2. Réaffirmer l'efficacité de la voie pénale existant dans le droit en vigueur

Sans aucunement minimiser la portée de la nouvelle ordonnance de protection des victimes, il convient de rappeler aux victimes que le droit pénal en vigueur permet d'aboutir à des solutions plus énergiques, ce qui nécessite le dépôt d'une plainte par la victime. En particulier, la délégation souligne l'efficacité de la voie pénale pour les violences graves qui accompagnent certaines séparations : elle permet un constat objectif des violences et le juge pénal dispose de pouvoirs étendus.

3. Veiller à la lisibilité, tant pour le justiciable que les praticiens du droit, et à la cohérence des nouveaux outils de protection des victimes de violence conjugales pour venir en aide à celles qui en ont le plus besoin

Plus encore que dans d'autres domaines, le législateur doit s'efforcer de construire un droit des violences conjugales susceptible de fournir des outils simples et efficaces au justiciable, aux magistrats et aux interlocuteurs des victimes : la complexité dissuade les plus fragiles de sortir du silence, alimente les contentieux parfois abusifs et ralentit le cours de la Justice.

À cet égard, on rappellera que le texte transmis par l'Assemblée nationale au Sénat comporte 35 articles et modifie 9 codes : le code pénal, le code de procédure pénale, le code civil, le code de l'organisation judiciaire, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le code de l'action sociale et des familles, le code de la construction et de l'habitation, le code de l'éducation et le code du travail. Il manifeste ainsi la volonté très positive de traiter les violences conjugales selon une approche générale. Par souci de réalisme, votre rapporteure relève cependant les risques induits par sa complexité.

4. Prendre conscience de la possibilité de réduire le décalage entre deux logiques : l'une est juridique, et présuppose le libre arbitre de certaines victimes de violences tandis que l'autre, tend à démontrer que, psychologiquement, ces dernières subissent un processus de conditionnement

Votre rapporteure, au cours des auditions qu'elle a pu conduire, s'est efforcée d'analyser les manifestations concrètes de ces deux logiques, dont la divergence est fréquemment relevée par les associations de femmes, et de rechercher les solutions de nature à les faire converger dans le sens d'une meilleure détection des symptômes de violences et d'une protection mieux adaptée des victimes.

Mme Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychothérapeute a bien voulu transmettre à la délégation sénatoriale une contribution écrite particulièrement éclairante sur l'« iceberg » des violences conjugales, et qui s'efforce d'évaluer les conséquences de la mise en oeuvre de la réforme législative en discussion. La délégation qui recommande de diffuser des outils de compréhension des violences conjugales afin de mieux les prévenir a décidé, avec l'accord de Mme Marie-France Hirigoyen, de l'annexer au présent rapport.

En pratique, l'hypothèse la plus difficile à traiter est celle d'une victime de violences conjugales qui participe à des démarches de réconciliation avec son conjoint violent. Lors de son audition par la mission d'évaluation de l'Assemblée nationale, Mme Martine Lebrun, présidente de l'association nationale des juges d'application des peines (ANJAP) signale, pour illustrer les difficultés que rencontrent les magistrats, que les femmes retirent dans un certain nombre de cas la plainte qu'elles ont déposé parce qu'une réconciliation a eu lieu, et « il arrive même que des couples se présentent devant le tribunal correctionnel la main dans la main, la femme expliquant que la situation s'est améliorée, que son compagnon a promis de ne plus la battre et qu'elle éprouve encore des sentiments pour lui. Hier encore, j'ai reçu une lettre d'une femme me demandant que son compagnon, sur le point de sortir de prison, soit autorisé à revenir à la maison. ».

Votre rapporteure a interrogé plus précisément M. Ludovic Fossey, secrétaire général de l'association, sur ce point. Dans sa réponse, il a montré comment un magistrat, lorsqu'une femme se prononce ponctuellement en faveur de la réconciliation en présence de son conjoint violent, pouvait par exemple demander à la victime de confirmer par écrit sa démarche ou de la formuler dans un lieu neutre, illustrant ainsi l'opportunité de « faire confiance au juge » dans la mise au point des normes législatives.

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