c) Favoriser la « désimbrication » des compétences et clarifier la répartition des rôles entre l'État et les collectivités territoriales

Lors de son pré-rapport, votre mission avait fait le constat d'une double imbrication des compétences dans le processus de délivrance des autorisations d'urbanisme.

Imbrication entre l'élaboration des documents d'urbanisme et la délivrance des autorisations prises sur ce fondement : les communes sont à la fois compétentes pour élaborer le PLU ou le POS par le biais de leur organe délibérant et pour délivrer les permis de construire par le biais de leur exécutif. Votre mission avait souligné les difficultés inhérentes à cette situation et fait état des débats ayant eu lieu après la tempête Xynthia, où certains observateurs ont estimé que la pression qui s'exerce, au niveau local, sur les maires, pouvait les empêcher de prendre des décisions justes et impartiales.

Votre mission avait réfléchi à une modification de la répartition des compétences entre les différents niveaux d'administration locale, notamment en confiant aux intercommunalités la mission d'élaborer les documents de planification de l'urbanisme. Ce document serait conçu en concertation avec les communes-membres de l'EPCI (les conseils municipaux disposant d'un pouvoir de blocage, dans des conditions de majorité qui restent à déterminer), et les maires continueraient, en tout état de cause, à délivrer les autorisations d'urbanisme. Cette élaboration intercommunale de la planification urbaine est déjà en vigueur dans certaines communautés de communes ou en milieu urbain.

La mission avait toutefois considéré que ce transfert de compétences devait se faire sur la base du volontariat ; elle constate, d'ailleurs, que cet impératif a été pris en compte par la loi « Grenelle II » qui, si elle incite fortement à la mise en place d'une planification urbanistique intégrée à l'échelle intercommunale, ne remet pas en cause le principe selon lequel la commune est compétente pour élaborer et approuver les PLU et les documents en tenant lieu.

Votre mission avait également été frappée par le « double rôle » des préfectures de département , chargées non seulement de contrôler la légalité des autorisations d'urbanisme délivrées par les communes, mais aussi, dans 80 % des cas, d'instruire les demandes pour ces mêmes autorisations. En d'autres termes, dans 80 % des cas, l'État est amené à se contrôler lui-même . Bien que les services qui effectuent ces deux missions soient nettement séparés -si bien que l'agent qui instruit n'est pas celui qui contrôle-, cette situation s'assimile à un « conflit d'intérêts » permanent qui, dans certains cas, porte atteinte à l'exercice régulier du contrôle de légalité 42 ( * ) .

Selon M. Daniel Canepa, cette « confusion des genres » ne pose plus, en pratique, de problèmes majeurs depuis que les DDE n'exercent plus de missions d'ingénierie publique auprès des pouvoirs locaux -c'est-à-dire depuis que les services préfectoraux ne sont plus rémunérés par les collectivités- : l'instruction serait dès lors un complément au contrôle de légalité , plutôt qu'une concurrence pour ce dernier.

Dans le même temps, votre mission est consciente que, dans la plupart des cas, les petites communes ne disposent pas des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission d'instruction des demandes de permis de construire et qu'il convient donc de leur donner la possibilité d'un appui technique.

Dans un esprit inspiré par la décentralisation, elle a dès lors tenté de dégager des solutions pragmatiques .

Votre mission a constaté que les services de l'État n'étaient pas les seuls services que le maire pouvait solliciter. En effet, quelle que soit la taille de la commune, le maire peut librement faire appel aux services énumérés à l'article R. 423-15 du code de l'urbanisme pour l'assister dans l'instruction des demandes de permis de construire : il peut donc recourir non seulement aux services de sa commune et aux services préfectoraux , mais aussi à ceux d'une autre collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités (et donc des EPCI) ou à une agence départementale . Cette solution est d'ailleurs mise en oeuvre par plusieurs municipalités.

Votre mission a donc considéré qu'il était nécessaire, plutôt que de priver les petites communes d'un soutien qui leur est indispensable, de les inciter à faire appel aux intercommunalités et/ou à d'autres catégories de collectivités territoriales, chaque fois qu'elles le jugeront nécessaire, pour les aider dans l'instruction des demandes de permis de construire qui leur sont adressées.

Cette solution permettrait à la fois de recentrer l'État sur ses missions propres (et donc de décharger les services des préfectures de département, déjà fragilisés par la RGPP) et de donner sa pleine mesure à la décentralisation de l'urbanisme.

Elle a également estimé que le rôle des services préfectoraux devait, à l'avenir, être mieux encadré, et qu'il devait être clair pour les élus locaux comme pour les représentants de l'État que l'intervention de la DDTM n'exonère pas le maire de sa responsabilité. Elle a donc jugé nécessaire que le préfet puisse refuser de mettre ses services à disposition du maire dès lors qu'il constate que les avis rendus par ses derniers sont systématiquement ignorés, et que des permis de construire sont fréquemment délivrés en contradiction avec les conclusions du service instructeur.

Proposition n° 38 de la mission :

Permettre au préfet de décider le retrait de l'État de l'instruction des demandes d'autorisation de construire lorsqu'il est constaté que, de façon systématique, une commune ne suit pas les avis du service instructeur de l'État.


* 42 À cet égard, une question parlementaire soulignait, dès 1995, que cette double mission des préfectures pouvait mener les préfets à être réticents à déférer au tribunal administratif une décision que leurs services avaient instruite (Assemblée nationale, n° 17207, Xe législature).

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