III. L'ABSENCE PÉNALISANTE DE CONSCIENCE DU RISQUE

A. UNE CULTURE DU RISQUE QUASI-INEXISTANTE

1. Une sensibilisation insuffisante de la population

Sans culture du risque, il n'y aura ni anticipation ni gestion des inondations. Pourtant, cet aspect de la politique de prévention des risques est très loin d'être satisfaisant , surtout si l'on compare notre pays à d'autres Etats membres de l'Union européenne.

De nombreux intervenants l'ont souligné. M. Jean-Bernard Auby, professeur des universités à Sciences Po, a rappelé que dans un pays comme la Grande-Bretagne , la cartographie des risques d'inondation est mise à disposition du public et induit une définition collective du niveau de risque acceptable , ainsi qu'une responsabilité individuelle des acquéreurs de biens. La France en reste à une « misérable culture du secret » qui pousse le citoyen à compter sur la protection de la puissance publique pour se prémunir contre les risques.

M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a pour sa part estimé que l'insuffisance de la culture du risque avait été pénalisante dans la phase d'alerte . M. Nicolas Camphuis, directeur du Centre européen de prévention des risques d'inondation (CEPRI), a déploré un manque certain de culture de l'évacuation . M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et loi du littoral, s'est dit surpris par le manque de connaissances juridiques des élus comme des agents de l'Etat.

S'agissant du volet « indemnisation », M. Laurent Montador, directeur de la Caisse centrale de réassurance (CCR), a souligné l' insuffisance de l'information donnée aux particuliers , celle-ci provenant soit des assureurs possédant des systèmes de géolocalisation de leurs polices, soit d'actes notariés. M. Bernard Spitz, président de la président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), a jugé que des formations adaptées auprès des populations devraient permettre d'être mieux préparé à vivre dans un monde où les risques seront de plus en plus présents et, surtout, de plus en plus importants.

2. Des explications dont on ne peut se satisfaire

Certes, ces lacunes trouvent des éléments d'explication . Ainsi, l' occurrence rarissime d'évènements comme la tempête Xynthia , dont la probabilité de survenance au cours d'une vie humaine est faible, empêche leur acculturation dans la mémoire collective. M. Stéphane Raison, directeur de l'aménagement et de l'environnement de Dunkerque port, ancien chef du service maritime et des risques de la direction départementale de l'équipement de la Vendée, a fait remarquer que « les submersions marines comparables à celle qui était intervenue lors de la tempête Xynthia avaient une récurrence très faible et que, de ce fait, elles n'étaient que rarement perçues comme un problème urgent par les élus locaux ». Il a ainsi pointé une « défaillance de la mémoire du risque, qui peut parfois mener à un véritable déni » et fait « obstacle au développement d'une véritable culture du risque en France métropolitaine ».

De plus, la technicité de règlementations comme le droit des sols rend leur assimilation peu aisée par le corps social, tandis que leur aspect contraignant les rend peu populaires .

M. Daniel Canepa, préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, président de l'association du corps préfectoral, a estimé que « les maires, qui sont les premiers responsables mais sont soumis aux pressions de leurs électeurs, rechignent à adopter une culture du risque ». Il a expliqué que les règles d'urbanisme, qui limitent le droit de propriété, mènent à la constitution d'associations et au déclenchement de contentieux lors de l'élaboration des PPRI, ce qui les prévenait d'en prendre l'initiative ou d'y donner suite. Il a également jugé que « les individus ont trop tendance à croire que l'Etat finira toujours par intervenir, quoiqu'il arrive, et à ne pas tenir compte personnellement des risques. Il est vrai que l'Etat, étant ce qu'il est, ne peut demander aux gens d'assumer seuls les risques qu'ils prennent et il intervient à chaque fois. (...) à chaque crise l'on crée une commission et l'on renforce les règles existantes, ce qui abaisse encore le niveau de vigilance ».

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