Rapport d'information n° 502 (2009-2010) de MM. Adrien GOUTEYRON et Jean-Louis CARRÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la commission des finances, déposé le 26 mai 2010


N° 502

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mai 2010

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (2), sur les implantations communes du réseau diplomatique gérées avec d'autres pays de l' Union européenne ,

Par MM. Adrien GOUTEYRON et Jean-Louis CARRÈRE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

(2) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di  Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis un peu plus de dix ans, la France a ouvert quelques implantations communes à l'étranger avec certains de ses partenaires européens .

Derrière ce terme générique se cachent des réalités différentes : les postes concernés relèvent, le plus souvent, du domaine consulaire et leur colocalisation permet la mise en commun de la phase « amont » du traitement des demandes de visas. Mais il existe aussi des implantations communes en matière culturelle et même, dans proportions moindres, dans le domaine diplomatique.

Ces ouvertures ont parfois suscité un certain enthousiasme. Certains ont pu y voir les prémices d'un mouvement vers une diplomatie européenne commune , ou au moins d'un rapprochement tangible avec certains pays de l'Union. D'autres ont cru discerner une piste intéressante dans une période où le réseau diplomatique, plus encore que d'autres services de l'Etat, est appelé à consentir des efforts très rigoureux dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ( RGPP ). Les mises en commun ne seraient-elles pas l'avenir et ne pourraient-elles pas permettre de réaliser de substantielles économies tout en maintenant une présence dans (presque) tous les pays du monde ?

Dans cette perspective, un accord-cadre a été conclu avec l'Allemagne , notre principal partenaire, le 12 octobre 2006, afin de faciliter les implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires entre les deux pays.

Ces expériences ont été accompagnées de réflexions théoriques , contenues dans deux principaux documents : le rapport rédigé par le préfet Raymond Le Bris, à la demande du premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, sur « l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger » , publié en juillet 2002, et le « Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France » , rédigé par Alain Juppé et Louis Schweitzer et remis en juillet 2008.

Ces travaux convergent sur l'opportunité de regrouper les services français à l'étranger, à la fois entre eux, et avec ceux des partenaires européens, sans toutefois méconnaître les difficultés juridiques et techniques de ce dernier rapprochement.

La commission des finances et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont souhaité faire le point sur la question des implantations communes, qui touche à d'importants enjeux de souveraineté, et dont l'éventuel intérêt budgétaire mérite d'être approfondi.

Elles ont donc mandaté vos deux rapporteurs afin de réaliser un contrôle commun dont rend compte le présent rapport d'information.

Il en ressort des constats nuancés . Si les implantations communes peuvent présenter, dans certaines situations, un indéniable intérêt symbolique et politique, il convient de relativiser la portée de ces initiatives : ce n'est pas parce qu'ils partagent un même bâtiment que les services des partenaires sont mis en commun et, hier comme aujourd'hui, chacun reste maître chez soi . En outre, il est clair que, d'un point de vue budgétaire, les implantations communes ne sauraient constituer une source d'économies significative . Seules les rapprochements consulaires peuvent se traduire par une rationalisation des procédures, laquelle entraîne davantage une amélioration du service aux usagers qu'une dépense réduite pour l'Etat.

I. LES IMPLANTATIONS COMMUNES : UN PROJET CONCEPTUELLEMENT SÉDUISANT, MAIS DIFFICILE À METTRE EN oeUVRE

A. UN CONCEPT SÉDUISANT

Les « colocalisations », ou implantations communes, se définissent comme le regroupement de services diplomatiques, consulaires ou culturels de pays européens, dans un même bâtiment à l'étranger .

Dans les réponses qu'il a transmises à vos rapporteurs, le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) indique que les colocalisations apparaissent comme « une solution permettant de concilier les impératifs du respect de notre souveraineté et de notre intérêt à nous rapprocher de nos partenaires européens » 1 ( * ) . Ce ministère voit trois avantages au développement d'une telle politique :

- l'accroissement de la visibilité et de l'influence des pays européens ;

- le rapprochement entre les cultures diplomatiques et les procédures nationales et, localement, la possibilité d'un échange d'analyses et d'informations ;

- l'adaptation des modalités de la présence française dans le cadre de la réforme de nos réseaux à l'étranger, « en particulier dans les pays où nous réduisons le format de nos représentations ».

La première colocalisation diplomatique a découlé de circonstances fortuites : la décision de fermer l'ambassade de France au Malawi a été prise il y a une quinzaine d'années pour des raisons budgétaires, du fait de la faiblesse de nos intérêts dans ce pays, notre représentation devant y être assurée par notre poste en Tanzanie. Cependant, depuis 2003, un chargé d'affaires français est à nouveau présent à Lilongwe, capitale du Malawi, accueilli au sein de l'ambassade d'Allemagne. Ce chef de poste, dont relèvent deux collaborateurs, un agent polyvalent et un recruté local, dispose d'un bureau dans cette ambassade, en contrepartie d'un loyer modique.

Par la suite, le concept d'implantation commune a été théorisé et a pris une place dans le débat public alors que, depuis une dizaine d'années, l'Etat a engagé une réflexion sur l'organisation de son réseau à l'étranger.

Ainsi, comme cela a été mentionné en introduction, plusieurs rapports portant sur l'organisation du réseau français ont préconisé de développer de telles implantations. On peut citer, en particulier :

- les conclusions du rapport confié au préfet Raymond Le Bris par le Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, sur « l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger », rendu public en juillet 2005. Celui-ci estimait que la fermeture de certaines de nos petites ambassades induiraient des coûts en matière d'image largement supérieurs aux économies escomptées. Et il recommandait plutôt de réduire les financements affectés à ces implantations en favorisant le regroupement des services français à l'étranger, à la fois entre eux et avec ceux des partenaires européens ;

- le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE), réuni en juillet 2006, qui a repris à son compte cette partie des recommandations du rapport Le Bris ;

- et le « Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France », remis en juillet 2008 au ministre par Alain Juppé et Louis Schweitzer. Ce document préconisait de « développer la co-localisation ou au moins la juxtaposition de nos implantations diplomatiques avec nos partenaires européens ». Il constatait, certes, que des obstacles de nature juridique interdisent la mise en place d'ambassadeurs communs, mais soulignait que la proximité au quotidien contribuerait déjà à un rapprochement des perceptions et des réflexes. D'autre part, ce document notait que le cadre franco-allemand constitue un terrain de mise en oeuvre naturel - mais non exclusif - de cette démarche et que, à côté des ambassades proprement dites, la fonction consulaire représente un domaine où la France doit inciter ses partenaires de l'UE à une coopération beaucoup plus volontariste.

B. LES DÉBUTS DE MISE EN oeUVRE

Au terme d'une dizaine d'années d'expérience, le nombre d'implantations communes extérieures entre la France et certains de ses partenaires de l'Union européenne est limité : on en compte une vingtaine, dont la plupart ont été réalisées avec l'Allemagne. Ces réalisations sont énumérées à l'annexe 2 au présent rapport d'information.

Ce processus de rapprochement a été formalisé avec la seule Allemagne , d'abord lors du quarantième anniversaire du Traité de l'Élysée, en 2004, puis avec la conclusion d'un accord-cadre , mettant en place les conditions générales de réalisation des colocalisations diplomatiques et consulaires. Cet accord, signé entre les deux pays le 12 octobre 2006, est en vigueur depuis le 3 mars 2008. Le traité franco-allemand, reproduit en annexe 3 au présent rapport d'information, règle des aspects symboliques importants 2 ( * ) tout en rentrant dans des détails très pratiques et en prenant parfois la forme d'un règlement de copropriété ou de colocation 3 ( * ) .

Dans le domaine culturel et scolaire, la diversité des statuts juridiques des entités impliquées n'a pas permis l'élaboration d'un dispositif général, et des accords particuliers doivent être signés au cas par cas . Un accord-cadre a cependant été conclu lors de la présidence française de l'Union européenne (second semestre 2008) dans ce domaine.

Le conseil des ministres franco-allemand tenu le 4 février 2010 a confirmé le rapprochement, en fixant comme objectifs l'ouverture de dix ambassades colocalisées d'ici à 2020.

II. LES COLOCALISATIONS EN PRATIQUE : DES CONSTATS EN DEMI-TEINTE

C'est sur la base de l'analyse de cet existant que vos rapporteurs ont effectué leurs travaux et établi leurs constats.

Ceux-ci apparaissent en demi-teinte. En effet, si les effets positifs des implantations communes ne sont pas à négliger, notamment d'un point de vue symbolique (qui compte en matière de diplomatie), ces rapprochements ne peuvent apparaître comme une « solution miracle » pour l'évolution du réseau. En particulier, ils ne sauraient constituer une source d'économies substantielle.

A. DES COLLABORATIONS INTÉRESSANTES

En premier lieu, vos rapporteurs se doivent d'évoquer les effets positifs que présentent les implantations communes.

Hormis le cas spécifique des implantations consulaires, qui seront traitées à part ci-après, ces effets sont essentiellement de trois ordres : symbolique, politique et parfois pratique .

D'un point de vue symbolique, vos rapporteurs soulignent l'image forte qui résulte de la présence commune , sur un même bâtiment, de plusieurs drapeaux et emblèmes nationaux . Ainsi, la puissance du message de coopération qu'envoient les bannières de deux Nations aussi souvent en conflit par le passé que la France et l'Allemagne sur le bureau d'ambassade d'un lieu comme Banja Luka ne fait pas de doute. A cet égard, la création d'un bureau commun dans le chef-lieu de la Republika Srpska, une des deux entités constitutives de la Bosnie-Herzégovine, pendant les premières années d'existence de cet Etat, a marqué de manière concrète la volonté de deux grands pays d'Europe d'aller de l'avant ensemble dans cette région, notamment pour reconstruire et développer la démocratie après des années de guerre. Sa fermeture programmée à l'automne prochain, conséquence de la « normalisation » de l'Etat bosnien, ne doit donc pas être interprété comme un échec, bien au contraire.

Emblèmes français et allemands côte-à-côte sur le bureau commun de Banja Luka

Au-delà du symbole, la présence en un même immeuble des personnels diplomatiques de deux pays leur permet de se rapprocher , de mieux se connaître et d'échanger sur leurs méthodes de travail . Il s'agit donc d'un facteur de partage et d'acquisition des « meilleures pratiques » entre partenaires.

En outre, comme l'a souligné l'ambassade de France en Bosnie-Herzégovine, un bureau commun tel que celui de Banja Luka ne s'est pas résumé à un simple partage d'installations matérielles ; il a été le creuset d'initiatives et d'actions franco-allemandes communes .

Enfin, vos rapporteurs observent que, dans certains cas précis, des rapprochements binationaux peuvent présenter un indéniable intérêt pratique . A cet égard, le cas du Malawi, déjà cité, est très évocateur. Alors que la France ne pouvait maintenir une ambassade dans ce pays, un tel dispositif nécessitant un minimum de 7 à 8 emplois en équivalents temps plein travaillés (ETPT), l'hébergement d'un chargé d'affaires français dans les locaux de l'ambassade allemande permet de maintenir une présence à Lilongwe à moindre frais.

B. DES ENJEUX FINANCIERS TRÈS FAIBLES

1. La très petite taille des implantations communes existantes et des projets

En revanche, vos rapporteurs ont constaté que les implantations communes ne concernent pour l'heure que des postes de taille modeste. Cela apparaît particulièrement vrai dans le domaine diplomatique.

Ainsi, les frais de fonctionnement annuels des postes de Banja Luka et Lilongwe précitées ne s'élèvent qu'à 65 000 euros. L'ensemble des projets existant au moment du contrôle dont rend compte le présent rapport ne représentaient que 1,2 millions d'euros de dépenses de fonctionnement, soit moins de 1 % de ce type de dépenses pour le réseau français.

Sources :MAEE, loi de finances pour 2010

2. Une source d'économie peu évidente
a) Une mutualisation limitée

Outre la taille plus que limitée des implantations communes et des projets, les gisements d'économies n'apparaissent pas clairement sur les réalisations elles-mêmes, le réseau consulaire constituant une exception qui sera traitée ci-après.

En effet, les frais mutualisables par les parties représentent des montants modiques, la souveraineté des Etats demeurant une réalité très concrète . Chaque pays travaille de son côté, les contrats communs ne concernant que des prestations périphériques, comme le nettoyage et, éventuellement, la surveillance des locaux.

b) En matière culturelle, les implantations communes ne se substituent pas forcément au réseau national : le cas de l'Institut Pierre Werner de Luxembourg

D'autre part, vos rapporteurs ont constaté que, dans le domaine culturel, une implantation commune ne se substitue pas nécessairement aux implantations de chaque pays .

L'Institut Pierre Werner (IPW), sis à Luxembourg, que votre rapporteur spécial a visité le 11 juin 2009, illustre bien cet état de fait ainsi que la spécificité d'un « véritable » centre commun, qui est un objet en soi, d'un type très particulier.

Installé dans l'ancienne abbaye de Neumünster, l'IPW est une association sans but lucratif de droit luxembourgeois. Il a été inauguré en 2003 par Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, Joschka Fischer, son homologue allemand, et Erna Hennicot-Schoepges, ministre luxembourgeoise de la culture. Il devait alors promouvoir simultanément l'intégration européenne, la diversité culturelle et la culture des trois pays .

Mais, deux ans plus tard, devant un relatif échec, les trois parties ont revu l'organisation de l'Institut (en prévoyant, en particulier, un directeur unique) ainsi que le statut du centre. Aux termes du nouveau statut, approuvé en 2006, l'IPW doit désormais promouvoir la réflexion et la coopération culturelle européenne ; il peut d'ailleurs s'ouvrir à d'autres partenaires. A titre d'exemple, l'Institut a accueilli, en mars 2009, une exposition sur « l'évolution du paysage urbain et de l'espace public en Europe centrale et orientale » qui n'est directement reliée à aucun des trois partenaires.

Cela explique d'ailleurs qu'à côté de sa participation à l'IPW, la France a conservé son centre culturel à Luxembourg, qui poursuit ses propres missions, notamment linguistiques. S'il ne s'agit donc pas de remettre en cause l'intérêt d'un tel centre 4 ( * ) , il ne faut pas l'aborder sous l'angle des économies qu'il peut engendrer .

c) En matière consulaire, une rationalisation bienvenue dont les usagers sont les principaux bénéficiaires

Comme vos rapporteurs l'ont déjà indiqué, c'est en matière consulaire que des implantations communes permettent la meilleure optimisation des ressources des différents pays partenaires .

Toutefois, là encore, chaque pays conserve légitimement son champ de souveraineté. Cela concerne :

- les relations avec la communauté nationale au sein du pays d'implantation ;

- et même, s'agissant des visas, la délivrance des titres.

Cela étant, les pays signataires de la Convention de Schengen partagent des règles communes permettant un rapprochement dans la première phase de traitement des demandes.

De façon très concrète, la mutualisation permet d' atteindre plus aisément la « masse critique » en termes de nombre de dossiers qui rend possible et rentable l'externalisation de la réception des demandes de visas 5 ( * ) .

L'externalisation de ces tâches de nature purement administratives et sans enjeu de souveraineté permet non pas d'économiser des emplois, mais d'améliorer le service aux usagers en focalisant le travail des agents sur leur « coeur de métier », à savoir le traitement au fond de chaque dossier.

Au bout du compte, si les implantations communes permettent une rationalisation du travail, il ne s'agit pas, là non plus, d'une source d'économie, mais plutôt d'un gain d'efficacité . Ainsi, selon les informations transmises par le ministère à vos rapporteurs, le délai moyen de réponse aux demandes de visas serait passé de trois semaines à trois jours à Moscou depuis la mise en place d'un centre commun externalisé de réception des visas.

C. DES PERSPECTIVES NÉCESSAIREMENT LIMITÉES

1. Un faible nombre de projets

Vos rapporteurs constatent également qu'hormis en matière consulaire, les perspectives de développement d'implantations communes semblent très limitées.

Comme cela a été exposé précédemment, il n'existe que très peu de projets dans les domaines diplomatique et culturel , et certains de ceux envisagés depuis plusieurs années ont été abandonnés en 2010. La multiplicité des obstacles techniques constitue le motif officiel de l'absence d'aboutissement de ces projets. Cependant, l'argument technique peut parfois être mis en avant pour dissimuler des divergences de priorités entre pays initialement partenaires, elles-mêmes fondées sur un contexte de forte concurrence, particulièrement dans certains pays émergents.

Ces obstacles techniques sont d'ordre divers. Ainsi la coopération franco-allemande doit surmonter des divergences en matière de normes de sécurité des bâtiments, de modes de passation des marchés publics , et mettre en relation le ministère français des affaires étrangères et le ministère allemand de la construction, compétent en matière d'édification de bâtiments à l'étranger, ministères qui n'ont pas d'habitudes communes de travail.

Ainsi, la construction de deux ambassades, française et allemande, sur un même terrain donné par l'État mozambicain à Maputo, a été abandonnée à la fin 2009 par la partie allemande pour des raisons de sécurité liées au terrain envisagé (les constructions voisines, de 8 à 15 étages, ont une vue plongeante sur le terrain). Le coût du projet, plus élevé qu'initialement prévu, n'est plus jugé économiquement avantageux par la partie allemande. Une colocalisation consulaire limitée au service des visas est à l'étude : l'ambassade de France propose d'accueillir les services allemands dans ses locaux, dans le cadre d'une restructuration immobilière de l'ambassade et l'Allemagne pourrait profiter du matériel de recueil des données biométriques.

Un projet d'acquisition de terrains mitoyens à Gaborone, au Botswana, pour y construire un bâtiment abritant les deux ambassades, a également été abandonné.

Par ailleurs, il faut rappeler que c'est la France qui s'est retirée, en mars 2000, du projet de « campus diplomatique » qui devait abriter les ambassades de dix des Etats membres de l'Union européenne à Abuja, au Nigeria.

2. Une ambition souvent réduite

En outre, ces projets n'ont qu'une ambition relativement modeste, à la notable exception du centre culturel franco-allemand envisagé à Moscou ( cf. encadré ci-dessous).

De fait, dans les pays représentant les plus gros enjeux , et vers lesquels sont dirigés l'essentiel des moyens du réseau, la concurrence reste la règle en matière diplomatique et culturelle. Cela se comprend bien : les intérêts de chaque Etat, même entre partenaires, demeurent souvent divergents, chacun cherchant à « pousser » sa propre influence ou à faire rayonner sa propre langue et sa propre culture.

Le constat établi par vos rapporteurs à partir de la situation existante est donc appelé à être durable. Nulle perspective d'un développement important des implantations communes ne paraît réaliste, en particulier dans les pays avec lesquels la France entretient les relations les plus poussées.

Le projet de centre culturel franco-allemand à Moscou

L'édification de ce centre projeté en 2007 est conditionnée à un échange de terrains, situés respectivement à Moscou et Berlin, entre la Russie et l'Allemagne.

Le futur centre culturel franco-allemand réunirait, dans un même bâtiment, le centre culturel français et l'institut Goethe de Moscou. L'échange de terrains se négocie, de façon bilatérale, entre Moscou et Berlin et doit surmonter la volonté exprimée par le Sénat de Berlin de soumettre le bâtiment russe à une taxe foncière, ce que refuse la partie russe.

Le ministère russe des affaires étrangères considère que « le futur centre culturel contribuera à la richesse de la vie culturelle moscovite ».

Le centre culturel français se déploierait sur 1.815 m 2 et l'Institut Goethe, sur 2.129 m 2 .

Le calendrier initial prévoyait une ouverture en 2010, date qui sera sans doute différée du fait des délais requis par la négociation germano-russe.

3. La mise en place du service européen pour l'action extérieure ne devrait pas bouleverser le paysage à court terme

L'avenir pourrait aussi prendre la forme d'une place accrue de la représentation propre de l'Union européenne dans les pays tiers permettant, dans certains cas, une « réduction de voilure » des Etats membres.

A cet égard, la rédaction du traité de l'Union européenne modifié par le traité de Lisbonne 6 ( * ) fournit de nouveaux outils à l'échelon communautaire. Ainsi, d'une part, ce traité a créé un poste de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité 7 ( * ) , qui reprend les fonctions diplomatiques autrefois exercées par le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et par le commissaire européen chargé des relations extérieures, ce qui assure une meilleure unité d'action. Et, d'autre part, aux termes du 3 de l'article 27 du traité modifié, cette personnalité s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure (SEAE). Ce service « travaille en collaboration avec les services diplomatiques des Etats membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux ». D'autre part, « l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission ».

A l'heure actuelle, les compétences, le recrutement du personnel, ainsi que le statut juridique du SEAE vis-à-vis de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen font encore l'objet de débats.

Au-delà de ces frictions conjoncturelles, vos rapporteurs doutent que, dans un avenir prévisible, une éventuelle montée en puissance de la représentation communautaire puisse se substituer à la représentation des Etats membres, du moins à celle de pays à forte tradition diplomatique, comme la France. Pour autant, une meilleure coordination des approches, notamment sur des sujets à l'intérêt communautaire évident (par exemple le commerce extérieur ou la lutte contre le changement climatique) ne saurait nuire.

III. LES ENSEIGNEMENTS DE VOS RAPPORTEURS

A. UN « NON-SUJET » BUDGÉTAIRE

Le premier enseignement que vos rapporteurs tirent de leur contrôle est bien que les implantations communes constituent un « non-sujet » budgétaire . Cela confirme l'intuition exprimée par votre rapporteur spécial dans son rapport budgétaire 8 ( * ) sur le projet de loi de finances pour 2008, dans lequel il écrivait qu'il ne fallait pas « surestimer l'intérêt, sinon sur le plan politique, du moins sur le plan budgétaire, d'implantations communes, franco-allemandes, ou européennes ».

D'une part, au moins en matière diplomatique et culturelle, les implantations communes ne peuvent, presque par nature, fonctionner que dans des pays où les partenaires ne disposent que d'une présence réduite et dans lesquels les enjeux concurrentiels sont moindres. Les rapprochements ne semblent donc pouvoir concerner que des postes modestes à budget limité .

D'autre part, même lorsque des rapprochements se concrétisent, les économies sont très faibles , chaque pays assurant l'exclusivité de ses missions souveraines. Même dans le domaine consulaire, la réelle rationalisation des tâches qu'engendrent les colocalisations se traduisent avant tout par une amélioration de la prestation aux usagers de l'administration.

Alors que le réseau a déjà accompli des efforts particulièrement notables depuis dix ans en termes d'emplois, il faut donc bien constater que les implantations communes ne sauraient constituer une « solution miracle », ni même un gisement d'économies significatif pour l'avenir .

B. UN ENJEU ESSENTIELLEMENT SYMBOLIQUE ET POLITIQUE

Pour autant, vos rapporteurs ne condamnent pas le concept d'implantations communes.

En effet, ces postes peuvent apporter des avantages réels, mais d'une nature autre que budgétaire.

Manifestations, par leur création même, d'une volonté d'avancer en commun avec certains Etats (en particulier l'Allemagne), les implantations permettent un rapprochement des équipes et des initiatives et peuvent présenter une force politique réelle.

De plus, comme cela a été évoqué précédemment à propos du bureau commun de Banja Luka, les colocalisations peuvent présenter une incontestable puissance symbolique, particulièrement forte dans des zones à l'histoire récente troublée, comme la Bosnie-Herzégovine.

C. UNE INITIATIVE QUI DOIT VENIR DU TERRAIN

Enfin, vos rapporteurs sont convaincus que les projets de nouvelles implantations communes doivent émaner du terrain , c'est-à-dire des chefs de missions diplomatiques, et non du sommet, même si un accord-cadre tel que celui qui a été conclu avec l'Allemagne présente un intérêt pratique en termes d'organisation.

Tel est d'ailleurs le modèle qui a prévalu jusqu'à présent.

Cela se justifie amplement. D'une part, les chefs de mission sont les mieux à-même de définir (voire de ressentir) le besoin d'un rapprochement. D'autre part, la réalisation d'une implantation, dont l'expérience montre qu'il s'agit souvent d'une opération complexe, nécessite une volonté forte et doit être véritablement soutenue par les responsables de terrain afin d'aboutir. En outre, les chefs de mission sont les mieux placés pour juger de l'éventuelle sensibilité du rapprochement pour les responsables du pays hôte, qui ne doit pas voir dans l'implantation commune le signe d'un désintérêt ou d'un abandon de la part des partenaires.

CONCLUSION

L'opportunité de développer des colocalisations apparaît fondée sur un double impératif de visibilité politique du rapprochement effectif entre deux ou plusieurs pays membres de l'Union européenne, et d'éventuelles économies budgétaires .

Évoquées bien avant la crise économique de 2008, ces mutualisations apparaissent d'autant plus souhaitables que tous les Etats membres de l'Union sont actuellement contraints de réduire leurs dépenses publiques et donc de rationaliser, autant que faire se peut, leurs réseaux à l'étranger.

Or, les expériences menées durant la décennie écoulée démontrent la difficulté de l'exercice : il serait donc vain de compter sur un rapprochement imposé par les Etats membres -à supposer qu'ils le souhaitent- pour trouver un important gisement d'économies.

Par ailleurs, la construction européenne ne contredit en rien le fait que la politique étrangère relève du domaine régalien dans lequel la souveraineté ne se partage pas, ce qui rend par exemple impossible, dans l'état actuel du droit, la création, un temps évoqué, d'ambassadeurs communs à deux pays.

Aussi le bilan effectif des colocalisations est-il intéressant, mais limité, d'autant que plusieurs projets présentés comme « emblématiques » ont été abandonnés, parfois sous l'effet de la sous-estimation initiale d'éléments purement factuels, comme la localisation du terrain envisagé pour l'édification de deux nouvelles ambassades juxtaposées (Mozambique), parfois du fait de la volonté perçue comme hégémonique d'un des partenaires (campus diplomatique d'Abuja, au Nigéria).

Ces colocalisations constituent donc des éléments ponctuels dans la réflexion en cours dans plusieurs États européens sur l'adaptation de leurs réseaux extérieures à l'évolution du monde.

EXAMEN PAR LES DEUX COMMISSIONS

Réunies le mercredi 26 mai 2010, sous la présidence de M. François Trucy, secrétaire de la commission des finances, puis de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des finances et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et de M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis, sur les implantations communes du réseau diplomatique gérées avec d'autres pays de l'Union européenne.

M. Jean-Louis Carrère , rapporteur pour avis la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Depuis la fin des années 1990, la France « partage » une partie de son réseau diplomatique, consulaire ou culturel avec certains partenaires, en particulier l'Allemagne. Ce « partage » prend des formes diverses, parfois modestes, quand il s'agit d'accueillir un diplomate du pays partenaire dans les locaux d'une ambassade, parfois plus ambitieuses quand deux pays ouvrent ensemble leur ambassade dans un même bâtiment.

Un peu plus de dix ans après les premiers essais, il nous a paru opportun, à Adrien Gouteyron et à moi-même, de faire le point sur cette politique, sous un angle intéressant chacune de nos deux commissions. Nous nous sommes posé les questions suivantes : Où en sommes-nous en termes de nombre d'implantations communes ? Y a-t-il une stratégie guidant les ouvertures de telles implantations ? Quel bilan peut-on en tirer d'un point de vue diplomatique ? Y a-t-il là un gisement d'économies potentielles à l'heure où le réseau est en cours de redéfinition dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ?

Pour répondre à ces questions, nous avons mené des entretiens à divers niveaux de l'administration du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), ainsi qu'avec des membres du cabinet du ministre. Nous avons également effectué une visite au Grand-duché de Luxembourg afin d'étudier sur place le fonctionnement d'un centre culturel commun à la France, à l'Allemagne et au Luxembourg.

La question des implantations communes d'une partie de notre réseau diplomatique au sens large, c'est-à-dire englobant les ambassades, consulats et centres culturels, avec certains de nos partenaires européens, en particulier l'Allemagne, revient régulièrement dans le débat public. Ainsi plusieurs rapports portant sur l'organisation du réseau français ont recommandé de développer de telles implantations. Je citerai, par exemple, les conclusions du rapport confié au préfet Raymond Le Bris par le Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin, sur « l'organisation et le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger », rendu public en juillet 2005. Celui-ci estimait que la fermeture de certaines de nos petites ambassades induirait des coûts en matière d'image largement supérieurs aux économies escomptées, et recommandait plutôt de réduire les financements affectés à ces implantations en favorisant le regroupement des services français à l'étranger, à la fois entre eux et avec des partenaires européens. Par la suite, le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE), réuni en juillet 2006, a repris cette partie des recommandations du rapport Le Bris. Enfin le « livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France », remis en juillet 2008 au ministre par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, préconisait de « Développer la co-localisation ou au moins la juxtaposition de nos implantations diplomatiques avec nos partenaires européens ». Ce rapport relevait certes, des obstacles de nature juridique à la mise en place d'ambassadeurs communs, mais soulignait que la proximité au quotidien contribuerait déjà à un rapprochement des perceptions et des réflexes. Le cadre franco-allemand constitue un terrain de mise en oeuvre naturel - mais non exclusif - de cette démarche. A côté des ambassades proprement dites, la fonction consulaire représente un domaine où la France doit inciter ses partenaires de l'Union européenne (UE) à une coopération beaucoup plus volontariste.

Où en sommes-nous ? A ce jour, les réalisations demeurent modestes dans les domaines diplomatique et culturel. Ainsi, s'agissant de la diplomatie (domaine le plus sensible car très lié à la souveraineté des Etats), seuls existent un bureau d'ambassade franco-allemand à Banja Luka, en république serbe de Bosnie-Herzégovine, et l'hébergement d'un chargé d'affaires français dans les locaux de l'ambassade d'Allemagne à Lilongwe au Malawi.

Des projets plus ambitieux existent cependant, à Dacca (Bangladesh) et Koweït-City. En revanche, le projet d'ambassade commune à Maputo (Mozambique) est pour l'instant suspendu. Dans le domaine culturel, les véritables co-localisations de centres culturels français et de locaux de l'Institut Goethe se trouvent à Palerme, Luxembourg et Ramallah. D'autres implantations communes, treize en tout, existent entre Alliances françaises et Instituts Goethe ou d'autres associations allemandes.

La politique est plus avancée dans le domaine consulaire puisque on relève vingt-six collaborations, neuf centres communs de réception de visas, trois centres administratifs communs et que trois projets sont en cours.

On constate que l'Allemagne est le partenaire quasi exclusif de la France en matière de co-localisations diplomatiques et culturelles. Elle est aussi souvent présente dans le domaine consulaire, même si d'autres partenaires peuvent coopérer car l'espace Schengen crée une solidarité de fait, en particulier pour ce qui concerne les visas.

La France et l'Allemagne ont formalisé leurs relations dans un accord cadre relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires, signé à Paris le 12 octobre 2006 et approuvé par le Parlement en 2007 (M. del Picchia étant rapporteur pour le Sénat). Cet accord, très concert, vise à régler aussi bien le partage des frais des locaux communs (comme dans une copropriété) que l'affichage symbolique (plaques, drapeaux, etc.). Il est bien clair que chaque pays conserve sa souveraineté et sa propre représentation.

M. Adrien Gouteyron , rapporteur spécial de la commission des finances. - Les constats principaux que vos rapporteurs tirent de leurs travaux sont les suivants : tout d'abord, les implantations communes peuvent présenter des avantages à la fois symboliques et pratiques : symboliques car les lieux uniques sur lesquels flottent les drapeaux français et allemands, et le drapeau de l'Union, incarnent l'étroitesse des liens entre nos deux pays. De ce point de vue, le bureau d'ambassade commun de Banja Luka est un signe politique fort. De plus, au-delà du symbole, la présence en un même immeuble des personnels diplomatiques leur permet de se rapprocher, de mieux se connaître et d'échanger sur leurs méthodes de travail. Enfin, dans une perspective de maintien, autant que faire se peut, d'une universalité de la présence française à moindre coût, la solution retenue à Lilongwe - hébergement du chargé d'affaires français dans les locaux de l'ambassade allemande - est optimale. En effet, il est difficile de maintenir une ambassade au sens strict du mot, à moins de sept ou huit équivalents temps pleins travaillés (ETPT) ; c'est d'ailleurs le format des plus petites ambassades dans le nouveau schéma diplomatique.

Toutefois, le rapporteur de la commission des finances ne peut que constater la grande faiblesse des enjeux budgétaires liés aux co-localisations, contrairement à une croyance répandue. Par exemple, les frais de fonctionnement des postes de Banja Luka et de Lilongwe ne s'élèvent qu'à 65 000 euros. Et l'ensemble des projets dans le domaine diplomatique ne représentent qu'un peu moins de 1,2 million d'euros de dépenses de fonctionnement, soit à peine plus de 1 % de ce type de dépenses. Il s'agit donc d'un mouvement à encourager, sans économie significative à attendre.

Hormis des cas comme celui du Malawi que je viens d'évoquer avec la présence d'un Français dans une ambassade allemande, la partie mutualisable est très faible, la souveraineté des États demeurant une réalité. Chacun travaille de son côté, avec simplement la possibilité de disposer de contrats communs pour des prestations comme le nettoyage ou la surveillance.

Même en consulaire, la seule fonction justifiant un rapprochement est le traitement des visas. Mais là encore, si nous avons des règles communes avec les pays de la « zone Schengen », chaque État reste responsable de la délivrance des titres. Le seul avantage de la mutualisation est, dans certains cas, l'atteinte de la « masse critique » de dossiers (environ 15 000) permettant de négocier des prix intéressants dans l'externalisation de la réception des demandes de visas. Les agents peuvent alors se concentrer sur leur coeur de métier (le traitement des dossiers), ce qui améliore le service aux demandeurs. Ainsi, à Moscou, le délai de réponse serait passé de trois semaines à trois jours depuis la mise en place d'un centre commun externalisé de réception des visas.

Cependant, d'une manière générale, non seulement la souveraineté ne se partage pas, mais, dans de nombreux pays, nos partenaires européens peuvent aussi être nos concurrents. Cela est particulièrement vrai sur les sujets économiques et culturels. C'est ce qui explique que les implantations communes existantes se situent souvent dans des pays à « faible enjeu ». Il sera intéressant d'analyser, le moment venu, le succès ou l'échec du projet de centre culturel commun avec l'Allemagne à Moscou, dont l'ouverture était prévue en 2011, mais semble prendre du retard.

Pour l'heure, le seul exemple de centre culturel véritablement commun, allant au-delà d'un simple partage de locaux, est assez éclairant. Il s'agit de l'Institut culturel franco-germano-luxembourgeois Pierre Werner (IPW), situé dans les locaux de l'ancienne abbaye de Neumünster, à Luxembourg.

L'institut a été inauguré en 2003 par Dominique de Villepin, alors au Quai d'Orsay, Joschka Fischer, son homologue allemand, et par Mme Erna Hennicot-Schoepges, ministre luxembourgeoise de la culture. Il devait alors promouvoir simultanément l'intégration européenne, la diversité culturelle et la culture des trois pays, ce qui constituait un noble et ambitieux objectif.

Mais, deux ans plus tard, devant un relatif échec, les trois parties ont revu l'organisation de l'institut doté d'un directeur unique et les statuts du centre. L'institut Pierre Werner doit désormais promouvoir la réflexion et la coopération culturelle européenne ; il peut d'ailleurs s'ouvrir à d'autres partenaires. A titre d'exemple, l'IPW a accueilli, en mars 2009, une exposition sur « l'évolution du paysage urbain et de l'espace public en Europe centrale et orientale » qui n'est directement relié à aucun des trois partenaires, ce qui montre bien que son objet dépasse la promotion culturelle des Etats fondateurs.

Cela explique d'ailleurs qu'à côté de sa participation à l'IPW, la France a conservé son centre culturel à Luxembourg, qui poursuit ses propres missions. S'il ne s'agit donc pas de remettre en cause l'intérêt d'un tel centre, il ne faut pas l'aborder sous l'angle des économies qui pourraient être envisagées.

En conclusion, le rapporteur de la commission des finances que je suis a pu conforter le pressentiment qu'il avait exprimé dans son rapport budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 2008 : « Il convient de ne pas surestimer l'intérêt, sinon sur le plan politique, du moins sur le plan budgétaire, d'implantations communes, franco-allemandes, ou européennes, qui peuvent conduire à une complexification de la gestion des postes à l'étranger, les différents réseaux européens ayant souvent des cultures de fonctionnement très différentes, y compris dans les consulats. »

Le véritable enjeu se situe sur d'autres plans, intéressant davantage la commission des affaires étrangères : le symbole politique que constitue le rapprochement de deux drapeaux ; le rapprochement des personnels et des « cultures » des réseaux ; et, dans le domaine des visas, la qualité du service rendu aux usagers.

Dans tous les cas, pour que l'initiative soit un succès, elle doit venir du terrain et ne pas être imposée « d'en haut », même si cela limite le nombre de projets. En effet, les affinités entre chefs de missions diplomatiques comptent. De même, la perception de tels projets par les autorités du pays hôte est essentielle. Le regroupement de locaux ne doit pas être perçu comme un abandon larvé.

On espérait plus de ce rapport que ce qu'il nous a donné. La réalité conduit à une approche modeste et progressive. L'impulsion ne peut jamais venir d'en haut pour que de tels projets aboutissent, mais uniquement des partenaires sur le terrain.

M. Josselin de Rohan , président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Votre présentation souligne combien les États sont soucieux de leur souveraineté et ne veulent donc pas la partager. J'ai par ailleurs été surpris du rôle prééminent que vous accordez aux initiatives de terrain en matière de co-localisation.

M. Adrien Gouteyron . - On constate en effet que seules des circonstances exceptionnelles, alliant des affinités entre chefs de mission, consuls ou conseillers culturels, et une disponibilité en matière de locaux, peuvent conduire à la réussite de tels projets, dont l'exemple le plus éloquent se situe à Lilongwe.

M. Josselin de Rohan , président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - L'émergence du service européen d'action extérieur (SEAE) sera-t-il de nature à faciliter ces rapprochements ?

M. Jean-Louis Carrère . - Ce sera sans doute plutôt la contrainte budgétaire qui conduira les pays européens à regrouper leurs services présents à l'étranger. Le SEAE représentera l'Union européenne, mais n'aura pas vocation à se substituer aux États membres.

M. François Trucy , secrétaire de la commission des finances - Il serait souhaitable de connaître les aspirations des publics des pays d'accueil, pour savoir si un centre culturel européen dans lequel les spécificités nationales apparaîtraient diluées serait de nature à répondre à leurs attentes. Je n'en suis pas certain.

M. Adrien Gouteyron . - L'expérience de l'Institut Pierre Werner doit nous conduire à réfléchir aux rôles respectifs que nous souhaitons attribuer, d'une part à l'Europe et, d'autre part, à ses États membres. La mission de l'IPW est de diffuser une culture européenne et non la culture de chacun des pays à l'origine de l'initiative.

Mme Bernadette Dupont . - J'ai l'occasion de me rendre fréquemment au Luxembourg, pays marqué par une forte immigration, ce qui conduit ses habitants à promouvoir l'enseignement du luxembourgeois comme élément de cohésion, au détriment de l'allemand ou du français. Il faut relever la réussite du Lycée français de Luxembourg dans ce contexte.

M. Jean Besson . - J'ai effectué, il y a une dizaine d'années, sous la conduite de notre collègue François Trucy, un déplacement dans plusieurs pays d'Asie centrale, qui nous a permis de constater plusieurs succès en matière de co-localisation, notamment entre la France et l'Allemagne. J'ai d'ailleurs cité cet exemple lors de la discussion du budget pour 2010 du ministère des affaires étrangères et européennes, et M. Bernard Kouchner a semblé intéressé. Je suis donc surpris de la réserve manifestée par les rapporteurs devant cette perspective.

M. Adrien Gouteyron . - Une telle solution peut être positive seulement dans des situations très particulières, comme en témoigne l'exemple déjà cité, de Lilongwe. Nous sommes parvenus à deux conclusions très claires. Il n'y a pas d'économies substantielles à attendre de ces co-localisations, et ces projets sont souvent entravés par la concurrence existante dans les domaines diplomatique, économique et culturel entre les pays européens.

M. Jean-Louis Carrère . - Déjà, le Livre Blanc rédigé par MM. Juppé et Schweitzer soulignait que l'Allemagne était le seul partenaire désireux de rapprocher son réseau extérieur du réseau français. Nos travaux ont montré que des pistes, si elles existent, se situeraient plutôt au niveau européen que bilatéral. Je pense que ce rapprochement se fera sous la contrainte budgétaire, car je crains que notre pays ne puisse continuer à financer les cent soixante ambassades qu'il possède aujourd'hui dans le monde.

M. André Dulait . - Les réalisations constatées en matière d'externalisation des visas « Schengen » constituent un élément solide de mutualisation.

M. Adrien Gouteyron . - C'est, en effet, un rapprochement profitable entre États qui ne met pas en jeu, pour autant, leur souveraineté respective.

M. Jean-Pierre Chevènement . - Ces implantations communes sont concevables pour résoudre des problèmes pratiques, mais elles ne doivent pas conduire à ignorer l'importance de la souveraineté nationale, qui s'enracine dans l'histoire longue. Je vous rappelle que la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe a estimé, le 30 juin 2009, qu'en l'absence d'existence d'un peuple européen, le Parlement européen ne peut se prévaloir de la même légitimité que celle des parlements nationaux. J'estime, plus largement, qu'il existe en France une ignorance de la réalité allemande, marquée par le désir de se rapprocher des pays d'Europe orientale, et surtout de la Pologne, et, dans le domaine économique, par une culture de la stabilité dont nous mesurons mal l'importance. J'observe, cependant, que cette culture conduira l'Allemagne à un affaiblissement économique durable si elle lui fait oublier que 60 % de son commerce extérieur se réalise avec la zone euro, et qu'elle a donc intérêt à ce que cette zone soit la plus dynamique possible. Seul un dialogue fondé sur la reconnaissance des différences entre les conceptions françaises et allemandes pourra produire des effets concrets. J'ignore en quoi consiste cette « culture européenne » que l'institut Pierre Werner est chargé de promouvoir. Je sais, en revanche, que pour aller de l'avant, vers une « Europe européenne » suivant les termes du Général de Gaulle, il faut une meilleure connaissance mutuelle entre des États partenaires comme la France et l'Allemagne.

M. Jean-Louis Carrère . - Adrien Gouteyron et moi-même sommes très soucieux de ne pas laisser croire qu'un rapprochement à marche forcée des réseaux extérieurs des États européens serait aisément réalisable et conduirait à des économies stables.

La commission des finances et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées donnent acte à MM. Adrien Gouteyron et Jean-Louis Carrère de leur communication et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

ANNEXE 1 - LISTE DES AUDITIONS

Ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE)

- Mme Aurélia Lecourtier, conseillère budgétaire, chargée de la modernisation du MAEE et des implantations communes au cabinet du ministre

- M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, secrétaire général adjoint

- M. Philippe Autié, directeur des affaires financières du MAEE

- M. Jean-Marie Bruno, chef du service des affaires immobilières du MAEE

Déplacement au Grand-duché de Luxembourg

- M. Charles-Henri d'Aragon, ambassadeur de France au Luxembourg

- M. Michel Guérin-Jabbour, conseiller de coopération et d'action culturelle

- M. Guy Dockendorf, Premier conseiller de Gouvernement, directeur des affaires culturelles au ministère luxembourgeois de l'éducation et de la formation professionnelle

-M. Paul Duhr, secrétaire général du ministère luxembourgeois des affaires étrangères et de l'immigration

- Visite du service de coopération et d'action culturelle et du centre culturel français à Luxembourg

- M. Bruno Théret, fondateur et président honoraire de l'Association Victor Hugo

- Déjeuner à la résidence de l'ambassadeur de France au Luxembourg (rencontre avec des personnalités luxembourgeoises et françaises)

- M. Claude Frisoni, directeur du Centre culturel de rencontre Neumünster

- M. Mario Hirsch, directeur et Mme Sandrine Devaux, directrice adjointe de l'Institut Pierre Werner

ANNEXE 2 - ÉTAT DES COLOCALISATIONS AU 30 JUIN 2010

Source : ministère des affaires étrangères et européennes

Les colocalisations sont le regroupement de services diplomatiques, consulaires ou culturels de pays européens dans un même bâtiment à l'étranger.

Dans ce cadre, les colocalisations apparaissent comme une solution permettant de concilier les impératifs du respect de notre souveraineté et de notre intérêt à nous rapprocher de nos partenaires européens. Elles présentent 3 avantages :

- accroître la visibilité et l'influence des pays européens ;

- favoriser le rapprochement entre nos cultures diplomatiques et nos procédures nationales et, localement, favoriser l'échange d'analyses et d'informations ;

- enfin, elles nous permettent d'adapter les modalités de notre présence dans le cadre de la réforme de nos réseaux à l'étranger, en particulier dans les pays où nous réduisons le format de nos représentations.

Une mutualisation de nos implantations immobilières avec nos partenaires européens a été engagée depuis plusieurs années. C'est avec l'Allemagne que les projets sont le plus avancés.

COLOCALISATIONS FRANCO ALLEMANDES

Le processus de rapprochement des réseaux diplomatiques français et allemands a été lancé à l'occasion du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée en 2004. Le dernier conseil des ministres franco-allemand (4 février 2010) souhaite lui donner une nouvelle impulsion par l'objectif affirmé d'ouvrir jusqu'à dix ambassades communes à l'horizon 2020.

Un accord-cadre mettant en place les conditions générales de réalisation des colocalisations diplomatiques et consulaires a été signé entre nos deux pays le 12 octobre 2006. Il est entré en vigueur le 3 mars 2008. Dans le domaine culturel et scolaire, la diversité des statuts juridiques des entités concernées ne permet pas la mise en place d'un tel dispositif général et des accords particuliers doivent être signés au cas par cas.

I. Co-localisations diplomatiques et consulaires

1.1 - Opérations réalisées

- Le bureau franco-allemand de Banja-Luka auprès des autorités de Republika Srpska (Bosnie Herzegovine) avait été mis en place en 1999. Mais l'existence de ce bureau n'étant désormais plus justifiée au plan politique, sa fermeture a été décidée par les deux partenaires. Elle interviendra en septembre 2010.

- Hébergement d'un chargé d'affaires français dans les locaux de l'Ambassade d'Allemagne à Lilongwe (Malawi) depuis 2003.

- Rio de Janeiro . L'Allemagne a relogé son consulat au sein de la Maison de France qui abrite le consulat et le service culturel français. Le bail a été conclu pour une durée de douze ans à compter du 1 er janvier 2010.

1.2 - Projets

- Dacca . Ce projet de construction a pour but de regrouper sur un site unique les services des deux ambassades et de partager des services communs. La France dispose d'un terrain (bail emphythéotique). Après définition d'un programme commun d'opération, un appel à candidature pour la maîtrise d'oeuvre a été lancé en avril 2008 et deux jurys de concours se sont tenus, dont le dernier en juin 2009. Le maître d'oeuvre devrait être désigné prochainement. Le coût prévisionnel est de 2,3 M euros (dont 1,45 M pour la France). La France est pilote.

- Koweït-City . Un projet de construction d'une ambassade commune après acquisition (ou échange de parcelle dans le cas de la France) de deux parcelles mitoyennes a reçu l'accord des autorités koweïtiennes (décret du 13 mai 2010).

Deux projets, pourtant bien avancés, de construction sur un site commun ont finalement été abandonnés, à Maputo (Mozambique) et à Gaborone (Botswana).

II. Colocalisations culturelles

2.1 - Opérations réalisées

- Colocalisations entre Centres culturels français et Goethe Institut à Palerme (Italie, depuis 2002), Luxembourg (depuis 2003, également avec la partie luxembourgeoise), Ramallah (Territoires palestiniens, depuis 2004).

- Colocalisations entre Alliances françaises et Goethe Institut à Ekaterinbourg (Russie, depuis 2003, également avec le British Council), Glasgow (Royaume-Uni / Ecosse, depuis 2004), Manchester (Royaume-Uni depuis 2006) et Porto (Portugal, depuis 2006).

- Colocalisations entre Alliances françaises et associations culturelles allemandes à Santa Cruz de la Sierra (Bolivie, depuis 1997), Lahore (Pakistan, depuis 2005), Kampala (Ouganda, depuis 2006), Niteroi (Brésil, depuis 2006) et Bologne (Italie, depuis 2006).

- Centre culturel franco-allemand au Kirghizstan inauguré en janvier 2009, qui accueille à la fois l'Alliance française, la médiathèque française, l'Office allemand d'échanges universitaires et le bureau de la conseillère technique de l'Office central pour l'enseignement allemand à l'étranger.

2.2 - Projets

- Centre culturel franco-allemand de Moscou . Il s'agit d'un projet-phare de nos colocalisations. Le caractère prioritaire de ce projet a été confirmé lors du conseil des ministres franco-allemand de novembre 2007. La réalisation du projet repose sur un échange de terrains entre l'Allemagne et la Russie, qui fait l'objet d'un accord germano-russe non encore finalisé. Les négociations en cours portent sur les modalités juridiques et financières de l'opération.

- Amman . Etude faisabilité en cours pour une colocalisation des centres culturels français et allemands en Jordanie en 2010.

- Skopje . Réflexion sur les perspectives à long terme pour une colocalisation du centre culturel français (CCF) et de l'Institut Goethe.

- Bogota . L'Institut Goethe et la représentation de l'enseignement supérieur allemand (Deutscher Akademischer Austauch Dienst - DAAD) envisagent de louer une partie des locaux dans le futur bâtiment de l'Alliance française.

- Turin . Colocalisation du CCF et de l'Institut Goethe envisagée à l'horizon 2012.

- Naples . Le projet de colocalisation de l'Institut Goethe dans l'Institut français est lié au déménagement préalable de l'école française.

III. Colocalisations scolaires réalisées

- Deux eurocampus franco-allemands (Zagreb, Dublin) , un eurocampus franco-germano-anglais (Taïpeh) , deux lycées franco-allemands (Manille, Shanghaï) .

COLOCALISATIONS FRANCO BRITANNIQUES

Avec le Royaume-Uni les colocalisations concernent les postes de Freetown (Sierra Leone) où un agent de notre antenne diplomatique est hébergé dans les locaux de l'ambassade britannique et d' Abidjan (Côte d'Ivoire), où un agent du British foreign and Commonwealth office (FCO) est hébergé à l'ambassade de France.

ANNEXE 3 - A C C O R D - C A D R E ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE RELATIF AUX IMPLANTATIONS COMMUNES DE MISSIONS DIPLOMATIQUES ET DE POSTES CONSULAIRES, SIGNÉ À PARIS LE 12 OCTOBRE 2006

A C C O R D - C A D R E entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires

Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, dénommés ci-après « les Parties contractantes »,

Désireux de renforcer la coopération entre leurs missions diplomatiques et postes consulaires conformément au Traité sur la coopération franco-allemande signé à Paris le 22 janvier 1963 ;

Se référant à l'article 26 de la déclaration commune du 22 janvier 2003 à l'occasion du 40 e anniversaire de ce traité ;

Considérant que leur coopération constitue une nouvelle étape dans la coopération entre les Etats membres de l'Union européenne ;

Rappelant leur attachement à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques signée à Vienne le 18 avril 1961 et à la Convention de Vienne sur les relations consulaires signée à Vienne le 24 avril 1963 ;

S'inspirant de l'Arrangement administratif relatif à la coopération entre leurs missions diplomatiques au Cap-Vert en date du 3 juillet 1997,

sont convenus de ce qui suit :

Article 1 er
Objet

Les Parties contractantes conviennent d'installer certaines de leurs missions diplomatiques ou postes consulaires dans des locaux communs.

Article 2
Accords particuliers sur les projets

Des accords particuliers sont conclus entre les ministères concernés pour chaque nouvelle implantation commune en application du présent accord. Ces accords particuliers règlent dans le détail les modalités pratiques de l'implantation commune. Ils peuvent toutefois déroger, le cas échéant, aux règles générales ci-après définies.

Article 3
Définition des zones

Les locaux des implantations communes des missions diplomatiques et postes consulaires comprennent :

a) Des parties communes accessibles ou non au public, dénommées ci-après « zones communes » et

b) Des parties affectées à l'usage exclusif d'une mission diplomatique ou d'un poste consulaire, dénommées ci-après « zones exclusives ».

Article 4
Dispositions générales

1.  Les dispositions nécessaires sont prises pour qu'il apparaisse clairement que les locaux abritent deux missions diplomatiques ou postes consulaires distincts. Parallèlement, l'existence d'une coopération franco-allemande particulière est dûment mise en évidence à l'extérieur.

2.  Les drapeaux et emblèmes de souveraineté de chaque Etat sont placés à l'extérieur des locaux dans le respect du principe d'égalité souveraine des Etats. Les deux missions ou postes utilisent un drapeau européen commun.

3.  Les démarches auprès de l'Etat d'accueil concernant les questions relatives à l'implantation commune sont coordonnées entre les Parties contractantes.

4.  Chaque Partie contractante décide de la levée de l'immunité des membres de son personnel et délivre au chef de mission ou de poste consulaire concerné les instructions nécessaires à cet effet.

5.  Les deux missions diplomatiques ou postes consulaires coopèrent dans le cadre des instructions données par leurs gouvernements et, si cela est opportun, dans l'exercice de leurs fonctions diplomatiques ou consulaires ainsi que pour l'administration de leurs missions diplomatiques ou postes consulaires.

Article 5
Gestion et responsabilités des zones

1.  Les zones exclusives d'une mission diplomatique ou d'un poste consulaire sont gérées sous la seule responsabilité du chef de mission ou de poste consulaire concerné et selon les règles fixées par lui.

2.  L'intervention de l'Etat d'accueil dans les zones communes peut être demandée par l'un ou l'autre des chefs de mission ou de poste consulaire, en principe en concertation avec l'autre chef de mission ou de poste consulaire. L'intervention dans les zones exclusives se fait respectivement selon les dispositions de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 ou de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963.

Article 6
Répartition des coûts

1.  Il est défini une « clef de répartition » calculée en divisant la surface de chaque zone exclusive par la somme des surfaces des zones exclusives.

2.  Les différentes dépenses agréées en commun sont réparties selon la clef de répartition de l'alinéa 1. Les autres dépenses sont à la charge exclusive de la Partie contractante concernée.

3.  Les sommes remboursées par l'une des Parties contractantes à l'autre pour une opération menée dans le cadre de cet accord sont reversées dans leur intégralité et sans délai au budget du ministère des affaires étrangères ayant avancé la dépense.

Article 7
Implantations communes en copropriété

Pour les implantations communes en copropriété ou situation juridique équivalente, les règles suivantes s'appliquent :

a) Le projet est mené, sauf décision contraire, par la Partie contractante dont la zone exclusive est la plus importante, selon les procédures administratives qui lui sont propres. Les exigences propres à chaque Partie contractante sont prises en compte dans les accords particuliers entre ministères visés à l'article 2.

b) L'une des Parties contractantes peut se retirer de la copropriété en notifiant officiellement son intention de le faire à l'autre Partie contractante avec un préavis de quatre années comptées à partir de la réception de la notification de ce retrait. La Partie sortante continue durant cette période d'assumer les charges qui sont les siennes au titre de l'implantation commune. Les Parties contractantes recherchent un tiers susceptible de prendre la place de la Partie sortante. Si un tiers ne peut être trouvé, la Partie restante peut soit racheter les locaux de la Partie sortante, soit quitter les lieux elle aussi, auquel cas le bien est mis en vente selon la procédure décrite au point c. Le prix de rachat des locaux de la Partie sortante par la Partie restante est déterminé par un expert désigné par les deux Parties contractantes.

c) La cession d'un bien détenu en copropriété se fait avec l'accord des Parties contractantes. Elle est réalisée, sauf décision contraire, par la Partie dont la zone exclusive est la plus importante, selon les règles qui lui sont propres. Le produit de la vente est divisé entre les Parties contractantes selon la clef de répartition définie à l'article 6.

Article 8
Implantations communes en colocation

Pour les implantations communes en colocation ou situation juridique équivalente, les règles suivantes s'appliquent :

a) Le contrat de location est négocié par la Partie contractante dont la zone exclusive est la plus importante. L'autre Partie contractante est cosignataire du contrat de location.

b) Le contrat de location ne peut prendre effet qu'une fois que toutes les Parties contractantes l'ont validé suivant leurs propres procédures internes.

c) Les articles 6 et 7, point a) s'appliquent par analogie pour l'aménagement d'un bien en location.

d) Chaque Partie contractante peut se retirer de la colocation en notifiant officiellement son intention de le faire à l'autre Partie au moins une année avant la date prévue par le contrat de location pour une éventuelle résiliation. La date limite de notification du retrait de la colocation sera fixée, ainsi que la prise d'effet de celui-ci, dans l'accord particulier entre ministères visé à l'article 2.

Article 9
Location entre les Parties

Quand l'une des Parties contractantes est locataire ou sous-locataire de l'autre Partie contractante, les règles suivantes s'appliquent :

a) La Partie contractante locataire verse un loyer calculé selon les valeurs constatées en commun sur le marché local pour un bien équivalent ou selon le prix payé par l'autre Partie contractante. Ce montant peut être modifié pour tenir compte des installations particulières mises à disposition de la Partie contractante locataire par l'autre Partie contractante, ou bien réalisées par la Partie contractante locataire.

b) La Partie contractante locataire peut réaliser, à sa charge et avec l'autorisation de l'autre Partie contractante, des aménagements particuliers dans les locaux mis à sa disposition.

c) Chaque Partie contractante peut mettre un terme à cette occupation moyennant un préavis d'au moins une année. Des dispositions concernant l'éventuelle remise en état des locaux sont prises à cette occasion.

Article 10
Interprétation et application

Les litiges portant sur l'interprétation et l'application du présent accord sont réglés si nécessaire par les responsables des ministères concernés, si l'une des Parties contractantes en fait la demande.

Article 11
Approfondissement de la coopération

Le présent accord constitue une base d'entente commune pour les activités des représentations franco-allemandes à l'étranger. Les Parties contractantes se déclarent expressément disposées à examiner de façon approfondie et avec bienveillance, dans chaque cas particulier, de quelle manière il serait possible, au-delà de ce cadre, de renforcer la coopération dans de futurs projets à la lumière des expériences accumulées.

Article 12
Entrée en vigueur

1.  Le présent accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois après la date à laquelle les Parties contractantes se sont mutuellement notifié que, sur le plan national, les conditions nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord sont remplies. La date prise en considération est celle de la réception de la dernière de ces notifications.

2.  Chacune des Parties contractantes peut dénoncer le présent accord à tout moment avec un préavis d'un an, qui est calculé à partir de la date de la réception de la notification de la dénonciation par l'autre Partie contractante.

3.  Les dispositions du présent accord nécessaires à la poursuite des accords particuliers déjà agréés demeurent applicables jusqu'à l'expiration ou la dénonciation de ces accords.

Article 13
Arrangement administratif de 1997

L'article 18 de l'Arrangement administratif sur la coopération entre les missions diplomatiques au Cap-Vert en date du 3 juillet 1997 est abrogé.

Fait à Paris, le 12 octobre 2006, en deux exemplaires originaux, chacun en langues française et allemande, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement de la République française :
Philippe  Douste-Blazy, Ministre des affaires étrangères


Pour le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne :
Frank-Walter  Steinmeier, Ministre fédéral des affaires étrangères


* 1 Cf. annexe 2 au présent rapport.

* 2 Ainsi, aux termes des 1 et 2 de l'article 4, « les dispositions nécessaires sont prises pour qu'il apparaisse clairement que les locaux abritent deux missions diplomatiques ou postes consulaires distincts. Parallèlement, l'existence d'une coopération franco-allemande particulière est dûment mise en évidence à l'extérieur » et « les drapeaux et emblèmes de souveraineté de chaque Etat sont placés à l'extérieur des locaux dans le respect du principe d'égalité souveraine des Etats. Les deux missions ou postes utilisent un drapeau européen commun ».

* 3 Par exemple, selon l'article 6, les différentes dépenses agréées en commun sont réparties selon une clef de répartition calculée en divisant la surface de chaque zone exclusive par la somme des surfaces des zones exclusives.

* 4 La participation financière de la France s'élève à 75 000 euros par an, ce qui paraît raisonnable au regard du réel rayonnement de l'IPW sur la scène culturelle luxembourgeoise.

* 5 Cette « masse critique » est d'environ 15 000 dossiers à traiter par an.

* 6 Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er décembre 2009.

* 7 Ce poste est actuellement occupé par la Britannique Catherine Ashton.

* 8 Rapport général n° 91 (2007-2008), Tome III, annexe 1.

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