II. LES AMBIGUÏTÉS DES COMPENSATIONS DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

A partir des règles énoncées par l'article 72-2 de la Constitution en matière de compensations budgétaires, vos rapporteurs ont souhaité analyser le respect de ces principes par l'État.

Les différentes auditions organisées par vos rapporteurs ont souligné le respect global, sous l'angle strictement juridique, des règles de compensation par l'État, même si ont été relevées les conséquences budgétaires des « transferts rampants » et de l'inflation normative des administrations d'État, qui ne permettent pas aux collectivités territoriales de bénéficier d'un concours budgétaire compensatoire. Par ailleurs, la « décentralisation sociale » illustre les ambiguïtés du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, sur l'accompagnement budgétaire de l'État en matière de création ou d'extension de compétences.

A. DES PRINCIPES GLOBALEMENT RESPECTÉS SOUS LA RÉSERVE DE L'INFLATION NORMATIVE DE L'ÉTAT ET DES « TRANSFERTS RAMPANTS »

Le respect par l'État de ses obligations constitutionnelles en matière de compensations financières des transferts de compétences ne doit pas masquer les difficultés liées à l'activité normative de l'État et aux « transferts rampants », qui entraînent une hausse des charges des collectivités territoriales sans leur donner droit à une quelconque compensation de l'État.

1. Le respect par l'État de ses obligations constitutionnelles en matière de transferts ou d'extensions/créations de compétences

Vos rapporteurs considèrent que l'activité de la CCEC a permis la garantie de l'application des obligations constitutionnelles qui s'imposent à l'État.

Cependant, pour les compétences juridiquement transférées, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, force est de constater que le respect de la garantie constitutionnelle par l'État ne joue qu'au moment du transfert : ce dernier ne garantit que le montant des dépenses qu'il y affectait à cette date.

Par ailleurs, la compensation versée par l'État au moment d'un transfert de compétences est en valeur nominale et non en valeur réelle ; ainsi, il n'est pas tenu compte de l'évolution de l'inflation.

En outre, la majorité des transferts de compétences a été financée sous la forme de fractions de fiscalité nationale, telle que la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), conformément aux obligations constitutionnelles en matière d'autonomie financière, rappelées précédemment. Or, l'assiette nationale de cette taxe est restée atone, voire a diminué, baissant d'autant le produit perçu par les collectivités territoriales, comme le montre le graphique suivant, tandis que les compétences transférées, notamment en matière sociale, ont été très dynamiques ces dernières années (augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI par exemple).

Enfin, au-delà du respect de la garantie constitutionnelle des charges constatées et validées par la CCEC, de nombreux coûts induits par les transferts n'ont pas été pris en compte : il s'agit, par exemple, des coûts des fonctions supports des administrations centrales ou des emplois aidés de l'Éducation nationale. En matière de transferts de personnels, l'État les a compensés en prenant comme référence le coût d'un agent en pied de corps, c'est-à-dire en début de carrière, et non en médian de corps, comme le revendiquaient les collectivités territoriales et comme pratiqué précédemment.

Cependant, dans son rapport d'activité 2005-2009, la CCEC rappelle que le Gouvernement a accepté, ponctuellement , de déroger à certaines règles constitutionnelles lorsqu'elles étaient plus favorables aux collectivités territoriales .

Il en est ainsi, par exemple, s'agissant de la règle de la moyenne triennale posée par l'article 119 de la loi précitée du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales 18 ( * ) . Ainsi, le Gouvernement a accepté de retenir les dépenses de l'État au cours de la dernière année précédant le transfert pour le calcul du droit à compensation. Il en a été ainsi pour le calcul de la compensation du transfert du fonds de solidarité pour le logement (FSL) (81,8 millions d'euros contre 76,1 millions d'euros, soit + 5,6 millions d'euros), des formations sanitaires (535,9 millions d'euros contre 428,2 millions d'euros, soit + 107,6 millions d'euros) ou des bourses sociales (20,9 millions d'euros contre 18,032 millions d'euros, soit + 2,8 millions d'euros).

Au total, la CCEC a évalué à 157,727 millions d'euros l'effort total du Gouvernement par rapport au droit à compensation théorique qui aurait résulté de la stricte application des dispositions constitutionnelles et de l'article 119 précité de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.


* 18 4 e alinéa du I de l'article 119 de la loi du 13 août 2004 : « Le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences ».

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