2. Une prévision très insuffisante des risques à terre

Si le profil général de la tempête et ses conséquences en mer ont été bien anticipés, tel n'est pas le cas de ses implications sur le continent. Le SHOM et Météo France l'indiquent clairement dans un document tirant l'expérience de la tempête Xynthia : « il est à noter que la modélisation fournit une prévision de surcote au large, hors zones d'influence directe des aménagements côtiers ou de la géométrie du trait de côte et des fonds littoraux. La prévision des vagues est également réalisée hors zone d'influence directe de la bande côtière, celle-ci pouvant notamment générer des phénomènes de déferlement important. La prévision ne permet donc pas de reproduire le comportement des vagues et des surcotes à la rencontre des aménagements côtiers . Elle permet bien de prévoir l'aléa au large, dans ses grandes lignes, et de signaler les phénomènes potentiellement dangereux à grande échelle, mais ne constitue pas une prévision directe de l'aléa local, ni, a fortiori des conséquences à attendre en termes de submersion des zones littorales , qui sont liées aux vulnérabilités spécifiques locales ».

Les deux AFTV précités anticipent de façon très générale, de fortes vagues « pouvant submerger certaines parties du littoral », sans que leur localisation ni la hauteur de la submersion ne soient précisées. Même constat dans les bulletins de vigilance nord des 27 février à 16 h 00 et 28 février à 8 h 00, qui prévoient la possibilité de « submersions des zones maritimes inondables ».

La formulation des bulletins de vigilance nationale, sud-ouest et ouest du 27 février à 16 h 00 illustre ce manque de connaissance quant à l'impact de la tempête sur les côtes les plus exposées. Comme votre rapporteur le montrera ultérieurement 9 ( * ) , ni les conséquences de la tempête en termes de montée des eaux, ni l'adaptation des comportements qu'elle aurait dû induire, ne sont décrits avec précision.

Météo-France reconnaît qu'ont été diffusés en temps utile « des prévisions des vagues et des surcotes exceptionnelles créées par Xynthia, et des messages d'avertissement identifiant le risque de submersion et d'inondation associé, en zone d'estuaire, à la concomitance avec la pleine mer de vives eaux, sans pouvoir apprécier les caractéristiques locales de l'aléa , liées à la bathymétrie locale qui régit, avec le vent, les conditions de propagation des masses d'eau, et à la configuration détaillée du littoral, ni, a fortiori, les conséquences possibles , liées aux vulnérabilités locales spécifiques ».

Dès lors, le pré-positionnement des secours n'a pu être réalisé de façon aussi fine que s'il avait pu s'appuyer sur une anticipation précise des risques à terre. M. Alain Perret, préfet, directeur de la sécurité civile au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a déclaré devant la mission : « Nous avons retenu un spectre large, car les modélisations n'étaient pas encore assez stabilisées pour permettre de déterminer l'impact sur le littoral. (...) Sur la problématique de la submersion, nous n'avions jusqu'à présent que des surcotes, rien de plus ».

Cette carence n'est pas à imputer à une quelconque insuffisance des services météorologiques. Elle tient aux limites techniques de la prévision liée aux submersions marines . Ainsi qu'il a été indiqué à votre mission lors de l'audition de responsables du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'état des recherches permet de modéliser avec une grande précision l'ensemble du phénomène, à l'exception de la phase de déferlement, dont l'effet dépend de facteurs qui ne sont pas toujours connus, comme la réaction de la roche sédimentaire. Si cet organisme peut réaliser des simulations très détaillées, approchant la réalité, sur les niveaux d'eau en fonction de certaines données, il est dans l'incapacité de jouer un rôle dans la prévision des effets d'un phénomène naturel sur le point de survenir.

Le BRGM mène actuellement des travaux de prévision des niveaux d'eau au rivage à l'échelle régionale et si possible locale grâce à une connaissance topographique fine et à la modélisation des phénomènes de submersion. Météo France (à travers le dispositif « vague-submersion ») et l'IFREMER développent en coopération leurs propres modèles. Aucun n'est pour le moment suffisamment abouti pour anticiper de façon suffisamment rapide et précise l'impact réel de tels évènements sur le littoral et en induire les comportements de prudence à adopter 10 ( * ) .


* 9 Voir infra.

* 10 Voir infra.

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