Audition de Bruno GAUDEAU, président,
Jean-Pierre BELON, vice-président, du groupe Pasteur mutualité
et Guy LEBRUN, président de la mutuelle nationale des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes
des établissements de santé publics et privés
(mercredi 28 avril 2010)

Enfin, la mission d'information a entendu Bruno Gaudeau, président, Jean-Pierre Belon, vice-président, du groupe Pasteur mutualité et Guy Lebrun, président de la mutuelle nationale des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des établissements de santé publics et privés (MNHPP).

Bruno Gaudeau, président du groupe Pasteur mutualité, a indiqué que ce groupe a été créé en 1858 et qu'il s'adresse aux soignants. C'est la valeur fondatrice de l'entraide qui a amené le groupe à s'intéresser à la vulnérabilité des soignants en organisant un colloque sur ce sujet en octobre 2008. En effet, on constate depuis quelques années un malaise croissant au sein des professions de santé, lié au surmenage et accentué par la réticence à aller consulter un confrère pour se faire aider. Un chiffre paraît particulièrement significatif : parmi les causes de décès des médecins entre trente et soixante ans, les suicides représentent 14 % des cas contre 6 % pour la population générale. Une part importante du problème découle de l'augmentation des charges administratives au sein des services hospitaliers sans qu'il y ait de compensation en personnel. Les soignants ne sont plus auprès des malades, par manque de temps, et se trouvent confrontés à une accumulation, parfois jusqu'à l'absurde, de protocoles. Certains soins, particulièrement ceux pour les personnes âgées, sont aussi de plus en plus dévalorisés, ce qui est inquiétant compte tenu de l'évolution démographique de la population.

Un autre problème est celui de la violence : le centre d'appel créé en 2005 a enregistré huit cents témoignages l'année de sa création, mais près de trois mille cinq cents en 2007. Si cette augmentation s'explique pour partie par la montée en puissance du dispositif, elle témoigne aussi de la réalité de la situation à laquelle les soignants sont confrontés.

Guy Lebrun, président de la MNHPP, a insisté sur la perte de temps liée aux tâches administratives et sur ses conséquences dans les départements où les médecins sont peu nombreux. L'obligation de codifier les actes est une charge très importante à laquelle doivent être préparés les futurs médecins.

Jean-Pierre Belon, vice-président du groupe Pasteur mutualité, a présenté les préconisations issues du colloque de 2008. En matière de prévention, il est important de mieux informer les futurs professionnels au cours de leurs études. La France pourrait s'inspirer de l'exemple canadien pour éviter le « burn out » en prévenant les étudiants du danger lié aux fonctions qu'ils sont appelés à exercer.

Pour les professionnels en exercice, il n'a pas été possible d'obtenir de l'assurance maladie que l'épuisement professionnel soit retenu comme thème dans le cadre de la formation professionnelle continue. Le groupe Pasteur mutualité mène actuellement un travail destiné à déterminer les conditions d'acceptabilité d'une consultation par les soignants. En effet, se faire aider suppose d'admettre sa souffrance et sa vulnérabilité, ce qui est particulièrement difficile pour les soignants. Le groupe Pasteur mutualité a mis en place avec l'ordre des médecins, la fédération hospitalière de France, la fédération de l'hospitalisation privée et la caisse autonome de retraite des médecins de France, une association pour la promotion des soins aux soignants. En effet, l'automédication pose de véritables difficultés puisque 95 % des médecins se sont désignés eux-mêmes comme leur médecin traitant. Il faut aussi traiter les conduites addictives et, sur le modèle de la Catalogne, une structure d'addictologie dédiée aux soignants est en train d'être mise en place. La prévention du suicide est également une priorité. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas plus de suicides chez les libéraux que chez les hospitaliers. L'étude santé et satisfaction des médecins au travail (Sesmat) de 2007-2008 a montré que 13,5 % des médecins et pharmaciens hospitaliers sont en état de souffrance professionnelle et que 50 % d'entre eux sont en danger. 14 % des médecins ont indiqué leur intention d'abandonner la profession, ce qui serait une grande perte pour notre pays.

Bruno Gaudeau, Pasteur mutualité, a insisté sur les conséquences de l'autoprescription de psychotropes. En effet, les médecins qui consomment eux-mêmes des psychotropes ont tendance à en prescrire trop à leurs patients.

Jean-Pierre Godefroy, président, a souhaité savoir si certaines spécialités sont plus concernées que d'autres par la souffrance au travail.

Bruno Gaudeau, Pasteur mutualité, a considéré que les psychiatres, pédiatres et urgentistes sont particulièrement touchés et, plus récemment, les médecins du travail soumis à la pression des employeurs et des salariés. Le stress des pédiatres découle de la pression des familles.

On pourrait réfléchir sur le modèle d'expériences étrangères à l'idée de réformer la gestion des carrières pour limiter l'exposition au stress.

Jean-Pierre Godefroy, président, a souhaité savoir quand la consultation d'addictologie précédemment évoquée serait mise en place.

Bruno Gaudeau, Pasteur mutualité, a indiqué que cette consultation devrait être opérationnelle d'ici la fin de l'année. Des problèmes spécifiques se posent toutefois, comme la garantie de la confidentialité des consultations pour les soignants. Le conseil de l'ordre est dans une position délicate pour, tout à la fois, réguler l'exercice de la profession médicale et préconiser le recours aux soins.

A Jean-Pierre Godefroy, président, qui demandait s'il est légitime qu'un médecin puisse se choisir lui-même comme médecin traitant, Jean Pierre Belon, Pasteur mutualité, a répondu qu'il serait préférable d'exclure cette possibilité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page