B. METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF FINANCIER À LA FOIS INCITATIF ET NEUTRE POUR LE BUDGET DE L'ÉTAT

Dans un rapport d'information sur l'équilibre territorial des pouvoirs (2006), le député Michel Piron préconisait de « développer les contrats d'agglomération en favorisant leur dotation ». Cette solution, ou toute autre « carotte financière », suppose d'entrer dans la logique d'une augmentation des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Comme ils l'ont déjà indiqué, vos rapporteurs considèrent que, compte tenu de la situation des finances publiques, les responsables politiques nationaux ne sauraient s'engager dans cette voie.

Partageant ce point de vue, votre délégation a étudié deux solutions susceptibles d'être mises en oeuvre à coût neutre pour les finances de l'État :

1 ère solution : réfléchir à la mise en place d'un prêt de l'État pour mutualisation .

Comme indiqué ci-dessus, l'expérience révèle que la mutualisation, si elle permet de dégager des marges de manoeuvre à moyen terme, s'accompagne souvent de dépenses supplémentaires à court terme. Les élus qui s'engagent dans une telle initiative, même à un stade précoce de leur mandat, peuvent donc difficilement, compte tenu du cycle électoral, en récolter les fruits avant la fin de leur mandat, si bien que leur gestion risque d'apparaître faussement dispendieuse. Partant de ce constat, une solution à la fois incitative et neutre pour les finances nationales aurait pu être recherchée dans la mise en place d'un prêt à taux réduit (par exemple sur l'inflation) de l'État pour financer les surcoûts de court terme, le remboursement commençant trois à cinq après, au moment où se font ressentir les effets bénéfiques attendus d'une mutualisation.

A titre personnel, vos rapporteurs ont vu une triple objection à la concrétisation de cette solution :

- tout d'abord, même neutre pour l'État sur la durée, elle poserait à celui-ci un problème de trésorerie dont la gestion pourrait se révéler fort délicate dans une période déjà difficile pour les comptes publics nationaux ;

- ensuite autoriser les collectivités à emprunter pour couvrir ce qui correspondrait peu ou prou à des frais de fonctionnement pourrait quelque peu brouiller le principe, qu'il y a lieu de conserver, selon lequel l'emprunt des collectivités locales doit être réservé aux dépenses d'investissement ;

- en dernier lieu, raisonner uniquement en termes financiers (en l'occurrence par référence à un prêt et à ses conditions de remboursements) pourrait laisser accroire que le succès d'une mutualisation se mesure également en termes financiers, et que son objectif premier est de générer des économies.

Votre délégation, comme vos rapporteurs, s'est donc montrée fort réservée face à une telle perspective.

2 e solution : instaurer un dispositif de bonus/malus sur les dotations de l'État sous la forme d'un « coefficient d'intégration fonctionnelle »

L'idée d'instituer d'un dispositif de bonus/malus, selon le degré de mutualisation obtenu au sein d'une intercommunalité, avait été émise par notre collègue Philippe Dallier, dans son rapport d'octobre 2006 fait au nom de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation : « introduire dans le calcul de la DGF des EPCI à fiscalité propre un nouveau critère appelé « le coefficient d'intégration fonctionnelle » mesurant le degré de mutualisation des services entre l'EPCI et ses communes membres ».

Entendu par vos rapporteurs, M. Dallier a confirmé que, dans son esprit, il s'agissait de s'inspirer du coefficient d'intégration fiscale et qu'il n'était pas question de mettre en place un dispositif venant abonder la DGF : pour être réellement incitatif, le coefficient d'intégration fonctionnelle devrait certes récompenser les collectivités qui s'engagent dans une démarche de mutualisation, mais aussi conduire celles qui refusent de jouer le jeu à en supporter les conséquences.

Il s'agit donc bien d'un système de bonus/malus. Au niveau national, les premiers et les seconds s'équilibreraient de telle sorte que l'enveloppe globale de la DGF demeure inchangée, assurant ainsi la neutralité pour les finances de l'État.

La question se pose cependant des modalités de mise en oeuvre d'un coefficient d'intégration fonctionnelle, et notamment de la définition de critères objectifs permettant de mesurer le degré de mutualisation.

De même que le coefficient d'intégration fiscale mesure le rapport entre des ressources, le coefficient d'intégration fonctionnelle devrait mesurer le rapport entre des moyens.

Vos rapporteurs ont considéré que ces moyens, qui se rapportent pour l'essentiel à des personnels, pourraient être évalués de manière objective en se référant au temps de travail de ceux-ci. Les conventions de mutualisation supposent en effet généralement un décompte du temps travaillé pour chaque cocontractant, soit que ce temps travaillé y figure expressément (cf, annexe, exemple n° 3 : Communauté de communes du Pays de Saint-Seine), soit que son évaluation soit nécessaire à la répartition des charges de personnel.

Encore convient-il de comparer ce qui est comparable , faute de quoi le dispositif bonus/malus ainsi mis en place pourrait donner des résultats inéquitables. Tous les moyens en personnels ne peuvent donc être pris en compte : certaines collectivités ont besoin de personnels spécifiques (surveillance des plages, par exemple) et l'intégration de ceux-ci dans le coefficient d'intégration fonctionnelle fausserait la comparaison avec le coefficient d'intégration fonctionnelle des collectivités qui n'ont pas l'équivalent dans leurs effectifs.

C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs proposent que, tout au moins dans un premier temps, le coefficient d'intégration fonctionnelle, dont ils approuvent pleinement le principe, soit calculé par la prise en compte des seuls services fonctionnels (puisque de tels services, eux, sont présents dans toutes les collectivités). Le coefficient d'intégration fonctionnelle serait donc le produit du rapport entre :

- d'une part, le nombre d'emplois affectés aux services fonctionnels, en équivalents temps plein, ayant donné lieu à mutualisation ;

- d'autre part, le total des emplois, en équivalents temps plein, des effectifs des services fonctionnels employés par les communes membres et l'EPCI.

Les intercommunalité dont le coefficient serait supérieur à la moyenne nationale se verraient accorder un bonus dans leur DGF ; celles dont le coefficient serait inférieur supporteraient un malus.

D'où la proposition suivante :

Proposition n° 6 : Créer un coefficient d'intégration fonctionnelle calculé en fonction du rapport entre :

- d'une part, les équivalents temps plein affectés à des services fonctionnels ayant donné lieu à mutualisation dans le cadre intercommunal,

- d'autre part, l'ensemble des équivalents temps pleins affectés à des services fonctionnels dans toutes les communes membres et au sein de l'EPCI ;

Se servir de ce coefficient pour augmenter proportionnellement la DGF des EPCI situés au-dessus de cette moyenne et diminuer la DGF des EPCI situés en dessous.

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