III. DES PISTES DE RÉFLEXION POUR UNE COMPENSATION JUSTE DES CRÉATIONS/EXTENSIONS DE COMPÉTENCES

A. LES FAUSSES BONNES IDÉES

1. L'octroi aux départements d'un pouvoir de modulation du bénéfice des prestations sociales

Vos rapporteurs écartent la proposition, formulée par certains élus, de conférer aux départements un pouvoir de modulation des prestations, donnant ainsi la possibilité aux conseils généraux de fixer le montant des allocations et leurs règles d'attribution.

Selon vos rapporteurs, il n'est pas acceptable que le montant d'une prestation individuelle de solidarité soit différent selon le territoire dans lequel on vit. En effet, les départements les plus fragiles économiquement ou dont la courbe démographique est la plus défavorable ne pourront verser des allocations au même niveau que les départements bénéficiant d'une situation budgétaire plus favorable. Par conséquent, les inégalités budgétaires et financières entre départements se reflèteront en inégalités entre bénéficiaires de prestations sociales.

Par ailleurs, l'APA, le RSA et la PCH étant des allocations universelles, au même titre que la sécurité sociale, les allocations familiales et la retraite, comme le rappelle M. Michel Dinet, avec des règles définies par le législateur au niveau national, conférer aux départements un pouvoir de modulation conduirait à un affaiblissement du pacte républicain et, in fine , au renforcement des inégalités socio-économiques entre territoires.

Enfin, vos rapporteurs considèrent qu'il ne revient pas au budget départemental de financer des prestations nationales. Il est par ailleurs nécessaire de conserver une organisation nationale de solidarité avec un mode de financement établi entre l'État et les conseils généraux, comme l'a rappelé M. Yves Daudigny lors de la réunion de la Délégation du 22 juin 2010.

2. La mise en place d'un mécanisme de péréquation

La création d'un dispositif de péréquation consisterait, soit à réduire les différences de ressources entre collectivités territoriales, soit à compenser les différences de charges.

Mais un tel système se heurte à trois difficultés .

Tout d'abord, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 ne permet pas actuellement la mise en place d'une politique de péréquation dans le domaine des transferts ou des créations/extensions de compétences.

Les transferts de compétences étant, en principe, compensés à l'euro près, chaque département reçoit de l'État une compensation égale au niveau de dépenses que ce dernier y consacrait. Par conséquent, ils ne nécessitent pas, par définition, de mécanismes de péréquation.

Les créations/extensions de compétences font l'objet d'une participation budgétaire de l'État qui nécessite toutefois un financement de la part des collectivités territoriales. Ainsi, la péréquation ne peut avoir pour objectif de compenser intégralement les créations/extensions de compétences.

Ensuite, se pose la question de la cohérence de la péréquation dans le domaine de la décentralisation sociale.

S'agissant de l'APA par exemple, de nombreuses études de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) montrent que les personnes retraitées, susceptibles de prétendre au bénéfice de cette allocation, se concentrent dans certains départements, compte tenu de leur attractivité (héliotropisme). Ainsi, les charges d'APA de ces derniers sont plus élevées mais ils bénéficient par ailleurs de ressources fiscales plus élevées (en matière d'impôts économiques ou du fait d'une part plus importante de la population assujettie aux impositions locales). Au contraire, les départements ruraux ne disposent pas des ressources nécessaires pour financer leurs dépenses d'APA.

La péréquation se heurte surtout à la volonté de préserver les acquis antérieurs, notamment en période de ralentissement économique. En effet, comme l'ont constaté nos collègues, MM. Jacques Mézard et Rémy Pointereau 66 ( * ) , « la portée des réformes visant à [...] concentrer les effets redistributeurs sur les collectivités territoriales les plus défavorisées, est souvent affaiblie par la nécessité de préserver un large consensus . »

En période de crise économique, les collectivités territoriales qui bénéficient d'un surplus de recettes acceptent difficilement de subir un écrêtement au profit d'autres collectivités, dont la situation budgétaire est plus fragile.

Vos rapporteurs précisent que cette proposition ne concerne pas la mise en place d'un dispositif de péréquation au niveau des DMTO, par ailleurs prévu par la loi de finances pour 2010 67 ( * ) .


* 66 Rapport d'information n° 309, Vers une dotation globale de péréquation ? A la recherche d'une solidarité territoriale, MM. Jacques Mézard et Rémy Pointereau, 2009-2010, fait au nom de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

* 67 Article 78, point 4.5., de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

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