi et l'industrie. Au contraire, créer un site constitue, pour tous les commerçants de France, une opportunité de vendre sur un territoire plus vaste. Je dirais que cela est en train de marcher puisque nous avons aujourd'hui 60 000 sites marchands en France, ce qui est énorme. Le taux de croissance du nombre de site est pratiquement égal au taux de croissance du chiffre d'affaires. Un nombre considérable de sites qui se créent. Ne soyons pas naïfs, certains mourront sans doute. Mais il existe une multitude de petits sites qui ont des extensions commerciales. Je pense que cela est positif pour toute l'économie. Le e-commerce est aujourd'hui un phénomène massif. 25 millions de gens achètent sur Internet. Ce n'est pas cher et c'est pratique. Tout le débat sur le commerce du dimanche, en particulier, sur Internet, avantage tout le monde. En effet, tout le monde peut acheter le dimanche alors que personne ne travaille, à part deux informaticiens de garde pour les serveurs. C'est donc vraiment quelque chose de bénéfique pour toute la société et dans tous les pays du monde.

L'internationalisation est l'enjeu principal du rapport. Je travaille à la FNAC, et j'ai lancé FNAC Music en 2004. Je ne peux donc qu'être ravi de voir noir sur blanc ce que nous avons longtemps suspecté. À savoir, que le problème n'est pas seulement une différence de 4,5 points entre les taux de TVA de la France et du Luxembourg. Je dirais qu'il y a une créativité des services fiscaux du Luxembourg, qui font une règle de trois entre une taxe sur les droits d'auteur à 3 % et notre TVA, ce qui aboutit à la TVA que vous avez vue. Sur une activité qui est loin d'être profitable, cela fait une différence de compétitivité non négligeable, au détriment des sites locaux, puisque, comme cela a été bien dit dans le rapport - et je crois que c'est la vérité - les sites nationaux, qu'ils soient allemands, italiens, espagnols ou français, s'établissent dans leur pays d'origine. Il est très rare qu'un site allemand aille s'établir en Italie pour un gain fiscal. Il y a des problèmes de délocalisation des équipes, de développement des synergies, qui font que les sites s'établissent dans leur pays d'origine. Les seuls qui se posent une question, et c'est logique, ce sont les sites extracommunautaires lorsqu'ils arrivent en Europe. Et on ne peut pas leur en vouloir de tirer profit des « trous dans la raquette européenne ».

Je n'ai pas grand-chose à dire sur les propositions fiscales, sauf sur la question de la TASCOM. Au moment où de plus en plus de magasins ouvrent des sites, je ne sais pas si c'est le moment d'aller complexifier les choses en instaurant des taxations différentes. Je prends le cas à la FNAC. Si l'on a des taxations différentes entre quelqu'un qui achète un livre en magasin, et quelqu'un qui l'achète sur Internet, c'est vraiment un cauchemar à gérer, voire, cela nous pousserait peut-être à inciter les gens à retirer le livre à un endroit, l'acheter à un autre. Ce n'est vraiment pas quelque chose à faire.

Je terminerai, même si ce n'est pas rassurant, en disant qu'Internet révèle les imperfections du Traité de Rome, qui n'étaient pas visibles il y a 50 ans. La libre circulation des marchandises a été instaurée. Mais quand on habitait Düsseldorf, on n'allait pas faire ses courses à Naples. Maintenant, c'est possible à 27. La Communauté européenne veut développer le commerce inter pays qui, aujourd'hui, est très faible, puisque 3 % seulement du commerce Internet est « inter-pays ». 97 % du commerce Internet est local. Pour des raisons de langues, essentiellement. Raisons qui sont toujours totalement négligées dans les rapports de la Commission européenne. Les Français parlent français. Par exemple, Pixmania a un portail différent sur chaque pays, qui est dans la langue du pays, avec des produits du pays : des claviers AZERTY en France, QWERTY en Angleterre, etc. Il y a de bonnes raisons. Le fait de pousser le commerce inter pays va augmenter tous les problèmes que vous citez, auxquels je n'ai malheureusement pas de solution pour l'instant.

M. Marc LOLIVIER, délégué général de la FEVAD . - Je pense qu'effectivement, on peut, comme vient de le faire François Momboisse, saluer l'initiative de votre commission, et la qualité des travaux du cabinet Greenwich Consulting, sur un sujet important mais complexe. Complexe parce qu'il concerne un secteur nouveau, le plus jeune secteur du plus vieux métier du monde. Complexe également du fait de l'immatérialité et de l'extraterritorialité que lui confère l'Internet. J'ajoute également que c'est un secteur dont le périmètre est encore assez flou. On voit bien dans le rapport que l'on a des activités de commerce, que sont la vente à distance sur Internet - sachant qu'aujourd'hui, 70 %, et même plus, du chiffre d'affaires de la vente à distance se fait sur Internet - et des activités qui, dans une autre enceinte sont les activités de médias et de publicité, qui font plutôt partie du e-business, plutôt que du e-commerce à proprement parler.

Je voudrais simplement, sur cette partie du e-commerce, apporter quelques éclairages complémentaires sur le diagnostic. On a des chiffres qui sont un peu plus optimistes que ceux qui ont été produits dans le rapport. Nous estimons aujourd'hui que le e-commerce, c'est-à-dire les ventes sur Internet, les ventes en ligne, c'est 25 milliards d'euros. C'est un secteur qui continue à avoir une croissance forte : 25 %. La France est l'un des pays les plus dynamiques en Europe. Nous estimons qu'en 2012, nous devrions atteindre 46 milliards d'euros. En matière de ventes en ligne, nous considérons toutes les ventes en ligne, toutes les transactions qui sont réalisées en ligne. Cela couvre essentiellement du B to C car en B to B le paiement se pratique assez peu en ligne, en tout cas pour l'instant il se fait plutôt sur facture. Il s'agit donc de commandes en ligne qui ne sont pas réalisées sur Internet. Les ventes sur Internet, c'est-à-dire les transactions réalisées en ligne, pèsent aujourd'hui 25 milliards d'euros. C'est un succès populaire car 24,5 millions de Français achètent régulièrement sur Internet. C'est deux tiers des internautes et 45 % de la population.

Alors pourquoi le reste de la population n'achète-t-il pas ? Comme vous le savez, la France accuse encore un retard par rapport à d'autres pays en termes d'équipements Internet puisque nous sommes aujourd'hui à un niveau qui est le seizième rang européen, avec 63 % des foyers connectés, alors que d'autres pays ont déjà atteint le chiffre de 77 % pour l'Angleterre ou l'Allemagne, voire 90 % pour les Pays-Bas.

L'autre élément qu'il me semble important de souligner, c'est le dynamisme entrepreneurial qui existe sur Internet, avec 60 000 sites marchands actifs répertoriés. Il se crée actuellement en France deux sites marchands par heure. Il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que des multinationales. Il y a également beaucoup de PME et de TPE. Ces entrepreneurs sont souvent installés en province, dans les zones rurales, et réussissent à développer une activité. C'est aussi un facteur d'intégration sociale : 40 % de ces nouveaux « e-entrepreneurs » sont des personnes qui ont le bac, ou moins. Il ne faut donc pas négliger la dynamique entrepreneuriale qu'insuffle Internet, et l'accessibilité qu'il offre aux gens qui veulent se lancer dans une activité.

Enfin, je voudrais insister également sur l'emploi. Aujourd'hui, le e commerce représente 25 000 emplois directs, et sans doute autant de manière indirecte.

Dernier point important : le rapport indique qu'environ 4 % du commerce est réalisé par le biais d'Internet. Nous partageons cette analyse. Nous savons également que près de 4 % des ventes en magasin sont générées par Internet. N'oublions pas qu'aujourd'hui, 80 % des internautes déclarent utiliser Internet avant l'achat en magasin. C'est vous dire que nous sommes vraiment au coeur d'une révolution qui transforme l'ensemble des commerces, comme l'a fait l'arrivée de la distribution il y a quelques années.

Pour en venir au sujet sur la fiscalité, le rapport a raison de souligner l'importance de l'impact du développement du e-commerce sur les finances de l'Etat. Pourquoi est-ce aussi important ? Je crois que le rapport a raison de souligner le caractère immatériel et la facilité de délocalisation. Mais il ne faut pas oublier un élément qui est sans doute un élément essentiel au débat, c'est qu'Internet a inventé une nouvelle forme de commerce qui est le shopping sans frontières. C'est quelque chose qui n'existait pas avant, sauf dans les zones transfrontalières. Aujourd'hui, 25 % des internautes - et je ne dis pas « cyber-acheteurs » -achètent régulièrement sur des sites à l'étranger. C'est un élément essentiel, et en même temps c'est un élément qui ne nous distingue pas des autres pays. Cela donne sans doute un élément d'explication sur la perte de TVA qui est plus importante au Royaume-Uni qu'en France, puisque, effectivement, le nombre d'internautes anglais qui achètent sur des sites étrangers est encore plus important. Le phénomène est tout à fait nouveau. Les gens n'ont plus peur d'acheter en ligne en France, et ils achètent également à l'étranger. Il y a là une véritable évolution du commerce. En conséquence, les distorsions de fiscalité, comme vous l'avez souligné, jouent un rôle important.

Je voudrais prendre un autre exemple qui concerne le droit d'auteur. Il existe une rémunération pour copie privée qui est une redevance sur les supports numériques d'enregistrements vierges. Cette rémunération pour copie privée dépend du taux fixé par les Etats. Aujourd'hui, le taux fixé en France est trois fois supérieur à celui de la Belgique, six fois supérieur à celui de l'Allemagne, sachant que, dans certains pays, il n'existe pas. Si vous êtes un internaute et que vous cherchez à acheter des DVD vierges, par exemple, vous allez payer 10 euros pour un lot de 50 DVD vierges au Luxembourg, et vous le paierez 70 euros en France. La conclusion de cela, c'est qu'il s'est développé ce que nous appelons, non pas un « marché noir », mais un « marché gris ». Ce marché gris a été estimé, par une étude européenne, à une fuite d'environ 40 % de chiffre d'affaires à l'étranger. Cela représente un manque à gagner d'environ 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. C'est 130 millions d'euros de marge pour les entreprises françaises, qui pourraient être assujettis à l'impôt sur les sociétés. C'est près de 200 millions d'euros de TVA qui disparaissent du fait de ce commerce transfrontalier. Cet exemple est assez emblématique puisqu'il montre bien à quel point on peut favoriser, accélérer, les phénomènes de transfert d'achats vers l'étranger.

M. Jean ARTHUIS, président . - Vous citez un exemple extrêmement intéressant. Cela ne démontre-t-il pas la force excessive d'un lobby ? Il faut dire que si le droit d'auteur est à ce niveau en France, c'est parce que les auteurs se défendent bien, et parce qu'ils se sont dotés d'un outil lourd et coûteux qu'est la SACEM, qu'il faut bien faire vivre. Ne s'agit-il pas d'une démonstration de l'efficacité et des effets pervers du lobbying ?

M. Marc LOLIVIER . - Sur l'efficacité, je ne me prononcerais pas puisque je représente moi-même les intérêts d'un autre secteur, et nous avons pour habitude de ne pas juger nos confrères. Je dirais simplement que selon moi, le calcul n'est pas un bon calcul. Cela a été démontré dans d'autres pays, comme la Roumanie ou l'Espagne, où le montant de la redevance a été baissé et où le montant de rétribution alloué aux auteurs a, par contrecoup, augmenté. Alors est-ce que c'est un bon lobbying ? Je ne sais pas. Mais il est vrai que nous avons beaucoup de mal à faire bouger les choses. Nous sommes persuadés que si l'on baissait le montant de cette rémunération pour copie privée, on élargirait l'assiette puisque l'intérêt d'acheter à l'étranger diminuerait d'autant. Je pense que les recettes que récupérerait la SACEM seraient au final plus importantes.

M. Jean ARTHUIS, président . - Avez-vous ce genre de discussion avec la SACEM ?

M. Marc LOLIVIER . - Nous participons, depuis le 1 er janvier 2010, à la commission visant à fixer le montant de la rémunération pour copie privée. Cette commission a dix ans d'existence, mais il se trouve que les distributeurs n'y étaient pas représentés. Nous y siégeons enfin car nous avons demandé à en faire partie. Il me semble que c'est un exemple qui est tout à fait symptomatique de ce qu'il ne faut pas faire. L'élément aggravant est que cette commission a décidé que seules les ventes réalisées en France seraient soumises à cette obligation.

M. Jean ARTHUIS, président . - C'est extravagant !

M. Marc LOLIVIER . - Je ne vous le fais pas dire.

M. Jean ARTHUIS, président . - Les droits d'auteur devraient suivre le droit de la TVA.

M. Marc LOLIVIER . - Tout à fait. La Belgique, par exemple, a appliqué le contraire. Elle demande aux sites français qui vendent en Belgique des relevés de manière à pouvoir assujettir les droits d'auteurs. Nous avons donc vraiment, là, un exemple parfait de dysfonctionnement qui ne tient pas compte, je pense, de cet environnement extraterritorial et de ce commerce sans frontières né avec Internet. Je crois que cette absence de prise en compte est extrêmement pénalisante.

M. Jean ARTHUIS, président . - Voulez-vous nous rappeler les pourcentages des droits d'auteurs selon les pays ?

M. Marc LOLIVIER . - Je vous les remettrai bien volontiers. Disons qu'en France, sur les DVD vierges, le montant de la rémunération est trois fois supérieur à celui de la Belgique.

M. Jean ARTHUIS, président . - C'est donc un droit que l'on perçoit sur des DVD vierges. Et l'on s'étonne que l'on n'achète plus de DVD vierges en France...

M. Marc LOLIVIER . - Oui. Vous savez, ce n'est pas un achat très impliquant. Si vous habitez à Toulouse, acheter un lot de DVD Sony à Londres, à Lille ou à Bruxelles ne change pas grand-chose. Voyez-vous le raisonnement ? On pourrait se dire que c'est un bon calcul pour les auteurs alors que je crois que c'est un mauvais calcul. On est bien dans cette logique-là.

Pour en revenir à une question qui a été posée par le rapporteur général, je pense qu'il faut, en matière de commerce électronique, avoir une approche très pragmatique, et surtout pas une approche dogmatique. Je crois qu'il y a des cas où le e-commerce justifie, par ses spécificités, une différence de traitement. C'est vrai en fiscalité, mais ça l'est aussi en droit de la consommation. Vous savez qu'en matière de vente à distance, la loi impose aux commerçants de reprendre les produits une semaine après. C'est un droit à l'essai qui, parfois, fait monter les taux de retours à 10 %, voire 15 %, ce qui représente un coût très important supporté par les commerçants, que nous ne remettons pas en cause, mais qui est un coût qui n'est pas supporté par les clients. Vous achetez dans un magasin, la transaction est faite, c'est fini. Vous achetez sur Internet, vous avez toujours le droit de retourner le produit. Vous avez même le droit de l'essayer, de le retourner une semaine après, et les frais de port sont pris en charge par l'entreprise. Donc vous voyez qu'il existe un certain nombre de différences qui peuvent être justifiées.

La position de la FEVAD, sur cette question de la neutralité, est que, si le principe veut que les règles qui s'appliquent dans le monde physique doit s'appliquer dans le monde virtuel, il y a cependant des situations qui peuvent justifier une différence de régime. Je pense qu'en ce qui concerne la TASCOM - et cela pour sortir du débat un peu idéologique - il y a un seul type d'emploi qui n'est pas délocalisé aujourd'hui, c'est tout ce qui touche à la logistique. Il est clair que si cette taxe était appliquée en France, il y aurait un effet de délocalisation extrêmement important. Si l'on prend le cas de Pixmania, il s'agit d'une entreprise possédant un centre logistique qui irrigue l'ensemble de l'Europe. Après tout, elle n'a pas de raison de le maintenir en France. Elle pourrait l'installer en Belgique, en Angleterre ou en République Tchèque. Il faut faire extrêmement attention. Je crois qu'il s'agit en outre souvent d'emplois occupés par des gens à faible qualification, ce qui justifie à mon avis qu'on y regarde d'un peu plus près avant d'imposer une taxe franco-française sur ce type d'activité. Enfin, je voudrais rebondir, par rapport à ce qui a été dit, sur le fait que le e-commerce est nouveau et qu'il appelle sans doute un nouveau regard et des réflexions différentes qui intègrent cette dimension internationale. Je pense que la coopération est un point important et essentiel sur le plan international. Je pense aussi, notamment en regard des travaux fait avec la DGI, que les acteurs du e-commerce sont des acteurs responsables qui sont tout à fait prêts à travailler avec les administrations de manière à encourager l'émergence d'un cadre juridique favorisant leur développement.

M. Jean ARTHUIS, président . - Merci. Puis-je demander à Mme Gabet si les contrôles effectués en coopération avec les Etats membres de l'Union européenne portent également sur cette taxe sur la copie privée ?

Mme Maïté GABET . - Non, absolument pas. Nous ne sommes pas compétents. C'est le centre national du livre, je crois.

M. Jean ARTHUIS, président . - Nous restons momentanément dans l'institutionnel puisque M. Giuseppe de Martino est président de l'association des services Internet communautaires (ASIC). Il est également directeur juridique et réglementaire « monde » de Dailymotion.

M. Giuseppe DE MARTINO, président de l'ASIC . - Les FEVAD, il y en a dans chaque pays. Je m'inscris tout à fait dans le sens de ce qu'ont pu dire ses représentants. J'aimerais me concentrer sur « pourquoi l'ASIC ? » L'ASIC est une exception française mondiale. Dans aucun autre pays, les géants américains de l'Internet comme Google, Microsoft, Yahoo, MySpace, les associations mondiales comme Wikipédia ou encore des petits acteurs français comme OverBlog, Exalead, Dailymotion ou Priceminister n'ont senti le besoin de se regrouper. Au départ, on est un petit peu hors sujet, c'est une question ayant trait à la « net neutralité ». C'est le sénateur Bruno Retailleau qui est souvent « l'oreille » pour nous indiquer les bonnes personnes et les bons conseils pour progresser sur ce sujet. Nous avons également, en France, eu à subir - et c'est pratiquement le seul pays au monde où cela s'est produit - des attaques sur notre statut. Sommes-nous éditeur ? Sommes-nous hébergeur ?

Enfin, la France est le seul pays où, régulièrement, dès le lendemain de notre création en décembre 2007, ont été évoqués pour la loi de finances de 2008, plusieurs amendements qui avaient tous la même idée, à savoir : taxer notre industrie du web au profit d'autres industries.

Nous sommes toujours un peu provocateurs. Nous nous demandons pourquoi, dans ce pays si beau et si attirant - je ne parlerai que des acteurs français, d'autres membres de notre association représentent ces géants américains qui ont plus l'habitude que nous d'apporter leurs expériences internationales - nous, petits acteurs français, qui sommes également présents dans d'autres pays - nous avons des succursales un peu partout en Europe - avons-nous l'impression qu'en France, on veut toujours soit réinventer la roue, soit - avec cette provocation que l'on aime utiliser - demander à la marine à vapeur de financer la marine à voile ? Pourquoi nous demande-t-on régulièrement de financer l'audiovisuel public ? On nous a demandé de financer la production musicale indépendante, la production audiovisuelle indépendante... C'est vraiment régulièrement ce type de besoins, ce type de pressions, que l'on a mis sur nous. De par cette chape de revendications dont notre secteur a été la cible, nous avons ressenti le besoin de créer cette association, encore une fois, unique au monde.

Pour les acteurs français - rappelons que pour l'immense majorité d'entre nous, l'équilibre financier n'est pas encore atteint, ou ne l'est que dans quelques rares exceptions - toute idée de taxe venant rogner les faibles marges que nous pourrions dégager serait meurtrière. Nous avons, peut-être de manière peu habile, tiré à boulets rouges sur l'amendement du rapporteur général pour taxer les recettes publicitaires de notre industrie, dans la foulée de la commission Zelnik. Mais nous voulions simplement mettre en avant le fait que nous représentons aussi ces petits acteurs français qui, en quelques heures, en quelques jours, pourraient vraiment aller s'installer dans d'autres pays, et quitteraient leur pays adoré. Ça, nous ne le voulons pas. Ce n'est pas du chantage à l'affectif. Nous avons, certes, un « Ministère du Développement numérique », mais lorsque vous regardez qui domine l'Internet depuis ses débuts, vous voyez très peu d'acteurs français. Il n'y en a pas. Nous avons créé quelques champions, mais ce sont des nains, financièrement parlant. Et si, en termes d'audience, des Priceminister ou des Dailymotion ont pu réussir, ont pu être reconnus au niveau mondial comme apportant quelque chose en plus...

M. Jean ARTHUIS, président . - Excusez-moi de vous couper un instant, pour le plaisir de la discussion. Vos petits acteurs français qui font de si faibles marges doivent être contents qu'on leur rembourse leurs frais de maladie à la française, et pas à l'américaine ?

M. Giuseppe DE MARTINO . - Certes. Mais vous savez, notre moyenne d'âge, dans nos petites entreprises, est plutôt de 25 ans. Nous ne nous projetons pas.

Nous pensons, véritablement, qu'il faudrait plutôt penser à des leviers pour alléger la fiscalité. Il faudrait se rendre compte que nous sommes le vivier de la création numérique, le vivier de tout ce que pourrait représenter l'économie dynamique de demain. Faites-nous confiance pour l'avenir. N'essayez pas de créer une distorsion locale au profit d'autres pays où il nous serait très facile de déménager.

Un mot pour conclure. Je voudrais simplement ouvrir la discussion. Nous avons évoqué la commission Zelnik. Rappelons-nous ce que veut la commission Zelnik. Elle veut développer l'offre légale pour lutter contre la contrefaçon. Un tout petit exemple. On vient de voir des projets de décret sur les services audiovisuels à la demande. Les services Internet communautaires, dits UGC (User Generated Content) - ce sont les utilisateurs qui mettent en ligne le contenu - ne sont pas concernés. Pourtant, ces projets de décrets prévoient une redevance à hauteur de 26 % du chiffre d'affaires de ces opérateurs. Comment imaginer que nous allons vraiment lutter contre la contrefaçon et développer une offre légale si, d'ores et déjà, on empêche une véritable pérennité des acteurs VOD ? Le lobby des industries culturelles est fort. C'est sans doute le bébé qui pleure le plus fort que l'on nourrit le premier. Nous, nous sommes jeunes, nous n'avons peut-être pas l'habitude de pleurer, nous allons le faire un peu mieux, nous avons de très bons exemples en France. Encore une fois, avec nos filiales à l'étranger, notamment en Europe, nous nous déplaçons régulièrement, nous allons voir les acteurs politiques locaux, et ils nous regardent toujours avec des yeux extrêmement ronds lorsque nous évoquons ces questions de taxation, de statut, de neutralité. On se dit alors que si la France est sans doute le pays de Beaumarchais ou de Victor Hugo, peut-être faudrait-il aussi se rappeler que le train du numérique a démarré et que la France n'a aucun intérêt à le rater.

M. Jean ARTHUIS, président . - Je pense que nous ne sommes pas ici pour remettre en cause le numérique, naturellement. Mais vous avez compris que nous sommes élus de la Nation, et que notre préoccupation est d'assurer le bon fonctionnement des services publics, et leurs financements. Sur un point particulier comme celui de la TVA, nous souhaitons qu'il puisse y avoir des règles d'équité effectives et respectées. L'impôt direct et l'impôt sur les entreprises font l'objet d'une autre réflexion au sein de notre commission. Mais au moins, sur l'impôt de consommation, nous voudrions qu'il y ait une vraie neutralité, et que nos règles et nos moyens administratifs pour veiller à son respect soient effectifs et efficients. Ça n'est que cela. Mais vient un moment où les institutions nationales risquent d'imploser, faute de financements. Nous voudrions éviter que le grand régulateur soit l'administrateur judiciaire « modèle FMI » voyez-vous ?

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Notre démarche s'inscrit dans une économie de marché régulée. Lorsque nous avons posé le problème d'un prélèvement sur les espaces publicitaires virtuels, nous avons posé le problème de la régulation du marché de la publicité. Pour nous - si l'on essaie de faire un raisonnement -, que l'on achète de la publicité sur un support virtuel ou sur un support papier, c'est la même chose. Pour le fonctionnement équitable de ce marché en économie de marché, il n'y a aucune raison d'admettre une distorsion, surtout quand il s'agit d'une question qui touche un domaine aussi sensible que l'information et les médias. Il ne faut pas se tromper sur notre démarche. Il ne s'agit pas de financer la marine à voile par la marine à vapeur, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de s'assurer que sur un marché aussi sensible que celui de l'information, il y a des règles équitables, une régulation, et pas une foire d'empoigne indescriptible. Si nous sommes des libéraux, nous sommes des libéraux qui croyons en une certaine régulation.

M. Giuseppe DE MARTINO . - Mais l'aspect des distorsions entre secteurs ne doit pas non plus faire oublier la distorsion communautaire et le fait que, pour nous, il serait vraiment très facile de déménager malgré notre volonté de nous développer à partir du territoire français.

M. Jean ARTHUIS, président . - Bien sûr, mais quand on a posé cette question, de manière un peu provocatrice, c'est peut-être aussi un peu une façon de souligner que nous allons devoir vivre avec le numérique, et que nous devions en tirer les conséquences dans la formulation de nos règles et les moyens dont nous disposons pour veiller à leur respect, ne serait-ce que pour assurer la régularité du marché, et la neutralité des impôts. C'est comme la TASCOM. Un jour, on pourrait dire que mieux vaut être commerçant numérique parce qu'on échappe à la TASCOM, dont on a fait l'une des compensations à la remise en cause de la taxe professionnelle. Par ailleurs, les entreprises françaises participent au financement de Google en déduisant de leurs bénéfices imposables les redevances qu'elles lui payent. Donc, l'assiette d'impôt sur les sociétés, ici en France, se trouve réduite d'autant, au profit de l'Irlande, qui pratique un dumping fiscal. Ces systèmes-là ne pourront pas durer éternellement.

Il faut donc que nous trouvions des régulations où chacun va pouvoir vivre dans des conditions optimales, laissant à tous les imaginatifs et à tous les créatifs les conditions de réussite. Ça n'est que cela notre préoccupation.

M. Giuseppe DE MARTINO . - Nous la partageons, merci.

M. Jean ARTHUIS, président . - Nous voulons prévenir ce que l'on pourrait appeler, à terme, un vrai risque systémique. Ayant dit cela, nous allons maintenant interroger les opérateurs.

M. Yohan RUSO, directeur général d'eBay France . - Je suis directeur général d'eBay France depuis janvier 2009. Merci pour cette invitation car j'ai à coeur le souci de transparence, et de bien expliquer quelle est notre mission, quelle est notre activité, et quels sont les bénéfices induits par cette activité. Je me réjouis également du rapport du cabinet Greenwich Consulting, qui explique bien les bénéfices du e-commerce, les bénéfices induits par les places de marchés, et qui propose de nombreuses pistes, très ambitieuses, dont certaines que nous n'aurions même pas imaginé formuler. Nous sommes extrêmement satisfaits du rapport. Dans cette courte intervention, je vais essayer d'expliquer ce que fait eBay, et ce que sont les bénéfices induits par notre activité en France, en Angleterre et en Allemagne. Ce sont vraiment les mêmes bénéfices dans chacun des pays. Le solde net à la fin est extrêmement positif pour les individus qui utilisent eBay, mais également pour les finances de l'Etat.

Trois points sur mon intervention. Premièrement je vais expliquer ce qu'est eBay, et également ce que ce n'est pas. Deuxième point, expliquer ce que sont ces bénéfices économiques et sociaux. Et troisième point, pour entrer dans le détail, présenter la conformité avec les règles fiscales et sociales, dans chacun des pays où nous sommes présents.

Premièrement, qu'est-ce qu'une plateforme électronique d'achat et de vente. Nous avons été présentés comme un site d'achat et vente entre particuliers, ou encore, comme on le lit parfois dans la presse, comme « le site de vente aux enchères ». Il faut savoir que cela ne reflète pas exactement notre activité. Le premier point important concernant eBay, c'est qu'eBay ne vend rien. C'est une plateforme technique, que l'on met à disposition pour mettre en relation des acheteurs et des vendeurs en France - donc franco-français - mais qui peuvent aussi acheter et vendre à l'étranger. Nous mettons à leur disposition cette plateforme pour qu'ils puissent réaliser des transactions. La mission d'eBay est d'opérer des transactions sur la plateforme. À partir de là, il est vrai que nous nous sommes développés sur deux modèles. D'une part, l'achat et la vente d'objets d'occasion sur le modèle des enchères, mais il faut savoir que cela n'est plus, et depuis longtemps, la réalité d'eBay, puisque la majorité des objets achetés et vendus sont des biens neufs. Seulement 40 % des transactions sont réalisées aux enchères et nous estimons que cela va descendre en dessous des 30 %. Nous sommes donc une plateforme de transaction, quel que soit l'état de l'objet, neuf ou d'occasion.

Deuxième point, eBay s'est lancé, partout dans le monde, dans une stratégie de collaboration avec les marques, avec les titulaires de droits, pour qu'ils puissent venir directement sur eBay et profiter du trafic qu'on leur apporte pour accéder à des acheteurs partout dans le monde.

Dernier point pour cette présentation rapide d'eBay : que représente eBay ? C'est un site référent dans le monde en matière de e-commerce. Pour vous donner un chiffre, eBay représente 60 milliards de dollars de transactions dans le monde et 80 millions de membres. En France, eBay est la plus grosse audience en termes d'e-commerce, nous représentons, selon les mois, entre 12 et 14 millions de visiteurs uniques sur le site, ce qui représente un internaute français sur trois. Nous avons 15 millions de membres français dans notre base de données. Nous sommes donc assez représentatifs. Par rapport à cette intervention, nous bénéficions d'une belle tour d'observation pour voir quels sont les bénéfices et quels sont les comportements sur notre plateforme.

En quoi peut-on dire qu'eBay, à la différence des autres acteurs que vous avez cités, constitue un bénéfice net ? En quoi peut-on dire qu'eBay contribue de manière positive à l'économie française, anglaise ou allemande, et, en même temps, sur les finances de l'Etat ? Deux points. Tout d'abord, comme je l'ai dit en introduction, eBay n'est plus, même si elle l'a été et que cela constitue un peu son ADN, un site d'achat et vente exclusivement entre particuliers. Il faut savoir que si les acheteurs sont majoritairement des particuliers, les vendeurs peuvent être des particuliers ou des professionnels. Ces derniers sont d'ailleurs de plus en plus nombreux sur eBay. Quels sont les bénéfices pour les vendeurs particuliers ? On le voit très rapidement. Dans un contexte de crise et d'érosion du pouvoir d'achat, eBay donne un moyen de compenser cette perte de pouvoir d'achat. Finalement, en vendant des biens qui ne sont plus utiles et dont vous souhaitez vous débarrasser, vous allez gagner 50 euros, 100 euros, que vous allez pouvoir, non pas thésauriser, mais réinvestir - on parle au niveau macroéconomique - en achetant des biens. Il va donc y avoir un impact sur le moral : on conserve son niveau de vie, et on se fait plaisir en rachetant un objet, et, en même temps, on fait vivre le tissu économique local.

M. Jean ARTHUIS, président . - Lorsque les intervenants viennent fréquemment offrir des objets, pouvez-vous vérifier, si ce sont des particuliers ou des commerçants, et s'ils sont en règle avec la législation ?

M. Yohan RUSO . - Comme cela peut être confirmé par les différentes personnes ici présentes, et tel que cela est mentionné dans le rapport, eBay opère un contrôle très strict. Nous avons été dynamiques et très proactifs dans la lutte contre le « paracommercialisme ». De fait, eBay opère plusieurs contrôles sur la manière dont vont être réalisées les transactions. En particulier, il y a des seuils. Le seuil de 2 000 euros oblige la personne à justifier de son statut professionnel, bien qu'un cas particulier puisse être admis, dans l'exemple de quelqu'un qui déménagerait, ce qui se voit en fonction des objets mis en vente. Mais il est évident que si vous proposez des habits ou des chaussures dans toutes les couleurs, et dans toutes les tailles, nous sauront très bien que vous êtes un professionnel.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Sur cet aspect des choses, nous nous situons au niveau de cette frontière parfois un peu délicate à tracer entre le professionnel et le particulier. Est-ce que les services de contrôle fiscal, ou la DLF, ont des éléments à verser au dossier ? Y a-t-il bien des contrôles ? Des sondages, le cas échéant, sur le franchissement de ces seuils ?

Mme Maïté GABET . - La question est plus large. C'est la question de l'identité des acteurs sur ces sites. Un texte a été adopté en 2008, il s'agissait de la loi de finances rectificative pour 2007, mais c'est encore tout à fait récent puisque, effectivement, l'un des problèmes du contrôle fiscal était l'incapacité de connaître l'identité des personnes faisant des transactions sur des sites Internet dans la mesure où ils sont associés à des pseudos, et pas à des identités. Nous avons donc maintenant un droit de communication inscrit au code général des impôts. C'est l'article L. 96 G du livre des procédures fiscales. Il permet à l'administration fiscale, lors des contrôles fiscaux, d'interroger les plateformes qui hébergent les commerçants. En contrôle fiscal, nous sommes entrés dans le commerce électronique sous l'angle du commerce occulte, sans vouloir par là signifier que les plateformes le permettent volontairement, mais pour éviter les zones à risques. Le premier travail de l'administration fiscale consiste donc à contrôler les sites sous cet angle-là, c'est-à-dire de mettre en oeuvre ce droit de communication à partir de certains montants repérés.

M. Jean ARTHUIS, président . - M. Marc Wolf, souhaitez-vous faire une observation ?

M. Marc WOLF, sous-directeur de la fiscalité des transactions à la direction de la législation fiscale (DLF) . - Oui. Je voudrais insister sur le fait que, s'agissant de ces petits opérateurs, l'enjeu en matière de TVA est extrêmement mince. Car dès lors qu'ils ne se révèlent pas comme professionnels, ils n'exercent pas de droit à déduction. La seule perte pour le Trésor est donc la valeur ajoutée afférente à leur propre marge, qui, pour les raisons de modèle économique qui ont été décrites, est extrêmement mince. Cela fait partie de toute la problématique de la TVA sur l'économie en phase d'immersion, qui n'est pas, et de très loin, le principal enjeu d'évasion en matière d'impôt de consommation. Nous aurions tort de nous focaliser, sous l'angle de la TVA, sur cet aspect-là.

M. Yohan RUSO . - C'est évidemment un sujet sur lequel on collabore, dans un grand souci de transparence. Les seuils que nous avons fixés sont assez clairs et limitatifs. Si l'on est un professionnel, le seuil de 2 000 euros est rapidement atteint. Il n'y a pas un grand intérêt à se situer dans l'illégalité.

Le deuxième point, c'est : quel est l'intérêt pour les vendeurs professionnels ? Ce qu'il faut retenir, c'est qu'eBay ne vend pas. C'est le vendeur professionnel français, qui va venir s'inscrire sur eBay, qui va délivrer une marchandise à l'acheteur français ou étranger - c'est la beauté du modèle eBay - et c'est lui qui va facturer, lorsqu'il va délivrer la marchandise à l'acheteur, avec tous les bénéfices qui vont avec.

Il y a quatre grands avantages pour ces vendeurs professionnels.

Le premier, comme cela a été mentionné précédemment, c'est que cela consolide des activités existantes. Nous avons recueilli beaucoup de témoignages de commerçants, en France, qui nous ont très clairement dit qu'eBay leur avait permis de compléter les revenus de leur commerce traditionnel. Finalement, sans eBay - je ne veux pas particulièrement me concentrer sur eBay - ou disons, sans la solution que nous leur avons apportée, ils n'auraient peut-être pas survécu. Ces revenus leur donnent la petite marge supplémentaire qui leur permet d'être tranquilles à la fin du mois. Qui sont les clients d'eBay en tant que vendeurs professionnels ? Ce ne sont pas les multinationales, ce sont des PME françaises, et ces PME françaises ne sont pas délocalisables. Ces gens-là ne peuvent pas aller en République tchèque ou dans des zones fiscalement plus attractives.

Le deuxième avantage, c'est que l'on permet de créer de l'activité ad hoc, c'est-à-dire de l'activité qui n'existerait pas autrement. Il y a 80 000 professionnels sur eBay. 90 % des entreprises qui sont sur eBay sont des entreprises de petite taille, dont des entreprises qui sont sous le statut d'auto-entrepreneurs, mais également des sociétés qui sont sous le statut de micro-entreprises. On voit donc bien le lien avec le tissu local qu'eBay permet de créer. Nous avons d'ailleurs réalisé un sondage qui révèle que parmi ces vendeurs professionnels, 25 % des gens interrogés ont déclaré qu'eBay leur avait permis de créer leur activité.

Le troisième bénéfice, c'est qu'eBay favorise la réinsertion. Il s'agit de bénéfices liés. Dans les études que nous avons faites, il faut savoir que cela a été repris par l'étude Greenwich, 26 % étaient des anciens chômeurs, auxquels eBay a donné un moyen simple de se réinsérer dans la vie professionnelle, et 14 % des gens qui ont répondu à notre étude - cela n'est pas mentionné dans le rapport Greenwich - souffrent d'un handicap. On voit là aussi un avantage propre au e-commerce. En utilisant eBay, ou un autre site d'e-commerce, vous n'êtes pas pénalisé par votre handicap, vous pouvez commercer.

Quatrième et dernier point au titre des bénéfices : cela ouvre de nouvelles perspectives. Effectivement, grâce à une plateforme comme eBay, vous avez accès à d'autres marchés, qu'ils soient européens, ou basés aux Etats-Unis. Beaucoup de commerçants français profitent de cet accès au marché américain. Les gens qui pratiquent un artisanat français vont ainsi pouvoir exporter auprès d'acheteurs américains qui seront très friands de produits français. Je me rapproche de ce qui a été dit précédemment. Sur eBay France, environ 20 % des transactions sont transfrontalières. Cela correspond exactement au chiffre qui a été donné précédemment.

Pour finir sur les impacts : eBay est une plateforme, elle fournit un service, mais ce sont les acheteurs et les vendeurs qui sont en relation et c'est le vendeur qui facture directement à l'acheteur. Les bénéfices sont assez clairs, en termes de bénéfices positifs. Lorsque vous parliez, Monsieur le Président et Monsieur le rapporteur général, du fait que l'on vient vous voir en disant que les bénéfices sont à venir, je peux, pour ma part, dire avec une grande humilité que les bénéfices sont déjà présents. Ce n'est pas demain, c'était déjà hier. Les bénéfices sont clairs. Il s'agit de bénéfices en matière de TVA, puisque le vendeur français va facturer l'acheteur. Il y a donc une recette de TVA pour l'Etat français. Il y a aussi une recette d'IS puisque, finalement, nous, avec d'autres acteurs, contribuons à générer du chiffre d'affaires, et donc l'Etat français prend son IS là-dessus. Dernier point : l'emploi. On sait que les vendeurs sur eBay emploient. On n'a pas encore les chiffres pour la France, nous sommes en train de faire l'étude. Mais je peux vous donner les chiffres pour l'Allemagne : en moyenne, il y a 2,3 salariés par entreprise sur eBay. On est donc vraiment - et ça, c'est concret - dans une création d'emploi générée par des plateformes comme la nôtre. Je ne m'étendrai pas sur le point suivant, mais il y a aussi tout le réseau indirect, comme La Poste, par exemple. Notre société fait vivre autour d'elle tout un tissu d'acteurs, dont La Poste, qui profitent également de l'essor du e-commerce.

Je vais clôturer sur un dernier point : la conformité avec les règles fiscales et sociales. En premier lieu, comme cela a été mentionné dans le rapport, notre lieu d'implantation n'est pas la France. Cela a été clairement dit et je pense que notre position est assez claire : eBay n'est pas une société française. C'est une société américaine, certes créée par un Français, mais c'est une société qui s'est posé la question de savoir depuis quel pays elle allait opérer en Europe, et gérer son activité. Il faut savoir - pour désacraliser ce point-là - que le critère déterminant a été le critère de l'attribution de notre licence bancaire à notre filiale PayPal. Le Luxembourg a été le premier pays - la demande ayant été faite conjointement en France - à donner son agrément bancaire à PayPal. PayPal est aujourd'hui le deuxième moyen de paiement sur Internet au niveau mondial. Quand on parle d'opportunité, et de moments auxquels il ne faut pas louper les trains en matière d'e-commerce, on voit que le Luxembourg a, le premier, donner un agrément à notre mode de paiement en ligne. Il était tout à fait évident qu'eBay établirait sa structure européenne dans le même pays que PayPal. Pour nous, ça faisait sens. C'est une situation classique du e-commerce. Un site opère en Europe à partir d'un pays. Il ne peut pas déployer une structure complète dans chaque pays, en termes de taxes.

M. Jean ARTHUIS, président . - Combien avez-vous de collaborateurs au Luxembourg ?

M. Yohan RUSO . - Nous pouvons vous donner ces éléments, en revanche, étant donné le caractère public de cette audition, nous pourrons vous répondre par la suite.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Par exemple, le chiffre d'affaires réalisé en France est-il une donnée protégée ?

M. Yohan RUSO . - La société eBay France est une société de représentation. Aujourd'hui, tel que cela est mentionné dans le rapport, une dizaine de personnes travaillent en France. L'objectif est de gérer les affaires institutionnelles, de gérer les problématiques légales, et de représenter eBay France. Les salariés de la société eBay France n'interviennent pas du tout sur le site eBay France, qui est opéré, de manière globale. Cela est extrêmement classique, de la même manière qu'un opérateur français va opérer, depuis la France, ses sites allemands, italiens, etc.

M. Jean ARTHUIS, président . - Juste une question : eBay se rémunère-t-elle par une commission sur les transactions ?

M. Yohan RUSO . - Tout à fait. EBay se rémunère par une commission sur les transactions, une fois qu'elles sont réalisées.

M. Jean ARTHUIS, président . - Quel en est le pourcentage ?

M. Yohan RUSO . - Cela varie en fonction du panier. C'est bien expliqué dans le rapport. Cela varie entre 3 % et 10 % du montant des transactions.

M. Jean ARTHUIS, président . - Donc on peut connaître le montant des transactions perçues sur les acteurs français ?

M. Yohan RUSO . - Oui, bien entendu.

M. Jean ARTHUIS, président . - Peut-on savoir ce que cela représente ? Ces informations sont-elles publiques ?

M. Yohan RUSO . - Oui, tout à fait. Nous pourrons, si vous le souhaitez, vous rencontrer à l'occasion d'une audition privée au cours de laquelle nous pourrons vous communiquer tous les éléments dont vous avez besoin.

M. Jean ARTHUIS, président . - Bien.

M. Yohan RUSO . - Pour terminer sur la TVA et l'IS. La TVA est un sujet qui est très intéressant pour nous. Il faut savoir qu'eBay a un grand souci de transparence et d'être respectueux des règles locales. Premier point : tel que cela a été mentionné, les règles vont changer en 2014. La TVA sera celle du pays de l'acheteur, et non plus du vendeur. Afin de bien montrer notre respect des règles locales, il faut quand même rappeler qu'entre 2003 et 2007, eBay a payé la TVA en France. Nous ne sommes donc pas du tout opposés à payer la TVA en France. C'est vous, Messieurs les politiques, qui décidez quelles sont les règles que l'on doit utiliser.

M. Jean ARTHUIS, président . - Vous avez payé la TVA en France entre 2003 et 2007 ?

M. Yohan RUSO . - Oui, cela peut être confirmé par les autorités.

M. Jean ARTHUIS, président . - Et en 2008 ?

M. Yohan RUSO . - Au Luxembourg.

M. Jean ARTHUIS, président . - Et pourquoi ce changement en 2008 ?

M. Yohan RUSO . - Nous pourrons revenir vers vous là-dessus. Encore une fois, c'est vous, Messieurs les politiques, qui décidez et qui créez les règles dans lesquelles des groupes internationaux évoluent.

M. Jean ARTHUIS, président . - Jusqu'en 2007, vous payez la TVA en France, et en 2008, c'est le Luxembourg qui empoche...

M. Marc WOLF . - Ce que je comprends, c'est que notre interlocuteur n'était pas établi dans l'Union jusque fin 2007, et s'était donc inscrit sur le régime du portail tel qu'il a été créé par la directive e-commerce en 2002, et avait choisi le Luxembourg comme point de collecte, le montant de la TVA étant à ce moment-là éclaté sur les pays de consommation, sur la base de leurs déclarations. Depuis 2008, je comprends que nos interlocuteurs ont pris l'enseigne communautaire et sont maintenant, pour ce qui est de leurs activités communautaires, luxembourgeois, et à ce moment-là, l'attribution de la TVA pour la consommation française est renvoyée à l'échéance 2015, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure.

M. Yohan RUSO . - Et donc, par rapport à ce point-là, évidemment nous pourrons vous donner plus de détails, mais, encore une fois, il faut savoir que l'on respecte les règles communautaires...

M. Jean ARTHUIS, président . On ne vous dit pas que c'est illégal.

M. Yohan RUSO . - ... Donc en 2015, nous reviendrons sur un paiement de la TVA dans le pays du consommateur.

M. Jean ARTHUIS, président . - On a simplement le sentiment que c'était mieux avant 2008, parce que, au fond, la TVA revenait à l'État où sont domiciliés les consommateurs.

M. Yohan RUSO . - Ce n'est pas à moi, Monsieur le président, de me prononcer là-dessus. C'est vous qui décidez quelles sont les règles.

M. Jean ARTHUIS, président . - Nous ne vous accablerons pas sur ce point-là, rassurez-vous. Vous avez eu la gentillesse de répondre à notre invitation.

M. Yohan RUSO . - Encore une fois, nous respectons les règles communautaires, et si vous décidez d'avancer ou de reculer la date, nous respecterons, comme on l'a toujours fait.

M. Jean ARTHUIS, président . - Moi, je serais d'avis de l'avancer cette date, parce que franchement, je ne sais pas ce que le Luxembourg nous a concédé pour ça...

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Oui, il y a certainement des sujets sur lesquels on peut critiquer le Luxembourg.

M. Yohan RUSO . - Dernier point, concernant l'IS. On ne peut qu'aller dans le sens du rapport, qui explique très bien que, s'agissant de la compétitivité fiscale et de l'harmonisation fiscale, c'est finalement les Etats européens qui ont fait le choix de la compétition fiscale, ce n'est pas eBay. C'est difficile, pour moi, de me prononcer sur ces sujets-là. C'est vous, les politiques, qui êtes garants de cette harmonisation fiscale. Le rapport mentionne bien que l'optimisation de la compétitivité fiscale est un bon moyen de pérenniser les recettes fiscales de l'Etat français, et nous ne pouvons que nous associer à cette recommandation.

Merci pour cette invitation, nous serons ravis de compléter ces informations.

M. Jean ARTHUIS, président . - Merci d'être venu. Merci pour les paroles que vous avez prononcées, qui nous éclairent. Mais vous n'en avez pas terminé puisque le rapporteur général veut vous interroger.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Je me réjouis que votre activité permette au Luxembourg, qui est probablement le pays d'Europe qui a la proportion la plus forte de fonctionnaires par rapport à ses nationaux, de payer cette fonction publique pléthorique. C'est effectivement une excellente chose pour le Luxembourg, puisque c'est effectivement un Etat qui est en mesure de - et là je parle de l'ingéniosité des nationaux qui font les lois - posséder, en Europe, si je ne m'abuse, les structures les plus lourdes de fonction publique, et qui apporte le plus de garanties et de sécurité à sa population nationale, par rapport à ce que représente cette population.

Mais, s'agissant d'eBay - je trouve que le modèle est effectivement génial - il y a toutefois un point sur lequel je ne suis pas totalement au clair : il s'agit de la régulation. Vous êtes une plateforme. Vous êtes à l'identique de ce que l'on appellerait, en matière de marché financier, une entreprise de marché. Mais, sur cette plateforme, se confrontent des offres et des demandes. Encore faut-il que l'utilisateur de la plateforme soit assuré de la transparence et de la sincérité de l'information. Qui garantit la transparence de cette information ? Avec notre collègue Yann Gaillard, nous nous étions intéressés à un moment donné à une toute petite niche dans l'ensemble de vos activités, qui est le commerce des antiquités et des oeuvres d'art. Il doit évidemment obéir à des règles particulières du point de vue de l'ordre public. Mais en élargissant la perspective, est-ce que vous pouvez nous dire quel est votre degré de responsabilité dans la nature, l'intégrité, la réalité des informations qui circulent sur la plateforme, qui engendrent vos commissions, et qui, donc participent à la prospérité du Grand Duché ?

M. Yohan RUSO . - Il ne m'appartient pas de commenter le nombre de fonctionnaires au Grand Duché. En outre, cela ne rend pas forcément justice au fait que nous induisons une activité quand même forte, et des recettes en termes d'IS, de TVA, et d'emploi. Nous sommes un contributeur très fortement positif pour l'Etat français en termes d'IS, de TVA, etc. Nous générons de l'emploi, et ça, ce n'est pas quelque chose pour demain, c'est quelque chose que nous avons déjà prouvé.

Pour répondre à votre question, Monsieur le rapporteur général...

M. Jean ARTHUIS, président . - Vous êtes un activateur de croissance en France. On peut dire ça.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Vous suscitez des auto-entreprises.

M. Jean ARTHUIS, président . - Vous suscitez des vocations entrepreneuriales sur eBay, mais également dans le monde entier.

M. Yohan RUSO . - Nous suscitons des vocations. Nous leur souhaitons de passer le cap et d'embaucher rapidement.

M. Jean ARTHUIS, président . - L'argument est assez bon. Vous auriez pu ajouter que le bilan carbone est excellent, puisque les gens n'ont pas à se déplacer pour vendre. C'est un cinquième argument.

M. Yohan RUSO . - Mais c'est un sujet qui peut mériter une discussion beaucoup plus longue. Notre activité au niveau mondial nous permet de mettre en oeuvre des procédures, des filtres, et nous avons les dix années d'expérience qui sont derrière eBay, qui permettent, justement, que les transactions soient effectuées dans l'environnement le plus sain et le plus sécurisé possible. Il faut savoir, par exemple, que depuis l'année dernière, grâce à notre filiale PayPal, pour toutes les transactions qui sont réalisées en France, quand l'acheteur achète sur eBay et qu'il passe par PayPal, il est automatiquement remboursé et dédommagé si la transaction se passe mal. Qu'est-ce qu'une transaction qui se passe mal ? L'objet n'arrive pas, le vendeur envoie le produit et celui-ci se perd. Automatiquement, eBay va garantir l'acheteur et donc, mettre en place un mécanisme d'assurance. Si l'objet arrive non conforme à la description, s'il arrivé cassé où qu'il n'est pas du tout celui qui avait été décrit, eBay rembourse l'acheteur. Nous protégeons également tout ce qui relève de paiements non autorisés en cas de fraude, si jamais il y en a. Nous faisons énormément d'efforts pour être tout à fait transparent. Si jamais il y a un problème sur eBay, les premiers qui sont pénalisés, c'est nous. Un utilisateur qui a un problème sur eBay ne reviendra jamais sur eBay. C'est ce qui nous porte le plus préjudice. C'est assez simple à comprendre. Nous mettons donc tout en oeuvre pour que tout se passe le mieux possible. Il y a évidemment une certaine limite à notre métier de plateforme, qui, avec des échanges transfrontaliers au niveau mondial, comme je l'ai rappelé il y a plus de 270 millions d'objets qui sont en ligne sur eBay partout dans le monde, sur toutes les plateformes, et il y a 80 millions de membres. Évidemment, c'est une place de marché mondiale.

Dernier point, eBay a été l'inventeur, ou en tout cas a permis de populariser fortement, le système d'évaluation et de notation du vendeur par l'acheteur. Quand vous achetez sur eBay à titre personnel, vous voyez la notation de l'acheteur. Quand on achète, on voit très bien si la personne a déjà fait plusieurs ventes, si ces ventes sont réussies, et on voit tous les commentaires - ça, c'est une vraie spécificité - lors des transactions. Donc, automatiquement, vous savez si vous pouvez avoir confiance en la personne à qui vous achetez.

M. Jean ARTHUIS, président . - On peut tout vendre, sauf des produits financiers, des produits dérivés...

M. Yohan RUSO . - En effet, on ne peut vendre que des produits, pas des services.

M. Jean ARTHUIS, président . - Dans ce que nous avions évoqué sur l'impôt sur les sociétés, l'idée qui voudrait que, dans la mesure où vous avez un chiffre d'affaires en France, celui-ci permette de déterminer un bénéfice fait en France, et donc de payer un impôt sur les bénéfices en France, ça ne serait pas choquant de votre point de vue qu'eBay déclare en France ?

M. Yohan RUSO . - C'est tout à fait public, nous déclarons nos activités de représentation qui correspondent à ce qu'est eBay France. C'est moi-même, c'est notre équipe juridique et notre équipe institutionnelle, ainsi que quelques personnes qui font les relations de presse.

M. Jean ARTHUIS, président . - Donc uniquement le lobbying ?

M. Yohan RUSO . - Uniquement l'équipe juridique, la représentation et la communication.

M. Jean ARTHUIS, président . - Nous témoignerons que la communication est bonne.

M. Yohan RUSO . - Merci.

M. Jean ARTHUIS, président . - Bien. Nous avions à parler d'une taxe Google, Monsieur le rapporteur général.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Oui, c'est une bonne idée.

Jean ARTHUIS, président . - Les représentants de Google ont eu la gentillesse de répondre à notre invitation.

M. Olivier ESPER, responsable des relations institutionnelles de Google France . - Merci de donner l'opportunité à Google de s'exprimer. En regard des problématiques fiscales qui ont été évoquées, j'aimerais illustrer comment une entreprise comme Google joue un rôle de catalyseur pour le développement du commerce électronique français, et comment il constitue un réservoir, ou plutôt un « pouvoir » de croissance et d'emplois pour le futur.

Comment Google joue un tel rôle de catalyseur ? D'abord, à travers toute une gamme de produits qui permettent aux entreprises, en particulier les petites entreprises, les TPE, les PME et les auto-entrepreneur, de bâtir leur présence en ligne, de construire leur site Internet et d'y intégrer des fonctions avancées telles que la vidéo ou la visite virtuelle, fonctionnalités qui, par le passé, étaient réservées aux grosses entreprises. Par exemple, une agence immobilière en ligne peut utiliser Street View pour vous permettre, si vous recherchez un appartement, de visiter virtuellement le quartier où il se trouve. Cela vous est proposé sur la base d'un produit fourni gratuitement par Google. Mais si 67 % des entreprises françaises ont accès à Internet, seules 22 % ont un site. Ce qui est intéressant, c'est que Google permet aussi aux entreprises qui n'ont pas de sites d'être visibles sur Internet, en se faisant référencer sur Google Maps. Ainsi, quand un internaute fait une recherche autour d'une adresse donnée, ces entreprises qui n'ont pas de site Internet vont néanmoins être visibles. On sort finalement du commerce électronique. Ce sont des entreprises qui vont bénéficier d'Internet pour leur commerce physique.

Mais c'est surtout de la publicité en ligne, dont j'aimerais parler, en tant que vecteur essentiel du développement du commerce électronique. Parce que la publicité sur Internet, et en particulier les liens sponsorisés - je vais expliquer ce dont il s'agit - ont permis de démocratiser l'accès à la publicité pour les entreprises, pour les annonceurs, et en particulier pour des PME et TPE qui, jusqu'à présent, n'avaient pas accès à des outils publicitaires adaptés. Les liens sponsorisés, ce sont ces annonces que vous voyez apparaître en haut ou à droite des résultats de recherche sur Google, ou que vous voyez apparaître sur des sites tiers, par exemple en bas ou sur les côtés des articles de presse en ligne. Ce qui fait que ce format publicitaire est particulièrement apprécié et utilisable par les nouveaux annonceurs, les petites entreprises, c'est d'abord que c'est un système automatisé où il n'y a pas de budget minimum pour pouvoir annoncer. Ensuite, c'est un système où c'est l'annonceur qui fixe le prix qu'il va payer lorsqu'un internaute va venir visiter son site. On parle de « prix au clic ». De ce fait, il maîtrise complètement le retour sur investissement de ses dépenses publicitaires. L'idée a été évoquée, d'une redevance qui viendrait grever les bénéfices des entreprises françaises, en fait, il y a une étude qui montre qu'avec ces liens sponsorisés, lorsqu'un annonceur, une entreprise, investit un euro dans ce format, cela génère deux euros de chiffre d'affaires supplémentaire pour son entreprise. C'est donc bien un bénéfice pour le tissu économique des annonceurs. Cette étude quantifie le retour sur investissement que cela représente.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - C'est une perte pour les autres supports qui ne sont pas en mesure de pratiquer ce mode de tarification et qui peuvent être par ailleurs soutenus, ou susceptibles d'être soutenus, par les pouvoirs publics. Ils ne sont donc pas indifférents à cette situation puisqu'ils n'ont pas forcément l'intention de payer plus pour les médias qui ont besoin de cette publicité qui leur échappe.

M. Olivier ESPER . - Il y a certainement une concurrence entre les différents formats publicitaires mais, comme je le disais, ces outils publicitaires permettent aussi à des annonceurs qui n'existaient pas d'accéder à la publicité. Le gâteau grossit. En témoigne, d'ailleurs, le fait que parmi les clients de Google, il y a une majorité de petites entreprises. Des dizaines de milliers d'entreprises utilisent ce format publicitaire en France.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Vous êtes comme Monsieur Leclerc, vous êtes un bienfaiteur du peuple, ça tout le monde le sait. On en est vraiment convaincu.

M. Olivier ESPER . - Tant mieux. Nous avons une multitude d'exemples, que nous tenons d'ailleurs à votre disposition, d'entreprises qui témoignent de la manière dont elles utilisent ces outils pour développer leur chiffre d'affaires et développer leur activité sur Internet, en trouvant de nouveaux clients en France ou à l'international. La force d'Internet et de ces outils publicitaires est de pouvoir aller toucher, cibler, des marchés supplémentaires.

Nous avons des exemples de succès du commerce électronique français déjà connus, mentionnés dans le rapport, comme par exemple Pixmania, qui, depuis la France, couvre 27 marchés européens, et s'est appuyée pour cela, et s'appuie toujours, sur ces liens sponsorisés, pour cibler et toucher de nouveaux marchés. Cdiscount, qui, en 10 ans, est devenu, parti de zéro, un nom connu du commerce électronique en France, en s'appuyant aussi sur les liens sponsorisés. Il y a aussi toute une série de toutes petites entreprises, qui, comme je le disais, trouvent de nouveaux clients, montent de nouvelles entreprises. Je voudrais citer l'exemple de l'entreprise iCasque, nouvellement créée, basée à Nice, qui vend des casques de moto et de scooter en ligne, sur Internet, et qui s'appuie sur les liens sponsorisés pour déployer son activité, qui fait un décollage remarquable. Ce qui est intéressant, c'est que c'est une activité qui n'aurait sans doute pas existé dans le monde physique. D'une part, il aurait été difficile, dans le monde physique, de référencer, comme iCasque le fait, 400 modèles de casques. Et par ailleurs, il aurait été difficile d'agréger une demande suffisante autour d'un point de vente physique pour un marché de niche comme celui-là. Les liens sponsorisés lui permettent de cibler et de trouver la clientèle pour développer son activité.

En conclusion, je voudrais souligner le fait qu'aux yeux de Google, le commerce électronique en France est à une époque charnière. De par notre présence internationale, nous pouvons en témoigner. Quand une vague d'internautes arrive en ligne, les premiers usages concernent plutôt le mail, la recherche de contenu, d'information, puis, du commerce électronique sur des achats comme les billets de train, et, au fur et à mesure, au bout de trois-quatre ans, le périmètre du commerce électronique s'élargit. Sachant que le décollage du haut débit et la grosse vague Internet en France a justement eu lieu il y a trois-quatre ans, on est à une époque clé. Il y a des places à prendre. De ce point de vue-là, les recommandations du rapport visant à travailler sur la compétitivité fiscale du site France pour le commerce électronique sont particulièrement importantes. Les idées de taxer la publicité en ligne, qui sont un carburant essentiel du commerce électronique pour permettre aux acteurs de développer leur chiffre d'affaires en ligne, feraient courir un risque, à ce moment clé de l'histoire du commerce électronique français.

M. Jean ARTHUIS, président . - Merci Monsieur. Faites vous du « B to B » ?

M. Olivier ESPER . - En majorité, oui.

M. Jean ARTHUIS, président . - Donc le problème de TVA ne se pose pas chez vous. Le seul problème qui se pose est celui de la taxe sur la publicité et de l'impôt sur les bénéfices ?

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - C'est un problème de régulation du marché publicitaire et de régulation du marché des médias, dans la mesure où l'on considère que c'est une problématique qui ressort du secteur des médias.

M. Jean ARTHUIS, président . - Mais peut-on dire qu'il n'y a pas de problème de TVA ?

M. Marc WOLF . - Avis partagé.

M. Yoram ELKAIM, directeur juridique de Google France . - Je confirme que, s'agissant de relations « B to B », c'est bien, dans le modèle publicitaire, la TVA française qui est facturée et qui est auto-liquidée, en pratique, par les annonceurs français qui utilisent la plateforme.

M. Jean ARTHUIS, président . - D'accord. N'aviez-vous pas d'autres précisions à apporter ?

M. Yoram ELKAIM . - Peut-être dire un mot du fait que, comme d'autres acteurs américains, la prestation publicitaire en Europe est centralisée en Irlande. J'ai envie de dire que, par la nature du média, elle devrait même être centralisée en Californie pour le monde entier. Google a pris le parti de s'implanter dans l'Union via l'Irlande. Le siège européen à Dublin emploie plus de 1 500 personnes - ce n'est pas simplement des serveurs - y compris un certain nombre de Français, beaucoup de jeunes diplômés qui servent une clientèle francophone aux quatre coins de l'Europe et de l'Afrique depuis ses locaux. En France, le bureau de Google France emploie un peu plus de 200 personnes. C'est un bureau de représentation, de promotion, qui vise à faire connaître le secteur publicitaire à des acteurs moyens, ou même grands, puisqu'il y a de gros annonceurs qui, encore aujourd'hui, investissent une part infime de leur budget publicitaire sur Internet - je ne parle pas que des services de Google - puisqu'il y a tout un travail d'éducation aux nouvelles opportunités en ligne, et aux modèles publicitaires qui sont très différents et qui, en pratique, ne ressemblent pas du tout aux modèles publicitaires des médias classiques. Cela explique aussi, comme l'expliquait Olivier Esper, que, finalement, une grande partie du gâteau ne se recoupe pas avec les régies publicitaires traditionnelles. La plupart des annonceurs de Google n'ont jamais été clients de régies publicitaires classiques.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Monsieur le président, j'étais tenté de dire que la France était vraiment très attractive pour le lobbying. Nous développons des activités de lobbying considérables. C'est bien.

M. Jean ARTHUIS, président . - C'est pour cela que le lobbying doit être régulé. C'est ce que fait, sous l'impulsion du président du Sénat, notre institution. Je crois que l'on va pouvoir en rester là. Nous allons passer à la phase « questions » de nos collègues. Monsieur François Marc est là, ainsi que Yann Gaillard, qui est très impliqué dans la culture française.

M. Yann GAILLARD . - Je me suis beaucoup occupé de Google avec le livre, je n'y reviendrai pas, ce n'est pas l'objet...

M. Jean ARTHUIS, président . - Il s'agissait d'un rapport sur la numérisation. Et il disait qu'on n'échapperait pas à Google. Il dit que l'on cultive la spécificité française.

M. François MARC. - J'étais pour ma part venu ce matin pour avoir un certain nombre d'éléments d'explication, et j'en ai eu un certain nombre, concernant les questions de localisation, et les stratégies qui semblent être développées par les uns et les autres de ce point de vue. J'ai été rassuré par les informations données par la représentante de Bercy en ce qui concerne cette harmonisation européenne qui s'annonce sur différents points, et ceci à partir de 2015. J'ai suivi de près le sujet des jeux en ligne. J'ai trouvé quelques points de similitude en ce qui concerne ces questions de localisation. J'imagine que tout ça va se réguler. Je suis rassuré du fait que 97 % des activités du commerce Internet est du commerce local. Cela dit, je crois que le président a eu raison de porter l'attention sur cette question de la TVA. J'ai vu les chiffres. C'est quand même très conséquent, je crois que la commission des finances a tout intérêt à essayer de faire des propositions dans l'avenir immédiat car il faudra border les choses, même si je suis rassuré par les stratégies annoncées par les uns et les autres, et l'esprit citoyen qu'ils manifestent.

M. Jean ARTHUIS, président . - Nous n'avons pas abordé les règles de délocalisation, mais il est clair que si nos règles locales sont en décalage par rapport à celles en vigueur dans d'autres pays, nous risquons de subir des préjudices considérables. On voit bien qu'Internet est un activateur de volatilité, et de délocalisation d'activité et d'emploi. Nous devons donc en tirer les conséquences. Je crois que ce qui est très important, c'est que sur le plan européen, on consacre le principe selon lequel l'impôt sur la consommation doit être perçu par l'État où réside le consommateur, et que l'on ne se méprenne pas, et que l'on soit conscient que même les taxes de publicité, se retrouveront, in fine, dans le prix payé par le consommateur. En définitive, c'est toujours le consommateur qui paye, même l'impôt sur les sociétés payé par Google ou les autres.

M. François MARC . - D'où la nécessité d'accélérer la construction européenne.

M. Jean ARTHUIS, président . - C'est une nécessité et les marges de progression européennes sont considérables. C'est ça qui nous fait tendre vers une vision très optimiste. Il y aura des choses à faire. Mais d'ici là, il faudra que les états gardent leur équilibre en matière de finances publiques, et il n'est pas douteux que l'on introduit beaucoup de volatilité dans les assiettes et que certains contrôles deviennent beaucoup plus compliqués.

C'est l'enseignement que l'on en tirera. On a compris qu'il y avait des réflexions très intenses au niveau de la DLF, que la DGFIP était à l'oeuvre pour diligenter les contrôles, qu'il y avait un début de coopération entre les administrations des différents États membres, mais qu'en tout état de cause, pour certaines opérations comme les impôts directs, il y a matière à accord international, et pour le moins, accord européen.

Vous avez compris que nous ne sommes pas là pour contester le e-business, mais pour tenter d'en comprendre les mécanismes, et de faire en sorte que, les règles qui permettent les échanges et le commerce étant des règles qui s'appliquent à tous, nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas de distorsions spécifiques au profit des uns ou des autres. On a vu par exemple que le droit à la copie, qui est une très belle idée pour protéger le monde de la création en France, entraîne, du fait de la globalisation, des déviances de commerce, et on peut se demander à cet égard si on ne se tire pas une « balle dans le pied ». Merci d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir ainsi éclairés. De ce qu'il s'est dit ce matin il sera fait rapport, je suggérerai au rapporteur général d'être le rapporteur.

M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Tout à fait, avec en annexe le rapport de Greenwich. Le contenu de nos débats sera également publié sur le site du Sénat.

M. Jean ARTHUIS, président . - Oui, puisque cette audition était publique.

A l'issue de cette table ronde, la commission a autorisé la publication d'un rapport d'information de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'impact du développement du e-commerce électronique sur les finances publiques.

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